Mesdames les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat,
Madame la Présidente de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l’Assemblée nationale,
Madame la Présidente de la Sous-Commission "Sécurité et Défense" du Parlement Européen,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Chef d’état-major des armées,
Monsieur le Délégué général pour l’armement,
Madame la Secrétaire générale pour l’administration,
Monsieur le Directeur général de la gendarmerie nationale,
Messieurs les Chefs d’états-majors,
Mesdames et Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers, officiers mariniers, soldats, marins, aviateurs et personnels civils des armées,

Vous le savez, c’est toujours pour moi un plaisir de venir à la rencontre de nos armées. Cette année, peut-être, plus encore, car mes déplacements dans les forces ont été très contraints au cours des derniers mois quand ils n’ont pas, tout bonnement, été empêchés. C’est pourquoi j’ai absolument tenu à ce que ce déplacement soit organisé alors même que le contexte sanitaire a eu raison de la plupart des cérémonies de voeux de ce début d’année. Même si la pandémie est toujours là et que le format même de notre rencontre et de nos échanges est forcément contraint par les exigences du moment, je suis heureux de revenir ici, à Brest, où j’ai une fois encore découvert de nouvelles facettes des Armées de la République, où j’ai aussi le plaisir de fouler à nouveau cette terre qui m’est chère, et de passer ces quelques heures avec vous m’a rappelé notre attachement vibrant à Brest et la Bretagne.

Je voulais, bien entendu, marquer avec vous cette nouvelle année mais aussi vous dire combien de nouveau et dans un monde de plus en plus complexe, j’ai mesuré l’importance cruciale de votre action tout au long de l’année écoulée. Et avant toute chose, à ce moment des voeux, je tiens à m’incliner avec gravité et respect devant le sacrifice des onze militaires morts au cours de l’année 2020 aux combats et des deux militaires tombés en ce début d’année. Je salue aussi la mémoire des militaires morts pour le service de la Nation et de tous nos morts en service. Je veux dire aussi mon admiration pour la bravoure de nos blessés et pour le courage, la dignité des familles éprouvées. Je leur redis pour que jamais ils n’en doutent, jamais, que nous sommes avec eux.

Nos compatriotes savent l’abnégation dont chacun de vous avez encore fait preuve cette année et chacune de vos familles avec vous, car votre métier est de ceux qu’on choisit seul mais qu’on porte à plusieurs. Je veux également vous dire combien, dans le contexte stratégique que nous connaissons, les Français comptent sur vous. Ils comptent sur vous pour les combats des semaines, des mois et des années à venir. Ils comptent sur vous parce que vous êtes l’une des plus solides, des plus pérennes, des plus éclatantes incarnations de la puissance de la France et de la protection dont notre Etat entoure ses enfants, tous ses enfants. Ils comptent sur vous parce que vous êtes à la fois l’armure et l’épée de notre sécurité, comme de notre souveraineté.

Bien évidemment, l’année 2020 a été marquée au fer rouge de la pandémie qui a fauché tant de vies, restreint nos libertés, remis en cause nos certitudes. Cette crise a aussi dégradé la situation économique et sociale mondiale et accéléré des tendances stratégiques déjà à l’oeuvre. Il y a un an, 2020, ce sont des inégalités et des rapports de force exacerbés par un choc systémique pour les Etats et pour les sociétés. Ce sont des risques accrus aussi. Ne nous leurrons pas. Ainsi, le nouveau jeu de puissance que nous avions clairement identifié dès la revue stratégique de 2017 s’est non seulement confirmé, mais encore durci. Il appelle une analyse stratégique actualisée que nous allons rendre public dans les tout prochains jours et partager en même temps avec nos alliés.

En Indopacifique, au Proche et Moyen-Orient, en Afrique, sur terre, en mer, sous les mers et dans le ciel, comme dans les nouveaux espaces de conflictualité que nous avions parfaitement identifiés, il y a un peu plus de trois ans, la crise sanitaire, sociale et économique a favorisé les réflexes de repli, les peurs obsidionales, a attisé les braises des nationalismes, aiguisé des ambitions, accentué l’opposition des volontés. Nous avons vu des positions se durcir, l’escalade des armements s’accélérer, l’hybridité se renforcer et les actions grises se multiplier dans tous les espaces de conflictualité. Ceci doit nous conduire très clairement à ne rien changer de nos objectifs, de notre ambition, mais à accélérer certains mouvements pour nous adapter à cette évolution du cours du monde.

