I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 1644 (2005) du Conseil de sécurité, en date du 15 décembre 2005, dans laquelle le Conseil a prié la Commission d’enquête internationale indépendante (la Commission) de lui rendre compte tous les trois mois de l’évolution de l’enquête, y compris la coopération reçue des autorités syriennes. Il rend compte des progrès accomplis par la Commission dans l’exécution du mandat que le Conseil lui a confié dans ses résolutions 1595 (2005), 1636 (2005), 1644 (2005) et 1686 (2006), depuis la parution du précédent rapport le 10 juin 2006 (S/2006/375).

2. La Commission a poursuivi son enquête sur les conditions de la mort de l’ex-Premier Ministre libanais Rafic Hariri et de 22 autres personnes (l’enquête sur l’affaire Hariri) et a renforcé son concours technique aux autorités libanaises dans leurs enquêtes sur d’autres attentats perpétrés au Liban depuis le 1er octobre 2004. Si les travaux de la Commission ont été affectés par la situation instable en matière de sécurité qui régnait au Liban au cours de la période considérée et par la nécessité d’évacuer provisoirement le personnel de la Commission à Chypre, des progrès n’en ont pas moins été accomplis dans tous les principaux domaines d’enquête. La Commission continue de collaborer étroitement avec les autorités libanaises sur toutes les questions se rapportant à son mandat et apprécie le ferme appui qu’elles n’ont cessé de lui apporter, compte tenu en particulier de la situation difficile qui régnait au Liban au cours de la période considérée.

3. Dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Hariri, 20 principaux projets d’enquête et d’analyse classés par thème, subdivisés en sous-projets, sont en cours. Ils comprennent notamment les enquêtes sur le lieu du crime et sur les véhicules et l’itinéraire du convoi, les entretiens avec des témoins clefs et des sources sensibles, et l’enquête et l’analyse portant sur les télécommunications, les structures organisationnelles et les corrélations. Chaque projet est mené par une équipe multidisciplinaire dotée des compétences appropriées.

4. Si, dans son rapport précédent, la Commission a axé son attention sur les résultats d’analyse scientifique du lieu du crime et de l’explosion qui avait coûté la vie à M. Hariri et à 22 autres personnes, elle s’est surtout penchée, au cours de la période considérée, sur l’enquête concernant les personnes ayant participé aux différents niveaux de cette opération criminelle. Cette démarche a suscité d’autres activités d’analyse scientifique, telles que la cherche et l’analyse d’ADN ; l’examen et l’analyse de matériels électroniques et numériques et de matériels de communication ; la recherche et l’analyse comparée d’empreintes digitales, l’analyse de relevés de téléphone portable et l’examen scientifique de documents.

5. Conformément au mandat révisé que lui a confié le Conseil de sécurité dans la résolution 1686 (2006), la Commission a élargi le concours technique qu’elle apporte aux autorités libanaises, qui mènent leurs propres enquêtes sur d’autres attentats perpétrés au Liban depuis le 1er octobre 2004. Elle a, en particulier, axé son attention sur les trois principaux domaines suivants : enquêtes et analyses scientifiques, analyse des communications, et conduite d’entretiens. Une des principales composantes de ces activités était de recueillir des éléments de preuves concernant les corrélations horizontales entre plusieurs affaires, y compris des éléments communs avec l’affaire Hariri. Cette assistance accrue a fait progresser les enquêtes concernant les affaires en question, et la Commission s’est intéressée au premier chef à celles impliquant des attaques dirigées contre des personnes particulières.

6. Le concours des États continue d’être essentiel au succès des travaux de la Commission. Au cours de la période considérée, la Commission a envoyé à 11 États et entités 27 demandes d’assistance, outre celles adressées au Liban. De ce fait, elle a bénéficié d’une assistance élargie et détaillée d’un certain nombre d’États dans un vaste éventail de domaines d’enquête et d’analyse. La coopération de la République arabe syrienne (Syrie) avec la Commission demeure une composante importante des travaux en cours et est restée satisfaisante dans l’ensemble au cours des trois derniers mois, des réunions de travail ayant été organisées régulièrement avec de hauts fonctionnaires syriens pour gérer le calendrier des réponses, l’organisation des entretiens avec les témoins et la livraison d’informations. Le Gouvernement syrien a continué de donner à la Commission des assurances que toutes ses demandes seraient honorées sans retard et de façon satisfaisante.

7. Au cours de la période considérée, la Commission a continué d’élaborer ses procédures internes comme le voulait le paragraphe 6 de la résolution 1595 (2005) du Conseil de sécurité et a poursuivi la normalisation de son travail, en particulier dans l’optique de la création éventuelle d’un tribunal à caractère international.

8. Le Conseil de sécurité ayant, par la résolution 1686 (2006), prorogé son mandat jusqu’au 15 juin 2007, la Commission a progressivement accru ses capacités et ses ressources afin de répondre à ses importantes obligations en matière d’enquête et à ses obligations d’ordre juridique et analytique, tout en renforçant et en maintenant à un niveau approprié les structures de sécurité, les services linguistiques et administratifs, et les services de recrutement et d’appui logistique se rapportant à son mandat. Dans le cadre de ses activités d’administration, elle a préparé et présenté de nouvelles propositions budgétaires afin d’assurer la continuité en matière de planification et la réalisation des objectifs de gestion.

II. Progrès réalisés dans les enquêtes

9. Au cours de la période considérée, l’enquête de la Commission d’enquête internationale indépendante, dans l’affaire de l’assassinat de M. Hariri et de 22 autres victimes, avait trois objectifs principaux : poursuivre les travaux concernant les lieux du crime et les thèmes connexes ; étoffer ses connaissances et les preuves se rapportant aux liens entre les attentats ainsi qu’aux auteurs ; élaborer de nouveaux projets.

10. Pour ce qui est des 14 autres affaires, la Commission a commencé à mener des entretiens lorsque le Conseil de sécurité a élargi son mandat en juin, en se concentrant, tout d’abord, sur six de ces affaires, c’est-à-dire celles des attentats ciblés. Comme toujours, l’impératif demeure d’obtenir, dans les meilleurs délais, des résultats plausibles, ayant valeur probante.

11. Comme dans son rapport précédent, la Commission présente un « instantané » des travaux qu’elle mène actuellement sur les différents aspects de l’affaire, avec un maximum de détails, compte tenu de la nécessité de préserver la confidentialité et les pistes de l’enquête.

A. L’enquête Hariri

1. Lieux du crime et questions connexes

Exploitation scientifique des lieux du crime

12. Les dernières preuves médico-légales recueillies sur les lieux du crime en juin 2006 par la Commission, permettent d’établir certains résultats qui confirment encore la théorie actuelle concernant les lieux du crime et les questions connexes et qui ouvrent de nouvelles pistes d’enquête. La Commission travaille également à dresser un inventaire scientifique complet et à créer une base de données contenant tous les éléments de preuve entre les mains des autorités libanaises et de la Commission.

13. Au total, des restes humains constituant 56 pièces à conviction ont été trouvés en juin 2006, de même que quatre autres fragments qui n’ont pu être analysés à cause de leur état. Ces restes étaient dispersés sur une zone étendue, des éléments ayant été trouvés dans les six secteurs qui constituent les lieux du crime. L’analyse d’ADN réalisée sur ces restes a permis d’obtenir 27 profils d’ADN mitochondrial et 14 profils d’ADN nucléaire. Trois autres profils d’ADN, nouveaux et distincts, ont été dégagés des restes trouvés sur les lieux du crime : un à partir de taches de sang trouvées dans l’immeuble Byblos, un autre sur le toit de l’annexe de l’hôtel Saint-Georges et le troisième, qui revêt une importance particulière parce qu’il provient d’un échantillon recueilli sur le démarreur à clef trouvé dans les environs de ce que l’on appelle l’immeuble 367, près du Byblos, et qu’il peut avoir un lien avec les preuves connexes recueillies près du lieu de l’explosion. La Commission fait le nécessaire pour déterminer si ces nouveaux profils d’ADN peuvent être attribués à des blessés qui ont déjà été identifiés ou s’ils sont ceux de personnes non encore identifiées qui ont vraisemblablement été blessées dans l’explosion.

