La séance est ouverte à 15 h 25.

Adoption de l’ordre du jour

L’ordre du jour est adopté. La situation au Mali

Lettre datée du 13 décembre 2012, adressée au Président du Conseil de sécurité
par le Secrétaire général (S/2012/926)

Le Président (parle en arabe) : En vertu de l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, je tiens à souhaiter la bienvenue à S. E. M. Tiéman Hubert Coulibaly, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, et au représentant de la Côte d’Ivoire, et je les invite à participer à la présente séance.

En vertu de l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite M.Téte António, Observateur permanent de l’Union africaine à l’Organisation des Nations Unies, à participer à la présente séance.

Le Conseil va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

Les membres du Conseil sont saisis du document S/2012/926, qui contient une lettre datée du 13 décembre 2012, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général.

Les membres du Conseil sont également saisis du document S/2012/946, qui contient le texte d’un projet de résolution présenté par l’Afrique du Sud, l’Allemagne, la Colombie, les États-Unis d’Amérique, la France, le Luxembourg, le Maroc, le Portugal, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Togo.

Je crois comprendre que le Conseil de sécurité est prêt à voter sur le projet de résolution dont il est saisi. Si je n’entends pas d’objection, je vais maintenant mettre aux voix le projet de résolution.

Il est procédé au vote à main levée.

Votent pour :
Azerbaïdjan, Chine, Colombie, France, Allemagne, Guatemala, Inde, Maroc, Pakistan, Portugal, Fédération de Russie, Afrique du Sud, Togo, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et États-Unis d’Amérique

Le Président (parle en arabe) : Le résultat du vote est le suivant : 15 voix pour. Le projet de résolution est adopté à l’unanimité en tant que résolution 2085 (2012).

Je donne maintenant la parole au Ministre Coulibaly.

M.Coulibaly (Mali) : Avant tout propos, je voudrais, Monsieur le Président, vous adresser mes sincères remerciements et ceux de la délégation malienne pour la convocation de cette importante séance, qui vient couronner les efforts louables que vous ne cessez de déployer dans le cadre de la recherche d’une solution durable à la grave crise que connaît actuellement le Mali. Dans cette perspective, le mandat du Maroc à la présidence du Conseil de sécurité a permis de faire avancer le processus de règlement de la crise malienne. En témoignent la séance du 5 décembre 2012 sur le Sahel (voir S/PV.6879), au cours de laquelle le Conseil a examiné le rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali (S/2012/894), ainsi que le débat public du 10 décembre 2012 (voir S/PV.6882).

Aujourd’hui, le Conseil de sécurité vient de poser un acte historique en adoptant à l’unanimité la résolution 2085 (2012), par laquelle il autorise, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le déploiement d’une force internationale sous conduite africaine pour aider les forces armées et de sécurité maliennes à restaurer la souveraineté de l’État et l’intégrité territoriale dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal, contrôlées par des terroristes et des extrémistes d’Al-Qaida au Maghreb (AQMI), du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et des groupes qui sont leur sont affiliés. Le Mali se félicite de l’adoption de cette résolution, qui traduit l’engagement de la communauté internationale à ses côtés dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée qui menacent dangereusement la stabilité de la région ainsi que la paix et la sécurité internationales.

Le Gouvernement malien s’engage à coopérer pleinement avec le Conseil de sécurité et à s’acquitter de ses obligations découlant de la présente résolution. À cet égard, je voudrais réaffirmer ici notre détermination à poursuivre, sous l’égide du médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les discussions amorcées avec les groupes rebelles maliens qui ont décidé de rompre tous liens avec AQMI, le MUJAO et les groupes terroristes et extrémistes qui leur sont affiliés, ainsi que de renoncer définitivement à la violence et à la logique de sécession. Il reste entendu que le dialogue politique ne pourrait être entamé que dans le cadre des conditions non négociables affirmées par le Gouvernement malien, à savoir le respect scrupuleux de la souveraineté, de l’intégrité territoriale du Mali, la laïcité de l’État ainsi que l’unicité de la nation.

