Je n’ai jamais eu le sentiment qu’il existait une « fracture transatlantique ». Les États-Unis, tout au long de la crise irakienne, ont continué à entretenir d’excellentes relations avec beaucoup de pays européens. En fait, ils ont emmené avec eux la majorité des nations européennes et des membres de l’OTAN. Il existe en revanche des différences très marquées avec la France et l’Allemagne à l’égard de l’Irak et des organisations internationales. En effet, la France a pu chercher à les utiliser pour constituer un front du refus face aux positions et aux analyses des États-Unis, une attitude contre-productive pour Paris. Nous voulons aujourd’hui que les organisations internationales aident à la formation de bataillons irakiens qui pourront combattre aux côtés des Marines états-uniens. En cas de victoire de Bush, nous allons d’ailleurs assister, d’ici aux élections de janvier en Irak, à une offensive majeure dans ce pays.
Concernant l’Iran, la situation est de plus en plus inquiétante et j’ai du mal à croire que le projet des Européens de mettre en place des mesures incitatives pour convaincre Téhéran d’abandonner son projet va aboutir, mais une option militaire n’est pas envisageable car les sites iraniens sont trop dispersés. Pour détourner Téhéran de son programme nucléaire, il faut une menace forte de sanctions, des sanctions qui ne devront pas ressembler au programme « Pétrole contre nourriture » en Irak, trop facilement déjoué. Il faut également aider la jeunesse iranienne à changer le régime dans son pays.
S’il est réélu, Bush ne fera pas demi-tour, il continuera sa politique. La retraite probable de Richard Armitage et Colin Powell après les élections pourrait donner une couleur plus néo-conservatrice à la nouvelle administration Bush, mais il est douteux qu’un néo-conservateur succède à Donald Rumsfeld au Pentagone. Quoi qu’il en soit, les décisions ultimes resteront aux mains de Bush. Le Parti républicain est traversé par des tensions entre « néo-conservateurs », « réalistes » et « paléo-conservateurs », mais c’est également le cas à gauche. Il est réconfortant de voir que John Kerry et John Edwards ont tenté de doubler le président sur sa droite. En cas de défaite de Bush, les lignes idéologiques ont tellement bougé depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001 que John Kerry reprendrait à son compte la ligne du président sortant en matière de défense et de sécurité De ce point de vue, là encore, le virage à droite serait un legs de George W. Bush à son successeur.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Bush ne fera pas demi-tour », par Ken Weinstein, Le Figaro, 20 octobre 2004. Ce texte est adapté d’une interview.