La séance est ouverte à 14 h 10.

Le Président, M. Aboulatta (Egypte) (parle en arabe) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de la République arabe syrienne à participer à la présente séance.

Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite les intervenants suivants appelés à présenter un exposé à participer à la présente séance : M. Jeffrey Feltman, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, et M. Stephen O’Brien, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.Je donne la parole à M. Feltman.

M. Feltman, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques (parle en anglais) : Le Conseil de sécurité a demandé au Département des affaires politiques de lui faire un exposé sur les incidences politiques et de sécurité de l’évolution récente de la situation à Alep. Tout d’abord, je tiens à rappeler ce que le Secrétaire général a dit hier au Conseil (voir S/PV.7685). Le schéma de destruction systématique est évident à Alep. Aucun coin de la ville n’a été épargné. Alep devient de plus en plus l’ombre de ce qu’elle était. Les bombardements aériens de la ville par le Gouvernement ces deux dernières semaines sont parmi les pires bombardements perpétrés pendant une guerre. Les bombardements par l’opposition de quartiers contrôlés par le Gouvernement ont également provoqué des morts et des destructions. Il existe un danger évident que ces attaques et contre-attaques continuent de s’intensifier et même de se propager au-delà d’Alep. Nous prenons note de l’annonce faite par le Département d’État américain selon laquelle les États-Unis et la Russie se sont entendus tard dans la soirée d’hier pour étendre à Alep la cessation des hostilités en vigueur dans l’ensemble du pays, et nous engageons les parties à s’y conformer immédiatement et de façon complète.

Le Conseil entendra tout à l’heure le Secrétaire général adjoint O’Brien, qui parlera des dimensions humanitaires des faits nouveaux survenus à Alep. Mais je tiens à dire clairement que priver les populations de l’accès aux secours humanitaires essentiels est une grave violation du droit international humanitaire. Utiliser la famine comme arme pendant un conflit est constitutif de crime de guerre. Aucune cause ne justifie les pertes civiles que nous continuons de voir chaque jour partout dans le pays. Toutes les parties au conflit, étatiques et non étatiques, ont la stricte obligation de respecter les règles du droit international humanitaire. Je rappelle aux membres du Conseil que le Secrétaire général a demandé que la situation en Syrie soit renvoyée à la Cour pénale internationale. Ceux qui ont commis des crimes de guerre doivent avoir à en répondre.Malheureusement, des informations encore plus choquantes ont continué de nous parvenir d’Alep ces deux dernières semaines. Nous avons tous vu les images effroyables des attaques menées contre les hôpitaux de la ville, aussi bien dans les quartiers tenus par le Gouvernement que dans ceux tenus par l’opposition. Je tiens de nouveau à être absolument clair : les attaques délibérées visant directement les hôpitaux sont des crimes de guerre. Les attaques aveugles contre les quartiers d’Alep peuplés de civils se sont aussi poursuivies. Aussi bien les forces gouvernementales que les forces de l’opposition auraient essayé de réaliser des avancées territoriales ces dernières semaines. Enfin, les opérations militaires conjointes que seraient en train de mener des groupes qui sont parties à la cessation des hostilités et des groupes qui ne le sont pas, comme le Front el-Nosra, constituent un obstacle majeur à la stabilisation de la situation.

Dans l’ensemble, la situation à Alep ressemble de plus en plus à celle qui prévalait pendant certaines des pires journées de la période d’avant la cessation des hostilités. Comme je l’ai dit, les États-Unis et de la Russie ont conclu des arrangements pour qu’une journée de silence des armes soit observée à Alep et ses environs dès la nuit dernière, prenant effet une minute après minuit, heure de Damas, mais son respect s’est avéré difficile quand bien même elle a permis, dans l’ensemble, une diminution des violences. Consolider et proroger cet accord serait un important pas fait dans la bonne direction. Nous espérons aussi que l’accord qui a été annoncé sur des journées de trêve dans certaines parties de Damas et de Lattaquié sera aussi consolidé, et nous nous réjouissons des informations indiquant que la trêve a été prorogée de 48 heures dans la Ghouta orientale, dans les faubourgs de Damas.Nous devons remettre la cessation des hostilités sur les rails partout dans le pays, et nous devons tous faire notre part à cet égard. À l’avenir, des mesures supplémentaires seront aussi nécessaires pour revigorer et assurer une surveillance renforcée de la cessation des hostilités. À cet égard, l’Envoyé spécial, Staffan de Mistura, a mené ces deux derniers jours des consultations avec les Coprésidents de l’équipe spéciale chargée du cessez-le-feu du Groupe international de soutien pour la Syrie, et il se trouve aujourd’hui à Berlin pour une rencontre avec des responsables allemands et français. Il a aussi rencontré en aparté le chef du Haut Comité de négociation de l’opposition. Je me félicite de la décision des Coprésidents de dépêcher du personnel supplémentaire à Genève pour renforcer la surveillance de la cessation des hostilités.

J’en viens maintenant au processus politique. L’Envoyé spécial, Staffan de Mistura, l’a clairement dit dans l’exposé qu’il a présenté au Conseil de sécurité le 27 avril : pour qu’il soit crédible, la prochain cycle de négociations doit être accompagné de progrès tangibles sur le terrain en termes de consolidation de la cessation des hostilités et d’accès humanitaire accru. L’Envoyé spécial entend convoquer de nouveau des négociations intersyriennes en mai, mais le faire sans progrès dans ces deux domaines risque réellement de faire échouer le processus politique. En particulier, les niveaux actuels de violence à Alep compromettent la capacité des parties syriennes à participer à des négociations.

Le Secrétaire général a maintes fois déclaré qu’il n’y a pas de solution militaire à ce conflit. Le fait fondamental reste que le seul moyen d’instaurer la paix en Syrie c’est une solution politique basée sur une transition politique crédible résultant de négociations intersyriennes. Gardant cela à l’esprit, l’Envoyé spécial, Staffan de Mistura, a, au cours du cycle de négociations qui a eu lieu du 13 au 27 avril, préparé un résumé du médiateur dans lequel il a recensé 18 points nécessaires pour que les arrangements en matière de transition puissent aller de l’avant.

Au cours du dernier cycle de négociations, des progrès ont été enregistrés, dans le sens où tous les participants, y compris le Gouvernement syrien, ont accepté l’idée qu’une transition conduite par les Syriens était nécessaire pour mettre fin au conflit. Durant les prochains cycles, nous devrons déterminer si les visions respectives concernant la transition politique qui ont été exprimées correspondent aux exigences de la résolution 2254 (2015) aux fins d’une gouvernance crédible, non exclusive et non sectaire ; à l’approbation, dans la résolution, des Déclarations de Vienne en vue de la pleine mise en oeuvre du Communiqué de Genève (S/2012/522), annexe) ; et au fait qu’elle réaffirme qu’une solution durable à la crise actuelle en Syrie doit inclure, entre autres, la mise en place d’une autorité de transition dotée des pleins pouvoirs exécutifs, formée sur la base du consentement mutuel et dans des conditions propres à assurer la continuité des institutions de l’État.

Dans la résolution 2254 (2015), les Déclarations de Vienne et le Communiqué de Genève, la communauté internationale a déjà défini un certain nombre de principes de base pour toute transition. Le premier d’entre eux pour garantir une transition crédible, c’est l’exigence faite dans le Communiqué de Genève à toutes les institutions publiques, les services de sécurité et de renseignement y inclus, d’agir en conformité avec les droits de l’homme et les normes professionnelles et opérer sous un commandement qui inspire la confiance au public, placé sous le contrôle de l’organe de gouvernement transitoire. Nous sommes à un point où il est nécessaire de renouveler l’appui au Groupe international de soutien pour la Syrie pour mener de l’avant les négociations intersyriennes sur un processus de transition politique basé sur la pleine mise en oeuvre de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève.

Aux termes de la résolution 2253 (2015) et de nombreuses autres résolutions du Conseil, la lutte contre le terrorisme est la première des priorités. La nécessité de s’attaquer à ce problème, toutefois, ne doit pas nous empêcher de poursuivre des négociations sérieuses sur une transition politique. Maintenant que la question du terrorisme est traitée parallèlement dans le cadre d’un volet international distinct et crédible, elle ne devrait pas entraver la progression du processus de transition politique. Il est clair qu’il n’y a pas de place pour le terrorisme, ni en Syrie ni ailleurs. Grâce au processus politique, l’une des plus importantes contributions que nous pouvons faire pour lutter contre l’État islamique d’Iraq et du Levant et le Front el-Nosra et leur idéologie, c’est de mener une transition politique globale aux fins de l’avènement d’un État inclusif, démocratique et participatif.

En application de la résolution 2254 (2015), le Secrétaire général et son Envoyé spécial s’efforcent de définir ensemble une voie à suivre d’ici le mois d’août. Nous ne pouvons pas laisser passer l’occasion qu’offrent les négociations de Genève. Ce serait une erreur que de permettre aux parties au conflit de gagner du temps ou des territoires afin de renforcer leur position à la table des négociations. L’ONU doit s’attacher à relancer les négociations rapidement, dans l’espoir que, dans l’intervalle, les efforts visant à réinstaurer la cessation des hostilités, y compris à Alep, porteront leurs fruits.

Le Président (parle en arabe) : Je remercie M. Feltman de son exposé. Je donne maintenant la parole à M. O’Brien.

M. O’Brien, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence (parle en anglais) : Je voudrais remercier le Secrétaire général adjoint, M. Feltman, de son exposé. Je fais écho à son appel et à ceux lancés par de nombreux autres pour demander la fin du carnage à Alep, et en Syrie en général. Pour le bien des habitants d’Alep, et de la Syrie et au-delà, nous ne devons pas gâcher l’occasion que nous offrent les négociations de Genève. C’est avec joie que je prends note des informations qui viennent de nous être communiquées par M. Feltman concernant un autre accord, et j’espère qu’il pourra être pleinement mis en oeuvre.

Mais je suis horrifié par la poursuite des tueries et des destructions à Alep. Ces 10 derniers jours, des attaques aveugles et l’utilisation d’armes explosives dans des zones densément peuplées par les forces gouvernementales, les groupes armés non étatiques et les groupes terroristes inscrits sur la Liste, se sont intensifiées, touchant surtout des civils innocents. Tandis que l’on continue de compter les morts et que le personnel médical essaye de sauver des vies et de soigner les blessés, nous pouvons déjà dire que des centaines de civils ont été tués ou blessés, y compris des dizaines de femmes et d’enfants. La vie des habitants d’Alep est horrible et n’a plus de sens. L’accès aux services de base essentiels comme l’eau et l’électricité est, au mieux, sporadique. Les gens vivent quotidiennement sous la menace et dans la terreur. Ceux qui se trouvent encore dans l’est d’Alep, soit quelque 300 000 personnes, vivent constamment dans la peur d’un nouveau raid aérien, mené notamment à l’aide de barils explosifs. Les activités scolaires de milliers d’enfants ont été suspendues, et les prières du vendredi ont été annulées. Selon les estimations, 1,3 million de personnes vivent dans l’ouest d’Alep, entassées dans des sous-sols pour échapper à la pluie d’obus et de mortiers, qui continuent de s’abattre sur ce qu’il reste de leurs maisons, alors que la population et les travailleurs humanitaires sont coincés dans les quartiers de la ville où ils se trouvent. Aucune explication ni aucune excuse, aucune raison ni aucune logique ne justifie de faire la guerre aux civils.

