Tendances et événements au Proche-Orient

Pourquoi William Fallon a-t-il démissionné ?

La démission spectaculaire du chef du Centcom américain, l’amiral William Fallon, chargé de gérer les guerres d’Irak et d’Afghanistan, a alimenté les commentaires des experts et suscité de multiples analyses, parfois contradictoires :
 1. La démission de l’amiral Fallon pourrait être motivée par les nombreuses données dont il dispose sur la détermination de l’administration Bush à lancer de nouvelles grandes guerres au Moyen-Orient, notamment contre l’Iran. Il a ainsi tenu sa promesse de se retirer au cas où des projets belliqueux étaient planifiés et exécutés.
 2. L’officier aurait démissionné pour protester contre ce qu’il juge être une atteinte à sa crédibilité après que l’administration Bush soit revenue sur son engagement de faciliter la tenue d’une rencontre d’experts iraniens et états-uniens sur l’Irak. Pourtant, l’accord conclu par Fallon avec les Iraniens, et qui a permis une réduction substantielle des attaques anti-US, avait l’air de fonctionner. En partant, l’amiral Fallon a voulu exprimer sa désapprobation de l’approche de l’administration concernant le dossier de la guerre en Irak.
 3. Certains milieux états-uniens affirment que la démission de Fallon serait le résultat des divergences d’opinions entre lui et le chef des troupes en Irak, le très pro-Bush David Petraeus, concernant la réduction de troupes US. Fallon, soutenu par de larges pans de l’état-major de l’armée, souhaiterait une réduction progressive des troupes conformément aux recommandations de la commission Baker-Hamilton. Petraeus, lui, représente la vision de Bush qui veut ralentir le retrait et le suspendre définitivement en juillet.
 4. La démission de Fallon s’est insérée dans le débat électoral aux États-Unis. Les républicains ont essayé d’en minimiser la portée et l’importance, tandis que les démocrates l’ont interprété comme une illustration de l’échec de la politique de l’administration Bush et de la forte opposition de l’establishment militaire à l’égard des aventures guerrières du président et de son équipe, qui ont entraîné les États-Unis dans deux conflits meurtriers. Celui d’Irak aurait coûté, à lui seul, 3000 milliards de dollars.
 5. Quelles que soient les véritables raisons de la démission de l’amiral Fallon, de nombreux analystes pensent qu’elle aura d’importantes répercussions au sein de l’appareil politique et militaire états-unien. Il est important d’observer les développements des prochaines semaines pour savoir si les tambours de la guerre battus par les extrémistes, accompagnés d’un déploiement de destroyer et autres bâtiments, va se traduire en de nouvelles guerres au Moyen-Orient.

Presse et agences internationales

• En guise de première riposte à la mort de trois de ses membres assassinés mercredi par une unité spéciale de l’armée israélienne à Bethléem en Cisjordanie et un quatrième tué dans un accrochage dans le nord du territoire, le Jihad islamique a tiré des roquettes sur le sud d’Israël depuis Gaza. Le groupe a affirmé, dans des communiqués à Gaza, avoir tiré 27 roquettes et obus de mortier sur des localités israéliennes du Néguev, notamment Sderot, et trois roquettes sur la ville d’Ashkelon, plus au nord. L’armée israélienne a confirmé que 16 roquettes et deux obus de mortier avaient été tirés depuis la bande de Gaza. Deux roquettes ont explosé à Sderot. Israël a affirmé tenir le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir à Gaza, pour responsable de tirs.

• Dans une réaction d’une rare virulence, la présidence de l’Autorité palestinienne a affirmé que la « résistance » se poursuivrait contre l’occupation israélienne, faisant assumer à Israël « toutes les conséquences de ses crimes barbares ». Le président Abbas a accusé Israël de mener une campagne de nettoyage ethnique à Jérusalem-Est en empêchant la construction de foyers palestiniens et en coupant la ville de la Cisjordanie. Mark Regev, porte-parole du Premier ministre israélien Ehud Olmert, a dénoncé des propos « incendiaires » de la part du président palestinien.

