J’ai l’honneur de m’adresser à vous, en votre qualité de Président du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, organe chargé de veiller au maintien de la paix et de la sécurité internationales, pour dénoncer les événements récents qui compromettent et menacent tout à la fois la paix et la sécurité du Venezuela et de la région de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Le 30 septembre 2020, le Gouvernement des États-Unis d’Amérique a positionné, sans préavis, le destroyer lance-missiles de la classe Arleigh Burke USS William P. Lawrence de la marine des États-Unis à une distance de 16,1 milles marins de la côte du Venezuela, dans ce qui correspond juridiquement à la zone contiguë de notre mer territoriale.

Il ne s’agit pas là d’un incident isolé. Le 15 juillet 2020, le destroyer lance-missiles de la classe Arleigh Burke USS Pinckney (DDG-91) de la marine des États-Unis a pénétré dans la zone contiguë du Venezuela et s’est positionné à 15,9 milles marins du principal aéroport du pays, dans des eaux très proches des limites de notre mer territoriale et à 40 kilomètres seulement de Caracas, notre capitale.

S’inscrivant dans le contexte des menaces répétées d’emploi de la force militaire contre le Venezuela que le Président Donald Trump et les représentants de son gouvernement brandissent depuis plus de trois ans, ces opérations relèvent d’une escalade des hostilités visant à provoquer un incident d’ordre militaire.

Dans de précédentes lettres adressées au Conseil de sécurité le 6 août 2019 (S/2019/641), le 20 septembre 2019 (S/2019/765), le 3 avril 2020 (S/2020/277) et le 13 mai 2020 (S/2020/399), nous avons dénoncé les menaces d’emploi de la force contre le Venezuela agitées par le Gouvernement des États-Unis en violation manifeste des buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et des normes du droit international.

Le 10 juillet 2020, dans le cadre de sa campagne électorale, le Président Donald Trump a affirmé qu’il allait bientôt « se passer quelque chose au Venezuela », ajoutant que les États-Unis « s’impliqueraient fortement dans cet événement » . Le même jour, le Président Donald Trump, le Secrétaire à la défense, Mark Esper, et le chef du commandement Sud des États-Unis, Craig Faller, ont qualifié le Venezuela d’État hors-la-loi représentant une menace pour la sécurité nationale des États-Unis d’Amérique, tandis que le Conseiller pour la sécurité nationale des États-Unis, Robert O’Brien, déclarait que « les États-Unis poursuivr[aie]nt leur campagne de pression maximale sur le régime Maduro [...] » et que « cette opération s’inscrivait dans le cadre de cet effort » . Ces déclarations attestent de la politique d’aventurisme militaire que poursuit l’actuel Gouvernement des États-Unis à l’égard du Venezuela.

Le Gouvernement des États-Unis d’Amérique invoque une prétendue « revendication excessive » de territoire par la République bolivarienne du Venezuela pour conduire ses opérations hostiles dans la zone contiguë de la mer territoriale vénézuélienne. Ce prétexte est à la fois absurde et fallacieux. Le Venezuela exerce une autorité sur cette zone conformément aux dispositions de l’article 24 de la Convention de Genève sur la mer territoriale et la zone contiguë en date du 29 avril 1958 qui, reconnue et ratifiée par le Venezuela et par les États-Unis d’Amérique, dispose ce qui suit :

« 1. Sur une zone de la haute mer contiguë à sa mer territoriale, l’État riverain peut exercer le contrôle nécessaire en vue :

a) De prévenir les contraventions à ses lois de police douanière, fiscale, sanitaire ou d’immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale ;

b) De réprimer les contraventions à ces mêmes lois, commises sur son territoire ou dans sa mer territoriale.

2. La zone contiguë ne peut s’étendre au-delà de 12 milles à partir de la ligne de base qui sert de point de départ pour mesurer la largeur de la mer territoriale. »

Il apparaît donc clairement que la République bolivarienne du Venezuela dispose bien d’une certaine mesure d’autorité dans cette zone contiguë. Ce n’est aucunement le cas, en revanche, du Gouvernement des États-Unis, qui refuse de reconnaître ses obligations internationales au titre de la Convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë et invente de toutes pièces une « revendication excessive » du Venezuela dans le seul but de positionner des équipement militaires à quelques encablures de nos côtes.

