La question de la sincérité de l’élection présidentielle états-unienne refait surface. En 2000, elle avait été notoirement truquée dans de nombreux États et particulièrement en Floride. En définitive, la Cour suprême avait nommé George W. Bush en refusant de prendre en compte le vote des électeurs de Floride qui ne fut comptabilisé que beaucoup plus tard, montrant qu’Al Gore avait gagné en nombre de voix et de grands électeurs. Seuls les parlementaires du Black Caucus s’en étaient émus. Les anciens présidents James Carter et Gerald Ford avaient été chargés d’émettre des propositions, mais malgré leur rapport et le vote d’une loi ad hoc, les choses n’ont pas été améliorées. Elles ont empiré.
Curieusement, la campagne fait rage depuis un an, comme si l’équipe Bush, arrivée frauduleusement à la Maison-Blanche, pouvait être renvoyée démocratiquement. Un mois avant le scrutin, la presse nationale états-unienne avec une touchante naïveté s’enquiert de ce que le pays n’est plus une démocratie.
Dans le Washington Post, Jimmy Carter rappelle à ses concitoyens que les États-Unis donnent des leçons de démocratie à l’humanité entière et en sont la risée. Dans le Los Angeles Times, Ann Louise Bardach souligne que, dans la tradition raciste qui est la sienne, la Floride du gouverneur Jeb Bush s’applique à écarter les noirs des urnes.

Le romancier et diplomate mexicain Carlos Fuentes explique aux lecteurs du Los Angeles Times que les Latino-américains n’ont aucune animosité à l’encontre des États-uniens, malgré les souvenirs de l’impérialisme passé et les déséquilibres du présent. Le problème est ailleurs. Les Latino-américains sont effrayés par la politique étrangère de l’administration Bush parce qu’en rejetant explicitement les principes de l’ONU, elle prive les États faibles de tout espoir. Il plaide donc pour un retour au multilatéralisme.
Cependant, une analyse sincère montre que ce n’est pas non plus là le problème. L’alternative unilatéralisme/multilatéralisme renvoie au débat électoral Bush/Kerry et à deux formes d’exercice du même projet impérial. Le multilatéralisme, que réclament aussi les élites européennes, peut devenir un moyen pour certains groupes sociaux étrangers de s’associer à la domination états-unienne. Non, la question comme l’évoque Fuentes sans aller au bout de sa logique, c’est l’alternative entre le droit du plus fort et le droit tout court.

Le Jerusalem Post répercute dans ses colonnes le débat sur un éventuel référendum en Israël pour approuver ou infirmer le plan Sharon de retrait unilatéral de Gaza. Ammon Rubinstein du parti laïque Shinoui se prononce pour ce type de consultation, tandis que le travailliste Shlomo Avineri, proche de Washington, s’y oppose. En tout état de cause le chemin vers un référendum serait d’autant plus long que cette procédure n’existe pas, aujourd’hui, dans le droit israélien. Il faudrait donc avant tout que la Knesset l’institue. Mais la procédure référendaire bouleverserait la politique israélienne.
En premier lieu, elle créerait un déséquilibre institutionnel en rendant le gouvernement directement responsable de sa politique devant le peuple et en affaiblissant le Parlement avec les dangers que cela comporte dans un pays en guerre perpétuelle. Deuxièmement, elle mettrait en évidence le gouffre séparant les états-majors des partis politiques -tous puissants à la Knesset- des électeurs et ferait apparaître le caractère purement formel de la prétendue démocratie israélienne. De tout cela, il s’ensuivra une crise politique, un moment de vérité, que certains peuvent souhaiter, mais que nul ne peut contrôler.
De son côté l’amiral Ami Ayalon, ancien patron des services secrets militaires, sans entrer dans le débat constitutionnel, s’inquiète de la légitimité du plan Sharon. Celui-ci ne peut réussir s’il ne rassemble pas la population israélienne en offrant des perspectives à toutes ses composantes. Or, observe l’auteur dans le Daily Star, la manifestation des colons à Jérusalem laisse craindre une guerre civile.

L’oppression israélienne des Palestiniens pose un grave problème aux juifs français dont beaucoup sont tiraillés entre la solidarité qu’ils éprouvent pour l’État juif et l’horreur que leur inspire sa politique. Le Monde donne la parole à quelques voix critiques. L’ambassadeur Stéphane Hessel se fait donneur de leçons pour implorer Tel-Aviv de s’engager dans une voix pacifique dont on comprend bien qu’elle permettrait à la fois de résoudre les problèmes de cette région et les états d’âme qu’ils suscitent chez l’auteur. Un millier de personnes rassemblées au sein du collectif « Une autre voix juive » affirment, quant à elles, leur obsession d’une paix juste et durable. Leur texte est beaucoup plus direct, mais provoque pourtant chez le lecteur une sensation de malaise. C’est qu’il s’adresse à plusieurs publics à la fois : les protagonistes au Proche-Orient auxquels il s’agit de faire entendre raison ; les concitoyens français dont on espère qu’ils ne rendent pas les juifs français responsables des crimes israéliens ; et une faction bruyante de la communauté juive française qui s’identifie à Israël.
En définitive, ces tribunes libres ne nous apprennent rien que nous ne sachions déjà sur ce sujet. Mais elles montrent que même des personnalités juives ayant une réflexion approfondie sur ces questions sont constamment obligées de se justifier pour en parler. Une gêne qui n’a rien à voir avec une communauté, mais avec un sujet, et que nous ressentons nous aussi lorsque nous écrivons sur la Palestine.