Comme suite à mes précédentes lettres concernant l’embargo et les mesures illégales et discriminatoires imposés à mon pays depuis le 5 juin 2017 et d’ordre de mon gouvernement, je vous écris pour vous informer que le Qatar continue de recourir aux organes de l’ONU et à des institutions juridiques internationales en vue de régler des questions résultant du non-respect, par les États bloquants, d’instruments et de mécanismes internationaux, qui a de graves conséquences pour la stabilité de la région et menace la paix et la sécurité internationales.

Le 14 juillet 2020, la Cour internationale de Justice a rendu deux arrêts en faveur du Qatar, l’un dans lequel la Cour rejette l’appel formé par l’Arabie saoudite, Bahreïn, l’Égypte et les Émirats arabes unis concernant la compétence du Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) pour connaître de la requête dont il a été saisi par le Qatar en vertu de l’article 84 de la Convention relative à l’aviation civile internationale, et un autre dans lequel la Cour rejette l’appel formé par Bahreïn, l’Égypte et les Émirats arabes unis concernant la compétence du Conseil de l’OACI pour connaître de la requête déposée par le Qatar conformément à l’article II de la section 2 de l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux. Le Qatar a déposé sa plainte au Conseil de l’OACI car, depuis le 5 juin 2017, les quatre États bloquants ont fermé leur espace aérien aux aéronefs qatariens et leur ont interdit de survoler leurs territoires respectifs ou d’atterrir dans leurs aéroports, en violation flagrante du droit international, de la Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale et de l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux. Ces États continuent néanmoins d’imposer une interdiction générale aux aéronefs qatariens sans tenir compte des conséquences juridiques et humanitaires de leurs actes, en particulier compte tenu de la crise mondiale sans précédent provoquée par la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19).

Je tiens à souligner que les arrêts susmentionnés prononcés en faveur du Qatar viennent s’ajouter à deux autres arrêts rendus par la Cour. Dans le premier jugement, prononcé le 23 juillet 2018, la Cour a approuvé la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Qatar contre les Émirats arabes unis qui, comme je l’avais indiqué dans mes lettres identiques du 26 juillet 2018 (S/2018/562), avaient pris des mesures discriminatoires contre des ressortissants qatariens en violation de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Dans le second jugement, prononcé le 14 juin 2019, la Cour a rejeté la demande en indication de mesures conservatoires présentée par les Émirats arabes unis contre le Qatar dans le cadre de cette même affaire, comme indiqué dans mes lettres identiques datées du 30 juillet 2019 (S/2019/610).

Le 16 juin 2020, l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a publié son rapport final, favorable au Qatar, concernant la violation par l’Arabie saoudite des droits de propriété intellectuelle de chaînes satellitaires qatariennes diffusant des événements sportifs et le piratage organisé auquel ces chaînes ont été soumises. Il a été prouvé que l’Arabie saoudite n’avait pas engagé de poursuites pénales contre la chaîne saoudienne beoutQ et ne lui avait pas infligé de sanctions à la suite du piratage et du vol de programmes appartenant à la chaîne de télévision qatarienne beIN, malgré les éléments de preuve démontrant que beoutQ était exploitée par des personnes ou des entités relevant de la compétence des autorités saoudiennes. En conséquence, l’Arabie saoudite est légalement tenue d’empêcher la chaîne saoudienne beoutQ de détourner les droits de propriété intellectuelle de la chaîne de télévision qatarienne beIN. L’Arabie saoudite est également légalement tenue de corriger son comportement afin de le rendre conforme aux obligations qui lui impose l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.

Au lieu de cela, agissant par l’intermédiaire de sa mission auprès de l’OMC, l’Arabie saoudite a diffusé une note aux missions permanentes de plusieurs États à Genève ainsi qu’aux organisations, entités et entreprises concernées, dans laquelle elle a fait plusieurs affirmations concernant le rapport publié par l’Organe de règlement des différends de l’OMC dans le cadre de l’affaire susmentionnée. L’Arabie saoudite a déclaré que l’Organe de règlement des différends l’avait disculpée au regard du droit international et accepté sa défense selon laquelle elle protégeait sa sécurité nationale. Il convient de noter que le rapport de l’Organe de règlement des différends contredit les fausses allégations figurant dans la note diffusée par l’Arabie saoudite ; le vol des droits de diffusion de programmes télévisés n’a rien à voir avec la sécurité nationale d’un pays et la piraterie commerciale se poursuit. La note saoudienne n’est donc qu’une tentative d’induire en erreur l’opinion publique internationale au sujet du rapport de l’Organe de règlement des différends et de dissimuler la vérité.

Le fait que le Qatar continue de recourir à la Cour internationale de Justice et à d’autres organismes internationaux confirme son attachement au droit international et aux instruments internationaux, concernant le règlement des différends par des moyens juridiques, et démontre qu’il respecte les principes régissant les relations amicales entre les États. D’autre part, les États bloquants persistent à ne pas appliquer les arrêts des institutions juridiques, des organes de l’ONU et des organismes internationaux compétents, refusent de régler le différend par le dialogue et continuent de faire la sourde oreille aux initiatives prises à cet égard par des États amis.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre comme document du Conseil de sécurité

Source : Onu S/2020/810