Je vais mettre de nouveau l’accent sur les attaques inexcusables et profondément inquiétantes contre des installations médicales. Nous avons tous vu les images atroces des bombes et des mortiers qui ont touché des installations et du personnel médical à Alep au cours des derniers jours. Le 22 avril, une frappe aérienne a touché une ambulance qui allait porter secours aux personnes touchées par une frappe antérieure dans le quartier d’Al‑Huluk, dans l’est d’Alep, tuant le chauffeur et l’auxiliaire médical. Le 27 avril, l’hôpital Al‑Qods, le centre de soins pédiatriques le plus perfectionné d’Alep – je le répète, un hôpital qui soigne les enfants – a été détruit par une série de frappes aériennes, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont à mettre à l’actif du Gouvernement syrien. Cinquante personnes ont été tuées, dont plusieurs médecins, et 80 personnes ont été blessées. Le 29 avril, des frappes aériennes ont détruit un centre de soins de santé primaires financé par les Nations Unies dans le quartier de la place Marjeh et le centre de santé Boustan Al‑Qasir dans l’est d’Alep, qui sont maintenant contrôlés par des acteurs armés non étatiques, et ces frappes ont fait plusieurs blessés et mis ces installations hors-service. Dans l’ouest d’Alep, qui est actuellement contrôlé par le Gouvernement, l’hôpital Ibn Rushd a été touché par des mortiers qui auraient été tirés par des groupes armés non étatiques la semaine dernière, et, pas plus tard qu’hier, toujours dans l’ouest d’Alep, la maternité Al‑Dabeet a été la cible d’une attaque, qui serait elle aussi imputable à des groupes armés non étatiques et qui a fait trois morts et 15 blessés. Ces terribles attaques ont non seulement fait des victimes innocentes, mais elles ont également un effet multiplicateur, et des dizaines de milliers de civils n’ont plus accès ne serait-ce qu’aux soins de santé les plus élémentaires, et ce alors que les combats s’intensifient autour d’eux.

Plus généralement, selon Médecins pour les droits de l’homme, 360 attaques ont été confirmées contre quelque 250 installations médicales depuis le début du conflit. Plus de 730 professionnels de santé ont été tués. Les hôpitaux qui traitent des enfants et ceux qui s’occupent des femmes enceintes ne sont plus des lieux sûrs où les civils peuvent se rendre pour recevoir des soins. On estime qu’il est désormais risqué, comme je l’ai dit dans le dernier exposé que j’ai présenté au Conseil (voir S/PV.7682), de vivre près d’une installation médicale.Conformément au droit international humanitaire et comme l’a réaffirmé le Conseil hier (voir S/PV.7685), la protection et la fourniture d’une assistance médicale et de soins de santé aux blessés et aux malades sont au coeur de l’action humanitaire. Quels que soient leur identité et le camp dans lequel ils combattent, les responsables de ces actes inhumains récurrents et impardonnables doivent comprendre que leurs actes ne sauraient être oubliés. De telles attaques contre des civils constituent des violations du droit international humanitaire. Certains de ces actes sont constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Les responsables doivent savoir qu’ils seront un jour tenus de rendre des comptes.

Je tiens à saluer les efforts inlassables que déploient les acteurs humanitaires et les premiers intervenants, dont la plupart sont syriens, qui continuent de risquer leur vie en restant sur place pour fournir une assistance à Alep et dans tout le pays. Depuis le début de l’année, l’ONU et ses partenaires ont fourni par mois à Alep une aide vitale à des centaines de milliers de personnes, venant aussi bien de l’intérieur de la Syrie que de l’autre côté de la frontière – de la Turquie.

Cependant, nous demeurons profondément préoccupés par la manière dont les problèmes de sécurité à Alep entravent l’accès et les opérations humanitaires. Ces derniers jours, de nombreux organismes humanitaires ont dû suspendre leurs opérations, n’ayant pas pu avoir accès à des dizaines de milliers d’enfants, qui n’ont donc pas pu être vaccinés la semaine dernière. Nous sommes consternés que le Gouvernement syrien n’ait pas autorisé un convoi interinstitutions à traverser la ligne de front dans l’est d’Alep en mai. La suspension des activités du Croissant-Rouge arabe syrien dans l’est de la ville au cours des dernières semaines est également une source d’inquiétude, car cette organisation est un partenaire clef de l’ONU en Syrie, et nous appelons tous les acteurs concernés à lui permettre de reprendre ses activités dans l’est d’Alep aussitôt que possible. Il n’y a pas une minute à perdre.Nous parlons aujourd’hui d’Alep, mais que l’on ne s’y trompe pas : les attaques aveugles et les destructions d’infrastructures civiles continuent d’infliger une immense souffrance aux Syriens dans tout le pays. Nous sommes profondément préoccupés par l’escalade de la violence et ses incidences sur les civils dans d’autres parties du pays, par exemple à Deraa, où on a signalé des combats violents entre les forces gouvernementales et des groupes armés non étatiques, notamment des bombardements et des bombardements aériens au cours de la semaine écoulée.

L’important est que ces attaques contre des civils et des infrastructures civiles doivent s’arrêter immédiatement. Il importe également de garantir un libre accès, sans entrave, inconditionnel, sûr et durable à toutes les personnes dans le besoin, notamment dans les zones assiégées et difficiles d’accès, et il faut garantir l’accès de tous les types d’assistance, notamment le matériel médical et chirurgical. En résumé, toutes les parties doivent enfin et sans conditions honorer leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des exigences exprimées dans les résolutions du Conseil.

Ma question aux membres du Conseil reste la même : combien de morts, combien de souffrance pouvons-nous encore tolérer avant de nous mobiliser collectivement pour mettre fin à cette crise insensée et honteuse qui touche les Syriens, leurs voisins et tant d’autres personnes ?

Le Président (parle en arabe) : Je remercie M. O’Brien de son exposé.Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil.

M. Rycroft (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir répondu rapidement à ma demande tendant à ce que soit organisée une séance d’urgence. Je remercie les Secrétaires généraux adjoints, M. Feltman et M. O’Brien, de leurs exposés, et je me félicite que la présente séance du Conseil de sécurité soit publique.

Alep est depuis des siècles la capitale culturelle de la Syrie, mais elle est devenue un symbole très différent dans le contexte du conflit en cours, un symbole d’oppression et de brutalité, un symbole de la volonté d’Al‑Assad de combattre jusqu’au dernier souffle, même s’il faut pour cela aller jusqu’à détruire la Syrie. Il suffit de lire les dépêches d’hier. À 11 heures, heure locale, deux barils d’explosifs ont touché le quartier Al‑Huluk, à Alep. Quatre personnes ont été tuées. Juste après midi, le régime a bombardé pas moins de sept quartiers. Deux heures plus tard, à 14 h 30, des roquettes ont été tirées sur le quartier Al‑Shaher. Je pourrais continuer, mais je pense avoir été clair : la cessation des hostilités a effectivement cessé d’exister à Alep. La ville est en flammes ; ses habitants meurent. En un peu plus d’une semaine le mois dernier, 253 personnes ont été tuées à Alep, dont 80 femmes et enfants. Comme l’a douloureusement illustré le docteur Abo El Ezz, « nous allons bientôt manquer de cercueils pour enterrer nos amis, les membres de nos familles et nos collègues ».

La cessation des hostilités était censée être un des trois piliers du règlement politique en Syrie promu par l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura, mais comme les hôpitaux et les maisons d’Alep, ce pilier est systématiquement pris pour cible et dégradé par les agissements du régime d’Assad. Toute trace d’optimisme née de la résolution 2268 (2016) s’est pour ainsi dire évaporée.

De par son comportement, le régime d’Assad a montré qu’il ne veut pas d’un règlement politique et qu’il ne se préoccupe pas de rétablir la paix en Syrie. Cela n’a jamais été aussi clair : il ne pourra y avoir de paix tant qu’Al‑Assad sera au pouvoir. Comment peut-il jouer un rôle dans l’avenir alors qu’il ordonne à ses forces de couper l’accès humanitaire, au mépris total d’un si grand nombre de nos résolutions ; qu’il refuse volontairement aux personnes qui en ont le plus besoin du matériel qui pourrait leur sauver la vie ; et qu’il attaque délibérément des hôpitaux, comme cela nous a douloureusement été rappelé hier ?

Al‑Assad et ses alliés avanceront l’argument de la menace terroriste que pose le Front el-Nosra à Alep. Ils prétendront agir pour défendre le peuple syrien. Mais comment, dans quelles circonstances, la prise d’assaut et l’encerclement d’une ville entière peuvent-ils être justifiés ? Comment les bombardements d’hôpitaux et d’écoles peuvent-ils être justifiés ? Ces attaques ne sont rien d’autre que des châtiments collectifs barbares. Ce sont des crimes de guerre. Je suis d’accord avec le Secrétaire général : les responsables doivent répondre pleinement de leurs actes, notamment devant la Cour pénale internationale.

Le Conseil a une obligation envers la population d’Alep. Nous avons l’obligation de montrer que nous travaillons à les protéger, que nous essayons de trouver ce règlement politique qui continue de nous échapper et qui mettra fin à cette guerre. Quelle confiance un homme, une femme, ou un enfant d’Alep peuvent-ils avoir dans nos paroles aujourd’hui ? Quelle confiance peuvent-ils mettre dans une éventuelle cessation future des hostilités alors qu’ils ont vu celle-ci si violemment mise à mal ? La seule façon de regagner cette confiance, de la rétablir, est de faire cesser la violence. Nous devons aux habitants d’Alep de faire toute la clarté et de faire preuve de franchise sur les efforts faits pour mettre fin à ces attaques. À défaut, comment peuvent-ils croire que l’on ne se servira pas d’une cessation des hostilités comme couverture à de nouvelles avancées militaires ?

Aussi, je me félicite de l’accord annoncé récemment entre les États-Unis d’Amérique et la Russie dans lequel ils confirment la cessation des hostilités à Alep, Lattaquié et dans la Ghouta orientale. Mais nous devons maintenant voir ce dernier résultat suivi d’effets immédiats, positifs : seule sa mise en oeuvre intégrale pourra être gage pour la population syrienne de cette clarté si nécessaire, car les actes sont plus éloquents que tous les discours.

À l’appui de cet effort, le Royaume-Uni propose aujourd’hui un projet de déclaration du Conseil de sécurité condamnant la violence à Alep et appelant à mettre fin d’urgence à la sauvagerie. Nous le devons aux habitants d’Alep, aux vivants comme aux morts, pour que l’on voie que le Conseil peut parler d’une seule voix sur cette question, et que nous pouvons travailler de concert pour mettre fin à cette violence. Nous ne pouvons opter pour l’inaction face à toute cette barbarie. Cela reviendrait, sinon, à faire acte de collusion avec les forces mêmes qui s’emploient à la destruction d’Alep.

M. Delattre (France) : Je remercie la présidence égyptienne du Conseil de sécurité de nous réunir aujourd’hui pour ce débat public consacré à la situation en Syrie, et à Alep en particulier, dont la France a pris l’initiative avec la Grande-Bretagne. Je remercie également M. Feltman et M. O’Brien de leurs interventions.

Le processus diplomatique initié à Vienne a marqué un espoir en aboutissant le 27 février dernier à l’entrée en vigueur d’une cessation des hostilités sur l’ensemble du territoire syrien. La France a voté la résolution 2268 (2016) et salué cet accord comme une contribution à la désescalade et une opportunité pour les Syriens de voir enfin le processus diplomatique aboutir à une réduction de la violence et une amélioration de la situation des populations civiles. Pendant près d’un mois, cette cessation des hostilités a apporté à ces populations une amélioration jamais vue depuis le début du conflit, il y a de cela cinq ans, même si les progrès humanitaires n’ont jamais été à la hauteur des attentes.

Or, nous constatons depuis le mois dernier que l’édifice fragile de la cessation des hostilités prend l’eau de toutes parts et menace aujourd’hui de s’effondrer. Appelons un chat un chat : le régime de Damas en est le principal responsable. Et la nouvelle offensive que le régime a engagée sur la ville d’Alep le 22 avril en est la démonstration la plus flagrante et la plus tragique. À bien des égards, Alep est à la Syrie ce que Sarajevo était à la Bosnie : une ville symbole, une ville carrefour, une ville martyre. Alep, cette ville symbole, plusieurs fois millénaire, classée au patrimoine mondial de l’humanité, cette ville carrefour, où se sont entrechoquées et entremêlées tant de civilisations qui ont laissé sur la ville une empreinte profonde et diverse, est aujourd’hui une ville martyre. Ce bastion de l’opposition modérée a résisté depuis quatre ans aux assauts continus du régime de Bashar Al-Assad, comme à ceux de Daech.

