Je pense que la priorité des Américains après le 11 septembre est de ses sentir en sécurité. Ces attentats ont été un traumatisme car c’est la première fois que les océans ne jouaient plus leur rôle de protection. Ce n’est pas un hasard si les attentats ont sonné le glas de l’isolationnisme traditionnel de la droite américaine, une tendance que de trop nombreux intellectuels européens interprètent comme de l’impérialisme. J’en veux pour preuve de cette erreur le succès en France et en Europe du film propagandiste de Michael Moore qui abonde pourtant en contre et demi-vérités. La Commission d’enquête sur le 11 septembre a pourtant bien montré que, contrairement à ce que suggère le cinéaste, aucun vol aérien n’est parti à destination de l’Arabie saoudite après les attaques du 11 septembre. Il est également erroné d’affirmer que la famille Bush ait amassé une fortune considérable avec les Saoudiens. Il est enfin mensonger d’interpréter la guerre en Irak comme une expédition lucrative pour s’emparer d’un pétrole à bon marché car il y a beaucoup plus de pétrole au Canada ou au Venezuela qu’en Irak et les compagnies pétrolières américaines n’ont toujours pas à ce jour « débarqué » en Irak pour y chercher du pétrole.
Les néo-conservateurs sont attachés à la conception occidentale de la liberté et nous défendons les Droits de l’homme, partout où ils sont mis en péril. Dans les pays arabes, cet engagement pour les droits de l’homme a pris le sens spécifique d’une lutte contre les tyrannies, une lutte qui ne s’inscrit pas dans une optique de « choc des civilisations ». Le projet néo-conservateur vise justement à empêcher cette confrontation. Les think tank néo-conservateurs ont d’ailleurs reçu énormément de soutiens d’intellectuels arabes avant la Guerre d’Irak car notre objectif est de parvenir à créer une véritable perestroïka dans le monde arabe. Contrairement à ce qu’on entend, nous ne sommes pas seuls dans ce combat et nous avons été soutenus par de nombreux pays, dont la Grande-Bretagne, le Japon, l’Australie, la Pologne, l’Italie, l’Espagne... et la France ! La Guerre d’Irak a été une guerre pour la liberté et elle a été trop peu soutenue en Europe toutefois. Je pense cependant que la crise euro-atlantique couvait depuis la présidence de Bill Clinton, à une époque où Hubert Védrine qualifiait les États-Unis d’hyperpuissance. Malheureusement, l’équipe Bush n’a pas réussi à élaborer une pédagogie de son action diplomatique et notre vision morale des relations internationales s’est retrouvée assez isolée au sein des démocraties occidentales.
L’élection présidentielle de 2004 sera aussi serré que l’était celle de 2000 mais, quel que soit le résultat, les principes énoncés par le président des États-Unis pour une réforme démocratique du Moyen-Orient resteront valables en Irak jusqu’à l’installation assurée à Bagdad d’un régime plus représentatif. La vision de Bush n’est pas périmée, loin de là et ce d’autant plus que les États-Unis doivent continuer de surveiller Téhéran. La politique des États-Unis dans ce domaine ne changera pas, même en cas de victoire de John Kerry car John Edwards a accusé la Syrie et l’Iran d’être des obstacles à la démocratisation de l’Irak. La « kerrymania » en Europe est un phénomène lié à une erreur de lecture fondamentale. Les Européens, et notamment les Français, rêvent de ce qu’ils appellent « l’autre Amérique ». George Bush, avec sa clarté morale et son opposition à la tyrannie, est dans la ligne d’un Roosevelt ou d’un Reagan. Il y a très peu de rapports entre l’Amérique du 6 juin 1944 et celle, déformée, d’un Michaël Moore. L’Amérique de Michaël Moore existe, mais elle concerne avant tout cette frange minoritaire d’Américains qui minimise les menaces internationales. L’Amérique citadine, éduquée et souvent de gauche n’est pas moins mobilisée contre le risque terroriste que l’Amérique rurale. En frappant le cœur intellectuel de l’élite américaine « libérale » - New York -, Ben Laden a fait une erreur stratégique incalculable car il a rallié la gauche américaine à la coalition
La résurgence d’un antisémitisme en Europe est peut-être le phénomène le plus choquant de ces dernières années. Cette vague s’accompagne également d’anti-américanisme dans des manifestations dans lesquels l’extrême gauche fait de plus en plus cause commune avec les islamistes. Je réfute le mythe pernicieux et tenace qui consiste à dire que le gouvernement israélien aurait une influence démesurée sur l’Administration américaine. Si Israël avait tant d’influence, il aurait fait campagne pour un changement de régime en Iran et non en Irak. La rumeur qui veut que Paul Wolfowitz soit membre du Likoud est injustifiée. Wolfowitz souhaite un islam moderne et a été ambassadeur en Indonésie, un pays musulman. Quant à Richard Perle, dans son dernier livre, il a proposé que les États-Unis promeuvent la création d’un État palestinien « avec une partie de Jérusalem pour capitale ». Donc, la prétendue cabale Likoud-néoconservateurs est un mythe.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Nous défendons les droits de l’homme », par Kenneth Weinstein, Le Figaro, 31 août 2004.