• Plus de 90% des candidats islamistes aux élections municipales du 8 avril en Égypte ont été disqualifiés, après une campagne des autorités contre les Frères musulmans, le principal groupe d’opposition du pays. Seuls 438 Frères musulmans sur 5159 étaient parvenus hier, dernier jour pour le dépôt des candidatures, à se porter officiellement candidats. La majorité s’est vu interdire l’accès aux bureaux d’enregistrement, qui ont aussi refusé les papiers de nombreux islamistes. Le ministre égyptien des Affaires juridiques, Moufid Chehab, a reconnu mercredi devant le Parlement l’existence d’« erreurs » dans les procédures d’enregistrement, assurant toutefois que tous les candidats, même ceux du parti au pouvoir, en avaient été victimes. Plusieurs tribunaux administratifs à travers le pays ont statué cette semaine en faveur de candidats de l’opposition empêchés de déposer leur candidature, exigeant des bureaux d’enregistrement qu’ils acceptent leurs dossiers.

• Une vaste étude du Pentagone, publiée dans la discrétion, confirme l’absence de lien direct entre l’ancien président irakien Saddam Hussein et le réseau el-Qaëda, que l’Administration Bush avait mis en avant pour justifier l’invasion de l’Irak. Les militaires américains ont limité la distribution de cette étude, disponible uniquement sur demande et envoyée par courrier, au lieu d’être diffusée sur Internet ou fournie à l’ensemble de la presse. Cinq ans après le début de la guerre en Irak, cette étude, basée sur l’analyse de 600000 documents officiels irakiens et sur des milliers d’heures d’interrogatoires d’anciens collaborateurs de Saddam Hussein, « n’a trouvé aucune connexion directe entre l’Irak de Saddam et el-Qaëda ». D’autres rapports, rédigés par la commission d’enquête sur le 11-Septembre ou encore par les services de l’inspecteur général du Pentagone, en 2007, étaient déjà arrivés à la même conclusion, mais aucune étude précédente n’avait eu accès à autant d’informations.

• La Chine a répliqué hier au rapport du département d’État américain par son propre texte, également annuel, accusant les États-Unis d’arrogance et hypocrisie, tout en qualifiant l’invasion de l’Irak de « plus grand désastre humanitaire du monde contemporain ». « La critique arrogante (des États-Unis) sur les droits de l’homme dans les autres pays va toujours de pair avec l’oubli délibéré des problèmes des droits de l’homme sur son territoire », selon le rapport, diffusé par l’agence officielle Chine nouvelle. « Cela non seulement va à l’encontre des normes universellement reconnues en matière de relations internationales, mais démontre aussi le double langage et la véritable hypocrisie des États-Unis sur la question des droits de l’homme », poursuit le texte intitulé « Les droits de l’Homme aux États-Unis en 2007 ». « L’invasion de l’Irak par les troupes US a abouti à la plus grande tragédie en matière d’atteinte aux droits de l’homme et au plus grand désastre humanitaire du monde contemporain », affirme-t-il.

REUTERS (AGENCE DE PRESSE BRITANNIQUE)
 Jane Sutton
Un jeune prisonnier, accusé d’avoir lancé une grenade qui a blessé deux soldats américains et leur interprète en Afghanistan, juge illégal et injuste le tribunal militaire de Guantanamo et refuse de participer à la suite de la procédure. « J’ai été torturé. Je suis un être humain. Je n’ai violé aucune loi, déclare Mohammad Jawad, un détenu afghan, lors de la première audience de son procès pour tentative de meurtre et blessures graves causées à autrui. J’ai été amené ici illégalement. Je suis innocent. C’est une injustice à mon égard. »
Les États-Unis tentent, actuellement, de faire avancer les procédures visant les détenus de Guantanamo dans des tribunaux créés par l’Administration Bush pour juger des terroristes présumés. Il s’agit des premiers tribunaux militaires mis en place depuis la Seconde Guerre mondiale en dehors de la justice militaire et civile traditionnelle. Des militaires US ont dû porter M. Jawad jusqu’à la salle d’audience car il avait refusé de quitter sa cellule pour s’y rendre. Ce jeune homme barbu, qui dit qu’il avait 16 ans lors de sa capture en Afghanistan en décembre 2002, a fini par entrer dans la salle d’audience tout seul, les mains menottées, les pieds enchaînés et entouré de gardes. Le juge, le colonel Ralph Kohlmann, l’a autorisé à parler sans interruption. Le détenu a comparé les forces états-uniennes au gouvernement des talibans qui a emprisonné et tué des gens sans procès. Le juge a expliqué au détenu que le procès continuerait avec ou sans sa participation et exhorté M. Jawad à accepter d’être assisté par un avocat militaire qui défendrait sa position selon laquelle son traitement viole le droit américain et international. M. Jawad a refusé d’être représenté par un avocat, qu’il soit civil ou militaire, et le juge a accepté de reporter le moment où il devra plaider coupable ou non coupable. M. Jawad a dit au juge que plusieurs années de détention dans une prison à l’éclairage agressif lui avaient donné un mal de tête permanent qui le rendait incapable d’écouter plus avant, puis il a enlevé les écouteurs lui permettant d’entendre le traducteur et a posé la tête sur la table. L’avocat militaire qui avait été désigné pour représenter M. Jawad, le colonel James Michael Sawyers, a expliqué que les soldats blessés avaient dit aux enquêteurs qu’ils n’avaient pas vu qui a lancé la grenade. Un policier afghan a désigné M. Jawad et l’a livré aux forces US
M. Jawad n’est pas accusé d’être lié à el-Qaëda. Selon M. Sawyers, il n’a bénéficié que d’une éducation religieuse sommaire. « Je crois que les concepts occidentaux de justice et de tribunaux lui sont complètement étrangers », a dit l’avocat. M. Sawyers, un réserviste, a été récusé comme avocat de M. Jawad car son ordre de mobilisation prend fin la semaine prochaine. Un autre avocat militaire doit donc être trouvé pour M. Jawad et pour un autre détenu afghan inculpé mercredi.
Des centaines de prisonniers ont été détenus à Guantanamo pendant plusieurs années. Seuls 14 d’entre eux ont été inculpés dans le cadre du nouveau système de tribunaux militaires. Treize de ces dossiers sont encore en cours, y compris ceux de six détenus qui pourraient être exécutés s’ils étaient jugés coupables d’implication dans les attentats du 11 septembre 2001.