Nous ne pouvons pas fermer les yeux aujourd’hui face à ceux qui voudraient mettre la main sur Alep en utilisant l’accord de cessation des hostilités comme un écran de fumée. Et ce, d’autant plus que, dans son offensive sur Alep, le régime a recours à tous les moyens, y compris celui des attaques délibérées contre les civils. Nous en mesurons les conséquences. Cette reprise des combats a entraîné plus de 280 morts en quelques jours et provoqué un nouvel afflux de personnes déplacées à la frontière turque. L’usage des barils d’explosifs sur des zones peuplées de civils, dont l’objet même est de semer la terreur parmi les populations et que la France n’a cessé de dénoncer, a repris. Alors même que le Conseil de sécurité a adopté hier à l’unanimité la résolution 2286 (2016) sur la nécessaire protection des personnels et infrastructures médicales, le régime les prend délibérément, systématiquement, méthodiquement pour cible. Le 25 avril, cinq Casques blancs ont perdu la vie, après avoir été délibérément visés par des attaques de l’un de leur centre à Atareb, près d’Alep. Le 27 avril, c’est l’hôpital Al-Qods qui a été visé par les bombardements du régime, avec son cortège de victimes. Le 29, le centre de santé de Marjé à Alep a été complètement détruit.

Je le répète, le régime du Président syrien Bashar Al-Assad porte l’entière responsabilité de la rupture de la trêve à Alep. Face à cette spirale de violence, la France, conjointement avec le Royaume-Uni, se devait d’en appeler au Conseil de sécurité. À l’heure où nous nous réunissons, le fragile accord entre Russes et Américains annoncé à l’instant est une première nouvelle encourageante, mais qui reste à confirmer et, si elle l’est, à traduire sur le terrain. Pour restaurer la trêve sur l’ensemble du territoire syrien et préserver la dynamique politique, nous devons faire beaucoup plus afin que la cessation des hostilités soit effectivement respectée. Sans quoi, nous risquons le retour de l’horreur et la reprise d’affrontements qui, rappelons-le, ont fait plus de 400 000 morts – quatre cent mille morts ! –, et des millions de réfugiés, et détruit tout un pays. La France estime que le Conseil de sécurité a un rôle à jouer dans la surveillance du respect de la trêve et la sanction des violations les plus graves, en exploitant les informations qui doivent lui être relayées, sur une base mensuelle, par les équipes spéciales de Genève, comme le prévoit la résolution 2268 (2016). Dans l’immédiat, les soutiens du régime doivent prendre leurs responsabilités et user de leur influence sur Damas pour faire taire effectivement les armes. On sait en effet que, trop souvent, le régime a donné un accord de façade pour mieux le violer. La semaine dernière, l’Envoyé spécial, Staffan de Mistura, nous avait collectivement alertés en soulignant que la cessation des hostilités était en danger. Nous sommes convaincus qu’une mobilisation collective est nécessaire pour répondre d’urgence à cet appel. La France, pour sa part, ne ménagera aucun effort en ce sens, à travers les trois axes suivants en particulier.

Après la présente séance du Conseil de sécurité, nous souhaitons, d’abord, que le Conseil puisse envoyer un message clair sur la nécessité de faire cesser les combats à Alep et de renforcer la cessation des hostilités. Il s’agit ni plus ni moins que de faire respecter la résolution 2268 (2016), qui avait été adoptée à l’unanimité sur proposition conjointe de la Russie et des États-Unis.

Il est essentiel, d’autre part, de continuer à mobiliser la communauté internationale pour faire pression sur le régime et tenter de recréer une dynamique positive. C’est dans cet esprit que le Ministre français des affaires étrangères, M. Jean-Marc Ayrault, et son homologue allemand rencontrent aujourd’hui même l’Envoyé spécial, M. de Mistura, et le chef de l’opposition modérée, M. Riyad Hijab.

Enfin, à l’instar de Staffan de Mistura devant le Conseil la semaine passée, la France demande depuis plusieurs jours l’organisation dans les meilleurs délais d’une réunion ministérielle du Groupe international de soutien pour la Syrie, avec trois objectifs, pour résumer : obtenir de meilleures garanties du respect de la trêve, réaffirmer la nécessité de protéger et porter assistance aux populations civiles, et relancer les négociations en vue d’une solution politique.

Nous n’avons, au fond, qu’une seule boussole : tout faire pour faire cesser les violences, à Alep, bien sûr, mais aussi dans l’ensemble de la Syrie, et permettre la reprise d’une négociation destinée à mettre en oeuvre la résolution 2254 (2015) et le Communiqué de Genève (S/2012/523, annexe). Il n’existe pas d’autre alternative pour mettre un terme à la tragédie syrienne.

M. Oyarzun Marchesi (Espagne) (parle en espagnol) Je remercie le Royaume-Uni d’avoir demandé la convocation de cette séance urgente du Conseil de sécurité.

Hier, dans cette même salle, la Présidente de Médecins Sans Frontières, qui était assise exactement là où la délégation syrienne est assise aujourd’hui, a déclaré que plus de 300 attaques avaient eu lieu à Alep au cours des derniers jours, causant des centaines de morts parmi les civils et la destruction de six installations médicales (voir S/PV.7685). La semaine dernière, au cours d’une réunion tenue à huis clos, nous avons dit ce que nous voudrions répéter aujourd’hui ouvertement, avec plus d’urgence, si nécessaire : nous devons rectifier d’urgence la situation en Syrie en agissant sur les trois volets du conflit, à savoir la cessation des hostilités, les négociations politiques et l’effroyable situation humanitaire. Le Conseil de sécurité doit appuyer l’action de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, par le biais de contacts bilatéraux avec les parties et d’une déclaration sur les trois points que je viens de mentionner. Comme l’Envoyé spécial du Secrétaire général l’a dit, la priorité maintenant est la cessation des hostilités. Toutes les parties au conflit doivent se conformer d’urgence aux paramètres définis par la résolution 2268 (2016). La prochaine étape doit être un retour à la table des négociations afin d’aborder la transition politique en Syrie une fois pour toutes.

L’attaque la plus récente contre un hôpital s’est produite hier, cette fois aux mains des forces de l’opposition, venant s’ajouter aux autres attaques commises par les forces gouvernementales. Toutes sont très extrêmement graves. Nous demandons une fois encore à toutes les parties au conflit, en particulier le Gouvernement d’Assad, de respecter le droit international humanitaire dans la conduite des hostilités.

M. O’Brien l’a dit lors des consultations à huis clos et la Présidente de Médecins Sans Frontières l’a répété hier : à Alep, il est dangereux de vivre à côté d’un hôpital. M. O’Brien nous l’a rappelé encore aujourd’hui. Il est incroyable qu’il soit souvent plus dangereux d’être un médecin ou un patient ou un proche qui rend visite à un patient qu’un combattant.

Alep nous offre la première occasion de démontrer que nous prenons s au sérieux la résolution 2268 (2016). Comme je l’ai dit hier, notre seuil de tolérance face à des attaques contre les installations médicales et le personnel médical doit être nul. Nous voulons que le personnel médical et les patients qui survivent encore à Alep soient les premiers à voir les résultats de cette résolution.

Mme Power (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : Je remercie M. Jeffrey Feltman, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, et M. Stephen O’Brien, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence. Je voudrais également remercier le Royaume-Uni d’avoir convoqué cette importante séance.

La ville connue aujourd’hui sous le nom d’Alep est habitée depuis plus de 7 000 ans. Au fil des siècles, elle a été conquise et perdue par une série d’empires – grec, romain, croisés, ottoman et d’autres. Elle a été le foyer de diverses populations de négociants et de commerçants, dont des musulmans, des juifs et des chrétiens. Ce n’est pas de l’histoire ancienne. Ces influences sont visibles dans l’architecture de la ville, goûtées dans sa cuisine et ressenties dans sa culture. Au XVIe siècle, elle était suffisamment connue pour que Shakespeare la cite dans Othello et Macbeth.

Une ville ne devient pas l’une des plus anciennes au monde sans surmonter de grands défis. Alep a enduré des guerres, l’occupation et des tremblements de terre. En 1260, elle a survécu à un siège des Mongols. Après tant de siècles, il semblerait qu’une ville comme elle pourrait survivre à tout. Mais au cours des derniers jours, de jeunes Syriens ont diffusé un slogan sur les médias sociaux : « Alep brûle ! ». Après cinq années de guerre, la récente explosion de violence menace ce qui reste de la ville. Aujourd’hui encore, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, a averti que la poursuite des violences pourrait avoir des effets catastrophiques et contraindre 400 000 habitants de plus à fuir. Nous pouvons imaginer les retombées et les conséquences de ces déplacements supplémentaires.

Pour sauver Alep – ce qu’il en reste – il nous faut progresser sur les trois fronts nécessaires à la paix en Syrie. Ce n’est pas si compliqué que cela. Comme l’Envoyé spécial, M. de Mistura, l’a souligné précédemment, ces trois éléments sont les suivants : mettre fin aux combats, améliorer l’accès humanitaire et engager des négociations politiques en vue de la transition. Cette année a bien montré que ces trois éléments sont possibles – aussi tardivement, inégalement et imparfaitement qu’ils aient été mis en oeuvre – dès lors que la volonté politique existe. La cessation des hostilités jusqu’ici a permis de sauver des vies. L’accès humanitaire, tout en étant encore extrêmement restreint, s’est amélioré quelque peu. Et M. de Mistura a invité les parties à des pourparlers à Genève. Ces trois volets sont liés entre eux et interdépendants, et nous ne pouvons pas, comme certains l’ont affirmé, négliger l’un d’entre eux et nous attendre à ce que les deux autres aboutissent.

Ces derniers jours, comme le montre très clairement ce qui s’est passé à Alep, ces trois volets sont gravement menacés. Premièrement, comme d’autres l’ont noté, la cessation des hostilités a cédé la place à une violence épouvantable dans presque toute la ville d’Alep. L’Observatoire syrien des droits de l’homme a indiqué que plus de 270 civils avaient été tués à Alep depuis le 22 avril seulement. Si toutes les parties ont contribué à la violence, l’escalade militaire était en grande partie imputable aux actions d’une seule partie, le régime Assad. Selon des acteurs crédibles sur le terrain, le régime a lancé plus de 300 raids aériens, 110 attaques d’artillerie et 18 missiles, et largué plus de 68 bombes sur la ville rien qu’au cours de ces deux dernières semaines, et ce, tout en affirmant respecter l’accord de cessation des hostilités. Dans ce contexte, les États-Unis ont travaillé de toute urgence avec l’Envoyé spécial, M. de Mistura, et avec la Fédération de Russie pour réaffirmer la cessation des hostilités dans tout le pays. Grâce à ces efforts, les parties à la cessation des hostilités ont convenu, en début de journée, de renouveler leur engagement en faveur de la trêve à Alep et dans sa banlieue. Un certain calme est revenu dans la ville, et nous exhortons toutes les parties à respecter pleinement leurs engagements pour que les hostilités cessent réellement, non seulement à Alep, mais dans l’ensemble du pays.

Le régime et certains de ses partisans disent parfois qu’ils s’attaquent au Front el-Nosra ou à Daech, mais les sites touchés à Alep prouvent le contraire. Il suffit de regarder la liste des cibles frappées par le régime ou ses alliés entre le 20 et le 29 avril. Ce n’est pas de l’histoire ancienne, cela remonte aux deux dernières semaines. Cette liste de cibles a été fournie par le Réseau syrien des droits de l’homme, qui s’est avéré extrêmement fiable depuis le début du conflit : une ambulance dans le quartier de Bab el-Nayrab, un marché public dans le district d’el-Sakhour, un centre de défense civile à Atareb, une boulangerie à el-Ameriyeh, une école dans le district de Bab el-Hadid et une mosquée dans le district de Soukkari. La distinction entre les civils, d’une part, et le personnel et les cibles militaires, d’autre part, doit être respectée, conformément au droit international, mais chaque jour qui passe, des photos et des vidéos provenant d’Alep nous montrent que cette distinction est bafouée.

Il est important de noter que les violences commises par le Front el-Nosra ou Daech sont le fait de groupes qui ne sont pas parties à l’accord de cessation des hostilités et ne sont pas protégés par lui. Le reste de l’opposition, qui a signé l’accord de cessation des hostilités et l’a respecté, ne peut être tenu responsable des actes de terroristes qui n’ont pas caché leur volonté de poursuivre les combats. Nul ne profite davantage de cette guerre et de l’incapacité de parvenir à une solution politique et à une transition politique que les terroristes. Mais on ne peut pas mettre les innocents et les coupables dans le même sac.