14. La dent trouvée sur les lieux du crime lors de l’enquête réalisée immédiatement après l’explosion en 2005 appartient à l’homme dont on a déjà retrouvé 27 fragments. Les examens odontologiques ont révélé qu’il s’agit d’une incisive centrale droite appartenant à un homme, peut-être dans la jeune vingtaine, vraisemblablement âgé de 25 ans au plus ; cette dent présente une marque distinctive sur la couronne, ce qui est rare chez les personnes d’origine libanaise. Une autre dent entière a été trouvée lors de l’enquête menée sur les lieux du crime en juin 2006, dans la même zone où les 27 restes du même homme ont été trouvés. On effectue d’autres expertises médico-légales pour tenter de déterminer, si possible, l’origine géographique de la victime à partir de l’examen de la dent. De plus, on a trouvé dans la même zone cinq autres éléments de restes humains dont l’ADN correspond à celui des 27 autres fragments du corps du même homme ; on a également trouvé dans la même zone plusieurs fragments osseux provenant d’un crâne. Bien qu’ils aient été trop brûlés pour permettre de dégager un profil d’ADN, la Commission estime que ces restes proviennent du même homme – vraisemblablement l’homme qui a fait exploser la bombe – plutôt que d’une autre personne non encore identifiée.

15. Une analyse de la trajectoire de pièces à conviction physiques et biologiques est en cours d’achèvement. À cette fin, on met la dernière main à une reconstitution en trois dimensions des lieux du crime, au-dessus du sol et sous terre, qui sera reliée à la base de données sur l’inventaire des preuves recueillies. Il s’agit de déterminer l’emplacement relatif du véhicule transportant la bombe – c’est-à-dire la camionnette Mitsubishi –, le lieu de l’explosion, et la position de l’homme jugé le plus susceptible d’avoir fait sauter l’engin explosif artisanal. Dans deux autres séries distinctes d’expériences indépendantes, menées pour mieux comprendre les propriétés de l’explosion et ses caractéristiques connexes, la formation du cratère, la boule de feu, les trajectoires des différents fragments primaires et secondaires à grande vitesse et leur collision avec des véhicules et des immeubles, avaient des caractéristiques très semblables à celles de l’explosion qui a effectivement eu lieu le 14 février 2005.

16. La documentation et les données techniques que le fabricant de camions et d’autocars Mitsubishi-Fuso a fait parvenir récemment à la Commission permettront d’identifier les pièces de véhicule et les fragments métalliques recueillis sur les lieux du crime, qui proviendraient de la camionnette légère Mitsubishi. De même, il devrait être possible, avec le concours d’un expert externe, d’identifier de manière concluante les pièces de véhicules trouvées sur les lieux du crime, d’apparier les pièces à des dessins techniques et à des composantes complètes et intactes provenant d’un véhicule non endommagé de la même marque, du même modèle, de la même année et de la même série de production.

17. Des pièces qui pourraient revêtir une importance capitale – telles que la pièce de métal qui aurait pu être le toit d’une voiture et qui a été récupérée à une cinquantaine de mètres du sol sur le bras d’une grue assujettie sur un immeuble sur les lieux du crime (l’immeuble Byblos), le mécanisme de démarrage à clef recueilli près de l’immeuble vulnérable (le 367) et l’engrenage d’un véhicule trouvé enfoui dans le sol à l’intérieur du cratère, 40 centimètres de profondeur – seront examinées et soumises à l’analyse susmentionnée, ce qui permettra de les identifier et de juger de leur pertinence pour l’enquête. On tentera aussi d’identifier d’autres pièces – notamment celles qui ont été recueillies à l’intérieur du cratère –, où l’on a trouvé 48 pièces et composantes métalliques ou non métalliques d’un ou de plusieurs véhicules – et les pièces retrouvées dans les décombres sur les lieux du crime – où l’on a retrouvé un rétroviseur de grandes dimensions et un fragment de feu arrière, ainsi que des fils électriques, des plaques d’immatriculation, des appareils électroniques et d’autres fragments métalliques non identifiés – et d’établir leur pertinence pour cette affaire.

Caractéristiques de l’explosion

18. Des tests indépendants réalisés dans deux environnements distincts au début de l’année ainsi que des expériences d’étalonnage des effets des explosifs ont permis de corroborer les conclusions de la Commission concernant les caractéristiques et la nature de l’explosion du 14 février 2005 proprement dite. Lors de cette explosion, la camionnette légère Mitsubishi Canter transportait une bombe de très fort calibre (d’au moins 1 200 kilogrammes d’équivalent TNT), que l’homme dont on a retrouvé 32 fragments a sans doute fait exploser à l’intérieur de la camionnette ou directement devant cette dernière. Les expériences menées ont permis de corroborer tous les éléments suivants : nature de la boule de feu, intervalle de variation de la pression, caractéristiques du véhicule transportant la bombe, effets sur le milieu environnant (notamment sur les véhicules qui ont été touchés, les immeubles adjacents et la chaussée), conclusions sur la trajectoire, quantité d’explosifs utilisée, et nature et forme du cratère. On examine actuellement le bien-fondé d’une nouvelle hypothèse présentée récemment à la Commission et portant sur la possibilité d’une livraison par voie aérienne. La Commission n’est pas en mesure pour l’instant de déterminer si cette hypothèse affecte les conclusions actuelles concernant les lieux du crime, lesquelles ont été corroborées par deux séries distinctes de tests indépendants.

19. La Commission a tiré ses propres conclusions quant à la manière exacte dont la charge explosive aurait été placée dans la camionnette pour obtenir l’effet voulu et la manière dont les explosifs ont dû être reliés au détonateur pour exploser comme ils l’ont fait. En menant des expériences avec des charges explosives disposées selon des configurations différentes, on a pu comprendre où et comment les explosifs auraient pu être disposés dans la camionnette Mitsubishi et comment on a fait sauter l’engin.

20. Dans son rapport précédent, la Commission s’est penchée sur diverses possibilités concernant la quantité d’explosifs utilisée dans l’attentat. Elle a postulé que la quantité d’explosifs requise pour produire un cratère des dimensions de celui qui a été créé le 14 février 2005 était d’environ 500 kilogrammes d’équivalent TNT si l’engin explosif artisanal était placé 1,7 mètre de profondeur, de 1 200 kilogrammes d’équivalent TNT s’il était placé sur le sol, et de 1 800 kilogrammes d’équivalent TNT s’il était placé à 0,8 mètre au-dessus du sol. Ces données ont été confirmées lors d’une série distincte d’expériences portant sur les effets de différentes quantités d’explosifs qu’on a disposées selon différentes configurations et qu’on a ensuite fait exploser à différentes hauteurs. Une fois achevées l’analyse de la trajectoire, la reconstitution tridimensionnelle des lieux du crime, l’analyse vidéographique et l’identification formelle de toutes les pièces de la camionnette Mitsubishi, la Commission sera en mesure d’établir la hauteur de l’engin par rapport au sol et, par conséquent, la quantité d’explosifs utilisée. Sous réserve des résultats de cette analyse finale, la Commission estime que la quantité d’explosifs utilisée est plus proche de 1 800 que de 1 200 kilogrammes d’équivalent TNT.