ITAR-TASS (AGENCE DE PRESSE RUSSE)
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a soutenu jeudi à Dakar l’idée d’organiser au printemps à Moscou une conférence internationale sur le règlement du conflit au Proche-Orient.

IZVESTIA (QUOTIDIEN RUSSE)
Huit semaines avant son entrée en fonction officielle, Dmitri Medvedev, élu le 2 mars à la tête de la Russie, s’est installé au Kremlin où il occupe un bureau situé à deux pas de celui du président sortant Vladimir Poutine. Ce déménagement vise à assurer une transition en douceur jusqu’à l’investiture officielle, le 7 mai, de Medvedev. Ce dernier, qui est premier vice-Premier ministre et sera à 42 ans le plus jeune chef de l’État russe depuis le tsar Nicolas II, travaillait jusqu’ici dans les locaux de la Maison blanche, qui abrite les services du gouvernement.

MOSCOW TIMES (QUOTIDIEN RUSSE)
L’ancien colonel israélien Yair Klein, qui avait été arrêté à l’aéroport de Moscou-Domodedovo en août, alors qu’il s’apprêtait à partir pour Israël, sera extradé vers la Colombie où il a été condamné par contumace à 10 ans d’emprisonnement. Le colonel Klein avait armé les groupes paramilitaires d’extrême droite qui ont terrorisé le pays à la fin des années 80. La société de Klein, Spearhead, est impliquée dans des négoces d’armes dans toute l’Amérique latine, mais aussi au Sierra Leone, où il a été détenu 16 mois.

AGENCE EUROPE (AGENCE DE PRESSE DE L’UNION EUROPEENNE)
Le rapport de l’eurodéputée Ana Maria Gomes (socialiste, Portugal) sur le rôle de l’Union européenne en Irak a fait consensus aussi bien au Parlement européen qu’avec la Commission. Dépassant résolument la question de la légalité de l’intervention états-unienne, il prend acte d’une situation de fait et s’interroge sur les moyens de venir en aide aux populations. Cette démarche est facilitée par une amélioration des conditions sécuritaires sur le terrain imputable aussi bien à la nouvelle stratégie de la Coalition qu’à la trêve prolongée décidée par plusieurs groupes d’opposition dont l’armée du Mehdi.

EUROPOLITIQUE (AGENCE DE PRESSE DE L’UNION EUROPEENNE)
Le Parlement européen a organisé un débat d’experts autour du projet de Livre blanc de la défense européenne. Le principal concept mis en avant est celui de sécurité humaine qui place l’homme au centre des préoccupations de défense.
[La « sécurité humaine » s’oppose ici à la « défense du territoire ». Ce concept permet de justifier l’ingérence humanitaire, c’est-à-dire une forme de colonialisme, au détriment des principes classiques du droit international. Ndlr.]