Qui plus est, avant 2017, le Gouvernement des États-Unis n’avait jamais fait référence à cette prétendue « revendication excessive ». Ce n’est que sous la présidence de Donald Trump que cette excuse a été créée, dans le contexte de plans visant à intervenir dans notre pays au niveau politique et militaire, comme le montrent les rapports relatifs à la liberté de navigation publiés par le Département d’État des États-Unis . Il convient de noter que la position du Venezuela à l’égard de l’article 28 de la Convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë n’a pas varié ; ce qui est nouveau, c’est l’agressivité dont fait preuve l’actuel Gouvernement des États-Unis d’Amérique. Par souci de clarté, nous reproduisons ci-après les dispositions pertinentes de la loi organique relative aux espaces aquatiques en vigueur en République bolivarienne du Venezuela depuis 2014 :

« Article 9. La mer territoriale a une largeur de 12 milles marins s’étendant le long des côtes continentales et insulaires de la République bolivarienne du Venezuela, normalement mesurée à partir de la laisse de basse mer, telle qu’elle est indiquée sur les cartes à grande échelle officiellement publiées par le pouvoir exécutif national, ou des lignes de base établies dans le présent décret ayant rang, valeur et force de loi organique.

Article 43. Aux fins de la surveillance maritime et de la sauvegarde de ses intérêts, la République bolivarienne du Venezuela dispose d’une zone contiguë à sa mer territoriale s’étendant jusqu’à 24 milles marins des laisses de basse mer ou des lignes de base depuis lesquelles la mer territoriale est mesurée. »

Le deuxième prétexte allégué par le Gouvernement des États-Unis d’Amérique pour positionner des équipements militaires dans la zone contiguë de notre mer territoriale est celui de la lutte contre le trafic de drogue. À cet égard, nous devons réaffirmer que le Venezuela mène toutes les opérations qui s’imposent pour prévenir et réprimer ce fléau, conformément à son droit national et à ses obligations internationales, qu’il n’a pas besoin de la présence belliqueuse du Gouvernement des États-Unis d’Amérique et qu’il ne l’a pas sollicitée.

De plus, l’utilisation d’un destroyer lance-missiles capable d’atteindre des cibles au sol et doté de systèmes de défense antiaérienne ne se justifie pas dans le cadre d’une opération de lutte contre des activités relevant de la criminalité organisée telles que le trafic de drogue, preuve du caractère mensonger de la propagande répandue par le Gouvernement des États-Unis pour justifier le positionnement d’un navire militaire de longue portée au large des côtes vénézuéliennes. L’objectif réel de l’opération consiste à brandir la menace d’emploi de la force, à provoquer un incident militaire et à coordonner un plan d’agression contre notre pays.

La République bolivarienne du Venezuela est un membre responsable de l’Organisation des Nations Unies et a pour objectif premier le maintien de la paix, de la sécurité et de la prospérité de son peuple et de sa nation. Il est inacceptable qu’alors que sévit une pandémie mondiale mortelle telle que celle de la maladie à coronavirus (COVID-19), le Gouvernement des États-Unis viole le droit international et ses obligations au titre de la Charte des Nations Unies et d’autres instruments juridiques contraignant en menant une politique de terrorisme économique contre notre population et qu’il intensifie maintenant ses opérations militaires dans l’unique objectif de déclencher un conflit armé.

En conclusion, et compte tenu de tout ce qui précède, nous demandons au Conseil de sécurité, que la Charte des Nations Unies dote du pouvoir de constater l’existence d’une menace contre la paix et la sécurité internationales, de déterminer la nature des opérations militaires menées par le Gouvernement des États-Unis d’Amérique dans la zone contiguë de la mer territoriale vénézuélienne sous le prétexte fallacieux d’une prétendue revendication territoriale excessive, au moyen d’un équipement de combat qui n’est pas proportionnel aux finalités annoncées des opérations et dans le cadre d’une escalade des menaces d’emploi de la force contre notre pays.

Je sollicite respectueusement vos bons offices pour faire porter le texte de la présente lettre à l’attention des membres du Conseil de sécurité et le faire distribuer comme document de cet organe.

Source : Onu S/2020/971