Je voudrais à présent saisir cette occasion pour remercier, au nom du Président de la République du Mali, S. E. M. Dioncounda Traoré, et du Gouvernement malien, les membres du Conseil pour leurs efforts inlassables ayant abouti à l’adoption de la présente résolution au grand bonheur de l’ensemble du peuple malien, et particulièrement nos populations sous occupation, déplacées et réfugiées. Ces remerciements s’adressent en particulier à la France, à son peuple, à son Président et à son gouvernement qui ont très vite compris que la présence dans le septentrion malien des terroristes et extrémistes d’AQMI et du MUJAO et affiliés, lourdement armés, constitue une réelle menace immédiate à la paix et à la sécurité internationales. La France n’a ménagé aucun effort pour amener le Conseil de sécurité à prendre ses responsabilités.

Je ne saurais terminer sans exprimer la profonde gratitude des autorités maliennes à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest , à l’Union africaine, à l’Union européenne, aux Nations Unies, à nos partenaires bilatéraux et multilatéraux, aux pays voisins et à tous les États de la région pour leur accompagnement solidaire dans le processus de règlement de la crise malienne.

Le Président ( parle en arabe) : Je donne maintenant la parole au représentant de la Côte d’Ivoire.

M. Bamba (Côte d’Ivoire) : Le Ministre d’État, Ministre des affaires étrangères de la République de Côte d’ivoire, dans sa déclaration sur le Sahel faite devant le Conseil le 10 décembre dernier, avait averti du danger imminent que posait la présence de plus en plus accrue de groupes terroristes dans le nord du Mali, et je le cite :

« Le nord du Mali se transforme progressivement en un sanctuaire pour les groupes terroristes qui se livrent en toute impunité aux pires exactions et violations massives des droits de l’homme. Cette présence terroriste menace tous les États de l’Afrique de l’Ouest, du Sahel, mais aussi ceux du Maghreb et au-delà. Il s’agit d’un danger réel pour la paix et la sécurité internationales, qui exige par conséquent une réponse globale et déterminée de la communauté internationale. » (S/PV.6882, p. 10)

La résolution 2085 (2012) que le Conseil de sécurité vient d’adopter aujourd’hui, et qui autorise le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), constitue pour nous, la preuve que le Conseil a pris cet avertissement très au sérieux, et s’est

acquitté ainsi dignement de la responsabilité statutaire qui lui incombe en vertu de la Charte à cet égard. En effet, la résolution 2085 (2012) fournit la légitimité internationale requise pour conduire les actions nécessaires devant aboutir à la restauration de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Mali. Aussi, voudrais-je, au nom de S. E. M. Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, Président en exercice de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) exprimer la satisfaction de la CEDEAO pour l’adoption de cette résolution historique qui répond ainsi à l’attente de toute l’Afrique devant le drame que vit le Mali.

En premier lieu, nous notons que cette résolution vient à point nommé. En effet, l’annonce de l’adoption de la résolution 2085 (2012) avant la fin de cette année, constitue un formidable message d’espoir et de solidarité, non seulement pour les populations meurtries du Nord- Mali, qui peuvent maintenant commencer à croire à la fin très prochaine de leurs cauchemars, mais également pour les millions d’autres populations en proie aux mêmes violences, qui pourront elles aussi croire à la capacité des Nations Unies à prendre les décisions salvatrices qui leur procureront la sécurité à laquelle elles ont droit.

En second lieu, la résolution 2085 (2012) développe une stratégie politique qui donne toutes les chances à la paix. En effet, cette stratégie s’appuie sur l’accord-cadre adoptée par les parties maliennes le 6 avril 2012, unanimement endossé par la CEDEAO, l’Union africaine, les Nations Unies et tous les partenaires au développement, en vue de l’élaboration d’une feuille de route qui vise la restauration de l’ordre constitutionnel complet et le rétablissement de l’unité nationale, notamment par l’organisation dès l’année prochaine d’élections présidentielle et législative justes, libres, et transparentes.

Par ailleurs, la résolution 2085 (2012) envoie un message politique sans ambiguïté qui appelle au retrait des militaires de toute activité politique ; à la conduite d’un dialogue politique inclusif ; à la poursuite sans relâche de la négociation et de la médiation avec les populations et groupes armés indépendantistes ou séparatistes qui se seraient auparavant clairement dissociés des groupes terroristes.