LA CROIX (QUOTIDIEN CATHOLIQUE FRANÇAIS)
Mgr Paulos Faraj Rahho, 65 ans, archevêque chaldéen de Mossoul (nord de l’Irak) enlevé le 29 février a été retrouvé mort. Enlevé en plein après-midi à Mossoul — ses deux gardes du corps et son chauffeur furent tués dans cette opération — personne n’avait de ses nouvelles depuis. Ses ravisseurs demandaient une rançon d’au moins un million de dollars… Mais lui ne voulait pas que l’Église paye un dollar pour sa libération. Dans le débat qui divise aujourd’hui les chrétiens irakiens — faut-il partir ou rester ? — Mgr Rahho, prêtre ordonné en 1965, avait, lui, choisi de rester. Non seulement pour ne pas céder aux pressions des terroristes mais aussi pour maintenir la présence de l’Église. Pour ne pas abandonner, enfin, les chrétiens demeurés sur place. Choix exigeant : la moitié des chrétiens de Mossoul ont à ce jour quitté la ville et, depuis 2003, plus de 20 prêtres ont été enlevés…

LIBERATION (QUOTIDIEN FRANÇAIS, GROUPE ROTHSCHILD)
Le ministère autrichien des Affaires étrangères a confirmé jeudi avoir reçu un ultimatum de la branche d’Al-Qaïda au Maghreb exigeant la libération de prisonniers détenus en Algérie et en Tunisie en échange des deux touristes autrichiens dont elle a revendiqué l’enlèvement.

LE MONDE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, GROUPE LAGARDERE)
 Éditorial
« Avant même d’ouvrir ses portes, jeudi 13 mars, le Salon du livre de Paris a été pris en otage. C’était prévisible : Israël en est, cette année, l’invité d’honneur, et cela suffit, plus que jamais, à déclencher les soupçons, les passions et les interdits, pour ne pas dire les fatwas. Plusieurs pays arabes, qui sont pourtant tout sauf des champions de la liberté de penser et d’écrire, l’Organisation de la conférence islamique, pour qui l’existence même d’Israël est un sacrilège, mais aussi des éditeurs et écrivains de langue arabe, mais encore quelques écrivains israéliens et jusqu’à l’une des plumes les plus prestigieuses du supplément littéraire du quotidien israélien Haaretz, Benny Ziffer : de tous côtés, des voix se sont élevées pour appeler au boycottage de cette manifestation. Pour autant, cette prise en otage de la littérature par la politique est absurde et choquante. Boycotter les livres, voire récuser une langue, a toujours été l’arme des dictatures. »

LE PARISIEN (QUOTIDIEN POPULAIRE FRANÇAIS)
La voiture du président israélien Shimon Peres n’a stoppé qu’à l’intérieur du Salon du livre. Ce fut alors non plus une vaguelette mais l’équivalent d’une marée, canalisée par des escadrons de gardes du corps jusqu’au pavillon israélien. En un clin d’oeil, tout fut balayé : les curieux, les journalistes et... le décor, qui s’est effondré sur la tête des invités, entraînant dans sa chute celle d’un grand écran plat tandis qu’un micro restait debout, seul, dans la tempête. L’ancien ministre de la Culture, Jack Lang, qui passait par là, fut de ceux qui sauvèrent leur tête. « Le premier livre du peuple juif commence par tohu bohu mais n’oublions pas que la lumière vint après », dit l’un des orateurs d’une voix blanche.

LES ECHOS (QUOTIDIEN ECONOMIQUE FRANÇAIS, GROUPE ARNAULT)
Accueillant le chef de l’État hébreu, Laurence Parisot (présidente du MEDEF, le patronat français) a vanté la « nouvelle offre économique française », née des dernières élections présidentielles et clairement demandé « comment Israël peut aider à la construction de l’Union euro-méditerranéenne chère à Nicolas Sarkozy ». L’occasion pour Shimon Peres de rappeler, comme il l’avait fait en début de semaine, son soutien à ce projet. Mais, au-delà de cette coopération régionale, le numéro un israélien a plaidé pour une plus grande présence française dans son pays. A l’en croire, c’est en effet le bon moment pour la France pour profiter des opportunités économiques qui s’offrent. Notamment en matière d’infrastructures grâce au projet de canal reliant la mer Rouge à la mer Morte. Mais aussi du fait de la volonté israélienne de créer trois ou quatre nouvelles zones industrielles à l’ouest du pays.