Face aux risques de déstructuration des relations internationales et de notre société, avivés par ce contexte, les armées françaises ont été, sont un facteur de stabilité, de force, de résistance. Armées remarquables en tous lieux, en toutes circonstances, par la pérennité de leur fonctionnement comme de leurs valeurs, poursuivant dans les bourrasques et les orages les missions engagées et répondant présent à l’appel de l’Etat pour participer à la gestion de crise. Ce n’est pas pour rien qu’on les qualifie d’ultima ratio regum, d’ultime réponse souveraine, si j’osais une traduction un peu moderne.

Oui, ultima ratio regum, et chacun sait que les défis en la matière n’ont pas manqué durant cette année de grandes turbulences. La permanence de la dissuasion, cet exploit continu et je le dis ici à Brest où on sait sans doute mieux que partout ailleurs quel en est le prix, la permanence de la dissuasion a été assurée. Nous avons aussi poursuivi sa modernisation. Le vendredi 12 juin 2020, depuis la baie d’Audierne, le Téméraire a réussi son tir du missile balistique stratégique M51. Un tir préparé deux mois à l’avance alors que le premier confinement en rendait plus complexes les modalités de réalisation. Un tir qui souligne le savoir-faire de nos forces sous-marines, mais aussi celui des industriels français dans les domaines de la propulsion, des matériaux ultra-résistants, du guidage de précision ; soit une filière qui mobilise 7000 personnes à travers 400 entreprises, un vivier d’emplois hautement qualifiés et de prouesses techniques impressionnantes ; maîtriser à la fois le milieu de la mer, de l’air, du vide sidéral, transformer un sous-marin en véritable base de lancement spatial avec son système de commandement et de contrôle : il y a de quoi être fier, vraiment ! Former aussi ceux, et bientôt celles, qui remplissent cette mission fondamentale, leur transmettre les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être, oui, c’est un immense motif de fierté.

Fierté aussi que le tir réalisé par l’armée de l’Air et de l’Espace, le 9 septembre dernier, du missile ASMP-A dans sa version rénovée. Ce succès est un jalon important dans la modernisation des Forces aériennes stratégiques et de la Force aéronavale nucléaire qui doit nous donner de l’élan dans la poursuite de cette trajectoire. Nous avons fait des choix ambitieux, ils ont été confirmés et je l’ai rappelé et l’ai précisé même en février dernier, ces réalisations sont une fierté de l’année 2020. Mais au-delà de la dissuasion, ce sont toutes les postures permanentes qui ont été tenues durant l’année 2020. Postures de vigilance compte tenu de l’état du monde, de notre pays, des menaces qui y règnent, qui se caractérisent d’abord par l’engagement sans faille de l’ensemble de nos services de renseignement qui n’ont cessé leur travail de modernisation, poursuivi l’intégration du cyber et continué le travail de mutualisation.

Les aéronefs de l’armée de l’Air et de l’Espace ont décollé 354 fois sur cas réel pour la protection de notre espace aérien et donc de nos concitoyens. C’est dire si cette mission requiert une attention de chaque instant. Des dispositifs particuliers de sécurité aérienne ont aussi été déployés. 162 violations d’espaces aériens interdits ont été contrées, 19 raids de bombardiers étrangers à long rayon d’action ont été interceptés. Jusque dans le ciel, nos digues sont solides. Nos préfectures maritimes ont dirigé pas moins de 6000 opérations, permettant le sauvetage d’environ 7000 personnes, soit autant qu’en 2019. La pression migratoire a conduit à secourir plus de 13000 personnes en détresse, dont plus de 5800 en coopération avec nos partenaires britanniques. Les saisies de drogue ont dépassé les dix tonnes. Et si aucun accident majeur de pollution n’a été à déplorer, la Marine a néanmoins apporté son expertise, en particulier brestoise, à l’île Maurice l’été dernier, menacée d’une pollution particulièrement grave. Et je pourrais multiplier les exemples.