En troisième lieu enfin, la résolution 2085 (2012) définit une stratégie militaire qui se développe autour du déploiement de la MISMA, et qui vise les objectifs essentiels suivants : la remise à niveau de l’armée du Mali ; l’appui opérationnel aux autorités du Mali en vue de la reconquête des parties du territoire du Mali sous contrôle des groupes armés terroristes et extrémistes ; et enfin, la transition jusqu’à la stabilisation de la situation sécuritaire en vue de la dévolution aux autorités du Mali des activités régaliennes de sécurité.

Il est évident que les nobles objectifs que vise la résolution 2085 (2012) qui vient d’être adoptée, ne seront pleinement atteints sans une mobilisation forte et un appui international conséquent. C’est pourquoi, l’Union africaine, de concert avec la CEDEAO, demande qu’un paquet de soutien logistique, financé sur contributions obligatoires des Nations Unies, soit rapidement endossé par le Conseil de sécurité, car nous estimons que ce n’est qu’en agissant ainsi que nous nous donnerons les moyens de garantir la pérennité, et donc l’efficacité, de l’action de la MISMA.

La CEDEAO se félicite de la parfaite unité de vision et d’action qui s’est manifestée entre elle et l’Union africaine sur le dossier du Mali. Cette parfaite convergence de vue s’est également prolongée au niveau de tous les partenaires internationaux, au premier rang desquels figure le Conseil de sécurité, à qui il me plaît d’exprimer, au nom du Président Alassane Ouattara, Président en exercice de la CEDEAO, toute la gratitude de la CEDEAO pour le sens élevé des responsabilités dont le Conseil de sécurité vient de faire preuve par l’adoption à l’unanimité de la résolution 2085 (2012) qui autorise le déploiement d’une force internationale au Mali, en vue de mettre fin à la présence de groupes terroristes dans le Nord du Mali, et de restaurer la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays très important de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel.

Le Président ( parle en arabe) : Je donne maintenant la parole à M. António.

M. António (parle en anglais) : Je tiens d’emblée à vous remercier, ainsi que les membres du Conseil de sécurité, d’avoir invité l’Union africaine à participer à la présente séance, autre témoignage éloquent du partenariat stratégique en train de se mettre en place entre l’ONU et l’Union africaine sur les questions de paix et de sécurité sur le continent.

(l’orateur poursuit en français)

Je voudrais saluer aussi la présence de S.E.M.Tiéman Hubert Coulibaly, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, et le remercier pour son éloquent discours. Je salue aussi le discours prononcé tout à l’heure par mon frère, l’Ambassadeur Bamba, qui a exprimé toutes les opinions que l’Union africaine appuie et tous les détails de la stratégie que nous défendons depuis que nous nous

sommes réunis le 5 décembre dans cette même salle (voir S/PV.6879).

(l’orateur reprend en anglais)

Lorsque nous nous sommes réunis plus tôt ce mois-ci, le 5 décembre 2012, notre intervention reflétait un sentiment collectif d’urgence et un message unifié en faveur d’une action complète et décisive pour régler la situation au Mali. C’est dans ce contexte que l’Union africaine se félicite de l’adoption aujourd’hui de la résolution 2085 (2012), qui est un grand pas en avant et une affirmation de la primauté du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales partout dans le monde.

Nous voudrions également nous féliciter de la grande sagesse et de la volonté politique manifestées par la décision des membres du Conseil de sécurité d’appuyer les demandes de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine en autorisant le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) pour une période initiale d’un an. Je tiens donc à transmettre les remerciements de l’Union africaine à tous les membres du Conseil de sécurité pour leurs efforts inlassables, leur détermination et leur engagement, qui se sont soldés par l’adoption de la résolution 2085 (2012).

Les expériences récentes au Darfour et en Somalie ont montré qu’un dispositif d’appui approprié de l’ONU assurant un financement durable et prévisible demeure la pierre angulaire du succès de toute mission internationale de soutien. Nous prenons note et nous félicitons de l’effort consciencieux du Conseil de sécurité pour aborder cette question primordiale, comme il ressort de la résolution, et nous renouvelons l’appel de l’Union africaine pour que l’ONU mette en place un dispositif d’appui pour la Mission internationale de soutien financé par des contributions obligatoires, et établisse un fonds d’affectation spéciale pour appuyer les Forces de défense et de sécurité maliennes, étant donné le rôle de chef de file qu’elles sont censées jouer dans le règlement des problèmes de sécurité que connaît leur pays.