LE FIGARO (QUOTIDIEN FRANÇAIS, GROUPE DASSAULT)
Le Conseil européen a approuvé le projet de Nicolas Sarkozy d’Union pour la Méditerranée. « Sous présidence française, le processus de Barcelone sera porté à un autre niveau, mais il s’agit du même instrument », a minimisé la chancelière allemande Angela Merkel. Il ne reste en effet pas grand chose de l’idée de départ du président français. Seule réelle innovation : une présidence conjointe, assurée par un pays du sud et un du nord de la Méditerranée, assistée d’un secrétariat, organisera tous les deux ans, un sommet réunissant les 43 pays invités.

ABC (QUOTIDIEN MONARCHISTE ESPAGNOL)
Le Conseil européen a réservé un accueil glacial à la proposition formulée par Nicolas Sarkozy d’Union pour la Méditerranée. Personne ne s’est permis de faire remarquer que ce projet ne sert à rien. En termes plus diplomatiques, les chefs d’État et de gouvernement ont observé qu’il n’était pas facile de dégager la nécessité de remplacer le Processus de Barcelone par un autre dispositif. Le président français s’est efforcé de positiver en évoquant les célébrations de sa fête nationale et en présentant le sommet euro-méditérranéen comme le hors d’œuvre de la présidence semestrielle française de l’Union. Rien n’y a fait, chacun se demandant quelles conséquences aurait pour l’Union la contamination de ses institutions par les conflits du Proche-Orient.

THE GUARDIAN (QUOTIDIEN BRITANNIQUE, MAJORITE)
Nicolas Sarkozy a sauvé la face devant le Conseil européen, bien qu’Angela Merkel ait passé son projet d’Union méditerranéenne sous la douche froide. Ni l’Allemagne, ni les pays scandinaves, ni le Royaume-Uni n’avaient l’intention de financer une opération visant à restaurer la prééminence française au sud de l’Europe, voire à faire entrer la Turquie dans l’Union par une porte dérobée. Mme Merkel a été très ferme, soulignent des diplomates. Elle a annulé tout sommet franco-allemand jusqu’à ce que Paris plie.

THE DAILY TELEGRAPH (QUOTIDIEN BRITANNIQUE)
Le candidat républicain à la Maison-Blanche, John McCain, rencontrera le Premier ministre britannique, Gordon Brown, la semaine prochaine. Il souhaite l’entretenir de sa préoccupation à propos du retrait des troupes britanniques du Sud irakien et de leur repli sur le seul aéroport de Bassora.

THE INDEPENDENT (QUOTIDIEN BRITANNIQUE)
• Un violent débat a opposé deux hautes figures de la gauche sur Channel 5, le député des minorités George Galloway et le leader des droits des gays Peter Tatchell, à propos du cas du jeune gay iranien Mehdi Kazemi qui a demandé l’asile politique au Royaume-Uni. Tatchell a dénoncé la persécution des gays et l’exécution de l’amant de Kazemi par le régime des mollahs. Galloway, tout en condamnant la peine de mort, a affirmé que le supplicié n’avait été jugé pour homosexualité mais pour viol. Il a accusé Tatchell de servir le camp de la guerre en recouvrant les tenues de combat kakis avec des tutus roses. De son côté, Tatchell a accusé Galloway d’être incapable d’apporter la preuve de ses accusations contre l’amant de Kazemi et de dire n’importe quoi pour défendre ses amis de Téhéran, avant de conclure « ferme-la ! ».
• Les syndicats d’enseignants britanniques refusent les nouvelles instructions concernant le cours d’histoire sur la guerre en Irak. Les documents du ministère sont inobjectifs : ils mentionnent les efforts de reconstruction, mais pas les pertes civiles ; ils soulignent la nécessité de renverser Saddam Hussein, mais ils n’évoquent pas l’absence de légalité internationale, etc.
• L’émission de téléréalité « Star Afghane », diffusée par Tolo TV, fait scandale dans le pays, d’autant qu’une femme figure parmi les finalistes. Pour les uns, son exemple déprave les filles de son âge, pour les autres elle se situe dans la longue tradition des artistes afghans.

THE JEWISH CHRONICLE (HEBDOMADAIRE JUIF BRITANNIQUE)
• La décision du secrétaire à l’Intérieur Jacqui Smith d’interdire l’accès du territoire britannique au leader du Likoud Moshe Feiglin est incompréhensible quant on se souvient que l’infâme terroriste du Hezbollah Ibrahim Moussaoui vient de faire une tournée dans le pays. Pour le président Zalmi (Likoud UK), ce n’est pas un précédent : il y a 60 ans, on refusait l’entrée des juifs dans certains clubs de golf, aujourd’hui on refuse leur entrée en Angleterre. Cette discrimination est un encouragement à tous ceux qui prônent le boycott d’Israël, la haine et la violence.
• Le site internet Facebook est pris d’assaut par des antisémites. Un groupe de discussion intitulé « Israël n’est pas un pays » a réuni 38000 internautes autour d’une phraséologie sur l’apartheid en Palestine occupée. Un lobby a immédiatement été organisé intitulé « Facebook : effacer le groupe ‘Israël n’est pas un pays’ ». Il a réuni 33000 internautes.