Naturellement, partout, et notamment en Atlantique, nos intérêts, comme nos droits souverains en mer, ont été défendus près de nos côtes et au grand large. A l’instant où je parle, une frégate tient l’alerte anti sous-marine, alerte qui a encore largement trouvé à s’illustrer tout au long de l’année écoulée. Oui, en ce moment même, un sous-marin français manifeste l’attachement de la France au principe du droit de la mer, loin d’ici, en Asie.

En 2020, la France est restée fortement mobilisée sur les théâtres d’opérations extérieures. Cet engagement sans faille de nos Armées pour assurer nos responsabilités internationales, nous l’avons payé du prix du sang, comme en 2019, et malheureusement déjà, comme je l’évoquais, en 2021. Au Sahel d’abord, grâce à un effort accru dans la bande sahélo-saharienne, les résultats sont là. Il y a un an, nous avions fixé un cap à Pau. Nous avions réengagé des forces et, je le disais, les résultats sont là. Les renforts temporaires que j’avais décidé de déployer ont permis à la force Barkhane de mettre en grande difficulté des groupes terroristes qui se trouvent acculés, réduits à des procédés lâches qui ont atteint nos forces mais qui, je le rappelle, frappent d’abord et surtout les civils, sans discrimination. Les résultats obtenus par nos forces au Sahel, conjugués à l’intervention plus importante de nos partenaires européens, vont nous permettre d’ajuster notre effort. Mais 2020 a été une année de résultats dans la zone des trois frontières, dans la lutte antiterroriste et autour des différents piliers définis à Pau : renforcer les capacités militaires sahéliennes, accroître notre emprise dans la lutte contre le terrorisme, consolider le retour des Etats dans toutes les régions libérées et assurer une politique de développement pour les populations ainsi libérées du joug des terroristes. Je me réjouis à cet égard de la certification opérationnelle initiale de la Task Force Takuba et du nombre croissant de pays européens qui la rejoignent, signe d’une prise de conscience grandissante des enjeux sahéliens qui sont cruciaux pour nos alliés et nos amis du Sahel et d’Afrique, pour nous-mêmes, et pour tous les Européens. Dans quelques semaines, je serai présent à N’Djamena pour un nouveau sommet et des décisions structurantes avec un cap qui reste inchangé : la stabilité et la victoire contre les terroristes.

Ailleurs en Afrique, nos troupes contribuent aussi, dans des conditions parfois difficiles, à lutter contre les terroristes, comme nous le faisons parfois au Lac Tchad, à prévenir l’émergence et le développement de crise. J’ai une pensée particulière pour le détachement d’assistance opérationnelle en République centrafricaine, dont la mission est actuellement si sensible et délicate. Au Proche-Orient, la projection, au cours de l’été, d’une force d’assistance adaptée à la situation dramatique engendrée par l’explosion sur le port de Beyrouth, a été aussi très utile et extrêmement appréciée par le peuple libanais, si cher au nôtre. Oui, l’opération AMITIE portait bien son nom. Nous poursuivons aujourd’hui et, s’il le faut, nous poursuivrons demain notre engagement en faveur de la constitution d’un Gouvernement digne de ce pays, tout en contribuant à y préserver la paix, à travers notre participation importante à la force de l’ONU. Oui, aujourd’hui aussi et encore, je pense à nos amis libanais.

Au Moyen-Orient, nous avons maintenu l’effort pour combattre un ennemi qui, en Irak et en Syrie, conserve une indéniable volonté de nuisance et reprend vigueur. Notre opération CHAMMAL contribue à l’opération interalliée Inherent Resolve, qui se traduit entre autres par le soutien de nos partenaires irakiens dans la lutte contre le terrorisme et par le déploiement de moyens sur la base aérienne projetée H5 et la base aérienne 104 d’Abou Dabi. Cet engagement militaire reste une nécessité, aussi, le groupe aéronaval le poursuivra en intervenant à nouveau dans les prochains mois. Par notre présence dans cette région, nous sommes un partenaire indispensable de nos alliés américains et je suis sûr que dans les prochaines semaines, la nouvelle administration aura à prendre des décisions structurantes qui marqueront un réengagement et une prise de conscience de la nature de la lutte contre le terrorisme et pour la stabilité de la région. Oui, il nous faut, en Syrie, reprendre et poursuivre la lutte contre le terrorisme, cette lutte n’est pas finie. Oui, il nous faut, en Irak, consolider la souveraineté de cet Etat ami et accompagner des dirigeants courageux.

