Les périodes de guerre peuvent avoir des conséquences désastreuses pour l’économie car elles font payer un lourd tribut au secteur privé et entraînent souvent un développement de l’État hors de ses limites. La première année de la guerre au terrorisme a provoqué une augmentation des dépenses de l’État à un niveau jamais atteint depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le contrôle de l’économie par le gouvernement a lui aussi progressé de façon importante, notamment dans le secteur énergétique après l’affaire Enron, et le Congrès a mis un frein à la dérégulation dans le secteur des télécommunications. Le nouveau système Medicare va sûrement entraîner un accroissement du contrôle des prix pharmaceutiques. En outre, les États-Unis ont cessé de mener la lutte pour la libéralisation des échanges commerciaux et on entend à nouveau des discours protectionnistes. Ces évènements ont entraîné une forte critique du président George W. Bush par ses partisans conservateurs.
Pourtant, George Bush est un conservateur et un homme convaincu du bien-fondé de la libéralisation des échanges, tout comme ceux qui ont voté les budgets au Congrès. Les changements ne viennent pas d’un revirement idéologique, mais des nécessités de l’après 11 septembre. Les dépenses intérieures et les lois de régulation sont souvent issues des pressions de différents groupes d’intérêts et dégager l’intérêt national dans toutes ces demandes particulières nécessite une direction ferme, c’est ce qui a été nécessaire pour mener à bien les réformes fiscales de 2001 et 2003. Malheureusement, engagé dans la guerre d’Irak, puis dans la reconstruction, le président a dû négocier avec le Congrès au prix de certaines législations inopportunes.
Nous devons nous souvenir que, durant la Guerre froide, c’est l’antiétatisme qui nous a permis de gagner. Quand Johnson, puis Nixon ont accru excessivement la place de l’État et la régulation économique, le communisme progressait. Alors que nous nous enfoncions dans le marasme économique et moral, sous Reagan, la dérégulation économique nous a fait retrouver la croissance et gagner la Guerre froide. Juste après le 11 septembre, il était nécessaire d’accroître la place de l’État pour des questions de sécurité, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il est vrai que nous sommes dans une guerre de civilisations, pas de systèmes économiques et que les organisations terroristes savent bien utiliser les outils économiques, le marché et les libertés économiques pour mieux s’attaquer à la liberté. Toutefois nous nous battons pour nos valeurs et pour développer la liberté dans le monde, c’est l’engagement d’une génération comme l’a dit Condoleezza Rice et pour financer cet engagement, nous avons besoin d’une croissance économique forte. Cela nécessite la diminution de la place de l’État.

Source
Wall Street Journal (États-Unis)

« Guns, Butter and Terror », par Christopher DeMuth, Wall Street Journal, 2 mai 2004.