Pour terminer, la Commission de l’Union africaine tient à rappeler le communiqué de presse publié par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine à sa 348e réunion, tenue le 13 décembre dernier, qui a notamment réaffirmé

« la nécessité d’efforts soutenus, tant de la part des acteurs maliens que des partenaires internationaux, en vue d’accélérer le règlement de la crise multidimensionnelle que connaît le Mali, rappelant à cet égard la pertinence du concept stratégique pour la résolution des crises que connaît le Mali ».

Dans ce communiqué, le Conseil a également souligné que « les questions de gouvernance démocratique, ainsi que le processus de négociation et le déploiement de la MISMA vont de pair et se renforcent mutuellement, et que des efforts déterminés doivent être déployés sur tous ces aspects », et appelé « à la mobilisation d’une aide humanitaire en vue de porter assistance aux nombres croissants de réfugiés dans les pays voisins et de personnes déplacées à l’intérieur du Mali ».

En conclusion, je tiens à réaffirmer que l’Union africaine demeure déterminée à travailler en partenariat avec l’ONU, la CEDEAO, les pays de la région et d’autres partenaires pour parvenir à un règlement rapide de la crise au Mali.

Le Président (parle en arabe) : Il n’y a pas d’autre orateur inscrit sur ma liste. Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase actuelle de l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

La séance est levée à 15 h 45.

Résolution 2085 (2012)

Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6898e séance, le 20 décembre 2012

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions 2056 (2012) et 2071 (2012) et ses déclarations présidentielles des 26 mars 2012 (S/PRST/2012/7) et 4 avril 2012 (S/PRST/2012/9), ainsi que ses déclarations à la presse des 22 mars, 9 avril, 18 juin, 10 août, 21 septembre et 11 décembre 2012,

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali,

Soulignant que la situation dans le nord du Mali et le fait que des groupes terroristes et des réseaux de criminels y sont solidement implantés continuent de faire peser une grave menace, pour laquelle le temps presse, sur la population du Mali tout entier et la stabilité du Sahel, de l’Afrique en général et de la communauté internationale dans son ensemble,

Condamnant vigoureusement l’ingérence persistante de membres des Forces de défense et de sécurité maliennes dans les activités des autorités de transition du pays, soulignant la nécessité de s’employer en toute diligence à rétablir au Mali le système de gouvernance démocratique et l’ordre constitutionnel et prenant note de l’action que mène le Secrétaire général, y compris par l’intermédiaire de son Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest, pour aider les autorités de transition maliennes à élaborer une feuille de route pour le processus électoral et pour la concertation nationale,

Toujours aussi gravement préoccupé par l’insécurité qui règne au Sahel et la sérieuse crise humanitaire qui continue d’y sévir, qui sont encore compliquées par la présence de groupes armés, y compris des mouvements séparatistes et des réseaux terroristes et criminels, et par la multiplication de leurs activités, ainsi que par le fait que les armes en provenance de la région ou d’ailleurs continuent de proliférer, menaçant la paix, la sécurité et la stabilité des États de la région,

Condamnant fortement toutes les atteintes aux droits de l’homme commises dans le nord du Mali par des rebelles armés, des terroristes et d’autres groupes extrémistes, notamment celles qui prennent la forme de violences infligées à des civils et particulièrement à des femmes et à des enfants, de meurtres, de prise d’otages, de pillage, de vol, de destruction de sites culturels et religieux et de recrutement d’enfants soldats, réaffirmant que certains de ces actes peuvent constituer des crimes au regard du Statut de Rome et que ceux qui s’en rendent coupables doivent absolument en répondre, et notant que les autorités provisoires du pays ont saisi la Cour pénale internationale, le 13 juillet 2012, de la situation que connaît le Mali depuis janvier 2012,

Rappelant la lettre que les autorités de transition du Mali ont adressée au Secrétaire général le 18 septembre 2012, demandant que soit autorisée, selon les dispositions du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, une force militaire internationale chargée d’aider les Forces armées maliennes à reprendre les régions occupées du nord du pays, et rappelant également la lettre que lesdites autorités ont adressée au Secrétaire général le 12 octobre 2012, insistant sur la nécessité d’offrir un appui, y compris sous la forme d’une telle force militaire internationale, à l’action menée aux niveaux national et international pour traduire en justice les auteurs de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité commis dans le nord du Mali,