Trajet du convoi

21. L’interrogation (ou de nouvelles interrogations) systématique de tous les membres du personnel de sécurité de M. Hariri, y compris des membres survivants de son convoi, des responsables de sa sécurité et de ses collaborateurs immédiats est, dans une large mesure, achevée. La Commission a établi à sa satisfaction les faits suivants : l’itinéraire suivi ; la chronologie exacte de ses déplacements ; les heures exactes de départ et d’arrêt ; le moment de chaque choix d’itinéraire et les personnes informées ; l’utilisation faite d’un véhicule blindé Mercedes Benz S600 (ou de plusieurs véhicules identiques), le jour de l’attentat et les jours précédents ; les schémas d’activités opérationnelles révélant le moment du choix de l’itinéraire longeant l’hôtel Saint-Georges ; et l’utilisation de contre-mesures électroniques.

22. Certaines personnes interrogées par la Commission ont souligné que le dispositif de sécurité fourni par le Gouvernement pour M. Hariri avait été allégé
– pour ce qui est de son escorte et des convois – après sa démission du poste de Premier Ministre du Liban. La Commission travaille actuellement à évaluer les effets de ce changement, du point de vue tant politique qu’opérationnel.

23. La Commission se penche sur des informations et des hypothèses d’enquête en cours de développement selon lesquelles M. Hariri aurait déjà été l’objet d’activités opérationnelles de la part de l’équipe accusée de l’attentat – surveillance de M. Hariri et de son convoi et repérage de divers emplacements. La Commission dispose aussi d’informations indiquant que cette équipe aurait eu plusieurs occasions de commettre l’attentat mais qu’elle ne serait pas passée à l’acte, pour des raisons que la Commission n’a pas encore élucidées.

24. Par exemple, la Commission a appris que les réactions de l’équipe accusée de l’attentat aux déplacements de M. Hariri au début de février 2005, pouvaient constituer, soit une répétition de l’attentat du 14 février, soit une tentative d’assassinat. Cet élément de l’enquête est important si l’on veut comprendre les capacités, les mécanismes de soutien opérationnel et les intentions de l’équipe accusée de l’attentat, et obtenir des indications sur le moment où il a été décidé de tuer M. Hariri. Ces activités préalables présumées ont ouvert de nouvelles pistes d’enquête, au-delà de celles qu’a fournies l’attentat du 14 février 2005 proprement dit.

25. Il s’avère que les méthodes opérationnelles (et les mécanismes qui y sont associés) ayant trait au dispositif de sécurité entourant M. Hariri quand il a cessé d’être Premier Ministre ont créé plusieurs points faibles, qui ont facilité la perpétration de l’attentat contre lui. Par exemple, étant donné l’heure à laquelle le convoi a dû quitter le Parlement pour retourner à la résidence de M. Hariri, il y avait un seul itinéraire permettant à M. Hariri de se rendre à l’heure à son rendez-vous suivant.

26. Par ailleurs, selon une hypothèse de travail, l’équipe accusée de l’attentat savait que des contre-mesures électroniques pouvaient contribuer à la protection du convoi et de M. Hariri. Elle a donc pu choisir une méthode d’attaque qui déjouerait ces contre-mesures, leur capacité technique, leur effet dissuasif et leur fonction opérationnelle.

27. Le fait que la position du véhicule de M. Hariri dans le convoi était constante et largement prévisible au cours des mois qui ont précédé l’attentat proprement dit et que Rafic Hariri avait décidé de conduire lui-même sa voiture peut également avoir contribué au succès de l’attentat. La Commission sait qu’il n’y avait rien d’inhabituel à cela mais cela a permis qu’on le reconnaisse et qu’on le repère plus facilement. La Commission continue d’enquêter sur la pertinence de cet aspect de l’attentat.

28. D’autres questions pertinentes ont été élucidées à la satisfaction de la Commission. Par exemple, un véhicule qui aurait suivi le convoi au moment où il quittait un café du quartier et les environs du Parlement a été jugé vraisemblablement sans lien avec l’attentat et donc éliminé des hypothèses de travail actuelles de la Commission. De même, le retard, qui aurait été causé délibérément par la circulation et les feux de signalisation dans la dernière partie du parcours, a été jugé non pertinent car les entretiens avec le personnel du convoi n’ont permis d’obtenir aucun élément de preuve. De plus, la méthode probablement suivie par l’équipe accusée de l’attentat n’exigeait pas une action aussi complexe et précise dans le cadre de son plan global.

29. La Commission estime que le plan témoignait d’assez de professionnalisme dans son élaboration et de souplesse dans son exécution pour que la chronologie exacte du mouvement du convoi vers l’hôtel Saint-Georges ne soit pas critique et que la réussite de l’opération ne dépende pas des mouvements précis des véhicules. Par exemple, le comportement de Hariri, une fois qu’il avait quitté le Parlement et traversé la rue pour se rendre au café du quartier plutôt que de repartir immédiatement dans son convoi, était assez imprévisible.

30. Cette pause spontanée, qui a duré une quinzaine de minutes, n’aurait pas pu être prévue par l’équipe accusée de l’attentat. Les communications entre les présumés membres de l’équipe se sont arrêtées à ce moment et n’ont repris que lorsque M. Hariri a quitté le café pour repartir vers sa résidence. Ainsi, l’équipe accusée de l’attentat a pu composer avec ce délai supplémentaire avant que M. Hariri ne prenne le chemin du retour, sans que cela l’empêche de mettre son plan à exécution.

Témoins présents sur le lieu du crime

31. La procédure systématique d’interrogatoires multiples dont ont fait l’objet plus de 25 témoins présents sur le lieu du crime est en grande partie achevée. La Commission a obtenu des réponses satisfaisantes sur un certain nombre de points qu’elle n’avait pu éclaircir jusqu’alors, s’agissant par exemple d’établir avec exactitude les déplacements et le positionnement de la camionnette Mitsubishi lors des phases finales de l’opération, et de parvenir à une perception commune des événements qui s’étaient produits au moment de l’explosion, notamment déterminer si deux explosions avaient été entendues.

32. Des expériences visant à mesurer le souffle de l’explosion ont été menées pour recueillir des données sur la possibilité qu’une ou deux explosions se soient produites, en surface ou sous terre. L’objectif était de voir la boule de feu, de mesurer l’impact de la déflagration sur les structures, d’évaluer le comportement des fragments projetés à grande vitesse, d’évaluer la taille et les caractéristiques du cratère, d’enregistrer les ondes de choc, et d’enregistrer les ondes sonores à l’aide de microphones placés à différentes distances, d’où étaient captées aussi bien les ondes incidentes que les ondes réfléchies. Des simulations numériques permettront à la Commission de déterminer s’il est vraisemblable, compte tenu du positionnement respectif des témoins au moment de l’explosion, que ces derniers aient pu entendre une ou deux détonations au moment de l’explosion et immédiatement après celle-ci. Il faudra interroger une dernière fois les témoins pour clore ce volet de l’enquête : les enregistrements de la détonation ou des ondes sonores produites lors des expériences, menées en partie pour définir les propriétés acoustiques de l’explosion en fonction de l’emplacement des différents témoins sur le lieu du crime, seront réécoutés par chacun d’eux. Sous réserve des conclusions qu’elle en tirera, la Commission privilégie à ce stade l’hypothèse d’une explosion unique, estimant qu’il est scientifiquement possible d’expliquer le fait que plusieurs témoins aient entendu deux détonations.

Emploi du temps de Rafic Hariri

33. La Commission a intensifié ses recherches portant sur les derniers jours de la vie de M. Hariri et décidé de remonter plus loin dans le temps. Les interrogatoires menés à ce jour de 15 personnes ayant eu affaire d’une façon ou d’une autre à M. Hariri durant les mois qui ont précédé son assassinat lui ont permis de recueillir de précieux renseignements. Ces interrogatoires visent les personnes exerçant une influence au Liban et dans l’ensemble de la région, les collaborateurs qui s’occupaient des affaires personnelles et professionnelles de M. Hariri, les visiteurs et le personnel de ses résidences, notamment celle de Beyrouth, et les personnes avec lesquelles il entretenait des relations professionnelles ou politiques.

