Tendances et événements au Proche-Orient

Les détails de la cérémonie d’ouverture de la conférence d’Annapolis et les développements en Cisjordanie et à Gaza sont le reflet fidèle du paysage politique que l’administration Bush et le gouvernement israélien souhaitent consacrer sur le volet des négociations avec les Palestiniens. On peut d’ores et déjà noter les observations suivantes :
 1. Les discours de George Bush et d’Ehud Olmert, ainsi que le document élaboré à la dernière minute, prouvent que c’est le point de vue israélien qui prime dans tous les sujets de négociations avec les Palestiniens. Le fait nouveau est l’annonce officielle et publique du caractère juif de l’État d’Israël, ce qui enterre définitivement le droit au retour des réfugiés palestiniens et ouvre la voie au transfert des Arabes installés dans les territoires de 1948.
 2. Une nouvelle fois, l’Autorité palestinienne est soumise à de fortes pressions pour la pousser à participer directement et activement à la répression contre les mouvements de résistance conformément aux impératifs sécuritaires d’Israël. L’Autorité n’a reçu en contrepartie de cette collaboration aucun promesse ou engagement israéliens de se retirer des territoires occupés. Même les formes visant à sauvegarder la crédibilité et la légitimité de l’Autorité n’ont pas été respectées.
 3. De vastes mouvements populaires ont éclaté dans les territoires palestiniens contre la conférence d’Annapolis. La violente répression organisée par les services de Mahmoud Abbas donne une idée de ce qui attend les Palestiniens et de ce qu’attendent Israël et les USA de l’Autorité palestinienne. La crainte est de voir Israël utiliser les résultats de la conférence d’Annapolis pour lancer une vaste agression contre la Bande de Gaza se trouve ainsi justifiée.
Une page nouvelle est ouverte sur la scène palestinienne. Il y de fortes chances qu’elle soit sanglante, à moins que les relations inter-palestiniennes soient réorganisées sur des bases différentes.

Presse et agences internationales

• Au lendemain de la réunion d’Annapolis, et alors qu’Israéliens et Palestiniens s’apprêtent à entrer dans le vif des négociations à Washington, la secrétaire d’État table sur un accord de paix dans les 14 mois. La présence de plusieurs pays arabes à cette conférence conforte les espoirs des partisans de la paix mais déjà la Syrie a affirmé qu’il n’y aurait pas de normalisation des relations avec Israël sans un retour aux frontières de 1967. D’autres questions essentielles restent sans réponses. Jérusalem-Est, d’abord, que le futur État palestinien exige pour capitale, ce que l’État hébreu a refusé jusqu’ici. Les prisonniers palestiniens mais aussi les colonies israéliennes sont autant de points sensibles que les deux parties devront aborder pour relancer un processus de paix en panne depuis 7 ans. Quelques heures après l’ouverture des débats, le président Bush a estimé mardi que la conférence d’Annapolis sur le Proche-Orient était « réussie », notamment en raison de l’importante participation internationale. Alors que les dirigeants israéliens et palestiniens ont ouvert la conférence en annonçant qu’ils s’étaient mis d’accord pour reprendre immédiatement des négociations de paix, le chef de la Maison-Blanche a confié, dans un entretien à a presse, être inquiet des conséquences d’un éventuel échec du processus enclenché à Annapolis. Mais « cela vaut la peine d’essayer », a-t-il déclaré. « Je ne pense pas que cela soit un risque d’essayer de parvenir à la paix. Je pense que c’est une obligation », a-t-il ajouté, estimant que la conférence d’Annapolis était « le début de l’esquisse d’une vision » de deux États, israélien et palestinien, vivant côte-à-côte. Le chef de la Maison-Blanche a cependant précisé qu’il serait difficile de parvenir à un Etat palestinien si la division entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie persistait. « Il sera très difficile pour cet État palestinien de se matérialiser tant que des terroristes pourront exploiter un gouvernement faible et lancer des attaques contre leurs voisins », a-t-il expliqué, en référence au contrôle par le Hamas de la Bande de Gaza. Répondant aux critiques sur son engagement tardif dans le dossier du Proche-Orient, George Bush a également affirmé être « très engagé ». « J’ai été très engagé jusqu’à ici, a-t-il assuré. Un moment comme aujourd’hui n’arrive pas tout seul. Cela demande du travail pour en établir les bases". La conférence rassemblait une cinquantaine de pays et organisations, notamment 16 pays arabes participant pour la première fois à une réunion de paix au côté d’Israël. Dans son discours, M. Mahmoud Abbas a souligné qu’Annapolis représentait une opportunité pour faire la paix qui « ne se répètera pas ». Et Ehud Olmert a affirmé qu’Israël était prêt à un « compromis douloureux » pour la paix. Il a évoqué la possibilité d’un retrait israélien des territoires occupés depuis 1967, sans en préciser l’ampleur. Plusieurs sujets essentiels restent conflictuels : le statut de Jérusalem, le sort de plus de quatre millions de réfugiés palestiniens, des colonies juives dont les Palestiniens réclament le démantèlement, le partage des ressources en eau et la délimitation des frontières. Le ministre des Affaires étrangères saoudien, le prince Saoud Al-Fayçal, a apporté son soutien au processus d’Annapolis, tout en rappelant qu’une normalisation avec Israël passait au préalable par un retrait israélien des territoires occupés. De violentes manifestations ont éclaté, à Gaza et en Cisjordanie, la plus meurtrière faisant un mort et 35 blessés à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie.