Notant que le concept stratégique pour le règlement de la crise malienne a été approuvé à la deuxième réunion du Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali, tenue à Bamako, le 19 octobre 2012, avec la participation des États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, de pays de la région et d’autres partenaires internationaux, et que ce concept stratégique a été adopté, le 24 octobre 2012, par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine,

Prenant note du communiqué final publié le 11 novembre 2012 à l’issue de la Session extraordinaire de la Conférence des chefs d’État ou de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, et du communiqué publié par la suite, le 13 novembre 2012, par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, approuvant le concept stratégique opérationnel conjoint pour la Force militaire internationale et les Forces maliennes de défense et de sécurité,

Accueillant avec satisfaction la nomination de Romano Prodi comme Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Sahel, ainsi que celle de Pierre Buyoya comme Haut-Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, et les engageant à travailler en étroite coordination avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest,

Se félicitant de l’action menée dans le cadre de la médiation conduite par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest avec l’appui du Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest, de l’Organisation de la coopération islamique et les pays voisins du Mali,

Prenant note du rapport du Secrétaire général sur le Mali en date du 28 novembre 2012 (S/2012/894) pour la poursuite de l’action menée sur le plan politique et sur celui de la sécurité en vue d’un règlement global de la crise qui frappe le pays,

Insistant sur le fait que c’est aux autorités maliennes qu’il incombe au premier chef de régler les crises interdépendantes auxquelles le pays doit faire face, et qu’un règlement durable de la crise malienne ne peut être trouvé que sous la prééminence du Mali,

Engageant la communauté internationale à apporter son concours au règlement de la crise malienne en agissant de façon coordonnée pour répondre aux besoins immédiats et à long terme, y compris en ce qui concerne les problèmes de sécurité et de développement et les problèmes humanitaires,
Considérant que la situation qui règne au Mali constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

I

Processus politique

1. Engage instamment les autorités maliennes à finaliser, comme le veut l’Accord-cadre signé le 6avril 2012 sous les auspices de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, à la faveur d’un dialogue politique large et ouvert une feuille de route pour la transition visant à rétablir pleinement l’ordre constitutionnel et l’unité nationale, notamment par l’organisation d’élections présidentielle et législatives pacifiques, crédibles et sans exclusive, conformément à l’accord susmentionné, qui prévoit la tenue d’élections d’ici à avril 2013 ou, à défaut, dès qu’elles seront techniquement possibles, prie le Secrétaire général, agissant en étroite coordination avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et l’Union africaine, de continuer d’aider les autorités de transition maliennes à établir cette feuille de route, y compris en ce qui concerne le déroulement d’un processus électoral selon des règles du jeu fixées consensuellement, et engage également instamment les autorités maliennes à faire en sorte que la feuille de route soit appliquée selon le calendrier prévu ;
2. Exige des groupes rebelles maliens qu’ils rompent tout lien avec les organisations terroristes, en particulier avec Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et les groupes qui lui sont affiliés, et prennent à cet effet des mesures concrètes et constatables, prend note de l’inscription du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) sur la liste des personnes et entités visées par les sanctions contre Al-Qaida créée et tenue par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) concernant Al-Qaida et les personnes et entités qui lui sont associées, et se déclare à nouveau disposé à continuer d’adopter encore des sanctions ciblées, au titre du régime des sanctions susmentionné, contre les groupes rebelles et les individus qui ne rompraient pas tout lien avec Al-Qaida et les groupes qui lui sont affiliés, y compris AQMI et le MUJAO ;
3. Demande instamment aux autorités de transition maliennes de mettre en place rapidement un cadre de référence crédible pour les négociations avec toutes les parties se trouvant dans le nord du pays qui ont rompu tout lien avec les organisations terroristes, tout particulièrement avec AQMI et avec les groupes qui lui sont affiliés, dont le MUJAO, et qui acceptent sans conditions l’unité et l’intégrité territoriale de l’État malien, dans le but de répondre aux préoccupations de longue date des populations du nord du pays, et prie le Secrétaire général, agissant par l’intermédiaire de son Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest et en coordination avec le Médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et du Haut-Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, ainsi qu’avec l’Organisation de la coopération islamique, de prendre les mesures voulues pour aider les autorités de transition maliennes à renforcer leurs capacités de médiation et pour faciliter et intensifier ce dialogue ;