THE TIMES OF INDIA (QUOTIDIEN INDIEN)
Dans son discours d’ouverture du sommet de Dakar, le secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique a décrit le Cachemire comme un sujet brûlant de dispute et déploré que le gouvernement indien n’ait pas autorisé une mission de l’Organisation dans cette région. Comme chaque année depuis 1972, la délégation pakistanaise a présenté une résolution anti-indienne. Cependant, elle n’a pas rencontré cette fois d’écho notable car les États musulmans sont satisfaits de la politique laïque indienne qui garantit les droits des musulmans.

THE GLOBE AND MAIL (QUOTIDIEN CANADIEN)
• La Commission militaire de Guantanamo Bay a consacré hier une audition au cas d’Omar Kadr, ce Canadien arrêté lorsqu’il était mineur, accusé du meurtre d’un GI et détenu depuis. L’avocat militaire de la défense a montré qu’il existait deux versions du rapport de l’incident. Dans la première rédaction, il est indiqué que l’assassin du sergent Speer a été abattu, tandis que dans la seconde version, le texte a été corrigé pour ne plus évoquer qu’un combat avec l’assassin. Or bien sûr, si l’assassin est mort, ce ne peut être le prévenu.
• Le gouvernement Harper a fait adopter une motion par le Parlement étendant la mission des troupes canadiennes en Afghanistan jusqu’en 2011.

THE WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ETATS-UNIEN)
Le général David Petraeus s’apprête à répondre en avril aux questions du Congrès. Dans un entretien accordé aux envoyés du journal à Bagdad, il déplore que les leaders civils irakiens n’aient pas mis à profit l’amélioration de la sécurité pour se réconcilier. Le retrait des troupes US va se poursuivre jusqu’en juillet. Le nombre de GI’s sur place sera alors de 130000, soit une diminution d’un quart [en réalité le retour à ce qu’il était avant l’escalade (surge) Ndlr.]. Une pause permettra alors de consolider les efforts. Les progrès accomplis sont dus d’abord au Réveil. Ce mouvement comprend d’anciens insurgés passés du bon côté. 88000 de ses hommes reçoivent un salaire de 300 dollars par mois, payé par l’armée. La trêve décrétée par les chiites de Moqtada el-Sadr a également joué un rôle. Malheureusement, les combats reprennent légèrement. On ne peut exclure que les insurgés veulent ainsi orienter la prochaine audition par le Congrès.

THE LOS ANGELES TIMES (QUOTIDIEN ETATS-UNIEN)
 Lawrence J. Korb et Sean E. Duggan (Center for American Progress)
En septembre dernier, le général David Petraeus avait été auditionné par le Congrès, mais en l’absence de son supérieur, l’amiral Fallon. Il apparaît que les parlementaires n’ont eu ainsi qu’un angle de vue. Pour la seconde fois, le général Petraeus déposera les 8 et 9 avril, et cette fois encore en l’absence de son supérieur, puisque l’amiral Fallon a démissionné. Les parlementaires ont besoin d’entendre d’autres avis et chacun sait que de l’amiral Mullen (chef d’état-major interarmes) au général Casey (chef d’état-major de l’armée de terre), tous ne partagent pas l’optimisme de Petraeus.

THE WALL STREET JOURNAL (QUOTIDIEN ECONOMIQUE ETATS-UNIEN)
Le procureur qui vient de faire tomber Eliot Spitzer, le gouverneur de New York, n’est autre que Boyd M. Johnson III. Ce brillant juriste était en charge de lutte contre les narco-trafiquants avant de s’occuper de celle contre le blanchiment d’argent. C’est lui qui a instruit l’affaire Norman Hsu, ce find-raiser d’Hillary Clinton. Il a fait extrader d’Afghanistan le trafiquant de drogues Baz Mohammad et l’a fait condamner à 15 ans de prison. C’est encore lui qui a arrêté Monzer al-Kassar, le trafiquant d’armes syrien qui approvisionnait les FARC.