AL-BAYAN (QUOTIDIEN EMIRATI)
De tout ce qu’a dit l’administration Bush au sujet de la conférence d’Annapolis, de ses résultats et de ses perspectives d’avenir, le plus pertinent est une petite phrase prononcée par le maître de la Maison-Blanche lorsqu’il accueillait le président de l’Autorité palestinienne. « Les États-Unis sont incapables d’imposer leur vision », a dit George Bush avant d’ajouter : « Mais nous sommes capables d’aider à faciliter les choses ». C’est comme si le président US déclarait que son pays possède effectivement une vision de la solution mais n’a pas les moyens de la mettre en œuvre. Cela signifie en clair que soit Washington n’intervient pas par pudeur, soir qu’il ne peut pas intervenir.
Pourtant, la secrétaire d’État, Condoleezza Rice, qui a préparé de bout en bout cette conférence, a assuré à plusieurs reprises qu’elle jouissait du soutien total du président Bush. Elle n’aurait pas déployé autant d’efforts si elle n’avait pas le feu vert de Bush qui veut à tout prix éviter un nouvel échec au Proche-Orient à la dernière année de son mandat. Certes, les choses ont peut-être changé et de nouvelles données sont sans doute apparues, faisant naître des convictions nouvelles et un changement des priorités. Mais cela devrait logiquement apparaître dans le discours de Washington et son approche de tous les dossiers du Proche-Orient.

AL KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
La décadence dans laquelle vit l’Irak est l’œuvre de l’occupation US et du chaos qu’elle a provoqué. L’objectif est de maintenir ce pays dans un handicap permanent, afin qu’il ne puisse pas se relever. L’ultime but étant d’imposer de nouvelles règles de jeu aux pays voisins. La déclaration de principes signée entre le président George Bush et le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, même si elle n’est pas contraignante, comme le prétend le texte, pave la voie à l’élaboration d’une feuille de route, américaine évidemment, visant à pérenniser l’occupation du pays, conformément aux impératifs de la stratégie US. Les généraux de l’occupation ne cessent de répéter que l’Irak n’aura pas les moyens de se relever tout seul, et qu’il aura besoin de quelqu’un pour lui tenir la main. Sans aucun doute, ce sont les États-Unis qui vont se porter volontaires pour lui prendre la main. Soit directement, soit à travers un traité, Washington veut maintenir son hégémonie indéfiniment sur le pays des deux fleuves et continuer à contrôler ses richesses. L’Irak pourrait ainsi être utilisé comme tremplin pour cibler d’autres pays.

BIK (LE MESSAGE, QUOTIDIEN IRANIEN)
Le président français, le Premier ministre britannique et la chancelière allemande ont affirmé qu’ils envisageaient d’imposer des sanctions économiques contre l’Iran s’il ne suspendait pas son programme nucléaire. Des dirigeants européens ont récemment rencontré le président George Bush avec qui ils ont examiné les moyens d’accroître les pressions économiques contre Téhéran. Les États-Unis craignent de ne pas être en mesure, seuls, d’imposer des sanctions ou de mener une guerre contre l’Iran sans le soutien direct de l’Europe.
L’Iran possède de bonnes relations économiques et commerciales avec les pays européens. Le volume de ces échanges s’élève à 20 milliards de dollars par an. De même que les États européens sont parmi les meilleurs clients de l’Iran, plus particulièrement dans le domaine du pétrole. Téhéran s’apprêtait à exporter du gaz vers l’Europe, considéré comme une ombrelle grâce à laquelle il se protégeait des pressions américaines. Mais dernièrement, de nombreux responsables européens ont fait des déclarations montrant qu’ils s’étaient alignés sur la politique de Washington. Certaines sociétés et banques européennes ont également décidé de boycotter l’Iran, mais cette mesure reste limitée et sans effets significatifs.
Des analystes estiment que le boycott européen et américain ne sera pas efficace, même s’il est couvert pas le Conseil de sécurité, car la Russie et la Chine continuent de s’opposer à une telle mesure. De plus, les déclarations des dirigeants européens sur leurs dispositions à imposer des sanctions contre l’Iran sont intervenues alors que le ministre chinois des Affaires étrangères se trouvait à Téhéran, où il a réitéré le refus de son pays d’imposer de nouvelles mesures de rétorsion économiques contre la République islamique. Moscou aussi a réaffirmé qu’il se tenait aux côtés de l’Iran dans le dossier nucléaire.