Ces attaques ont infligé des souffrances incalculables à la population civile d’Alep et contribuent à une situation humanitaire catastrophique dans la ville. Le régime a cependant également pris d’autres mesures montrant qu’il entend manifestement accroître les souffrances des civils à Alep. Le Gouvernement syrien a limité l’accès humanitaire et bloqué l’aide, fragilisant ainsi ce deuxième élément nécessaire à la réalisation de progrès en vue d’un règlement pacifique. Le Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS) vient d’être informé, comme vient de le confirmer ici aujourd’hui le Secrétaire général adjoint, M. O’Brien, que le régime a autorisé seulement huit livraisons destinées à 25% de la population visée par le plan d’acheminement de l’aide aux zones assiégées et difficiles d’accès établi par l’ONU pour mai, et que le Gouvernement syrien n’a approuvé aucun des lieux situés à Alep figurant dans le plan pour mai. Est-ce une coïncidence ou cela s’inscrit-il simplement dans la logique d’offensive de grande ampleur menée par le régime pour terroriser la population d’Alep ?Même s’il devrait être inutile de le rappeler au Conseil, la résolution 2254 (2015) demande un accès rapide, en toute sécurité et sans entrave dans l’ensemble du pays. Les besoins sont en ce moment énormes à Alep. Nos propos sont souvent axés sur ceux qui ont été tués, mais pensons à tous ceux qui ont été blessés et ont désespérément besoin d’aide. La résolution 2254 (2015) interdit le retrait de médicaments et de fournitures médicales des convois d’aide mais, de nouveau, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires a confirmé, documents à l’appui, que c’était une pratique courante dans l’ensemble de la Syrie. C’est une exception quand des fournitures médicales peuvent être vraiment incluses dans les convois. La règle, et une règle qui est appliquée à tous les niveaux par la bureaucratie du Gouvernement syrien, c’est de retirer les fournitures médicales des convois.

Pour ne donner qu’un seul exemple, concernant un récent convoi à destination de Rastan, les autorités ont même retiré les ciseaux et les anesthésiants qui se trouvaient dans des trousses obstétriques. Qui fait une telle chose ? Soyons honnêtes. Ceux qui font cela sont des personnes qui se fichent de ce que le Conseil ordonne. Ils ne s’en soucient pas. Ils ont arrêté d’écouter.

Dans le même temps, le régime a délibérément pris pour cible les premiers intervenants, les professionnels de la santé et les installations médicales. Sur les 33 hôpitaux qui étaient ouverts à Alep en 2010, moins de 10 fonctionneraient toujours aujourd’hui. L’exemple le plus récent, comme nous le savons tous, est la destruction de l’hôpital Al‑Qods, qui a subi une terrible attaque qui a tué au moins 50 civils, y compris le dernier pédiatre de la ville, M. Muhammad Waseem Maas, un homme décrit par un collègue comme le plus adorable médecin de l’hôpital. Cet homme avait envoyé sa famille se réfugier en Turquie, et il est resté derrière pour soigner ses patients. Cet homme était si dévoué à ses patients qu’il dormait souvent à l’hôpital au cas où un enfant aurait besoin d’aide d’urgence durant la nuit.

D’après Médecins pour les droits de l’homme, l’attaque qui a tué ce formidable médecin ainsi que tant d’autres personnes était en fait la troisième frappe ciblant cet hôpital depuis le début de la guerre. Ce n’est pas un accident. Si un hôpital est frappé une fois par erreur, les cibles peuvent être recalculées et cela peut être pris en compte, mais cet hôpital a été pris pour cible de manière délibérée. Au moins six installations médicales dans toute la ville d’Alep ont été attaquées au cours de la semaine dernière, la plus récente étant, comme nous l’avons entendu, celle qui a visé la maternité Al‑Dabbit, située dans un territoire contrôlé par le régime où d’autres civils ont été tués. Toutes ces attaques sont répréhensibles. Rien qu’hier, le Conseil a adopté la résolution 2286 (2016) concernant, entre autres, l’importance de protéger le personnel médical et l’importance de l’accès aux soins médicaux en période de conflit armé. Tous les membres du Conseil ont voté pour la résolution, et il est maintenant temps d’appeler à sa mise en oeuvre dans un contexte réel : en Syrie. Cela signifie qu’il faut sans tarder faire pression sur le régime et tout groupe qui bombarderait un hôpital afin qu’ils respectent les obligations que leur impose le droit international humanitaire et cessent de prendre pour cible des civils et des infrastructures civiles, y compris les hôpitaux et le personnel médical.

Cela m’amène au troisième et dernier élément nécessaire pour accomplir des progrès en vue du règlement du conflit : des négociations politiques visant une transition politique. Après cinq années de guerre, il devrait être on ne peut plus évident que le conflit ne sera réglé que dans le cadre d’un dialogue politique. Alep est un exemple vivace de l’idée que la force militaire peut permettre d’obtenir quoi que ce soit pour le peuple syrien. La nécessité d’une solution politique est précisément ce qu’a confirmé le Conseil en décembre 2015, quand nous avons adopté la résolution 2254 (2015). Pourtant, nous avons vu une partie en particulier revenir sur ses engagements à une cessation complète des hostilités à l’échelle du pays et à l’acheminement rapide et sans entrave de toute l’aide humanitaire, au mépris flagrant de la résolution 2254 (2015). Cela met en péril les conditions nécessaires aux négociations et fait qu’il est extrêmement difficile de trouver un terrain d’entente et des compromis.

Enfin, les responsabilités sont nombreuses s’agissant de la détérioration de la situation à Alep, mais il ne saurait y avoir de doute en ce qui concerne la responsabilité principale. Elle revient au même régime qui est responsable d’avoir commis des infractions semblables dans tout le pays : celui qui a assiégé 15 villes dans l’ensemble de la Syrie et limité l’accès de millions de Syriens à l’aide, entraînant la mort, qui aurait pu être évitée, d’innombrables civils ; le régime responsable de 12 des 13 attaques contre des installations médicales enregistrées entre janvier et mars par Médecins pour les droits de l’homme, et de 24 des 25 décès causés par ces frappes ; le régime responsable des frappes aériennes menées la semaine dernière contre un poste de la Défense civile syrienne dans la ville d’Atareb, dans la province d’Alep, qui a tué cinq hommes courageux qui se sont portés volontaires pour servir leurs communautés en tant que premiers intervenants : Ahmad Abdullah, Khaled Bashar, Ahmad Mahmoud, Hamdo Haj Ibrahim et Hussain Ismail – les dernières victimes en date parmi les plus de 115 casques blancs morts dans l’accomplissement de leur devoir depuis le début de la guerre ; et la même partie et le même régime qui est responsable de la grande majorité des 400 000 morts – et ce n’est pas fini – de ce conflit.

La partie assumant la responsabilité principale du brasier à Alep est un État Membre de l’ONU. Cela devrait nous révolter. La partie responsable est un État Membre indifférent et insensible aux épouvantables souffrances de sa population. Cela devrait mobiliser nos énergies et nous unir. Tous ceux qui ont une influence, en particulier la Russie et l’Iran, doivent faire pression sur le régime pour qu’il honore ses engagements et ses obligations. Pour leur part, les États-Unis continueront de faire pression sur l’opposition pour qu’elle fasse de même. Nous travaillerons avec nos homologues russes pour tenter de rétablir une véritable cessation des hostilités durable à Alep et ailleurs en Syrie et de favoriser une transition politique loin d’Al‑Assad – le seul moyen par lequel cette guerre se terminera enfin. L’ensemble du GISS devra jouer un rôle pour que cela se réalise.

Aujourd’hui, un chirurgien syrien à Alep, M. Osama Abo El Ezz, a écrit dans le New York Times au sujet de tous les amis proches qu’il a perdus au cours des cinq dernières années et qui étaient des professionnels de la santé. Il a écrit que, durant la semaine écoulée, « Les bombardements sont devenus si intenses que même les pierres prennent feu ». Au sujet de la cessation des hostilités, il a écrit :« Même si elle n’était pas parfaite, elle a donné aux civils syriens un bref répit après cinq années de violence. Les gens avaient commencé à se relever pendant la trêve, à revivre. »Il poursuit en racontant que les Aleppins attendaient maintenant la mort, qu’ils priaient même dans certains cas pour mourir, afin que la mort les éloigne de « cette ville en flammes », comme il l’a formulé. Nous tous ici devons oeuvrer sans relâche pour rétablir et maintenir le répit de la violence, répit auquel les Syriens aspirent et qu’ils méritent, afin de nous assurer qu’ils reçoivent une aide humanitaire essentielle à la survie – un grand nombre d’entre eux sont aux portes de la mort en ce moment même où nous nous trouvons ici – et pour élaborer la solution politique qui constitue le seul moyen d’échapper à cet enfer quotidien.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Nous remercions M. Jeffrey Feltman et M. Stephen O’Brien de leurs exposés.

Suite à la cessation des hostilités, mise en place grâce au rôle moteur de la Fédération de Russie et des États-Unis d’Amérique et confirmée par la résolution 2268 (2016), le niveau de violence en Syrie a baissé de manière considérable. Cette mesure a véritablement débloqué la situation dans ce conflit prolongé. De nouvelles perspectives d’un règlement pacifique sont ouvertes, et les Syriens doivent déterminer eux-mêmes les paramètres de ce règlement pacifique avec l’appui de l’ONU.

Dans l’ensemble, les deux cycles de négociations se sont très bien déroulés. Néanmoins, les forces de l’opposition ne se sont pas toutes montrées disposées à parvenir à un accord. Une nouvelle fois, le groupe de Riyad a adopté une position distincte, qui n’a toujours pas été clairement définie. Dans de nombreuses régions de Syrie, la trêve est respectée. Un grand nombre d’unités armées et de villes adhèrent à la trêve, grâce aux efforts du Centre pour la réconciliation des parties belligérantes en Syrie, créé par la Russie à Hmeimim. Aujourd’hui, la trêve couvre 90 villes. Dans le même temps, des centaines de réunions avec les anciens de ces villes, les commandants des opérations et des représentants des autorités locales ont eu lieu. Dans un certain nombre de provinces, le retour à une vie pacifique se fait à petits pas.

Nous ne devrions pas remettre en question l’amélioration radicale de la situation due à la mise en oeuvre de la cessation des hostilités, même si cela déplaît à d’autres acteurs cherchant à faire durer le conflit syrien. Nous estimons également qu’il est contre-productif de faire publiquement des critiques en se basant sur des incidents qui n’ont pas été vérifiés, tout simplement dans le but de porter de nouvelles accusations contre le Gouvernement syrien. Cela s’est déjà produit à plusieurs reprises. La détérioration de la situation dans certaines régions de la Syrie, y compris à Alep, est extrêmement préoccupante. Les forces gouvernementales font face à une offensive des djihadistes à grande échelle. Ces derniers jours, nous avons constaté une intensification des bombardements des zones de la ville contrôlés par le Gouvernement, à partir des zones contrôlées par les militants. Des « canons infernaux » sont utilisés – notamment de bonbonnes de gaz remplies de minuscules fragments de métal, qui ont des effets dévastateurs. Par définition, ces armes frappent sans discrimination et visent à détruire et à terroriser la population civile.

On nous a promis depuis longtemps que les forces armées de la soi-disant opposition modérée allaient rompre tous les liens avec le Front el-Nosra, se retirer des territoires qu’elles occupent et exprimer clairement leur volonté de participer au processus de paix. Jusqu’à présent, cela n’a pas été fait, ce qui remet en question la volonté politique de ceux qui ont une influence sur ces différents acteurs. Nous commençons à avoir l’impression que les soutiens externes ne peuvent pas ou ne veulent pas influencer les groupes d’opposition syriens pour qu’ils prennent leurs distances par rapport aux terroristes.