34. La Commission retrace, sous différents angles, la vie de M. Hariri pendant la période qui a précédé son assassinat, examinant sa situation politique et les relations qu’il entretenait aux niveaux national et international, s’intéressant aux réunions qu’il avait tenues avec ses collaborateurs et d’autres personnalités, passant en revue ses déplacements au Liban et à l’étranger, étudiant les discussions privées qu’il avait eues avec ses amis, ainsi que les opinions et les réflexions dont il avait fait part, recueillant des témoignages sur l’humeur qui semblait être la sienne, examinant l’état de ses affaires, notamment la gestion de ses participations dans les médias et la représentation que faisaient ceux-ci de ses intérêts et de ses activités, analysant l’influence de certaines questions financières sur son rôle politique, ses relations professionnelles et les accords privés qu’il avait conclus, et se penchant sur ses déplacements personnels à l’intérieur comme à l’extérieur de son lieu de résidence.

35. On constate au cours de la période en question une certaine convergence entre les éléments professionnels, politiques, financiers et privés de la vie de M. Hariri, lesquels forment un contexte de menace accrue qui, lorsqu’il est mis en regard avec les activités de l’équipe des auteurs de l’attentat, permet d’obtenir une image vue sous différents angles des dernières semaines de la vie de M. Hariri. Parallèlement, la Commission approfondit l’analyse de ces éléments pour savoir si les uns ou les autres ont contribué à favoriser la décision d’assassiner l’ex-Premier Ministre. Elle continuera de développer cette partie de ses travaux, ayant prévu au prochain trimestre de procéder à de nouveaux interrogatoires et de recueillir des renseignements complémentaires.

Pistes nouvelles et existantes

36. La Commission a relevé un nombre considérable de nouvelles pistes concernant le lieu du crime, ses environs et le moment précis où le crime a été commis, et elle a entamé des travaux d’enquête et d’analyse sur chacune d’entre elles. Il s’agit notamment d’enquêter sur les circonstances entourant la présence de certaines personnes et de certains véhicules sur le lieu du crime avant, pendant et dans les instants qui ont immédiatement suivi l’explosion, ainsi que sur des éléments connexes liés à ce qui s’est passé après celle-ci, et de vérifier les allégations selon lesquelles le lieu du crime aurait été altéré après l’explosion.

37. Ces pistes d’enquête, obtenues grâce à l’analyse des informations disponibles et à la collecte de nouveaux renseignements, sont d’une importance et d’un intérêt inégaux mais doivent toutes être longuement approfondies. La Commission espère alors que les nouveaux éléments que l’enquête mettra au jour en ce qui concerne le crime lui-même et la proximité immédiate du lieu où il a été commis fourniront de nouveaux indices sur ses auteurs.

38. En outre, la Commission continue d’enquêter sur d’autres points essentiels de l’affaire, notamment l’achat de la camionnette Mitsubishi, l’achat des explosifs et la préparation de la camionnette en vue d’en faire le vecteur de l’engin explosif artisanal, ainsi que l’identité et le mode opératoire de la personne qui a déclenché son explosion, soit de l’intérieur de la camionnette, soit d’un emplacement proche de l’avant du véhicule.

2. Les personnes qui ont concouru au crime

Analyse des communications

39. La Commission a consacré des ressources considérables au travail d’analyse et d’investigation portant sur tout ce qui a trait au mouvement des communications dans cette affaire. Ce travail lui a permis d’obtenir des résultats importants et d’établir des liens qui ne seraient pas évidents autrement. Il est essentiellement réactif, mais les analyses peuvent également être proactives et spéculatives, s’appuyant sur des faits connus et mettant en avant des thèmes d’investigation. Le travail entrepris a fait apparaître plusieurs pistes et il continue à permettre à la Commission de se faire une meilleure idée des liens existant entre les communications se rapportant aux crimes.

40. Les liens mis en évidence par ce travail sur les communications révèlent un réseau complet de connexions entre de nombreux individus, établies parfois grâce à des numéros de téléphone ou des emplacements intermédiaires et parfois directement. Plusieurs pistes ont ainsi été identifiées, que la Commission compte suivre en priorité. Retrouver chaque lien et l’exclure des enquêtes ou au contraire l’exploiter est un travail extrêmement laborieux. En même temps, l’analyse des communications a permis à la Commission de mieux comprendre la phase préparatoire de l’attentat et elle poursuit ce travail en conjonction avec des analyses chronologiques. C’est un domaine où l’analyse comparative de cette affaire et des 14 autres affaires se poursuit. Par exemple, on a maintenant une idée plus précise et plus claire, à la fois géographiquement et en termes de communications, des activités des six détenteurs de cartes à numéro d’identification internationale de téléphone portable qui auraient fait partie de l’équipe chargée de la bombe.

41. La Commission a également établi des liens directs et indirects entre des personnes notoires appartenant à des groupes disparates, intéressants pour l’enquête. L’explication n’est pas toujours évidente et la Commission s’efforce d’élucider les rapports avec le crime lui-même, avec tous ceux qui pourraient y être associés et avec d’autres individus.

42. La dimension internationale de l’analyse des communications continue à fournir des pistes à mesure que la Commission comprend mieux les complexités du routage des appels internationaux et qu’elle reçoit des réponses à ses questions des États où on a retrouvé la source des appels téléphoniques. À ce jour, la Commission a associé à cet aspect de son travail 17 États, dont plusieurs l’ont beaucoup aidée par leurs réponses.

43. Les liaisons intéressantes, établies au départ du Liban ou d’un autre pays, entre des individus que la Commission souhaite interroger ou qui continuent de faire l’objet d’une enquête et les résultats obtenus ouvrant de nouvelles pistes, font l’objet d’une analyse systématique.

44. La Commission continue également à examiner les liens locaux, régionaux et internationaux entre les numéros associés avec Ahmed Abou Adass et d’autres individus, dont plusieurs présentent un intérêt particulier. Elle continue aussi à analyser les destinations des appels faits à partir des numéros qui auraient été utilisés par ceux qui auraient participé à l’attentat du 14 février 2005.

Ahmed Abou Adass et les éléments qui s’y rattachent

45. Après un travail approfondi d’investigation et d’analyse de données électroniques, de documents, d’objets et d’autres éléments, le profil d’Ahmad Abou Adass et de ses activités se dessine plus clairement. Il présente la particularité d’avoir apparemment des préoccupations plus académiques et intellectuelles et moins techniques qu’il n’est coutumier pour les membres de groupes terroristes participant à des activités terroristes opérationnelles, du moins au Liban.

46. La Commission continue à examiner en détail chaque aspect du rôle joué par Ahmed Abou Adass, y compris la validité de sa revendication de responsabilité formulée dans son message vidéo. Elle poursuit son enquête dans deux directions : ou bien il a participé au crime de son plein gré, ou bien il a été contraint de délivrer ce message. De fait, les deux hypothèses demeurent plausibles au stade actuel et les enquêtes se poursuivent pour déterminer laquelle est correcte.

47. La Commission analyse les circonstances dans lesquelles la bande vidéo et la note ont été remises à une adresse à Beyrouth ainsi que les cinq appels téléphoniques reçus dans ce contexte par Reuter et Al Jazeera après l’attentat. Deux de ces appels revendiquaient la responsabilité de l’attentat et trois se rapportaient à la bande vidéo et à la note qui ont été remises.

48. L’analyse scientifique générale, les recherches sur l’ADN et les empreintes digitales, l’analyse scientifique des supports et l’analyse documentaire de la bande sur laquelle Ahmed Abou Adass revendique la responsabilité de l’attentat, des articles associés et du contexte physique de la remise du message, sont terminées. Elles ont permis de recueillir 32 empreintes digitales identifiables, 3 empreintes palmaires et 3 profils d’ADN mitochondrial. La Commission compare ces résultats avec d’autres données et les évalue en vue de mener de nouvelles investigations concernant les personnes liées à cet aspect de l’affaire et de poursuivre les analyses scientifiques comparatives.