THE NEW YORK TIMES (QUOTIDIEN ETATS-UNIEN)
Le procureur fédéral a ouvert une information judiciaire pour vérifier si le gouverneur démissionnaire de New York, Eliot Spitzer, a utilisé des fonds de sa campagne électorale pour payer des prostituées dans les hôtels où il descendait à Washington. Si tel était le cas, l’affaire prendrait une autre tournure, car utiliser des fonds électoraux pour des dépenses personnelles est un crime fédéral.

Déclarations

 VLADIMIR POUTINE, PRESIDENT DE LA FEDERATION DE RUSSIE
« Pour la Russie, l’approfondissement des relations d’amitié et de coopération avec le monde islamique est un objectif stratégique. Cette coopération repose sur l’attachement au renforcement des principes collectifs et juridiques dans les affaires internationales avec le rôle central de l’Onu. Nous sommes des alliés dans la lutte contre le terrorisme, toutes les manifestations d’extrémisme politique et religieux, contre toutes les autres menaces pour la sécurité et le développement durable au XXie siècle. Comme les pays islamiques la Russie est sérieusement préoccupée par le fait que plusieurs situations conflictuelles restent non réglées. D’où la détermination de la politique étrangère russe à contribuer activement au règlement équitable du problème palestinien et, dans l’ensemble, à l’assainissement de la situation au Proche-Orient. La Russie est déterminée à l’avenir à faire tout son possible pour relancer le processus de règlement global du conflit arabo-israélien. Nous estimons qu’en fin de compte un Etat palestinien indépendant et viable doit être créé, un terme doit être mis à l’occupation des territoires arabes et tous les pays de la région, y compris Israël, devraient obtenir la possibilité de vivre dans les conditions de la paix, de la sécurité et de la coopération. Nous continuerons à soutenir les efforts des Irakiens et de la communauté internationale, y compris de l’OIC et de la Ligue arabe, visant à empêcher la scission interconfessionnelle et interethnique en Irak, au développement du dialogue dans l’intérêt de l’entente nationale sur les problèmes clés de l’avenir de l’Irak (…) Le partenariat entre la Russie et le monde islamique est d’autant plus important que les tensions dans les relations entre les civilisations s’aggravent. La Russie est préoccupée par le risque de scission dans le monde selon le principe des religions et des civilisations et nous sommes prêts à faire face à cette menace par des efforts communs ».

 EVGUENI PRIMAKOV, PRESIDENT DE LA CHAMBRE DE COMMERCE RUSSE
« On parle beaucoup à présent des prétendus projets de frappes US contre l’Iran. Je n’y crois pas, car les États-Unis sont déjà englués dans le bourbier irakien, et l’Iran, ce n’est pas l’Irak, c’est bien pire ».