La Russie et les États-Unis d’Amérique, en leur qualité de Coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie, sont prêts à renforcer leur coopération en vue de parvenir à la désescalade. Du moins, nous aimerions que la situation évolue dans ce sens. Les experts militaires russes et américains travaillent en collaboration quotidiennement. Á l’heure où nous parlons, un centre conjoint d’intervention rapide face à des violations de la cessation des hostilités a commencé à fonctionner en permanence à Genève, ce qui permet d’optimiser l’efficacité des activités de surveillance. Il faut dire que dès le début de notre participation accrue aux affaires syriennes en octobre, la Russie avait proposé aux États-Unis d’établir une coopération de ce type. Malheureusement, il a fallu plus de six mois pour établir cette coopération, mais nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction dans le cadre de nos efforts visant à mettre fin à l’effusion de sang en Syrie.

Grâce aux efforts déployés sur les fronts militaire et politique, une trêve a été instaurée à Lattaquié et dans la Ghouta orientale, dans la perspective qu’elle deviendra permanente. La Russie et les États-Unis, avec l’accord du Gouvernement syrien et de l’opposition modérée, avaient espéré instaurer une trêve à Alep le 3 mai mais cela n’a pas été possible à cause des attaques des groupes terroristes. Ce jour-là, les insurgés ont tenté de briser les défenses de la ville en lançant une attaque coordonnée depuis l’ouest, précédée par des bombardements massifs. Le Front el-Nosra, Ahrar el-Cham, Jaish al-Islam, Harakat Nour al-Din al-Zenki et des gangs locaux ont pris part à cette attaque. Pendant toute la journée, ils ont tiré sur des zones résidentielles. En particulier, la Brigade des martyrs de Badr a revendiqué la responsabilité de la destruction de la maternité de l’hôpital Al‑Dabit. Au cours des dernières 24 heures, des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées.

L’État islamique d’Iraq et du Cham, le Front el-Nosra et d’autres groupes terroristes sont exclus de l’accord de cessation des hostilités. Il est inacceptable de faire une pause dans la lutte avec les terroristes pour leur permettre de se renforcer. Personne ne va épargner les terroristes et ceux qui violent le régime de cessation des hostilités. C’est ce qu’exigent les résolutions 2254 (2015) et 2268 (2016).

Il convient également d’ajouter que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a découvert des preuves fiables d’emploi de gaz moutarde en Syrie, et il y a de bonnes raisons de croire que du gaz de combat est utilisé par des terroristes. Nous sommes préoccupés par le fait que ces groupes auraient appris à fabriquer des substances toxiques, comme cela a été récemment confirmé par le Directeur général de l’OIAC. Il est regrettable qu’au moment où nous devrions prendre toutes les mesures qui s’imposent pour faire échouer les activités des terroristes liées aux armes chimiques, certains membres occidentaux du Conseil, sous de faux prétextes, font obstacle à l’initiative russo-chinoise visant à neutraliser la menace que représente la mise au point d’armes chimiques par les terroristes en Syrie et dans les environs.

Il faut continuer à déployer des efforts sérieux en vue du règlement de la crise syrienne et appuyer les efforts russo-américains. Disons-le clairement – toutes les provocations doivent cesser une fois pour toutes. Il est clair que sans un appui extérieur, les actes des groupes terroristes en Syrie n’auraient pas pris une telle ampleur. Nous avons besoin d’aide pour couper les chaînes d’approvisionnement des terroristes, surtout à travers la frontière entre la Syrie et la Turquie. Il faut contraindre les parties à s’asseoir à la table de négociations. Ce serait là une véritable contribution à l’instauration de la paix en Syrie. Je voudrais répéter dans une forme légèrement différente une question de pure forme qui a été posée par un orateur : Comment pouvez-vous permettre qu’un pays aussi ancien soit détruit par un conflit sanglant, pour atteindre des objectifs géopolitiques d’une partie ou des partenaires ?Nous espérons que les pourparlers de Genève reprendront en mai et ouvriront la voie à de nouvelles négociations. Nous appelons toutes les parties à participer de façon constructive au dialogue et à s’abstenir de recourir aux menaces ou au sabotage. Quant à la déclaration à la presse proposée par le Royaume-Uni, nous allons bien sûr l’examiner, mais nous l’aurions considérée comme une tentative véritablement sérieuse du Conseil de sécurité de contribuer à la consolidation de la cessation des hostilités si la délégation du Royaume-Uni avait pris la peine de consulter les Coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie, à savoir la Russie et les États-Unis, qui sont à la tête des efforts qui sont faits pour parvenir à un cessez-le-feu. Tel que je le vois maintenant, il s’agit plus d’un geste de propagande que d’autre chose. Cependant, nous allons jeter un coup d’oeil sur ce texte et consulter nos collègues militaires, qui, aux côtés de nos collègues américains, qui mènent une action pertinente à Genève.

M. Van Bohemen (Nouvelle-Zélande) (parle en anglais) : Nous aussi, nous voudrions remercier le Royaume-Uni d’avoir fait convoquer la séance d’aujourd’hui. Nous pensons que l’organisation d’un débat ouvert au sein du Conseil sur la situation en Syrie, et plus particulièrement, sur la situation à Alep, est une initiative qui arrive à point nommé.

La Nouvelle-Zélande est vivement préoccupée par la violence qui sévit à Alep et ailleurs en Syrie. Nous sommes choqués par l’indifférence apparente des parties au conflit et de tous leurs soutiens face aux souffrances indicibles du peuple syrien. L’escalade de la violence à l’intérieur et autour d’Alep montre que les parties persistent à vouloir atteindre leurs objectifs par des moyens militaires. Et pourtant, comme nous l’avons dit à maintes reprises dans cette salle et dans la salle de consultations adjacente, il ne saurait y avoir de solution militaire à ce conflit. Nous nous réjouissons d’apprendre qu’il a été convenu entre les États-Unis et la Fédération de Russie d’étendre la cessation des hostilités à Alep, à Lattaquié et à la Ghouta orientale. Toutefois, pour donner une chance à la paix, il faut qu’il y ait un rétablissement total de la cessation des hostilités sur tout le territoire syrien et un véritable réengagement en faveur du processus de paix.

Toutes les parties doivent s’investir pleinement dans le processus politique. Cela signifie qu’il faut respecter le droit international humanitaire. Cela signifie qu’il faut respecter les résolutions du Conseil et faire passer le bien-être du peuple syrien avant des objectifs politiques et militaires partisans. Le processus politique actuel, lancé à la fin de 2015 au titre de la résolution 2268 (2015), représente la meilleure chance que nous ayons eue en cinq ans de mettre fin à cette guerre terrible. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer cette chance. Nous avons tous la responsabilité d’appuyer les pourparlers, d’appuyer l’Envoyé spécial et de faire pression sur les parties à la table des négociations pour qu’elles y participent en toute bonne foi.

À notre avis, la bonne foi signifie accroître l’accès humanitaire, négocier la libération des détenus, mettre fin aux combats et négocier sur le fond en vue d’une transition politique. Cela signifie également mettre un terme aux attaques contre les écoles et les hôpitaux et autoriser l’acheminement des fournitures médicales dans les convois humanitaires. Hier, le Conseil a adopté à l’unanimité la résolution 2286 (2016), pour rappeler aux combattants les règles qui régissent les conflits armés, exiger une protection pour ceux qui fournissent des soins de santé et demander que ceux qui bafouent ces règles rendent des comptes. En particulier, la bonne foi dans ce contexte signifie adhérer à l’esprit de la cessation des hostilités, ce qui signifie l’arrêt des combats et des tentatives de saisir des territoires.

Ce qui est arrivé à Alep au cours de ces derniers jours était tout à fait prévisible, étant donné les informations fournies par des représentants des Nations Unies au cours des deux dernières semaines. Même si nous sommes conscients qu’il y a eu des efforts visant à combattre le Front el-Nosra, nous avons du mal à croire que tout ce qui est arrivé ne fait pas partie d’un plan minutieux visant à saisir la deuxième ville syrienne avant que les pourparlers de paix ne démarrent vraiment.

La Nouvelle-Zélande est pleinement engagée en faveur des efforts internationaux visant à lutter contre le terrorisme. Comme nous l’avons dit dans la salle du Conseil et dans la salle adjacente, cela devrait être une cause qui nous unit, mais cela n’a pas été le cas. Il y a en outre une tendance croissante à utiliser les mots « terrorisme » et « terroristes » sans beaucoup de rigueur, pour justifier toutes les ripostes militaires. Cela doit cesser. Toutes les opérations militaires, quelles qu’elles soient, doivent être menées dans le plein respect du droit international humanitaire. Cela veut bien entendu dire qu’il faut éviter d’attaquer les civils ou les cibles civiles. Les principes absolus de distinction et de proportionnalité, de même que l’interdiction de mener des attaques aveugles, doivent être respectés, même lorsqu’on combat des terroristes. Pour que la cessation des hostilités et le processus de paix aient la moindre chance de réussite, il convient de faire davantage la distinction entre les groupes qui participent au processus de paix et ceux qui n’en font pas partie, et de tenir davantage compte de la nécessité politique globale de faire avancer le processus de paix.

Les pourparlers en cours entre les États-Unis et la Russie, sous la coordination de l’Envoyé spécial et d’autres acteurs de la région, sont la meilleure chance que nous ayons à brève échéance de faire des progrès et de voir les combats prendre fin, en particulier à Alep et ses alentours. Nous accueillons positivement ces pourparlers et nous nous félicitons de l’annonce qui vient d’être faite à cet égard. Nous espérons que de nouvelles avancées seront possibles sur les questions telles que la délimitation géographique et les autres mesures visant à rétablir durablement la cessation des hostilités.

Les efforts déployés par les États-Unis et la Russie sont certes d’une importance capitale, mais les États-Unis et la Russie ne sont pas les seuls acteurs à pouvoir faire changer les choses. La Nouvelle-Zélande est favorable à ce que le Groupe international de soutien pour la Syrie et le Conseil de sécurité appuient de tout leur poids les pourparlers politiques. Nous sommes prêts à envisager toute ligne de conduite qui pourrait s’avérer utile et efficace et nous aimerions tout particulièrement entendre le point de vue de l’Envoyé spécial, des États-Unis et de la Russie quant à la manière dont le Conseil pourrait appuyer au mieux leurs efforts.

Nous devons tous nous rappeler que les enjeux sont élevés. La rupture du processus de paix serait catastrophique pour le peuple syrien et pour ce qui est de sauver ce qui reste de ce pays dévasté. Nous attendons avec intérêt d’examiner tous ensemble le projet de déclaration à la presse que vient de distribuer le Royaume-Uni et espérons que nous pourrons nous mettre d’accord rapidement sur son contenu.

M. Yelchenko (Ukraine) (parle en anglais) : Je tiens à remercier la délégation du Royaume-Uni et la présidence égyptienne du Conseil d’avoir pris l’initiative de convoquer cette séance d’information extrêmement opportune. Je remercie tout spécialement les personnes qui ont présenté des exposés de leur description détaillée de la situation actuelle en Syrie, et plus particulièrement à Alep.

L’Ukraine condamne vigoureusement les frappes aériennes et les bombardements aveugles qui ont visé Alep et ses alentours récemment, coûtant la vie à plus de 250 personnes et faisant plusieurs milliers de blessés. La semaine dernière, le bombardement de l’hôpital Al‑Qods, dans le quartier de Soukkari, à Alep, a provoqué la mort de deux médecins, dont le dernier pédiatre de la ville, de trois aides-soignants et de dizaines de malades, parmi lesquels des enfants. Hier, c’est un autre hôpital, l’hôpital Al‑Dabit, qui a été visé. Au moins trois personnes ont trouvé la mort dans cette attaque et plusieurs dizaines de civils ont été blessés.

Ce regain de violence, on l’observe également dans d’autres régions de la Syrie, à Deraa, par exemple, où les violents combats et les bombardements aériens ont repris. Nous saluons les efforts que déploie l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, pour rétablir la trêve en Syrie. Mais comment pourra-t-on y parvenir quand le Gouvernement poursuit obstinément son offensive militaire à Alep, provoquant la recrudescence des combats et par là-même la mort de nombreux civils pris au piège dans cette ville ?Soi-disant la cible serait le Front el-Nosra. Toutefois, il est proprement inadmissible que ce faisant des hôpitaux et d’autres infrastructures vitales de la ville soient détruits, laissant des milliers de civils sans eau, sans électricité, sans soins et sans nourriture. On a du mal à croire qu’une telle offensive de la part du régime syrien soit possible sans l’aval de son grand allié, qui se pose par ailleurs en médiateur du processus de négociation. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a quelques instants, la délégation de ce pays vient de tenter de nous convaincre que dernièrement la situation en Syrie s’est radicalement améliorée.