49. La Commission suit également les personnes ayant été actives récemment dans un contexte criminel, au Liban et dans la région, et elle continue à évaluer leurs activités afin de déterminer leurs liens avec les crimes ou leur participation éventuelle. Elle poursuit par ailleurs ses travaux liés à l’hypothèse d’un cloisonnement du crime sur les circonstances dans lesquelles a été déposée la bande vidéo sur laquelle Ahmed Abou Adass avait enregistré la revendication de responsabilité.

Les personnes au courant

50. La Commission poursuit des pistes concernant des individus qui semblent avoir eu des informations de fond plus ou moins détaillées concernant l’attentat avant son exécution. Ils se répartissent en deux catégories : ceux qui, dans un contexte quelconque, étaient au courant de l’attentat imminent mais n’ont rien dit ou rien fait ou ne pouvaient rien faire ; et ceux qui savaient quelque chose ou étaient informés d’un aspect de l’attentat et qui ont tenté d’avertir Hariri ou un de ses proches.

51. L’une et l’autre de ces catégories intéressent la Commission. Par exemple, il apparaît que plusieurs individus de divers milieux estimaient que Hariri risquait d’être la victime d’un attentat, et ce, non seulement à cause de son rang, de sa vie professionnelle passée, de la dynamique de la région et des circonstances de l’heure. La Commission a aussi de bonnes raisons de croire que certains individus savaient qu’une atteinte à sa vie était imminente : dans ce contexte, la Commission mène une série d’entretiens avec ceux qu’elle pense être en mesure de l’aider dans cet aspect de l’investigation.

52. Certains faits indiquent que Hariri sentait que la menace qui pesait sur lui se faisait plus lourde, qu’il en a lui-même parlé en détail avec plusieurs interlocuteurs et que, dans ses dernières semaines, il tenait compte de cette menace inhabituelle dans sa réflexion, son comportement, ses activités et ses déplacements. La Commission est en train de réunir des informations à ce sujet. C’est un aspect important de son travail puisque cela révèle la nature extrême du crime.

Les structures politiques, l’armée, la police et le renseignement au Liban

53. La Commission continue à interroger et réinterroger les représentants et anciens représentants de l’appareil gouvernemental syrien et libanais. Ce travail se poursuivra pendant toute la période sur laquelle portera le prochain rapport et il demeure essentiel si l’on veut comprendre les structures politiques et les conditions de sécurité au Liban au moment de l’attentat. Ce travail est complété par d’autres entretiens et par l’ensemble des renseignements fournis par des personnalités influentes et d’autres individus intéressants au Liban et dans la région. On recueille ainsi des informations sur les différentes perspectives des systèmes qui étaient en place à l’époque de l’attentat, qui sont nécessaires pour mieux comprendre le contexte dans lequel les attentats ont eu lieu.

3. Les commanditaires

Les motifs de l’attentat

54. La Commission continue à analyser à la fois la possibilité que le crime ait été commis par un seul groupe de personnes ayant les mêmes intentions et les mêmes moyens, et la possibilité qu’un groupement bien défini ou hétéroclite d’individus ou de groupes ayant des motifs et des objectifs différents se soit constitué pour commettre le même crime.

55. La Commission a identifié plusieurs motivations possibles, pas nécessairement mutuellement exclusives, qui ont pu conduire à la décision d’assassiner Hariri et elle n’exclut pas la possibilité qu’il y ait d’autres théories à envisager. Certains motifs pourraient être similaires à ceux des autres attentats sur lesquels la Commission enquête au Liban. Ils présentent un intérêt variable aux niveaux international, régional et national et sont liés à des considérations politiques, économiques, financières et commerciales.

56. La Commission détermine notamment la valeur probante d’informations sur le climat politique qui entourait Rafik Hariri au moment de son assassinat et auparavant : l’adoption de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité des Nations Unies, les questions relatives aux prochaines élections nationales au Liban, les relations avec d’autres États de la région, les affaires de la banque Al-Madina, des éléments en rapport avec les milieux d’affaires et des médias et ses relations personnelles avec des acteurs politiques et d’autres personnalités importantes à tous les niveaux. Comme on l’a dit plus haut, la Commission n’exclut pas qu’il ait pu y avoir plus d’un motif à ce crime. Ce domaine des travaux de la Commission devra être approfondi pendant la période sur laquelle portera le rapport suivant et fera l’objet de plusieurs enquêtes, notamment d’un nombre considérable d’entretiens au Liban, dans la région et au niveau international et d’une analyse des documents et d’autres informations dont la Commission dispose actuellement et des données qu’elle escompte obtenir à l’avenir.

B. Assistance technique fournie dans le cadre des autres affaires

57. Conformément à son mandat qui a été élargi le 15 juin 2006 par la résolution 1686 (2006) du Conseil de sécurité, la Commission a continué d’apporter son assistance technique aux autorités libanaises dans les 14 affaires examinées dans son dernier rapport. Elle a affecté à cette tâche une équipe de projet multidisciplinaire composée de spécialistes des questions juridiques, des enquêtes, de l’analyse, de la médecine légale et des communications, qui continue de travailler en collaboration étroite avec le Procureur général du Liban.

58. Dans le précédent rapport, la Commission a indiqué qu’elle avait créé des dossiers pour chacune des 14 affaires, sur la base des renseignements disponibles à cette époque. Lors de la dernière période considérée, elle a traduit plus de 1 000 pages de documents se rapportant à ces affaires et elle a enrichi les dossiers de chaque affaire en complétant les renseignements précédemment recueillis. Ces travaux se poursuivent, 3 000 autres pages devant encore être traduites. La Commission compte renforcer ses mécanismes d’appui, en collaboration avec le Procureur général du Liban et les juges d’instruction concernés, au cours de la période qui fera l’objet du prochain rapport.

59. La Commission a également axé son assistance technique pour chaque affaire sur trois domaines précis, à savoir, premièrement, l’appui fourni au travail d’enquête et d’analyse scientifique ; deuxièmement, l’analyse des communications, qui donne lieu à une analyse horizontale de chacun des attentats et des échanges de communications s’y rapportant ; et troisièmement, la conduite d’entretiens, où les personnes qu’elle a retenues peuvent fournir des informations détaillées sur chacune des affaires et permettre de faire des recoupements entre plusieurs d’entre elles et notamment, de dégager éventuellement des catégories de données et d’éléments de preuve relatifs à l’affaire Hariri.

1. Analyse scientifique

60. La Commission continue d’examiner en détail les éléments de preuve disponibles concernant ces affaires et tient compte des différents degrés de détails pour chacune d’entre elles. Elle s’apprête à exécuter un plan destiné à tirer le maximum de possibilités d’enquête scientifique, qui sera examiné de concert avec le Procureur général du Liban et les juges d’instruction. En cas d’accord, la Commission entamera une collecte qui doit permettre de réunir davantage de données criminalistiques pour chaque affaire. Il s’agit d’obtenir le plus de données possibles à ce stade des enquêtes sur toutes les affaires, puisque les 14 attentats ont été perpétrés il y a entre neuf mois et près de deux ans.

61. À mesure que ces travaux progresseront, on s’efforcera autant que possible de faire avancer les enquêtes menées au sujet de chacune des affaires et de rechercher des éléments de preuve démontrant l’existence de liens entre celles-ci. Les travaux précédemment réalisés cette année avec le laboratoire de police technique et scientifique des Forces de sécurité interne en vue d’évaluer les résultats des examens seront ainsi complétés par une analyse de la gestion des lieux de crime pour chaque affaire, qui sera réalisée par le biais de rencontres et d’entretiens avec les premières personnes interrogées sur les lieux où ont été perpétrés les attentats.

