Bernard-Henri Lévy décrit dans l’International Herald Tribune le suicide de l’une des collaboratrices d’un journal qu’il a contribué à fonder à Kaboul. Son témoignage corrobore l’information selon laquelle des centaines de femmes désespérées se seraient suicidées depuis la chute des Talibans. L’essayiste impute ce drame à l’islamisme et en conclut que les Occidentaux doivent le combattre plus fermement. Cependant le terme générique d’« islamisme » ouvre la porte à bien des amalgames et masque une réalité : les États-Unis n’ont pas combattu l’oppression talibane, ils se sont emparés d’un pays sous couvert de vengeance. Ils ont bombardé l’Afghanistan, mais n’ont pas livré de bataille au sol. Ils ont soutenu des seigneurs de la guerre qui ont renversé pour eux les Talibans. La paix a considérablement amélioré la situation des populations, mais elle leur a aussi fait perdre tout espoir de changement social.

Le chroniqueur militaire du Los Angeles Times, William M. Arkin, livre une analyse à la fois compréhensive et paternaliste des événements en Irak. Il remarque que les Irakiens étaient à juste titre attachés à certains aspects du régime de Saddam Hussein, notamment ses réalisations sociales, son système scolaire et de santé. De leur point de vue, la chute du tyran a aussi eu bien des conséquences négatives. Arkin affirme également que les Irakiens, habitués à la violence du régime, ne comprennent que le langage de la force. C’est pourquoi les occupants doivent leur parler doucement, mais toujours avec un gros bâton pour se faire respecter.
Chris Toensing du MERIP dénonce dans le même quotidien la vision nombriliste états-unienne du conflit irakien. Nul ne perçoit outre-Atlantique ce que vivent les Irakiens : la dissolution de l’armée et la déba’asification ont provoqué un chômage massif, les destructions de la guerre ont désorganisé l’économie, le pays pourtant riche en pétrole est néanmoins souvent privé d’électricité, et la loi transitoire menace l’unité du pays. Alors que l’on parle à Washington de passer le pouvoir au Conseil de gouvernement transitoire, à Bagdad on désigne par dérision cette instance comme le « Conseil des gouvernés ».
Le journaliste Matt Bivens va plus loin encore dans le Moscow Times. Pour lui, les États-uniens ignorent tout de ce que vivent les Irakiens et ne souhaitent pas le savoir. CNN a même reproché à Al-Jazeera de dénombrer les morts autochtones et de qualifier les combattants de « résistants » au lieu de les rendre responsables des pertes civiles.

Jean-Marie Guéhenno se félicite dans l’International Herald Tribune de l’efficacité des forces de maintien de la paix des Nations Unies, dont il a la responsabilité. Malgré les attentats du 11 septembre et les actions militaires des États-Unis, le nombre de victimes des guerres est en diminution. Toutefois les 50 000 hommes de l’ONU sont trop peu nombreux et trop dispersés. Il faut en faire un usage plus efficace encore en délimitant clairement leurs missions.
Le professeur Frederick W. Kagan ne pense pas que ce rôle incombe à l’ONU, mais que les Etats-Unis doivent être les gendarmes du monde. Il déplore donc dans le Washington Post la réduction du format de leurs armées. La démobilisation massive après l’effondrement de l’Union soviétique correspondait à une analyse des menaces du moment. Mais il s’avère, aujourd’hui, que Washington a besoin de troupes nombreuses pour mener des opérations militaires d’envergure et occuper des États comme l’Irak. On sait que, pour satisfaire le lobby militaire, John Kerry a promis de recruter 40 000 hommes dès son arrivée à la Maison-Blanche, il reste à George W. Bush d’en faire autant.

Le négociateur économique des États-Unis, Robert E. Zoellick, stigmatise dans le Washington Post l’attitude des syndicats états-uniens qui critiquent les accords de libre-échange par crainte du dumping social. Leur opposition est si systématique qu’ils viennent de s’en prendre à un accord avec l’Australie. En fait, si l’on prenait en compte leurs revendications, il faudrait renoncer à tout accord de libre-échange et donc au libre-échange lui-même. A contrario, les excès de l’auteur montrent qu’il ne conduit pas la politique commerciale de Washington dans l’intérêt du peuple états-unien, mais uniquement d’une partie de sa classe possédante. Du coup, le libre-échange est élevé au rang de valeur religieuse, que l’on approuve ou rejette, mais qui ne peut être discutée dans ses applications.

Enfin, Andrew Reding du World Policy Institute s’inquiète dans l’International Herald Tribune de la présence de tortionnaires dans l’entourage du nouveau Premier ministre haïtien, Gérard Latortue. Ce gouvernement n’a-t-il pas été mis en place pour mettre fin à la violence et est-il vraiment meilleur que celui d’Aristide ? La reconstitution d’une armée qui n’a jamais défendu la population et a au contraire toujours servi à l’opprimer n’est pas un signe encourageant.