Les bombardements aériens doivent cesser. Les attaques aveugles contre les civils doivent cesser. Seul un réengagement immédiat en faveur de la cessation des hostilités, y compris à Alep, pourra améliorer le sort de la population syrienne. Face à la recrudescence rapide de la violence à Alep et dans ses alentours, l’Ukraine voit dans l’adoption unanime de la résolution 2286 (2016) sur la protection des civils en période de conflit armé une mesure extrêmement opportune et importante. Nous appelons toutes les parties à respecter pleinement les dispositions de cette résolution. Tout manquement à cet égard entraînerait l’effondrement de la trêve et ne ferait que semer davantage la violence, la mort et la destruction, réduisant un peu plus les perspectives d’une solution négociée au conflit syrien. C’est pourquoi nous demandons à toutes les parties de respecter strictement leurs obligations en vertu de la résolution 2268 (2016) relative à la cessation des hostilités et à la reprise de pourparlers de fond à Genève sur toutes les questions énoncées dans la résolution 2254 (2015).

Enfin, je tiens à indiquer officiellement que notre délégation appuie fermement le projet de déclaration à la presse que vient de distribuer à l’instant le Royaume-Uni. Il mérite d’être approuvé d’urgence et certainement pas d’être qualifié de mesure de propagande, ainsi que le prétend la délégation russe. Nous exhortons les autres membres du Conseil à l’examiner avec sérieux.

M. Yoshikawa (Japon) (parle en anglais) : Je remercie le Président du Conseil d’avoir convoqué cette séance sur Alep. Mes remerciements vont aussi aux Secrétaires généraux adjoints Feltman et O’Brien pour leurs exposés détaillés.

Il y a presque deux mois nous avons adopté à l’unanimité la résolution 2268 (2016), qui souscrivait pleinement à la Déclaration conjointe des États-Unis d’Amérique et de la Fédération de Russie sur la cessation des hostilités en Syrie. Suite à l’adoption de cette résolution, il y a eu des avancées remarquables dans le processus politique syrien et une amélioration très
sensible de l’accès humanitaire. Toutefois, la crise étant loin d’avoir pris fin, nous ne pouvons nous satisfaire de ces résultats temporaires.

Dans le même temps, il nous faire reconnaître que la cessation des hostilités a redonné espoir à la population syrienne. Aujourd’hui cet espoir est de nouveau en train de s’évanouir en Syrie, et notamment à Alep, un important site du patrimoine culturel du Moyen-Orient. Alep vit à l’heure de l’escalade de la violence et des combats. Dans ce contexte, nous accueillons avec satisfaction l’annonce à l’instant d’un accord entre les États-Unis et la Russie sur l’extension de la cessation des hostilités à Alep. Nous espérons que cet effort encourageant se traduira dans les faits.

Le Japon demande instamment à toutes les parties de pleinement mettre en oeuvre les résolutions 2254 (2015) et 2268 (2016). Hier, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 2286 (2016) sur la protection du personnel de santé et des installations médicales. Le texte ne porte sur aucun conflit en particulier. Toutefois la Syrie, et notamment Alep, est l’exemple parfait des situations visées par la résolution.

Pour que la résolution 2286 (2016) soit appliquée à Alep, le rôle des États ayant une influence sur place est fondamental. Le Japon exhorte tous les États, à commencer par la République arabe syrienne et les États membres du Groupe international de soutien pour la Syrie, à respecter scrupuleusement cette résolution.

Pour ce qui est du projet de déclaration à la presse distribué il y a quelques instants par le Royaume-Uni, j’appuie l’idée que le Conseil envoie un message fort. Le projet de texte me semble reprendre tous les points importants.

Pour conclure, je voudrais dire que le Japon continuera d’oeuvrer avec les membres du Conseil et le Groupe international de soutien pour la Syrie à un règlement politique durable, notamment grâce à la fourniture d’une assistance permettant au peuple syrien de pouvoir espérer un avenir meilleur.

M. Rosselli (Uruguay) (parle en espagnol) : Tout d’abord, je veux remercier les délégations du Royaume-Uni et de la France d’avoir demandé la tenue de la présente séance. Je tiens aussi à vous remercier, Monsieur le Président, d’avoir tout mis en oeuvre pour qu’elle puisse effectivement avoir lieu.

Mes remerciements vont aussi à M. Feltman et à M. O’Brien pour les exposés qu’ils nous ont présentés. Je ne perds pas espoir qu’un jour M. O’Brien entre dans cette salle en disant « J’ai une bonne nouvelle ». Mais voilà quatre mois que je siège ici et malheureusement c’est une réalité bien cruelle qui s’est imposée à nous. Il y a une cinquantaine d’années, parlant d’une autre guerre, le poète américain, Robert Allen Zimmerman, plus connu sous le nom de Bob Dylan, posait la question suivante :(l’orateur poursuit en anglais)« Combien faut-il de morts pour qu’il comprenne que beaucoup trop de gens sont morts ? »(L’orateur reprend en espagnol)La question reste aussi valable aujourd’hui qu’elle l’était alors. Combien de morts devrons-nous voir ? Combien d’autres hôpitaux devront voler en éclats ? Combien d’enfants encore devront être assassinés ? Combien d’autres ? Il semblerait que pour certaines personnes, certains jeux sont plus importants que la vie humaine.

Dans une organisation intergouvernementale telle que la nôtre, la responsabilité de ces questions incombe aux États, en particulier ceux qui sont les plus directement impliqués et, en particulier, ceux qui sont directement concernés et appuient l’une ou l’autre des parties au conflit. Nous nous félicitons des efforts déployés conjointement par les États-Unis et la Russie qui ont permis la cessation des hostilités à Alep. La Syrie souffre et Alep souffre. C’est pourquoi nous espérons que ces deux pays pourront exercer les pressions nécessaires sur les différents acteurs sur le terrain.

Nous ne devons pas oublier non plus que, dans la confusion qui règne sur le terrain, là où divers groupes armés non étatiques se battent le plus, tout groupe non étatique qui traverse la frontière – même si c’est simplement occasionnel pour s’allier à des terroristes – devient lui-même un groupe terroriste. Par conséquent, les principaux pays actuellement impliqués dans les négociations doivent exercer leur influence sur toutes les parties afin d’avoir un impact sur la situation sur le terrain.

L’Uruguay reste prêt à appuyer les efforts et les initiatives visant à assurer la cessation des hostilités, l’accès humanitaire et le processus politique – les fameux trois pactes mentionnés par M. Staffan de Mistura. Nous
continuerons donc à consacrer tous nos efforts à cette fin.

M. Ciss (Sénégal) : Je remercie également M. Feltman et M. O’Brien pour leurs exposés. Je remercie aussi les délégations britannique et française d’avoir demandé cette séance d’urgence du Conseil, suite à l’escalade de violence sans précédent que connaît la ville d’Alep. Ville plusieurs fois millénaire, berceau d’une riche civilisation culturelle, inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, la ville d’Alep vient de connaître certainement les heures les plus sombres de la crise syrienne depuis le début de la cessation des hostilités.

Ainsi, l’espoir qui avait accompagné la conclusion de cet accord de cessation des hostilités a vite cédé la place à l’effroi et au désarroi des populations civiles en raison des multiples violations de l’accord conclu en février dernier, comme cela vient d’être confirmé par les intervenants. En effet, avec plusieurs centaines de morts au cours de ces derniers jours, la ville a été le lieu d’attaques indiscriminées contre les populations civiles, notamment les femmes et les enfants, ainsi que contre des infrastructures médicales et des marchés de la part des parties au conflit. La même situation, hélas, prévaut dans les localités de Homs, de Damas et de Deir el-Zor, pour n’en citer que quelques-unes, où les affrontements ont causé beaucoup de pertes parmi les civils.

Je voudrais, devant ce constat alarmant, exprimer la ferme condamnation par la délégation sénégalaise de ces exactions que le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme qualifie à juste titre d’ailleurs de mépris monstrueux de la vie des civils. Il est tout aussi important, à ce stade critique des pourparlers de paix, d’appeler toutes les parties à respecter scrupuleusement l’accord de cessation des hostilités conclu en février et approuvé par le Conseil dans sa résolution 2268 (2016), mais également à s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.

Ces affrontements interviennent dans un contexte particulier du processus de négociation que mène l’Envoyé spécial du Secrétaire Général, M Staffan de Mistura, avec les parties au conflit. C’est pourquoi le Sénégal se réjouit des rencontres qu’il a initiées en direction du Secrétaire d’État des États-Unis, mais aussi des Ministres des affaires étrangères de la Russie, de l’Arabie saoudite, de la France et de l’Allemagne à l’effet d’instaurer un climat favorable à la reprise du cessez-le-feu. Nous osons croire qu’avec le concours précieux du Groupe international de soutien pour la Syrie, ces efforts porteront leurs fruits pour le bien du peuple syrien, victime de cette crise qui entre déjà dans sa cinquième année. Il est ainsi plus que jamais de la responsabilité du Conseil d’accentuer son action dans ce sens afin de sécuriser le processus de paix qui passera assurément par une cessation des hostilités véritable, mais également d’assurer une transition politique menée par un peuple syrien réconcilié avec lui-même.

Au regard de l’impact considérable que le phénomène du terrorisme ne cesse d’avoir sur le conflit en Syrie, ma délégation voudrait condamner de la manière la plus ferme les attaques terroristes que continuent de subir les populations civiles en Syrie, comme c’est aussi le cas présentement à Alep. Au vu de la situation, le Sénégal estime nécessaire la publication d’une déclaration pour envoyer un message clair aux parties au conflit.

Pour conclure, qu’il me soit permis de réitérer le plein soutien de ma délégation aux efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Staffan de Mistura. De même, nous saluons l’accord entre la Russie et les États-Unis, qui vient d’être annoncé, et, par la même occasion, nous invitons les membres du Groupe international de soutien pour la Syrie à poursuivre, en la renforçant, leur contribution significative à l’avènement d’une solution politique, conformément au Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe) et aux résolutions 2254 (2015) et 2268 (2016) du Conseil de sécurité.

M. Suárez Moreno (République bolivarienne du Venezuela) (parle en espagnol) : Nous nous réjouissons de la convocation de cette séance sur la situation à Alep et saluons les exposés présentés par M. Feltman et M. O’Brien.

Ma délégation suit de près l’évolution récente de la situation dans la ville d’Alep et s’inquiète de ce que la situation sur le terrain risque de compromettre les progrès accomplis depuis le début de la cessation des hostilités. Toutefois, nous pensons que l’espace politique créé à Genève doit être maintenu et renforcé. Il ne fait aucun doute que la cessation des hostilités a eu un effet positif sur la reprise des négociations de pai. XLa situation en Syrie a changé au cours des derniers mois, en particulier depuis la fin de février, lorsque divers groupes d’opposition ont rejoint le processus de paix, tandis que d’autres groupes ont continué de coordonner leurs opérations militaires avec le Front el-Nosra, comme nous l’avons vu à Alep et dans d’autres localités en Syrie.

Les négociations entre les parties à Genève, dans le cadre du processus de paix mené par l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M Staffan de Mistura, devraient reprendre dès que possible et sans conditions. Nous réitérons notre appui à M. de Mistura pour qu’il mène à bien un processus de paix complexe qui privilégie les négociations, seul moyen de mettre fin à la guerre odieuse qui afflige ce pays depuis cinq ans. À cette fin, nous engageons l’opposition syrienne à adopter une fois pour toutes une attitude constructive et à se dissocier des actions menées par le Front el-Nosra et de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL). Nous réitérons que ces groupes terroristes ne sont parties à la trêve dont il est question dans la résolution 2268 (2016) et doivent donc être combattus et éliminés par tous les moments possibles, conformément au droit international.