62. La Commission examine actuellement toutes les photos et images des sites où les explosions ont eu lieu en les comparant avec les résultats des explosions expérimentales réalisées, afin de pouvoir déterminer la nature des engins explosifs utilisés et leur emplacement probable dans chacune des situations. Cette analyse scientifique comparative sera complétée par une analyse sismologique comparative des enregistrements de signaux effectués par le Centre national de géophysique au Liban. Les éléments de preuve recueillis dans ces affaires sont actuellement comparés avec ceux réunis dans le cadre de l’affaire Hariri, en utilisant par exemple les bases de données communes d’empreintes digitales et d’ADN afin d’établir des corrélations.

2. Communications

63. La Commission a compilé des millions d’enregistrements d’appels téléphoniques et trié ceux présentant un intérêt, qui ont été effectués à des périodes données au moment de chacun des 14 attentats. Il s’agit de repérer, sur le grand nombre d’échanges de communications effectués à Beyrouth au moment des attentats, les numéros appelés dans le cadre de plusieurs attentats et les liens avec d’autres numéros à prendre éventuellement en considération.

64. Ainsi, à partir des seuls échanges de communications sur téléphones mobiles, un individu ayant appelé de nombreux numéros dans un vaste périmètre et durant une période donnée a été lié à plusieurs des attentats. Quatre autres personnes ont été liées à cet individu dans certains des attentats. La Commission poursuivra ses travaux d’analyse et prêtera son concours au Procureur général du Liban en enquêtant sur ces liens, en menant les entretiens nécessaires et en ouvrant de nouvelles pistes d’enquête.

3. Entretiens

65. La Commission a entamé cet aspect de ses travaux à la suite de l’élargissement de son mandat, le 15 juin 2006, et a mené plusieurs entretiens sur les six attentats ciblés, qui ont permis de recueillir des informations et des preuves d’une importance critique et d’ouvrir de nombreuses pistes qui devront être poursuivies. On prévoit notamment plusieurs nouveaux entretiens en vue de maintenir l’élan suscité par ce moyen d’investigation durant la période considérée, afin de corroborer les résultats obtenus, en particulier pour ce qui est des nombreux liens existant dans le cadre des affaires.

66. Les résultats immédiats de ces entretiens sont évidents, en ce sens que des thèmes d’enquête communs à deux ou plusieurs affaires se dégagent. Des corrélations ont été établies s’agissant des mobiles et des auteurs des attentats et, comme cela avait été suggéré à titre d’hypothèse dans le précédent rapport, les premiers renseignements tirés des données actuellement collectées indiquent une « segmentation » des motifs de ces crimes. Un des segments pourrait regrouper les attentats dont les motifs concernent chacune des victimes prises individuellement. Un autre pourrait regrouper les attentats commis dans le cadre d’une intention plus large. Ce concept de culpabilité demeure d’une importance critique pour les affaires et la perpétration des crimes, et la Commission continuera de l’examiner et de se pencher dessus.

67. La Commission a confirmé ses premières conclusions, à savoir que les 14 attentats n’ont pas été commandités ou exécutés par 14 personnes ou groupes isolés n’entretenant aucun lien entre eux et ayant autant de mobiles distincts, et elle réunit des éléments de preuve permettant de regrouper les affaires de différentes manières. Cela étant, elle prévoit que de nouveaux liens entre les affaires apparaîtront à mesure qu’elle recueillera d’autres informations et éléments de preuve.

4. Poursuite de l’assistance

68. Comme indiqué dans le précédent rapport, les enquêtes menées par les autorités libanaises sur toutes les affaires se trouvent à des stades différents. Durant la prochaine période d’examen, la Commission cherchera avant tout à améliorer autant que possible la qualité et la quantité des informations et des preuves pour les 14 affaires, en offrant des moyens d’enquête et en coordonnant les capacités, les analyses et l’assistance technique fournie au Procureur général du Liban et, à travers son cabinet, aux différents juges d’instruction.

69. La Commission envisage en outre de collaborer avec le Procureur général du Liban en vue d’établir des liens opérationnels entre les juges d’instruction pour aider à donner une orientation commune aux enquêtes menées sur tous les attentats. Elle estime qu’il est utile de coordonner toutes les enquêtes et de les examiner non seulement séparément mais aussi de plusieurs autres manières, en regroupant les 14 affaires dans un seul groupe, voire en deux groupes ou davantage de groupes plus petits, liés entre eux par un ou plusieurs facteurs.

III. Coopération extérieure

A. Échanges avec les autorités libanaises

70. La Commission continue de collaborer étroitement avec les autorités libanaises au sujet de questions d’ordre pratique ou juridique se rapportant à l’enquête. Au cours de la période considérée, 12 nouvelles demandes écrites au total ont été adressées aux autorités libanaises. Le Gouvernement libanais, le Procureur général du Liban et ses collaborateurs de haut niveau, les juges d’instruction chargés des différentes affaires et le chargé de liaison désigné par les Forces de sécurité intérieure sont restés de toute évidence attachés à l’exécution du mandat de la Commission qu’ils ont soutenue tout au long de la période considérée, malgré la situation tendue sur le plan de la sécurité qui régnait au Liban du fait du récent conflit. La Commission tient à les remercier pour leur appui et leur assistance.

71. Au cours de la période considérée, le chef de la Commission s’est entretenu deux fois avec le Premier Ministre libanais et a tenu régulièrement des réunions avec le Ministre de la justice et le Procureur général. On a continué d’organiser des réunions de travail techniques, même après le transfert provisoire de la Commission hors du Liban. Dans le cadre de l’octroi d’une assistance technique aux autorités libanaises, des réunions ont été organisées régulièrement avec les juges civils et militaires et les juges d’instruction chargés des différentes affaires afin de discuter des progrès accomplis dans chacune de ces affaires, des liens éventuels entre elles et de toutes autres questions relatives à l’assistance technique.

72. La Commission a continué de communiquer aux autorités libanaises compétentes la plupart des informations et éléments de preuve documentaires, testimoniaux et matériels recueillis au cours des enquêtes, à l’exception des informations qui risquent de compromettre la sécurité d’un témoin ou les intérêts d’un État en matière de sécurité nationale. Même dans ces cas-là, l’information est communiquée en substance aux autorités libanaises de telle sorte que l’intérêt du témoin ou de l’État concerné ne soit pas compromis.

73. La Commission continue aussi de communiquer régulièrement aux autorités judiciaires libanaises toutes informations, comptes rendus d’entretien et documents concernant les personnes détenues, afin de leur permettre de prendre les mesures qu’elles jugeraient appropriées ou nécessaires. À cet égard, elle procède aux derniers entretiens et achève l’examen de la masse de documentation afin d’évaluer la crédibilité des témoins dans l’affaire Hariri. Elle continuera de communiquer au Procureur général du Liban toute information relative à cette question.

74. La Commission reste disposée à fournir, à la demande des autorités libanaises, une assistance au sujet de tout autre incident ou de toute autre affaire entrant dans le cadre de son mandat élargi.

B. Coopération internationale

75. Dans ses résolutions 1636 (2005) et 1644 (2005), adoptées en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a réitéré son appel aux États Membres pour qu’ils coopèrent pleinement avec la Commission. Contrairement aux situations d’entraide judiciaire, dans lesquelles il est permis à chaque État de négocier un cadre de coopération en matière pénale, les États sont tenus de coopérer avec la Commission et de prendre toutes mesures nécessaires, en vertu de leur droit interne, pour honorer les obligations que leur imposent les résolutions susmentionnées.

76. Forte de ces dispositions, la Commission a continué de demander à des États de coopérer au sujet de questions d’ordre technique, judiciaire et légal se rapportant à l’exécution de son mandat. À cet effet, elle a, au cours de la période considérée, présenté au total 28 demandes distinctes à différents États et organisations internationales afin de recueillir des informations, d’obtenir des documents, ou de faciliter l’organisation des entretiens avec des témoins et de bénéficier d’une assistance technique ou de compétences spécialisées.