En Méditerranée, hélas, ce qu’il faut bien appeler la traite d’êtres humains et les trafics illicites se sont accrus, alors même que les affrontements en Libye diminuaient. Aussi, la France, comme elle l’avait fait avec l’opération SOPHIA, s’est engagée avec l’Union Européenne dans une nouvelle mission de politique de sécurité et de défense commune, l’opération IRINI, et s’est attachée à en améliorer l’efficacité et la cohérence. Le chantier est en cours et nous sommes très attentifs à son bon avancement. Et 2020 a été marqué par des atteintes répétées au respect des droits des Etats en mer qui se sont multipliées en Méditerranée orientale, d’une manière que l’Union européenne ne peut accepter. Et je me félicite que nous ayons pu nous tenir aux côtés de nos amis grecs ou chypriotes, en particulier l’été dernier ; que nous ayons pu, par nos interventions, notre présence, la clarté de notre engagement, marquer ce qu’est la souveraineté et l’autonomie stratégique de l’Europe.

Dans l’océan Indien et le golfe arabo-persique, la France a été en première ligne de la stabilisation et de la prévention des tensions régionales, aussi bien en ce qui concerne l’espace aérien saoudien avec la Task Force JAGUAR que dans les espaces maritimes, grâce à l’opération AGENOR, dont le rôle important est pleinement reconnu, y compris par nos partenaires européens qui, là comme ailleurs, sont avec nous et contribuent à la mission. Et parlant de l’océan Indien, je veux ici redire combien la stratégie indopacifique, définie dès 2018, structurant tout à la fois notre présence ultramarine, l’implication de nos forces armées dans la région et des partenariats d’exception avec l’Australie, l’Inde, les Emirats arabes unis et tant d’autres, est la marque d’un réengagement et d’une affirmation de la France comme puissance maritime, mais aussi comme puissance stabilisatrice dans toute cette région du globe.

Les temps nous ont aussi rappelé que si la sécurité des Français commence au large ou au loin, nos armées agissent également sur notre sol. Vous le savez, ce sont ainsi 7000 militaires qui sont mis à la disposition des autorités civiles pour la prévention et la lutte contre le terrorisme dans le cadre de SENTINELLE. Et je veux ici remercier nos forces armées de leur engagement sans faille sur le territoire national, de leur réactivité lorsqu’il a fallu, en fin d’année dernière, en quelques jours, remobiliser fortement lorsque la menace terroriste grondait à nouveau et qu’il fallait mieux protéger notre sol. Avec l’opération HARPIE, les armées apportent également un concours déterminant à la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane, mission difficile et dangereuse qu’elles mènent en appui de l’autorité judiciaire.

En 2020, les forces armées ont aussi contribué à la lutte contre la pandémie dans le cadre de l’opération RESILIENCE. Vous avez joué un rôle majeur avec l’action remarquable du service de santé des armées, le déploiement de porte-hélicoptères d’assaut en Corse, aux Antilles et en Océan Indien, les vols MORPHEE de nos A330, l’adaptation réactive des A400 et des hélicoptères. Je n’oublie pas non plus le rôle dans la sécurisation des lieux de stockage de ressources essentielles, permettant aux forces de sécurité intérieure de se consacrer à d’autres missions, ainsi que la contribution remarquée de la Direction générale pour l’armement à la mise au point des masques grand public ainsi qu’à l’innovation en réponse à la crise sanitaire. Oui, les grandes capacités du ministère des Armées ont été largement sollicitées et vous avez été au rendez-vous. C’est une immense fierté. Et à l’heure où je vous parle, elles continuent et continueront de l’être dans les semaines à venir. "Votre vie est notre combat", c’est ce que dit la belle devise de votre service de santé. Vous l’avez prise au mot plus que jamais. Merci infiniment pour cela. Nos concitoyens le savent et le mesurent.

