Les États-Unis sont dans l’impasse en Irak et les échecs de l’administration Bush posent la question des limites de la puissance américaine. Depuis la fin de la Guerre froide, l’image des États-Unis est celle d’une hyperpuissance impériale dans un monde unipolaire. En réalité, il s’agit d’un mythe qui nécessite un réexamen si on veut mieux comprendre la puissance mondiale dans une ère globalisée. Le « moment unipolaire » est une illusion, tout comme le concept d’« hyperpuissance », qui n’est pas beaucoup plus qu’une hyperbole française. Ces deux expressions ne devraient pas être employées sérieusement et il faut également utiliser avec précaution des expressions comme la « puissance indispensable » ou « les dirigeants du monde démocratique ».
Certes, les États-Unis ont une économie extrêmement forte et un budget militaire supérieur à la somme des 25 pays suivants, mais comme Zbigniew Brzezinski, l’a noté récemment « la prépondérance ne doit pas être confondue avec l’omnipotence » et la Guerre du Vietnam a montré que la supériorité militaire ne suffisait pas. L’Irak montre aujourd’hui que la supériorité militaire et économique ne sont pas suffisantes pour vaincre un ennemi. Aujourd’hui, l’armée états-unienne est sur-déployée et la puissance de son arsenal nucléaire doit être tempérée en regardant celle des autres puissances nucléaires. Même la petite Corée du Nord avec sa demi-douzaine d’armes nucléaires devient dure à attaquer.
Face au terrorisme, il est nécessaire de former des coalitions larges. La puissance militaire états-unienne est d’ailleurs menacée par des problèmes budgétaires liés au déficit imputable aux réductions d’impôts. Cela donne un grand poids aux créanciers étrangers et cela pourrait renforcer l’euro au détriment du dollar. Par conséquent, les États-Unis ont besoin du reste du monde et si nous ne sommes pas dans un monde multipolaire, nous ne sommes pas non plus dans un monde unipolaire. La domination des États-Unis sur le monde est celle d’un chef, d’un président de Conseil d’administration sur les autres membres, sans les autres, ils ne peuvent rien.

Source
International Herald Tribune (France)
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« The end of the unipolar myth », par Gautam Adhikari, International Herald Tribune, 29 septembre 2004.