S’agissant des négociations de paix, nous pensons que la décision de la plateforme de l’opposition dirigée par M. Riyadh de suspendre sa participation aux négociations de Genève ne contribue aucunement au règlement définitif de la crise syrienne que nous souhaitons tous. C’est pourquoi nous demandons à tous les pays qui ont une influence sur l’opposition d’en user pour la persuader de reprendre résolument les négociations politiques, rejetant ainsi la violence extrémiste de l’EIIl et du Front el-Nosra, qui représente une menace pour la paix et la sécurité internationales, et de retourner à la table des négociations dès que possible. Nous espérons que tous les groupes, toutes les factions et les minorités ethniques soient représentés, comme le sont les Kurdes, parce qu’ils sont un important facteur de paix en Syrie. Nous devons veiller à ce que tous les segments de la société syrienne, notamment les femmes, participent aux pourparlers de paix.

Nous reconnaissons que les progrès qui ont été obtenus n’auraient pas été possibles sans la participation du Groupe international de soutien pour la Syrie et des deux équipes spéciales chargées de surveiller la cessation des hostilités et la situation humanitaire. Le Venezuela réitère que l’examen de la question humanitaire doit être fondé sur les critères d’objectivité, d’équilibre et de neutralité, parce qu’il faut éviter de politiser ce domaine. À cet égard, les États Membres doivent veiller à ce que l’assistance humanitaire soit fourni à tous les segments de la société qui ont des besoins pressants. Nous condamnons les attaques aveugles contre les installations des organismes de secours, les installations sanitaires et les hôpitaux, ainsi que contre les civils qui s’y trouvent. Nous rappelons que ces installations sont protégées par le droit humanitaire international, et ne doivent donc pas être considérées comme des cibles militaires, comme stipulé dans la résolution 2286 (2016), que le Conseil a adoptée hier à l’unanimité.

Plus que jamais, nous devons redoubler d’efforts en vue d’une paix ferme et durable. Nous souhaitons que le processus de paix en Syrie soit accompagné par le peuple syrien lui-même, sans ingérence étrangère, et que l’intérêt commun de voir l’avènement d’un pays libéré des terroristes soit la boussole qui détermine son nouveau destin. Enfin, la solution du conflit armé doit être politique et pacifique, et que ce soit le peuple syrien lui-même qui agite les drapeaux de la paix, dans le respect de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de la Syrie.

M. Liu Jieyi (Chine) (parle en chinois) : Je voudrais remercier le Secrétaire général adjoint, M. Feltman, et le Secrétaire général adjoint, M. O’Brien, de leurs exposés.

La récente escalade du conflit dans certaines parties de la Syrie, en particulier à Alep, a fait de nombreuses victimes parmi les civils, les travailleurs de la santé et ceux chargés d’acheminer les secours humanitaires. La Chine compatit sincèrement aux souffrances du peuple syrien. Nous condamnons toutes les attaques menées contre les installations civiles et humanitaires.

Le conflit syrien ne peut être réglé par des moyens militaires, qui ne feront que provoquer davantage de troubles et de désastre. À cet égard, la Chine se félicite des nouveaux efforts faits par la Fédération de Russie et les États-Unis. La première des priorités maintenant est que les parties en Syrie fassent primer les intérêts de leur pays et du peuple sur toute autre considération, respectent le cessez-le-feu chèrement obtenu, se conforment strictement aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, mettent efficacement en oeuvre l’accord sur la cessation des hostilités et cessent immédiatement toutes les attaques contre les installations civiles et humanitaires, en vue de relancer la dynamique de cessez-le-feu qui prévalait antérieurement. La mise en oeuvre de l’accord sur la cessation des hostilités a joué un important rôle dans l’extension des opérations de secours humanitaire et la reprise des pourparlers de paix de Genève.

Malgré la récente escalade des tensions dans certains parties de la Syrie, dans la plupart des régions du pays le cessez-le-feu s’est, dans l’ensemble, maintenu. La communauté internationale et les parties concernées doivent prendre sans tarder des mesures efficaces pour consolider les résultats qui ont été obtenus jusqu’à présent. Les autres pays de la région doivent agir dans l’intérêt du maintien de la paix et de la stabilité régionales et jouer un rôle constructif en vue de parvenir à un cessez-le-feu total et de mettre fin aux violences en Syrie. Les membres du Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS) doivent oeuvrer de concert, se consulter et convenir dès que possible des mesures spécifiques à prendre pour maîtriser la situation, créant de la sorte les conditions favorables à la promotion du processus politique en Syrie et à l’extension des opérations de secours humanitaires.

Les pourparlers de paix de Genève ont pu progresser dernièrement malgré les difficultés et les revers, et les parties ont pu parvenir à un accord préliminaire sur certains aspects. La Chine salue l’important rôle qu’a joué à cet égard l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Stafan de Mistura. Plus la situation est complexe, plus il est nécessaire de chercher sans relâche un règlement politique, d’insister sur le fait que ce soient les Syriens eux-mêmes qui puissent décider de l’avenir de leur pays et de leur sort, ainsi que sur le rôle de l’ONU en tant que principal acteur dans la conduite des bons offices, d’appuyer fermement l’action de l’Envoyé spécial, Staffan de Mistura, et de veiller à ce que le prochain cycle des pourparlers de Genève reprenne dès que possible. Les parties en Syrie doivent oeuvrer sur la base du principe qui consiste à aborder en premier lieu les questions les plus faciles avant de passer aux plus difficiles, en faisant les concessions nécessaires et en instaurant une confiance mutuelle pour arriver progressivement à un règlement acceptable pour tous.

La lutte contre le terrorisme est un important aspect des efforts visant à régler la question syrienne. Si le terrorisme n’est pas éliminé, le peuple syrien n’aura pas la paix et les pays de la région n’auront pas la sécurité. La coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme doit obéir à des normes uniformes et tirer pleinement parti du rôle moteur et de coordination de l’ONU et du Conseil de sécurité. Nous devons tout mettre en oeuvre pour lutter contre ceux sont considérés comme des terroristes par le Conseil. Ces derniers temps, les groupes terroristes ont utilisé des agents chimiques comme armes, et la communauté internationale doit trouver les moyens de régler efficacement ce problème dès que possible.

En tant que membre permanent du Conseil de sécurité et membre du GISS, la Chine a oeuvré sans relâche en vue d’un règlement politique de la question syrienne. Lors d’une réunion des Ministres des affaires étrangères du GISS, le Ministre chinois des affaires étrangères, M. Wang Yi, a présenté une proposition en quatre points en vue d’un règlement,ainsi qu’un programme spécifique pour promouvoir le cessez-le-feu et la cessation des hostilités, accélérer les progrès en matière de secours humanitaires et faire avancer le processus politique. L’Envoyé spécial chinois pour la Syrie s’est rendu dernièrement à Genève, en Syrie et dans d’autres pays concernés pour procéder à des échanges de vues approfondis avec les parties impliquées dans le maintien de la cessation des hostilités, l’extension des secours humanitaires et la promotion des pourparlers de paix de Genève. Nous continuerons à jouer un rôle actif et constructif dans la promotion d’un règlement global, équitable et approprié de la question syrienne.

Mme Adnin (Malaisie) (parle en anglais) : Le début de l’année a semblé apporter de nouveau l’espoir au peuple syrien. Une avancée a été enregistrée s’agissant de garantir un accès sécurisé de l’aide humanitaire à plus de 500 000 personnes assiégées dans des régions difficiles d’accès. La violence a nettement baissé grâce à l’accord sur la cessation des hostilités. Qui plus est, les pourparlers de paix visant à sortir de l’impasse politique ont enfin bénéficié d’un nouvel appui. Toutefois, ces dernières semaines, les combats à Alep se sont intensifiés. Il semble que la fragile cessation des hostilités ne tient plus et se délite. Nous ne pouvons pas permettre que les progrès obtenus à grand peine jusque-là soient réduits à néant.

Je voudrais remercier M. Feltman et M. O’Brien de leur exposés détaillés sur les faits nouveaux survenus à Alep. Nous remercions aussi le Royaume-Uni d’avoir demandé aujourd’hui la convocation en urgence de la présente séance du Conseil à la lumière de la détérioration de la situation à Alep.

Ce n’est pas plus tard qu’hier que le Conseil a adopté la résolution historique 2286 (2016), qui vise à protéger les blessés, les malades, le personnel humanitaire et ses fournitures et installations. Pourtant, le même jour, la maternité de l’hôpital Al‑Dabit d’Alep a été bombardée, faisant au moins trois morts parml le personnel soignant et les patients. Il semble qu’un respect limité, voire inexistant, est accordé à la neutralité et à l’impartialité des installations médicales. Ceci est d’autant plus évident que six centres médicaux ont été attaqués en moins d’une semaine. Nous réaffirmons que ces attaques, qu’elles soient préméditées ou non, sont tout simplement inacceptables. Les informations selon lesquelles le Gouvernement cherche à encercler l’est d’Alep, et donc à soumettre ses résidents à un des plus vastes sièges depuis le début du conflit, sont alarmantes. Assiéger ce territoire provoquerait inévitablement une nouvelle catastrophe humanitaire. Le Conseil de sécurité a le devoir de veiller à ce que les catastrophes qui ont frappé les villes de Madaya, Fouaa, Kafraya et Zabadani ne se répètent pas à Alep.

Nous saluons et appuyons les pourparlers entre l’Envoyé spécial, M. De Mistura, et les Ministres des affaires étrangères de la Jordanie, de la Russie, de l’Arabie saoudite, des États-Unis, de l’Allemagne et de la France, ainsi qu’avec le chef de l’opposition, M. Riyad Hijab. Outre la trêve négociée avec l’aide de la Fédération de Russie et des États-Unis la semaine dernière à Lattaquié et près de Damas, nous nous félicitons que des journées de silence des armes aient commencé hier soir à Alep. Le rétablissement plein et immédiat de la trêve à Alep et dans le reste de la Syrie est essentiel si nous voulons rétablir la confiance, qui s’est effondrée du fait de l’escalade de la violence et des hostilités au cours des dernières semaines.

Sachant que les journées de trêve ont commencé à Alep et dans d’autres zones, nous appelons les parties au conflit à s’engager à prendre les mesures suivantes. Premièrement, cesser immédiatement les hostilités et les attaques contre des civils et des biens de caractère civil. Deuxièmement, garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave à la population d’Alep. Nous tenons à souligner que l’aide humanitaire doit pourvoir être acheminée vers tous les civils indépendamment de leur appartenance politique. Troisièmement, faire fond sur le consensus dégagé entre le Gouvernement et les groupes d’opposition durant le dernier cycle de pourparlers de paix en ce qui concerne la nécessité d’une transition politique en Syrie. Quatrièmement, collaborer d’urgence avec l’ONU, en particulier avec l’Envoyé spécial, M. de Mistura, afin de relancer les pourparlers de paix à Genève et de reprendre leurs délibérations, sur la base du Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe) et de la résolution 2254 (2015), notamment en ce qui concerne la transition politique.

M. Lucas (Angola) (parle en anglais) : Nous remercions le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, et le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O’Brien, de leurs exposés.

Nous sommes profondément préoccupés par les événements récents à Alep et le schéma de destruction systématique de la ville, comme l’a qualifié le Secrétaire général adjoint Feltman, et par les lourdes pertes en vies humaines provoquées par les affrontements brutaux entre les groupes rebelles et les forces gouvernementales dans cette ville syrienne divisée. Il faut mettre un terme à ce bain de sang absurde.

L’accord négocié par les États-Unis et la Russie pour mettre un terme aux effusions de sang à Alep doit être appliqué sans plus attendre. La recrudescence des combats constatée ces deux dernières semaines a déjà fait des centaines de morts et, malheureusement, la cessation des hostilités dans l’ensemble du pays, dont nous espérions qu’elle serait viable, est sur le point de s’effondrer. Même si nous savons tous, y compris les parties au conflit, qu’un règlement militaire est impossible, la réalité sur le terrain est qu’aucun des deux camps ne veut abandonner ses positions et que tous deux semblent enclins à compromettre les efforts que déploie l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, pour régler la crise par le dialogue et la négociation. Évidemment, cette situation est en grande partie liée au fait que le Conseil de sécurité et les acteurs internationaux et régionaux restent divisés et continuent de soutenir les deux camps dans le contexte de cette guerre sinistre et dévastatrice.