Je sais que vous, personnels militaires et civils des armées, directions et services du ministère des armées, et parfois vos familles, vos proches ont été eux-mêmes touchés par la Covid. Je sais que tous, dans ces conditions, vous avez conservé le cap et le sens de la mission. Et je sais que tout, dans la planification comme dans la conduite des opérations, a été alourdi par une complexité accrue. Je le mesure ô combien. Pour la première fois depuis plusieurs décennies, vous avez été menacés dans votre aptitude à préparer vos forces, vos projections, dans la capacité des services de soutien à accomplir leurs missions, dans celle de l’industrie à assurer l’entretien des matériels. Il a fallu vous adapter, innover, réagir. Et vous l’avez fait, avec un engagement inlassable. Bravo pour cela. Bravo aussi aux forces en opérations qui ont su adopter les mesures pour se protéger, au prix parfois de très gros sacrifices. Je sais à quel point les conditions de vie, en particulier à Niamey et à Gao, ont pu devenir spartiates compte tenu des restrictions imposées aux flux logistiques et des mesures de confinement des agents de recrutement local. Je sais ce qu’ont enduré les équipages de nos bâtiments, projetés au loin pendant des mois et confinés à bord pendant les relâches logistiques. Votre vie au quotidien a profondément changé. Vous vous êtes adaptés, mais la mission, les missions, ont continué. Bravo encore à celles et ceux qui, dans les bases, les ports et les quartiers, les centres de la DGA, les directions du secrétariat général pour l’administration, les implantations des services de renseignement, ont assuré la continuité de notre action. Et je veux, en particulier, rendre hommage au commissariat qui a maintenu des flux alors que ses agents ou ses prestataires étaient eux-mêmes touchés, notamment par les effets du confinement. Autant d’efforts, lors du printemps dernier, qui vont rendre nos organisations plus fortes, plus résilientes, nos contrats mieux préparés, plus efficaces, notre pays plus autonome et souverain encore.

A l’heure où des défis toujours plus nombreux se profilent, il nous faut reconnaître cette lueur au tableau : cette épreuve a aussi renforcé notre outil de défense. Le ministère des Armées a non seulement su maintenir ses missions fondamentales au service de notre sécurité, tout en assumant toute sa part dans la réponse à la crise sanitaire, et même plus que sa part, mais il est aussi un acteur clef de la relance et du soutien à l’économie. Je sais les efforts qui ont été menés, notamment par la DGA, pour soutenir tout l’écosystème des industries de défense, tellement important pour notre souveraineté et nos territoires avec une attention particulière aux petites et moyennes entreprises. Ici même, tant d’entre elles dépendent de nos Armées, de nos capacités à tenir nos délais, nos engagements pour maintenir l’emploi et tenir, là aussi, dans cette crise. Vos investissements, votre soutien à l’export, votre financement de l’innovation garantissent la pérennité de nos entreprises de défense, maintiennent nos emplois et soutiennent nos territoires.

Si les résultats sont au rendez-vous, c’est d’abord parce que vous défendez et portez des valeurs républicaines du temps long, invariantes. J’ai eu récemment l’occasion de m’exprimer devant le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire pour rappeler combien elles sont précieuses pour la Nation. Votre disponibilité, votre discipline ne sont pas d’abord des sujétions, elles sont avant tout des valeurs. Votre esprit d’équipage, de cohésion, cette fraternité d’armes que j’observe chez chacun de vous sont des trésors. Ils sont le ciment d’un corps social essentiel à la force de notre Nation et à notre République. Je tiens, comme vous, à cette singularité, à ce qui la caractérise et à ce qu’elle nous apporte.