4. Condamne les circonstances qui ont conduit à la démission du Premier Ministre et à la dissolution du Gouvernement, le 11 décembre 2012, exige à nouveau qu’aucun membre des Forces armées maliennes ne s’immisce dans les activités des autorités de transition et se déclare disposé à étudier, le cas échéant, les mesures qu’il pourrait convenir de prendre à l’encontre de ceux dont les agissements compromettent la paix, la stabilité et la sécurité, y compris ceux qui empêchent la mise en œuvre de l’ordre constitutionnel au Mali ;

5. Demande à tous les États Membres d’honorer les obligations que leur impose les résolutions 1989 (2011) et 2083 (2012) et condamne vigoureusement les enlèvements et les prises d’otage perpétrés par Al-Qaida au Mali et dans toute la région du Sahel comme moyen de recueillir des fonds ou d’obtenir des concessions politiques ;

II


Dispositif de sécurité

Formation des forces maliennes

6. Souligne que la consolidation et le redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes dans tout le territoire du pays revêtent une importance vitale si l’on veut assurer à longue échéance la sécurité et la stabilité du Mali et protéger le peuple malien ;

7. Demande instamment aux États Membres et aux organisations régionales et internationales de fournir aux Forces de défense et de sécurité maliennes un soutien coordonné sous forme d’aide, de compétences spécialisées, de formation, y compris en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire, et de renforcement des capacités, en concordance avec les impératifs intérieurs, afin de rétablir l’autorité de l’État malien sur la totalité du territoire national, de préserver l’unité et l’intégrité territoriale du Mali et d’atténuer la menace que représentent les organisations terroristes et les groupes qui y sont affiliés, et les prie d’informer régulièrement le Secrétariat de ce qu’ils auront fait dans ce sens ;

8. Prend note de l’attachement des États Membres et des organisations internationales à la reconstitution des capacités des Forces de défense et de sécurité maliennes, y compris le déploiement au Mali d’une mission militaire de l’Union européenne chargée de dispenser auxdites forces une formation militaire et des conseils ;

Déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine

9. Décide d’autoriser le déploiement au Mali, pour une durée initiale d’une année, de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), qui prendra toute mesure utile, dans le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme applicable et dans le respect le plus total de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité du Mali, pour accomplir les tâches suivantes :

a) Aider à reconstituer la capacité des Forces de défense et de sécurité maliennes, en étroite coordination avec les autres partenaires internationaux participant au processus, y compris l’Union européenne et d’autres États Membres ;

b) Aider les autorités maliennes à reprendre les zones du nord de son territoire qui sont contrôlées par des groupes armés terroristes et extrémistes et à réduire la menace posée par des organisations terroristes, y compris AQMI et le MUJAO et les groupes extrémistes y affiliés, en prenant en même temps des mesures susceptibles de réduire les effets des opérations militaires sur la population civile ;

c) Passer progressivement à des activités de stabilisation afin d’aider les autorités maliennes à assurer la sécurité et à renforcer l’autorité de l’État au moyen de capacités appropriées ;

d) Aider les autorités maliennes à s’acquitter de leur responsabilité première, qui est de protéger la population ;

e) Aider les autorités maliennes à créer de bonnes conditions de sécurité pour l’acheminement de l’assistance humanitaire sous la direction de civils et le rapatriement librement consenti des déplacés et des réfugiés, agissant sur demande, dans les limites de ses capacités et en étroite coordination avec les acteurs du secteur humanitaire ;

f) Protéger son personnel, ses installations, ses locaux, son matériel et sa mission et assurer la sécurité et les mouvements de son personnel ;

