La diffusion de tribunes libres dans les grands quotidiens internationaux par des cabinets de communication suscite parfois des discordances : ainsi Henry Kissinger analyse la politique étrangère des États-Unis en maniant la langue de bois en usage à Washington dans une tribune publiée en Argentine par Clarin. L’ancien secrétaire d’État rappelle, selon le catéchisme en vigueur dans son pays, que les États-Unis n’agissent que pour promouvoir les Droits de l’homme. Mais ses lecteurs argentins pensent au soutien qu’il accorda à la junte du général Videla. Quoi qu’il en soit, cette entrée en matière n’est pas le propos central d’Henry Kissinger, elle illustre seulement le fossé qui sépare le discours états-unien de la réalité. En l’occurrence, il souligne que la démocratie ne se construit pas en un jour, et qu’il convient d’abord de restaurer l’État en Irak avant d’envisager sa démocratisation. La conclusion, on le voit, se rapproche, elle, de la réalité.
José-Maria Aznar vitupère, quant à lui, contre le gouvernement Zapatero qui vient d’annoncer le retrait anticipé des troupes espagnoles engagées en Irak. Dans ABC, il déplore, dans des termes empruntés à la Guerre froide, un coup porté au « monde libre ». Il fonde son opinion sur un postulat plus que sur une démonstration : les terroristes seraient les mêmes à Bagdad et à Madrid, en se retirant de la première capitale, on se prépare à perdre la seconde.

Le sociologue Amitai Etzioni s’inquiète des conséquences morales désastreuses de la commission d’enquête sur le 11 septembre. Même si celle-ci a renoncé à établir les faits, en ce qui concerne les attentats eux-mêmes, elle s’est lancée dans un examen des systèmes de renseignement et de la vigilance des autorités. Ce faisant, elle a ouvert une boîte de Pandore et porte gravement atteinte à la confiance que les citoyens placent dans leurs institution. Ce processus n’est pas sans rappeler celui des commissions Church et Rockfeller, à la fin des années 70, qui enquêtèrent sur les crimes de la CIA. Etzioni demande donc dans le Los Angeles Times qu’on en finisse au plus vite et que la commission s’attache plutôt à cerner les futures menaces, notamment les armes nucléaires.
Avec un bel unanimisme, Robert S. McNamara et Helen Caldicott dénoncent dans le même quotidien la seule vraie terreur : pas celle des attentats terroristes, mais celle de la bombe atomique. La Russie et les États-Unis maintiennent chacun plus de 7000 têtes nucléaires pointées contre l’autre. C’est d’abord ce danger qu’il faut traiter.

Shlomo Avineri se délecte du rejet du plan de paix Annan pour Chypre. Il relève dans le Jerusalem Post que l’ONU et l’Union européenne ont tenté d’imposer une réunification de l’île avalisant de facto l’occupation du nord par l’armée turque et privant les Chypriotes grecs de justes compensations pour leurs expropriations. En outre, l’Union envisage l’adhésion de la Turquie, malgré cette occupation militaire. Pourtant, l’ONU et l’Union européenne reprochent à Israël d’occuper les territoires palestiniens et exigent une indemnisation des Palestiniens expropriés.
L’ancien maire-adjoint de Jérusalem, Meron Benvenisti, ne mâche pas ses mots dans le Guardian. Selon lui, le plan Sharon de « retrait » unilatéral vise à morceler les territoires palestiniens sur le mode des bantoustans de feu l’apartheid sud-africain. Combiné avec la « barrière », il permettra de scinder la Cisjordanie en trois micro-États distincts. Malheureusement, la gauche israélienne, cramponnée à ses vieux slogans, est incapable de réagir à un plan qui a été présenté en détournant ses revendications.
Par ailleurs, Susan Braden et Michael Wyganowski défendent dans le Washington Times la politique moyen-orientale de la Fondation nationale pour la démocratie (NED/CIA) : soutenir financièrement les groupes « démocratiques » ou « libéraux ». En proposant d’appliquer à cette région les recettes qui firent leurs preuves en Europe centrale et orientale, George W. Bush présentera un plan complet pour le « grand Moyen-Orient » au prochain sommet du G8, en juin. Il ne semble pas que les deux auteurs anticipent la réaction de Vladimir V. Poutine à cette aimable comparaison.

Barbara Amiel dénonce le projet de Constitution européenne dans le Daily Telegraph. Opposée à la création d’un État supranational, elle tente de le discréditer en l’assimilant à un pouvoir bureaucratique de type stalinien. Bien qu’elle reste pour l’essentiel dans le registre de l’opinion et non de la démonstration, elle saisit au passage un argument pertinent pour montrer le caractère anti-démocratique de l’Union : les référendums à répétition qui furent infligés aux mauvais électeurs au Danemark et en Irlande. Mais ce point est antérieur au projet de Constitution et ne lui est pas lié.

Enfin, les ministres de la coopération de quatre pays scandinaves et le directeur exécutif du programme anti-sida de l’ONU sensibilisent les lecteurs de l’International Herald Tribune à propos des risques de contamination des femmes africaines par le VIH. Leur exposition au danger est la conséquence de situations sociales sur lesquelles il faut agir. Ici la prévention, ce n’est pas seulement l’information, c’est d’abord l’émancipation des femmes.