77. Comme elle l’a fait dans les rapports précédents, la Commission demande aux États d’entrer en contact avec elle s’ils possèdent des informations pouvant présenter de l’intérêt pour l’enquête sur l’affaire Hariri ou d’autres affaires dont elle s’occupe, ou s’ils ont accès à de telles informations. Elle souhaite obtenir des États toute information de nature à faire avancer l’enquête, que cette information soit directement liée à l’assassinat de M. Hariri, à d’autres attentats faisant l’objet d’une enquête ou à la situation politique générale et la situation en matière de sécurité qui régnaient au Liban au moment des attentats. À ce stade de son enquête, la Commission juge également utile de bénéficier d’une assistance des États, notamment pour les entretiens avec des représentants diplomatiques et la fourniture de nouveaux renseignements d’ordre technique et produits images.

1. Coopération avec la République arabe syrienne

78. La République arabe syrienne est tenue de coopérer pleinement avec la Commission, comme l’a expressément exigé le Conseil de sécurité dans ses résolutions 1636 (2005) et 1644 (2005), qui ont été adoptées en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Conformément à la position commune à laquelle la République arabe syrienne et la Commission étaient parvenues plus tôt dans l’année, la République arabe syrienne a continué de coopérer efficacement et sans retard avec la Commission.

79. Durant la période considérée, la Commission a présenté à la République arabe syrienne 11 demandes officielles afin de solliciter son assistance pour obtenir des informations et des documents au sujet de certains individus et groupes, ainsi que des déclarations faites par des personnes dans le cadre des enquêtes menées par les autorités syriennes. Des réunions de travail ont été organisées avec des représentants de la République arabe syrienne et de longues discussions ont eu lieu suite aux demandes d’entretien avec des personnes ayant connaissance de questions particulières présentant de l’intérêt pour les travaux de la Commission.

80. La République arabe syrienne a également fourni des documents portant sur des expériences menées au sujet des propriétés et des effets de diverses explosions contrôlées ; des réunions de suivi ont été organisées avec des experts de la Commission et de la République arabe syrienne pour discuter de ces expériences. La Commission a reçu récemment sur cette question des informations complémentaires qu’elle continue d’examiner et d’évaluer.

81. En outre, la Commission a prié la République arabe syrienne de l’aider à organiser l’interrogation de témoins en Syrie. Durant la période considérée, elle a effectué en République arabe syrienne un certain nombre de missions au cours desquelles ont été menés 11 entretiens, notamment avec des représentants du Gouvernement syrien. Ces entretiens ont été arrangés par les autorités syriennes à la suite de demandes formulées par la Commission, qui est satisfaite de la diligence avec laquelle la Syrie a donné suite à ces demandes ainsi que des dispositions logistiques et des mesures de sécurité qui ont été prises à ces occasions. S’agissant de la qualité de la coopération des représentants de la République arabe syrienne qui ont été interrogés, la Commission continue d’examiner attentivement la profondeur et la validité des réponses fournies et juge nécessaire de procéder à des entretiens destinés à les valider. Cet aspect de la coopération est assujetti aux réponses individuelles que donne chaque personne interrogée, sujet par sujet ; la Commission a constaté que le niveau de coopération est variable.

82. L’assistance fournie par la République arabe syrienne au cours de la période considérée reste dans l’ensemble d’un niveau satisfaisant, puisqu’elle a fait droit sans retard aux demandes de la Commission. Celle-ci continue d’insister pour que la République arabe syrienne coopère sans réserve avec elle, cette coopération étant essentielle à l’achèvement rapide et au succès de ses travaux.

2. Coopération avec d’autres États

83. La Commission continue de demander aux États de lui prêter rapidement un concours sans réserve pour les questions techniques, légales et judiciaires se rapportant à l’enquête. Au cours de la période considérée, un certain nombre de demandes d’assistance ont été présentées à des États et organisations internationales, et un certain nombre de lettres de suivi ont été envoyées. Depuis le 15 juin 2006, 16 nouvelles demandes d’assistance au total ont été envoyées à neuf États, outre celles adressées à la République arabe syrienne et les échanges réguliers avec les autorités libanaises.

84. Comme pendant les autres périodes, la plupart des États ont donné suite rapidement et positivement aux demandes de la Commission et lui ont apporté leur appui pour l’exécution de son mandat, notamment en lui fournissant une assistance technique en matière d’analyse scientifique et un appui technologique, et en l’aidant à rechercher et à analyser des communications téléphoniques et à organiser l’interrogation des témoins. Compte tenu de l’importance que revêt la coopération des États pour la poursuite rapide de l’enquête, la Commission espère que tous les États lui apporteront promptement et sans réserve leur coopération au cours du prochain trimestre.

IV. Soutien organique

A. Procédure interne

85. Conformément aux dispositions de la résolution 1595 (2005) du Conseil de sécurité et au vu de la possibilité de créer un tribunal international pour le Liban, la Commission continue de mettre au point et rationaliser sa procédure interne. Celle-ci est fondée sur les normes internationales pertinentes, tout en tenant compte du droit et des procédures judiciaires libanais et de la pratique suivie par la Commission depuis sa création.

86. La Commission se concerte également avec les États pour obtenir d’eux un soutien accru, qui lui permettrait de proposer diverses mesures de protection aux témoins et aux sources sensibles.

87. En application de la résolution 1686 (2006) du Conseil de sécurité, dans laquelle celui-ci souscrit à l’intention de la Commission de poursuivre son assistance technique aux autorités libanaises à l’occasion de leurs enquêtes sur les autres attentats terroristes, la Commission revoit également ses procédures. Ses enquêteurs ont procédé à des entretiens se rapportant à ses enquêtes en l’absence de magistrats libanais selon ses propres normes et procédures. La Commission relève certaines différences entre les normes et procédures appliquées aux entrevues en vertu de la législation libanaise et celles découlant du droit international. Elle estime qu’elle doit dûment respecter toutes les normes internationales, tout en sachant qu’elle a la responsabilité de veiller à ce que les preuves testimoniales, scientifiques et autres recueillies au cours de ses travaux, sur tous les attentats, soient recevables par tout tribunal libanais devant lequel un accusé pourrait un jour comparaître.

B. Transfert provisoire à Chypre

88. La période à l’examen a été marquée par la détérioration rapide de la sécurité au Liban, ce qui a entraîné un transfert provisoire à Chypre de tous les membres de la Commission recrutés sur le plan international. Comme les conditions de sécurité au Liban en général se sont considérablement dégradées à partir du 12 juillet 2006, la Commission a commencé à prévoir un plan de continuité des opérations, dans l’éventualité d’une situation d’urgence qui affecterait sa base d’opérations principale, ou d’un transfert partiel ou total de son personnel recruté sur le plan international. Des réunions ont eu lieu avec le Procureur général du Liban pour étudier les plans visant à préserver les dossiers constitués, notamment les éléments de preuve, les pièces à conviction, les documents juridiques et autres, les fichiers électroniques et les objets qui sont en possession de la Commission, en particulier ceux qui ont été recueillis sur les lieux du crime. Lorsque la sécurité au Liban est passée de la phase III à la phase IV, l’ensemble du personnel recruté sur le plan international a dû quitter le pays, en application des règlements de sécurité de l’ONU. Le 21 juillet 2006, le chef de la Commission a avisé le Premier Ministre du Liban du transfert provisoire à Chypre de l’ensemble du personnel recruté au plan international, pour y poursuivre ses activités.

89. Si les événements au Liban et le transfert à Chypre ont indéniablement influencé le cours des opérations et la productivité de la Commission durant la période à l’examen, cet effet a été réduit au minimum, notamment grâce à l’aide généreuse du Programme des Nations Unies pour le développement et de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre qui ont veillé à ce que la Commission puisse disposer de locaux dès son arrivée. Tout au long de son évacuation et de son transfert, elle a reçu l’aide des autorités libanaises et chypriotes, de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban, de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale et des départements compétents au Siège de l’ONU. La Commission souhaite également saluer le soutien fort utile que lui ont accordé certains États, en facilitant des missions effectuées périodiquement au Liban par les membres de la Commission, afin d’y poursuivre leur enquête et notamment leurs entretiens.

