À propos des années de plomb en Italie, le président de la Commission parlementaire italienne sur le terrorisme a déclaré que le pays avait connu dans les années 70 « une guerre civile non officiellement reconnue », « une guerre civile, bien que de basse intensité ». Les guerilleros italiens ne se battaient pas contre une dictature, mais affrontaient une République et un Parlement démocratiquement élu. Pourtant, cette république italienne, issue de la guerre antifasciste, n’a rien eu de plus pressé que d’amnistier les prisonniers fascistes pour les recycler dans les services de l’État et, de nos jours encore, la première page du code pénal s’orne de la signature du Duce. La Démocratie chrétienne s’est maintenue au pouvoir pendant 40 ans en agitant la menace du coup d’État.
Les organisations combattantes d’extrême gauche ont perdu militairement et politiquement, mais l’État n’a gagné que militairement et a été balayé par l’ouragan « mains propres » déclenché par les juges. En ne gagnant que militairement, l’État n’a pas l’autorité morale pour dépasser le conflit. L’État est toujours jugé illégitime et aujourd’hui, on parle de « régime Berlusconi ». Ce terme « régime » ne fait pas bon ménage ave la démocratie et s’associe vite au terme « résistance ».
L’affaire Battisti a commencé sur la question du respect de la parole donnée par la France, mais elle a abouti à un procès populaire des protagonistes italiens des années 70 qui ont démontré que la haine est encore vivante. Dans ce conflit, les mots sont piégés puisque le « repentir » a été confisqué par la loi sur les collaborateurs de justice, encourageant la délation, et « dissocié » désigne la loi sur « l’abjuration », un terme emprunté à l’inquisition. L’État italien a piégé les termes d’apaisement. Il devrait pourtant reconnaître que cette guerre est finie.

Source
Le Monde (France)

« La guerre italo-italienne est finie », par Enrico Porsia, Le Monde, 18 mars 2004.