10. Prie l’Union africaine, agissant en étroite coordination avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, le Secrétaire général et les autres organisations internationales et partenaires bilatéraux intervenant dans la crise malienne, de lui faire rapport tous les 60 jours sur le déploiement et les activités de la MISMA, y compris avant le lancement de l’offensive dans le nord du pays, en couvrant les points suivants : i) progrès accompli dans le déroulement du processus politique au Mali, en particulier dans l’élaboration de la feuille de route pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel et dans les négociations entre les autorités maliennes et l’ensemble des parties dans le nord du Mali qui ont rompu tout lien avec les organisations terroristes ; ii)formation effective des unités militaires et de police, tant celles de la MISMA que celles des Forces de défense et de sécurité maliennes, sur les obligations que leur imposent le droit international humanitaire, des droits de l’homme et des réfugiés ; iii)l’état de préparation opérationnelle de la MISMA, y compris le niveau de ses effectifs, sa direction et l’équipement de ses unités, leur adaptation opérationnelle au climat et au terrain d’opérations, la capacité de réaliser des opérations armées conjointes avec un soutien logistique et un appui-feu aérien et terrestre ; iv) l’efficacité de la chaîne de commandement de la MISMA, notamment en ce qui concerne ses rapports avec les Forces de défense et de sécurité maliennes, et se déclare à nouveau disposé à suivre ces paramètres de près avant le lancement d’offensives dans le nord du Mali ;

11. Souligne que la planification militaire devra continuer d’être affinée avant le lancement des offensives et prie le Secrétaire général, agissant en étroite coordination avec le Mali, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, l’Union africaine, les pays voisins du Mali, les autres pays de la région, tous les autres partenaires bilatéraux intéressés et toutes les organisations internationales concernées, de continuer d’apporter son concours à l’établissement des plans et aux préparatifs autour du déploiement de la MISMA et de le tenir régulièrement informé du déroulement du processus, et le prie également de confirmer à l’avance que l’offensive prévue satisfait le Conseil ;

12. Prie le Secrétaire général de fournir, à mesure que les autorités maliennes en feront la demande, l’appui dans les domaines d’importance critique qui sera nécessaire pour accompagner ou prendre la suite d’une opération militaire menée dans le nord du Mali, aux fins de l’extension de l’autorité de l’État malien, y compris sur les plans de l’État de droit et des institutions du secteur de la sécurité, des actions de déminage, de la promotion de la concertation nationale, de la coopération régionale, de la réforme du secteur de la sécurité, des droits de l’homme et du début de la démobilisation, du désarmement et de la réintégration des ex- combattants ;

Appui international

13. Demande aux États Membres, y compris ceux de la région du Sahel, de fournir des contingents à la MISMA pour lui donner les moyens de s’acquitter de son mandat, remercie les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest qui ont déjà pris des engagements dans ce sens et invite les États Membres à coopérer étroitement à cet effet avec l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, l’Organisation des Nations Unies, les pays fournissant des contingents et les autres donateurs ;

14. Demande instamment aux États Membres et aux organisations régionales et internationales de fournir un appui coordonné à la MISMA, en étroite coordination avec celle-ci et avec les autorités maliennes, notamment sous la forme de formations militaires, de fourniture de matériel, de renseignement, d’appui logistique et de tout type d’aide nécessaire pour réduire la menace posée par des organisations terroristes, y compris AQMI, le MUJAO et les groupes extrémistes qui leur sont affiliés, conformément au paragraphe 9 b) ;

15. Invite les autorités de transition maliennes et toutes les autres parties maliennes à apporter un concours plein et entier au déploiement et aux opérations de la MISMA, notamment en assurant la sûreté et la sécurité de celle-ci et sa liberté de mouvement, avec accès immédiat et sans entrave à tout le territoire malien, pour lui permettre de s’acquitter de l’intégralité de son mandat, et invite également les pays voisins du Mali à prendre les mesures voulues pour aider la Mission à accomplir son mandat ;

16. Exige de toutes les parties au Mali qu’elles fassent le nécessaire pour assurer la sûreté et la sécurité du personnel et des fournitures humanitaires, et exige également qu’elles veillent à ce que l’aide humanitaire parvienne sans entrave et en toute sécurité aux personnes qui en ont besoin, où qu’elles se trouvent dans le pays, dans le respect du droit international humanitaire, du droit des droits de l’homme et du droit des réfugiés, ainsi que des principes directeurs de l’aide humanitaire ;

Droits de l’homme

17. Souligne que la protection des civils au Mali incombe au premier chef aux autorités maliennes, rappelle ses résolutions 1674 (2006), 1738 (2006) et 1894 (2009) sur la protection des civils en période de conflit armé, ses résolutions 1612 (2005), 1882 (2009) et 1998 (2011) sur le sort des enfants en temps de conflit armé et ses résolutions 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009) et 1960 (2010) sur les femmes et la paix et la sécurité, et demande à toutes les forces militaires présentes au Mali d’en tenir compte ;

