Bachar El Assad est arrivé au pouvoir en Syrie en raison de la mort prématurée de son frère. Il a remplacé tous les alliés de son père au poste clé par de nouveaux dirigeants, mais il les a également choisis dans la communauté allaouite. Il n’est donc pas plus en sécurité que son prédécesseur, car son pouvoir ne s’appuie que sur 20% de la population du pays. Au temps d’Hafez El Assad, la Syrie s’appuyait sur l’URSS puis, quand elle s’est effondrée, Damas a choisi de soutenir Washington. C’est ainsi que la Syrie a été du côté états-unien lors de la Première Guerre du Golfe. En retour, Washington a joué les intermédiaires lors des négociations israélo-syriennes, toutefois ces négociations ont échoué. Bachar El Assad a choisi de suivre la politique inverse de celle de son père. Lors de la dernière guerre, il a soutenu l’Irak et Damas a permis à des milliers de combattants de traverser sa frontière. La Syrie s’est également rapprochée de l’Iran et est tellement intervenue au Liban qu’elle a réussi à s’opposer à sa traditionnelle alliée française. À cause de cette politique, Bachar El Assad pourrait bientôt perdre le pouvoir. Dans les mois à venir, le Liban sera au centre de l’attention internationale et les jours du régime allaouite sont comptés.
Il s’agit d’une conséquence de la nouvelle politique états-unienne dans la région. Toutefois, si la Syrie est une preuve de la sagesse de cette politique, le cas de l’Arabie saoudite est plus problématique. Les femmes y sont toujours privées de droit, le chômage est élevé et le gouvernement des 5000 princes nourrit le fondamentalisme. Pourtant, Washington ne parvient pas à construire une politique vis-à-vis de Riyad. L’une des inquiétudes des États-Unis, quand ils ont envahi l’Irak, était que le feu de la révolution ne s’étende pas à l’Arabie saoudite. Les États-Unis sont face à un dilemme : ils veulent une alimentation en pétrole continue, continuer à entretenir de bonnes relations avec l’Arabie saoudite mais ils savent que chaque jour qui passe sans réforme aggrave les risques de renversement des Séoud par un gouvernement extrémiste. Si les choses se détériorent, les États-Unis devront s’impliquer davantage et probablement que l’Irak ne sera pas le dernier pays à nécessiter une présence militaire. Tout semble indiquer que Washington devra rester longtemps dans la région.
Martin Indyk a proposé qu’une force d’interposition états-unienne s’installe entre Israël et l’Autorité palestinienne. William Kristol a rappelé de son côté que l’implication des États-Unis en Europe avait duré 60 ans et qu’au Proche-Orient elle pourrait durer une génération. Toutefois, la politique états-unienne repose sur une démocratisation ; or, toute instauration de démocratie dans les pays du Golfe entraînerait la chute des gouvernements, car ceux-ci reposent sur des minorités. À part l’Égypte et la Jordanie, peu de pays de la région ont une identité nationale dépassant l’identité tribale. Si une démocratisation avait lieu, ces pays seraient gouvernés par des entités tribalo-religieuses. La démocratisation ne permettrait pas à ces pays de lutter contre Al Qaïda. Ironiquement, le pays qui, toute proportion gardée, a les élections les plus libres est l’Iran, le pays qui est également le plus dangereux. Toutefois, ce pays est aujourd’hui isolé et tente de se soustraire d’une situation difficile par la tromperie. Mais les pays négociant avec lui sont méfiants et il y a de bonnes chances aujourd’hui d’endiguer la menace iranienne.
L’influence états-unienne se manifeste également dans le conflit israélo-palestinien. Aujourd’hui, on note qu’il n’y a pas vraiment de négociations entre Israéliens et Palestiniens, les négociations ont lieu entre Washington et chacun des deux camps. Les États-Unis sont l’arbitre exclusif de la situation et rien ne nous permet d’affirmer qu’à l’avenir ils ne privilégieront pas les options saoudiennes, égyptiennes ou palestiniennes dans le traitement du conflit, même si cela ne convient pas à Israël. Cela dépendra davantage de l’évolution de la région et des politiques états-uniennes, que des négociations entre belligérants. Notre destinée dépend des prochaines campagnes dans la région.
Ha&8217;aretz (Israel)
Quotidien de référence de la gauche intellectuelle israélienne. Propriété de la famille Schocken. Diffusé à 75 000 exemplaires.
« The coming Pax Americana », par Efraim Halevy, Ha’aretz, 22 avril 2005.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter