Quand je me suis rendu à Bagdad au début du mois de janvier en tant que conseiller de l’Autorité provisoire de la Coalition, je croyais que la démocratie pourrait être graduellement construite dans le pays en dépit de grands obstacles. J’avais été opposé à la guerre, mais je pensais que les États-Unis ne devaient pas permettre à l’Irak de sombrer dans le chaos. Je suis revenu d’Irak trois mois plus tard très désappointé car les erreurs des États-Unis n’ont pas permis de répondre aux attentes des Irakiens.
Nous souffrons dans le pays d’un manque de sécurité et de légitimité. Nous aurions dû retenir des précédents efforts internationaux visant à établir la démocratie après un conflit violent qu’il faut prioritairement rétablir la sécurité. Avant de construire une démocratie, il faut construire un État disposant du monopole de la violence légitime. Si le pays n’est pas sécurisé, toute autre réforme ou effort de reconstruction est inutile. Nous devons donc vaincre les ba’asistes, les islamistes et les jihadistes. D’après la Rand Corporation, Rumsfeld n’a envoyé en Irak que la moitié des troupes nécessaires. Quand je suis arrivé, l’insécurité était palpable et les chauffeurs et interprètes irakiens expliquaient comment leurs collègues étaient morts. Les soldats états-uniens expliquent qu’ils ne peuvent pas garantir la sécurité des Irakiens en dehors de la zone verte. Aujourd’hui, les Irakiens n’ont pas la sécurité, mais des milices qui défendent des partis, des seigneurs de guerre ou des chefs religieux.
L’Autorité provisoire de la Coalition a aussi un problème de légitimité après avoir repoussé les élections, fait se succéder les différents plans de transferts du pouvoir en s’appuyant exagérément sur les exilés. Lorsque j’étais en Irak, l’Autorité provisoire a écarté l’ayatollah Sistani et adopté une constitution intérimaire donnant un droit de veto aux minorités et ne représentant pas les attentes de la population. Le nouveau gouvernement transitoire est mieux composé et peut -peut-être- obtenir le soutien des Irakiens, mais le problème de sécurité demeure. Il faut une stratégie plus perspicace.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« An Eyewitness to the Iraq Botch », par Larry Diamond, Los Angeles Times, 10 juin 2004.