C. Gestion des systèmes

90. Durant la période à l’examen, des avancées considérables ont été enregistrées dans le domaine de la gestion de l’information, avec l’élaboration et la mise en service d’un nouveau système d’information, incorporant des outils analytiques ultramodernes pour les investigations et les analyses. Ce système permettra à la Commission d’analyser et d’exploiter plus avant les informations et les éléments de preuve qu’elle détient. En outre, plusieurs systèmes d’information auxiliaires ont été introduits, améliorés ou parachevés. Des instructions permanentes et des flux de travail nouveaux ont été mis au point pour aider et orienter le personnel dans l’acquisition de données et la gestion des documents.

D. Administration

1. Recrutement

91. Pendant la période à l’examen, une des principales tâches de la Commission a été de renforcer rapidement sa capacité institutionnelle. Une des difficultés majeures a été de recruter du personnel compétent dans les délais impartis. La lenteur du recrutement a entravé sa capacité à s’acquitter de son mandat comme prévu.

92. Bien que le pourcentage de postes vacants ait diminué depuis la présentation du précédent rapport, il a augmenté durant la période en cours, en raison du plus grand nombre de postes approuvés en juin 2006 et de la perturbation du processus de recrutement, qu’a entraîné le conflit au Liban.

93. Une évaluation des candidatures soumises par les États et les institutions internationales est en cours. On prévoit en conséquence que le pourcentage de postes vacants continuera de nouveau de baisser régulièrement à mesure que de nouvelles candidatures seront présentées, examinées et retenues. La Commission est reconnaissante des réactions positives qu’elle a obtenues à ce jour des États et des institutions internationales et estime nécessaire qu’ils mettent régulièrement à sa disposition des ressources humaines qualifiées et compétentes, dans un souci de stabilité et de progrès continus.

2. Budget

94. La Commission vient de soumettre un nouveau budget pour 2007. Le projet de budget qu’elle a présenté en août 2006 prévoit 188 membres recrutés sur le plan international. Cela reflète une légère augmentation de 13 nouveaux membres, dont cinq chargés des enquêtes dans les affaires d’assistance technique, un agent de sécurité additionnel et sept administrateurs.

E. Sécurité

95. La sécurité du personnel de la Commission, de ses locaux et de ses biens demeure prioritaire. La détérioration générale du climat de sécurité, tant au Liban que dans le reste de la région, durant la période à l’examen, a aggravé la situation, alors que l’objet même de l’enquête fait qu’il est plus probable que des groupes ou des individus essaient de mettre à exécution leurs menaces contre la Commission ou ses membres, en vue de torpiller son mandat. En conséquence, les opérations de sécurité visent principalement à permettre à la Commission de s’acquitter de son mandat, en maximisant la sécurité du personnel, des locaux et des biens.

96. L’équipe de la Commission chargée de la sécurité, en coordination avec l’Armée libanaise et les Forces de sécurité intérieure, a assuré le transfert, de Beyrouth à Chypre, en toute sûreté et en toute sécurité, des membres de la Commission recrutés sur le plan international et des documents essentiels liés à l’enquête, tout en veillant à la sécurité de la principale base d’opérations de la Commission à Beyrouth. L’équipe de la Commission chargée de la sécurité continue d’évaluer et d’actualiser la menace et les risques posés, de manière à ce que tous les aspects essentiels de la sécurité soient conformes aux normes en vigueur. Au besoin, les instructions permanentes et les plans de circonstances ont été élaborés ou adaptés sur la base de l’analyse actualisée des menaces et des risques.

F. Mémorandum d’accord supplémentaire

97. Les négociations avec le Gouvernement libanais concernant les termes d’un mémorandum d’accord supplémentaire visant à compléter et modifier le premier mémorandum du 13 juin 2005 ont été suspendues durant le transfert provisoire de la Commission à Chypre. Elles devraient reprendre et aboutir prochainement. Le projet de mémorandum d’accord supplémentaire, préparé en consultation avec le Bureau des affaires juridiques du Secrétariat de l’ONU, porte sur des questions telles que le statut juridique des locaux de la Commission ou les privilèges et immunités de la Commission et de ses membres.

V. Conclusions

98. La Commission exprime sa reconnaissance aux autorités libanaises, et en particulier aux forces armées et aux Forces de sécurité intérieure, pour l’appui remarquable qu’elles ont fourni et l’excellent travail qu’elles ont effectué en vue d’assurer la sécurité du personnel et des biens de la Commission, surtout si l’on tient compte de la situation difficile qui régnait au cours de la période considérée.

99. S’agissant de l’enquête sur l’affaire Hariri proprement dite, la Commission continue de mettre la dernière main à ses travaux sur le lieu principal de l’attentat, notamment les activités de recherche et d’analyse scientifique, et estime qu’elle a, dans une grande mesure, établi les faits d’une manière probante. Le lieu du crime et les éléments connexes offrent des pistes d’enquête de nature secondaire à présent que la Commission examine plus en profondeur certaines des questions qui ont découlé de ses travaux sur ces sujets.

100. La Commission continuera de s’employer à mieux comprendre les liens entre les auteurs de l’attentat à tous les niveaux dans l’enquête sur l’affaire Hariri. Au cours du prochain trimestre, elle se fixe pour objectif stratégique de réaliser une cinquantaine d’entretiens importants visant à établir les liens entre différents protagonistes ; de recueillir et d’analyser un grand nombre de données électroniques, de renseignements techniques et de documents déjà identifiés ; de préciser les relations horizontales et verticales entre toutes les affaires à partir des communications ; de poursuivre son programme d’analyse scientifique et d’exploiter d’autres sources sensibles.

101. Les travaux de la Commission se rapportant aux 14 autres affaires aident à placer les attentats dans le contexte de l’époque et commencent à dégager des liens permettant en particulier de déterminer des motifs qui les relient. Une priorité de l’enquête au cours des mois à venir sera d’apprécier de façon probante la profondeur, la portée et la nature de ces liens.

102. Le faisceau de l’enquête étant méthodiquement rétréci et les hypothèses de travail de plus en plus affinées, la Commission avancera plus vite dans ses travaux en suscitant de nouveaux témoins ayant, de l’intérieur, une connaissance approfondie du crime et de ses éléments connexes. Elle met en place des mécanismes de protection des témoins afin de permettre à plus de personnes détenant des informations intéressantes de se manifester pour l’aider dans ce volet délicat de son travail.

103. La Commission souligne l’importance cruciale que revêt pour ses travaux l’appui international qu’elle reçoit des États et dont elle a besoin pour continuer d’avancer et de faire en sorte que sa mission soit entièrement remplie. En témoignent les 72 demandes d’assistance qui ont été envoyées à des États et entités au cours des six derniers mois. La Commission attend avec intérêt que les États continuent de lui apporter leur appui et de collaborer avec elle, à mesure qu’elle avance dans ses investigations.

104. Les objectifs stratégiques susmentionnés ne seront atteints que si les systèmes d’appui opérationnel de la Commission sont en mesure de fonctionner au même rythme que ses activités d’enquête. Cette condition est particulièrement importante pour ce qui est du recrutement du personnel, et la Commission aura recours à l’ensemble du système des Nations Unies pour faire en sorte que les échéances en matière d’emploi correspondent aux exigences opérationnelles actuelles.

105. Étant donné les progrès accomplis en vue de la création d’un tribunal à caractère international et compte tenu de son mandat actuel en ce qui concerne la fourniture d’une assistance technique au Procureur général du Liban, la Commission finira par transmettre, en tout état de cause, les responsabilités à un bureau de procureur. En appliquant les principes d’objectivité et d’équilibre et en respectant les normes juridiques internationales dans ses méthodes de travail, elle cherche à préparer la meilleure plate-forme possible au bureau en question pour poursuivre le travail.

Source
ONU (Conseil de sécurité)