18. Souligne également que tout appui fourni par l’Organisation des Nations Unies, les organisations régionales et sous-régionales et les États Membres dans le contexte des opérations militaires menées au Mali doit l’être dans le respect du droit international humanitaire, du droit des droits de l’homme et du droit des réfugiés, prie le Secrétaire général de veiller à ce que la présence des Nations Unies visée au paragraphe 23 ci-après dispose des capacités nécessaires pour surveiller le respect du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme dans le cadre des opérations militaires menées dans le nord du Mali, de rendre compte, dans les rapports périodiques qu’il lui soumettra en application du paragraphe 24 ci-après, de la situation des civils dans le nord du Mali et de toute violation du droit international humanitaire, du droit des droits de l’homme ou du droit des réfugiés commise dans le nord du Mali et de recommander des moyens de préserver la population civile, en particulier les femmes et les enfants, des répercussions des opérations militaires ;

19. Invite la MISMA à apporter son concours, dans les limites de son mandat, à l’action menée sur le plan national et international, y compris par la Cour pénale internationale, pour traduire en justice les auteurs d’atteintes graves aux droits de l’homme et au droit international humanitaire au Mali ;

Financement

20. Engage les États Membres et les organisations internationales à fournir à la MISMA les moyens financiers et les contributions en nature dont elle a besoin pour son déploiement et pour l’exécution de son mandat, et se félicite que l’Union européenne soit disposée à lui apporter un tel soutien financier par l’intermédiaire de sa Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique ;

21. Déclare qu’il compte envisager la fourniture, pour une durée initiale d’un an, de dispositifs de soutien logistique à l’appui de la MISMA, qui seraient financés par l’Organisation des Nations Unies de manière volontaire et comprendraient du matériel et des services, prend note de la lettre du Secrétaire général (S/2012/926) sur l’éventuel déploiement de tels dispositifs et sur les coûts financiers de soutien, et prie à cet effet le Secrétaire général, agissant en coordination avec l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et les autorités maliennes, de continuer à élaborer et affiner, dans les 30 jours qui suivent l’adoption de la présente résolution, des options assorties de recommandations détaillées pour une mise en œuvre rapide, transparente et efficace de ces dispositifs ;

22. Prie le Secrétaire général de créer un fonds d’affectation spéciale auquel les États Membres pourront verser des contributions financières fléchées ou non fléchées à la MISMA ou à la formation et à l’équipement des Forces de défense et de sécurité maliennes, lui demande également d’apporter son concours, en coordination avec l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, à la tenue, dans les meilleurs délais, d’une conférence des donateurs pour solliciter le versement de contributions au fonds, en appelle aux États Membres pour qu’ils versent sans tarder des contributions généreuses au fonds, tout en précisant que l’existence de celui-ci n’empêche pas la conclusion d’accords bilatéraux directs, et invite l’Union africaine, agissant en consultation avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et le Secrétaire général, à adresser à ce fonds ses demandes de financement budgétaire ;

Présence des Nations Unies et rapports

23. Prie le Secrétaire général de créer, en consultation avec les autorités maliennes, une présence multidisciplinaire des Nations Unies au Mali chargée de fournir un appui coordonné et cohérent : i) au processus politique en cours ; et ii) au dispositif de sécurité, compte tenu du paragraphe 12 ci-dessus, ainsi qu’un appui à l’établissement des plans de la MISMA, à son déploiement et à ses opérations, et lui demande donc de lui soumettre au plus tôt pour examen des propositions concrètes et détaillées ;

24. Prie également le Secrétaire général de le tenir régulièrement informé de l’évolution de la situation au Mali et de lui rendre compte par écrit, tous les 90 jours, de la mise en œuvre de la présente résolution, y compris l’appui fourni par l’Organisation des Nations Unies à l’action menée sur les plans politique et de la sécurité pour régler la crise au Mali, le déploiement et la préparation de la MISMA, en lui présentant des informations à jour et des recommandations concernant les dispositifs de soutien logistique à la Mission qui seraient volontaires et financés par l’Organisation ;

25. Décide de rester activement saisi de la question.