Tendances et événements au Liban

L’invitation au sommet de Damas est arrivée ;
quid de la participation du Liban

L’invitation adressée par la Syrie au Liban pour le sommet de Damas constitue le principal développement des dernières 24 heures. L’invitation a été remise par le vice-ministre des Affaires étrangère, Ahmad Arnous, au chef de la diplomatie libanaise, Fawzi Salloukh, proche de l’opposition. Ce dernier a indiqué avoir « reçu une invitation de l’envoyé du Premier ministre syrien Mohammad Naji Otri adressée au Premier ministre Fouad Siniora pour assister au 20e sommet arabe. Le ministère va remettre cette invitation à monsieur le Premier ministre dès son retour ». M. Arnous a indiqué de son côté qu’« en raison du vide présidentiel, le Liban choisira la personne qui doit le représenter au sommet de Damas » et que « la Syrie accueillera avec cordialité cette personne », selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères à Damas.
L’invitation est donc adressée au Premier ministre de facto, comme le souhaitaient plusieurs pays arabes qui avaient lié leur participation au sommet à l’invitation de M. Siniora. Malgré cela, les milieux loyalistes ont intensifié leur campagne contre Damas, appelant à boycotter le sommet sous prétexte que la méthode avec laquelle l’invitation a été envoyée ne respecte pas les usages protocolaires. Ils reprochent aussi aux Syriens d’avoir attendu que Fouad Siniora quitte le Liban pour Dakar avant d’envoyer leur invitation, afin de ne pas la lui remettre en mains propres.
Mais les observateurs soulignent que les appels au boycott du sommet de Damas sont antérieurs à l’envoi de l’invitation officielle. Les premiers à avoir mené une campagne en faveur de la non-participation du Liban sont les deux faucons du 14-mars, Walid Joumblatt et Samir Geagea.
Toutefois, la position exprimée hier par un porte-parole du Département d’État US permet de mieux comprendre qui sont les vrais commanditaires de cette campagne. Le porte-parole a ouvertement conseillé aux pays arabes de « bien réfléchir avant de prendre leur décision concernant le sommet de Damas, en ayant en tête le rôle joué par la Syrie dans le blocage de l’élection présidentielle au Liban. » Cette ingérence flagrante, inédite et inacceptable dans les relations interarabes n’a suscité aucune réaction de la part des États qui prétendent défendre les intérêts communs des Arabes et qui reprochent à la Syrie de paver la voie à une « ingérence » iranienne.
Autre développement attendu, le « document national » que doit rendre public ce vendredi le mouvement du 14-mars. Avant même la publication de ce texte, de nombreux journalistes et analystes, proches de la coalition au pouvoir, n’ont pas caché leur déception à l’égard des slogans et des idées exprimés dans le document, et dont certains ont filtré. Ils s’interrogent sur le sort des promesses de changements démocratiques faites il y a trois ans, sur les raisons pour lesquelles une relation conflictuelle a été établie avec la Syrie, et sur l’absence de stratégie défensive face au bellicisme d’Israël qui n’est plus à prouver.
Pour sa part, le chef chrétien de l’opposition, le général Michel Aoun, a réaffirmé sa paternité du mouvement du 14-mars 2005 qui a conduit au retrait des troupes syriennes du Liban. Il a accusé les loyalistes actuels d’avoir usurpé les slogans d’indépendance, de souveraineté et de liberté, et d’avoir remplacé la tutelle syrienne par une tutelle états-unienne, dans le simple but de rester au pouvoir.

Déclarations

 WALID JOUMBLATT, CHEF DRUZE DU 14-MARS
« L’émissaire syrien est venu en cachette, profitant de l’absence du Premier ministre. Il aurait mieux fallu que l’invitation soit remise au président du Conseil. Mais je m’attendais à une pareille attitude, car le régime syrien ne reconnaît pas notre indépendance. Le Liban devrait boycotter le sommet pour ne pas blanchir la page du régime syrien qui obstrue le scrutin présidentiel (…) Derrière Bachar el-Assad, c’est le Mahmoud Ahmadinejad qui présidera la prochaine session du sommet arabe, ce qui met en danger le sort du Liban et de la Palestine. L’empire perse est en expansion permanente dans le monde arabe. L’Iran a phagocyté la Syrie, s’est infiltré en Irak et a ruiné la Palestine. Cet empire menace l’indépendance du Liban et l’intégrité du Golfe. Lors de la dernière visite d’Amr Moussa, les Syriens ont dit que le tracé des frontières est une question qui pourrait être discutée. Mais ces discussions peuvent durer des siècles. Ils ont également proposé de discuter des armes palestiniennes à l’extérieur des camps, ou des relations diplomatiques, sans toutefois reconnaître le Liban. Que les Iraniens aillent au diable avec leur logique. Ils envoient des missiles et de l’argent. Le Hezbollah est une brigade des gardiens de la révolution sur notre territoire. Que le Hezbollah aille venger l’assassinat d’Imad Moghniyé depuis le Golan. »

 NEHMATALLAH ABI NASR, DEPUTE DU BLOC DE MICHEL AOUN
« Notre bloc parlementaire a pris la décision d’élire le général Michel Sleimane à la tête de l’État et il n’y avait aucun problème à ce sujet. Par contre, le problème réside au niveau de l’élection d’un chef de l’État, sans que la majorité ne fasse ne serait-ce que quelques compromis en ce qui concerne nos revendications. Si les chrétiens et les maronites en particulier étaient unifiés, comme le sont par exemple les druzes, les chiites et les sunnites, nous n’en serions pas là aujourd’hui.

 SAMIR GEAGEA, CHEF CHRETIEN DU 14-MARS
« Les États-Unis sont opposés à une implantation des réfugiés palestiniens au Liban. Une telle option est hors de question pour eux, quelles que soient les solutions qu’ils envisagent pour les réfugiés palestiniens dans le monde, car ils sont conscients de la situation particulière du Liban. Ils se sont d’ailleurs entendus avec Abou Mazen et l’Autorité palestinienne à ce sujet. Washington barrera la voie à tous ceux qui essaieront d’entraver l’édification d’un État au Liban, même s’il devrait pour cela user de la force, afin d’aider le pays. »

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.