Lors de nos échanges de vues antérieurs avec l’Envoyé spécial, M. de Mistura, nous espérions encore que le processus de Genève, qui a rassemblé de très nombreux acteurs et permis de fixer un certain nombre d’échéances concernant la transition et la réforme constitutionnelle, pourrait aboutir. Nous étions convaincus que la cessation des hostilités ouvrirait l’espace nécessaire au dialogue et à la pai. XCependant, la réalité actuelle sur le terrain montre bien que les parties concernées ne sont pas intéressées par le dialogue, mais qu’elles préfèrent les jeux stratégiques. La situation est encore compliquée par la présence de nombreux groupes terroristes dans des zones civiles et par le fait que ces groupes ne sont parties à aucun processus de négociation ou accord de cessez-le-feu.

Même si la lutte contre les terroristes est une priorité absolue, il faut déployer des efforts concertés, notamment par l’intermédiaire de l’équipe spéciale chargée du cessez-le-feu du Groupe international de soutien pour la Syrie, en encourageant les parties attachées au processus de Genève à mettre un terme aux offensives militaires qui ne ciblent pas spécifiquement des groupes terroristes. De même, compte tenu du fait que la situation humanitaire s’aggrave de jour en jour, nous demandons instamment à toutes les parties de respecter la proposition de cessation des hostilités, d’agir en conséquence et d’autoriser immédiatement l’acheminement de l’aide humanitaire et les évacuations médicales.

Il est regrettable que les déclarations du Conseil de sécurité aient si peu d’effet sur les parties au conflit. Néanmoins, nous devons continuer de faire entendre nos voix jusqu’à ce que la raison finisse par l’emporter. L’inaction dans ce domaine sera ressentie pendant de nombreuses générations. Nous espérons donc sincèrement que le processus de Genève ne s’effondrera pas et que les parties déposeront les armes et reprendront les négociations en vue d’une transition politique pacifique.

Le Président (parle en arabe) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentant de l’Égypte.

Je prends la parole au Conseil de sécurité aujourd’hui non seulement en ma qualité de représentant d’un État membre du Conseil de sécurité, mais également en tant que citoyen arabe et égyptien tourmenté par la tragédie que vit le peuple syrien du fait d’un conflit armé qui fait rage depuis cinq ans.

Le mouvement populaire syrien a commencé en mars 2011. C’était un mouvement pacifique pour le changement. Cependant, de nombreux facteurs ont provoqué une escalade des manifestations et des affrontements et fait de nombreuses victimes innocentes. La situation s’est détériorée au cours des cinq dernières années. L’ingérence extérieure dans les affaires syriennes s’est accentuée d’une manière sans précédent. Des milices, des combattants terroristes étrangers et des armes se sont infiltrés en Syrie pour combattre au nom de parties extérieures et intérieures. Le mouvement pacifique a rapidement disparu et la situation s’est transformée en conflit armé par alliés interposés. Le territoire syrien est devenu un havre pour le terrorisme, le sectarisme et le chaos.

Après de longues années de souffrance pour la population syrienne, la communauté internationale est récemment parvenue, pour la première fois et par l’intermédiaire du Conseil de sécurité et du Groupe international de soutien pour la Syrie, à dégager un consensus aux fin d’un règlement politique. Il convient de souligner que le consensus international est basé sur des piliers parallèles, qui sont les suivants : premièrement, mettre fin aux hostilités en Syrie pour instaurer un cessez-le-feu dans l’ensemble du pays ; deuxièmement, réaliser une transition politique fondée sur des négociations entre le Gouvernement syrien et un éventail aussi large que possible de représentants de l’opposition, conformément à la résolution 2254 (2015) et au Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe) ; troisièmement, améliorer la situation humanitaire et garantir l’accès humanitaire aux personnes dans le besoin en Syrie, notamment dans les zones assiégées ; et quatrièmement, combattre le terrorisme et l’extrémisme.

En dépit de la clarté des éléments du consensus international et de leur conformité avec le droit humanitaire et politique, et malgré l’évolution encourageante de la situation sur le terrain en Syrie depuis le début de la cessation des hostilités, nous avons une fois de plus été surpris par la reprise de combats violents à Alep, avec déjà un grand nombre de victimes civiles innocentes. À cet égard, je tiens à réaffirmer une fois encore que l’Égypte condamne les attaques perpétrées à l’encontre de civils, en particulier le bombardement d’hôpitaux, qui a donné lieu à des scènes d’une cruauté indicible. Je voudrais également insister sur la nécessité du respect du droit international humanitaire par toutes les parties en Syrie, qui doivent garantir l’accès de la population à une assistance humanitaire et médicale. L’Égypte a à coeur de collaborer avec ses partenaires au sein du Conseil afin de veiller au respect de la résolution 2268 (2016) sur la protection des installations médicales en temps de guerre, que le Conseil a adoptée hier sur la base d’un projet de résolution présenté par l’Égypte, avec l’Espagne, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Uruguay.

La lutte contre le terrorisme reste l’un des principaux axes du règlement de la crise syrienne et du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cependant, certaines puissances continuent de rechigner à prendre des mesures, ce qui entrave la recherche d’une solution. Certains croient encore qu’ils sont à l’abri de la menace du terrorisme et qu’ils seront en mesure de tirer profit du terrorisme en détournant les yeux ou bien en lui tendant la main. Il est peut-être grand temps de voir la réalité en face et de mettre les points sur les i. Le Conseil et les membres du Groupe international de soutien pour la Syrie sont convenus d’exclure les organisations terroristes de l’accord de cessation des hostilités. Cependant, la réticence marquée à agir face à ce danger ainsi qu’une politisation inexplicable ont permis au Front el-Nosra ou à la filiale d’Al‑Qaida en Syrie de profiter de la cessation des hostilités pour prendre le contrôle de nouveaux territoires en Syrie, en particulier dans la ville d’Alep, comme en atteste la bataille qui fait rage dans cette ville. Le Front el-Nosra a ainsi pu continuer de voir grossir ses rangs et s’adjoindre certaines des factions armées non répertoriées sur la liste des organisations terroristes. Ces factions continuent de faire fi de l’effort de trêve. Elles persistent à coopérer et coordonner leurs opérations avec le Front el-Nosra plus de deux mois après le début de la cessation des hostilités, en dépit des appels lancés afin qu’elles prennent leurs distances par rapport à ces organisations terroristes. Cet état de fait est inacceptable et ne devrait pas être passé sous silence.

Je saisis cette occasion pour appeler une nouvelle fois le Groupe international de soutien pour la Syrie, et en particulier ses coprésidents, les États-Unis d’Amérique et la Russie, à en finir avec cette réticence et ces atermoiements. Le Front el-Nosra et ses alliés sont tout aussi dangereux que l’État islamique d’Iraq et du Levant. Ni la population syrienne ni les pays et les peuples de la région ne sauraient les tolérer maintenant ou à l’avenir.

L’essentiel du fardeau de la tragédie syrienne est supporté par le peuple syrien, dont le sang est répandu au gré des intérêts d’États et de groupes, de la falsification des faits, et de l’exploitation de la souffrance des enfants et des femmes. Il est temps de tirer un trait sur ces intérêts étroits, qui ont eu la main haute ces dernières années sur le sort des Syriens. Si la situation se poursuit, elle menace de ruiner l’avenir du peuple syrien. Par conséquent, je tiens à rappeler, en conclusion, que le processus de Genève, conduit avec la médiation de l’Envoyé spécial, Staffan de Mistura, conformément aux dispositions de la résolution 2254 (2015), qui vise à parvenir à une transition politique en Syrie, demeure la seule lueur d’espoir s’agissant d’un règlement. Je demande à tous les membres de la communauté internationale de soutenir ce processus et de se ranger derrière l’Envoyé spécial, sincèrement et de bonne foi. Je leur demande de faire primer les intérêts du peuple syrien sur les calculs politiques, et les intérêts et les ambitions des uns et des autres.

Je reprends à présent mes fonctions de président du Conseil de sécurité.

Je donne la parole au représentant de la République arabe syrienne.

M. Mounzer (République arabe syrienne) (parle en arabe) : Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter, Monsieur le Président, de l’accession de l’Égypte à la présidence du Conseil de sécurité pour ce mois.

Hier, dans la seule ville d’Alep, 28 civils ont été tués, y compris des nourrissons, et 80 personnes blessées après que la maternité de l’hôpital al-Dabbit, de même que de nombreux quartiers résidentiels d’Alep, a été prise pour cible par des groupes terroristes armés – ou l’opposition modérée, comme d’aucuns au sein du Conseil aiment à les appeler. Malheureusement, le bilan des victimes est susceptible d’augmenter, car il y a un grand nombre de personnes grièvement blessées.

À ce stade, je voudrais dire aux représentants des États qui soutiennent ou couvrent des actes terroristes en Syrie : assez d’hypocrisie, assez de politisation ; on a assez joué avec le sang des Syriens. Comment cette opposition peut-elle être appelée modérée quand elle tue des enfants jusque dans des établissements de santé, quand elle bombarde au quotidien les civils sans discrimination ? Comment peut-on qualifier cette opposition de modérée quand elle fait aveuglément pleuvoir des milliers d’obus sur Alep, lorsqu’elle utilise des roquettes d’artillerie lourde ou légère, des engins explosifs, des bombes à gaz et des mortiers pour tuer plus de 118 civils et en blesser plus de 206 autres, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées, comme elle l’a fait dans les 10 derniers jours ? Elle est au contraire le terrorisme incarné. Cela ne peut porter d’autre nom.

Toute cette escalade des groupes terroristes armés, dont le Front el-Nosra et ses alliés, n’a rien d’un hasard. Elle s’est produite parce que ces organisations terroristes se sont révélées incapables de mener à bien une attaque de grande envergure contre de nombreux points de la ville d’Alep, sur les ordres d’États bien connus, attaque qui a coïncidé avec le retrait de la soi-disant délégation de M. Riyad de la dernière série de pourparlers de Genève. En conséquence, deux choses doivent être très claires pour tous. Premièrement, le Gouvernement syrien a participé aux pourparlers de Genève de bonne foi, pleinement et sérieusement, afin de parvenir à un règlement politique de la crise en Syrie, tandis que la délégation de M. Riyad, elle, est venue dans l’intention de faire dérailler les pourparlers, ce qui a été patent lorsqu’elle s’est retirée de la dernière série de pourparlers.

Deuxièmement, le Gouvernement syrien a respecté l’accord de cessation des hostilités, par souci de protéger le sang de Syriens innocents, de rétablir la sécurité et la stabilité, et de lutter contre le terrorisme, tandis que les groupes armés alliés aux terroristes du Front el-Nosra ont, eux, violé l’accord, en particulier à Alep. Il s’agit d’une mise à exécution des menaces formulées par la délégation de M. Riyad, qui a appelé à brûler les villes syriennes, à violer l’accord et à escalader les opérations militaires contre le Gouvernement syrien, faisant ainsi fi de l’accord de cessation des hostilités et de tous les efforts déployés à ce jour pour endiguer l’effusion de sang de civils innocents et les libérer de l’engrenage des chantages et pressions politiques. Ce que le Gouvernement syrien a fait dans la ville d’Alep, pour sa part, s’inscrit purement dans l’objectif de s’acquitter de son devoir de protection de ses concitoyens du terrorisme, et de répondre à l’escalade des morts et des destructions provoquée par les groupes terroristes dans la ville.

Aujourd’hui, je voudrais réaffirmer que le Gouvernement syrien est prêt à participer de manière effective à tout effort sincère visant à parvenir à un règlement politique qui serait décidé par les Syriens seuls, dans le cadre duquel ils décideraient de leur propre avenir et arrêteraient leurs propres choix sur la base d’un dialogue entre Syriens, dirigé par les Syriens et sans ingérence étrangère. Un tel règlement doit garantir la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie et la débarrasser du fléau du terrorisme. À cet égard, je voudrais souligner combien il importe que cesse l’appui que certains États fournissent à des groupes terroristes armés en Syrie. Il est essentiel de contrôler les frontières, en particulier celle entre la Turquie et la Syrie, que les terroristes franchissent quotidiennement en grand nombre.

Le Président (parle en arabe) : J’invite à présent les membres du Conseil à poursuivre le débat sur la question dans le cadre de consultations.

La séance est levée à 16 heures.