INTIKHAB (QUOTIDIEN IRANIEN)
Les échanges d’accusations directes et indirectes se sont intensifiés ces derniers temps entre cheikh Ali Akbar Hachémi Rafsandjani et le président Mahmoud Ahmadinejad. Il est certain que ces accusations ne sont pas apparues du jour au lendemain. Elles couvent depuis la période des élections, lorsque les deux hommes se disputaient le siège de la présidence. À cette époque, Rafsandjani avait dénoncé le dépouillement des bulletins, accusant des forces influentes d’être intervenues en faveur d’Ahmadinejad. La deuxième phase de cette rivalité a vu le jour quand les modérés et les conservateurs se sont unis sous l’ombrelle de Rafsandjani pour adresser des critiques directes à la gestion économique du président et à la politique étrangère, notamment le dossier nucléaire. Rafsandjani avait mis en garde publiquement lors d’un prêche du vendredi contre les dangers qui pèsent sur le pays, estimant que les développements pourraient conduire à une confrontation militaire (avec les États-Unis) ou à accepter les sanctions économiques. Ahmadinejad et ses partisans avaient immédiatement répliqué en affirmant que le pays traverse certes un phase difficile mais que le danger n’est pas imminent. Ils ont estimé que les États-Unis étaient incapables de lancer une guerre contre l’Iran et que le Conseil de sécurité n’imposerait pas des sanctions supplémentaires. L’entourage du président avait indiqué que le refus de la Chine de participer à la réunion 5+1 et le rapport de Mohmmad El-Baradéi constituaient une grande victoire pour la diplomatie iranienne.
La confrontation entre les deux hommes ne risque pas de se terminer par l’éjection de l’un des deux protagonistes. Rafsandjani est bien implanté dans les différentes sphères du régime et il continue de tenir le bâton par le milieu. Aucun des courants politiques n’a pu l’écarter ou l’affaiblir. Tandis que de nombreux observateurs prévoyait son affaiblissement, il a réussi à arracher la présidence du Conseil des experts et à conserver celle du Conseil de détermination des intérêts du régime. De même qu’il continue à diriger de nombreuses instances économiques et politiques.

Audiovisuel international

ANB (APPARTIENT A L’HOMME D’AFFAIRES IRAKIEN NAZMI OJI)
Le principal journal du soir
 Ismail Haniye, chef du gouvernement palestinien limogé par Abbas
Toute concession présentée par la délégation palestinienne à Annapolis et violant nos constantes nationales n’engage en rien le peuple palestinien.
Ces concessions n’engagent en rien les générations futures et ne les empêcheront pas de poursuivre sur la voie de la libération.
La conférence d’Annapolis constitue une couverture pour l’intransigeance israélienne. Elle permet à Israël de gagner du temps pour achever la judéisation de Jérusalem et élargir les colonies.
Les Arabes ne doivent pas accepter d’être les témoins de cette conférence qui est un fiasco.

Tendances et événements au Liban

En l’absence de tout contact entre le 14-mars et l’opposition, il est fort probable que la séance de l’élection présidentielle du 30 novembre sera reportée. N’empêche que dans les coulisses, on reparle de l’élection du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane pour une période de deux ans.
L’évolution de la situation ces dernières 24 heures permet de faire les observations suivantes :
 1. L’idée de l’élection du général Michel Sleimane comme candidat consensuel a d’abord été évoquée par des milieux du 14-mars. Un groupe de députés et de personnalités politiques a remis cette option sur le tapis et a entrepris une série de contacts loin des projecteurs. Une source diplomatique européenne citée par Le Journal du Dimanche avait déjà annoncé que le général Sleimane pourrait être élu à la présidence dans le cadre d’un compromis entre le 14-mars et l’opposition.
 2. Les consultations menées par le chef chrétien de l’opposition ont vu la participation d’un grand nombre de responsables, de notables et de personnalités chrétiennes, consacrant le leadership chrétien du général Michel Aoun. Celui-ci s’est fixé comme objectif de récupérer le rôle et la place des chrétiens dans le système politique libanais après leur marginalisation par les Syriens pendant 15 ans et leur exclusion définitive par le 14-mars.
 3. Face au défilé de Rabié, les loyalistes ont organisé des visites de responsables et de personnalités au siège du Patriarcat maronite pour tenter de court-circuiter la démarche de Michel Aoun. Les visiteurs de Bkerké ont concentré leurs attaques contre le général Aoun.
 4. Une nouvelle série de contacts et démarches va être lancée par des acteurs régionaux et internationaux pour tenter de trouver une issue à la crise ou, du moins, empêcher la détérioration de la situation.
 5. Les affrontements inter-sunnites entre partisans de l’opposition et du 14-mars à Tripoli, (deux morts et 8 blessés mardi) fait planer le spectre d’un effondrement sécuritaire, surtout que les partis du pouvoir ont distribué d’énormes quantités d’armes à leurs miliciens dans toutes les régions libanaises. L’armée contrôle la situation, mais jusqu’à quand ?

Presse libanaise

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Bush lance les négociations pour l’État palestinien et refuse les ingérences dans les affaires libanaises.

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Le président George Bush et le Premier ministre israélien Ehud Olmert ont reçu à Annapolis le plus large soutien… arabe.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.