J’étais heureux de le constater à l’Ecole des Mousses cet après-midi avec plusieurs d’entre vous et je me félicite aussi que 10% des officiers des armes que j’ai choisis début décembre pour accéder aux étoiles soient entrés dans les armées comme militaires du rang ou sous-officiers. Votre enracinement dans le temps long, c’est aussi celui de la continuité avec les Anciens. Oui, vous êtes, nous sommes les dépositaires des valeurs et de la gloire de ceux qui nous précèdent. A cet égard, j’assure du respect de la Nation les Anciens qui sont présents ce soir. More majorum, comme on dit si bien dans la Légion étrangère, à la mémoire des Anciens. Et je rends hommage à l’action de la ministre déléguée auprès de la ministre des armées au profit de nos Anciens combattants, engagement tenace, soin scrupuleux mis au sort de chacun. Je salue et remercie également tous les personnels civils du ministère des armées qui partagent cet engagement pour la défense de la Nation et y consacrent toute leur énergie, tous leurs efforts.

L’année qui s’ouvre, je le disais, ne manquera pas de défis, de conflits nouveaux, mais elle doit nous permettre aussi de consolider ce que nous avons su bâtir. Une Loi de programmation militaire historique, un combat européen essentiel. Dans un contexte de plus en plus incertain, avec des engagements opérationnels toujours soutenus, la Nation doit donner aux hommes et aux femmes qui la défendent les moyens de remplir leurs missions. L’indispensable remontée en puissance de nos armées que j’ai décidée en 2017 doit se poursuivre résolument dans le cadre de la Loi de programmation militaire.

Nous le savions, 2020 était l’année, je vous le rappelle, de tous les dangers. Nous l’avons passée par les décisions prises, les réengagements décidés, mais il nous reste tant à faire. Je l’ai dit et répété, je le réaffirme solennellement aujourd’hui : les engagements que j’ai pris seront tenus. La LPM a été mise en oeuvre chaque année à l’euro près. Et je veux saluer l’engagement de la ministre des armées depuis les premiers travaux, et de manière constante tout au long de l’année, pour conduire cette action vigilante, engagée ; saluer l’engagement et la détermination du chef d’état-major des armées, en ce même combat, et le rôle essentiel de nos parlementaires qui, chaque année, veillent à la bonne exécution, protégeant nos propres engagements et notre capacité à affronter les défis de demain. Oui, les équipements sont livrés, les hébergements sont construits, les programmes sont lancés à un rythme inédit, les coopérations avancent, l’innovation est stimulée, les mesures à hauteur d’homme sont là. Ici même, en contrebas du château, vous pourrez visiter les nouveaux casernements du bataillon des fusiliers marins Amyot d’Inville. Nos capacités se modernisent. Les premiers véhicules Griffon, le sous-marin Suffren, les avions ravitailleurs MRTT, l’Atlantique 2 rénové, entre autres, en témoignent.

J’ai aussi pris des décisions importantes pour l’avenir, je pense notamment à la propulsion nucléaire du futur porte-avions. Oui, une LPM à hauteur d’homme, accompagnée de plusieurs plans dont le plan Famille, des engagements pour aujourd’hui et pour demain. Malgré la pandémie et la période économique difficile que nous traversons, cet effort de remontée en puissance sera maintenu dans les conditions prévues jusqu’en 2023 par la Loi de programmation militaire, avec pour objectif l’ambition opérationnelle que j’ai fixée pour nos armées à l’horizon 2030 et que je réaffirme aujourd’hui. J’ai demandé que, sous la direction de la ministre des armées, un point d’étape approfondi soit effectué au cours des prochains mois avec la représentation nationale sur l’évolution du contexte stratégique, les adaptations capacitaires décidées pour que nos armées restent pleinement efficaces sur les théâtres d’opérations, quels qu’ils soient, et la mise en oeuvre de la LPM.

Naturellement, les vertus du temps long et de la constance ne confinent ni au conservatisme, ni à l’inertie. J’attends que vous poursuiviez l’effort énergique d’adaptation, d’innovation, de transformation entrepris au sein du ministère depuis trois ans et demi et démontré dès le début de la pandémie. En ces temps d’incertitudes et de tumultes, cette capacité d’adaptation est à la fois une qualité intrinsèque, une finalité, et un impératif. C’est cette capacité qui permettra à nos Armées d’agir au mieux face aux défis de notre époque, d’ajuster ses actions aux sables mouvants des temps de crise et ses opérations aux évolutions politiques. C’est ce qui nous rendra plus forts face aux tentatives de contournement qui apparaissent sur les théâtres d’opérations d’aujourd’hui. C’est une exigence d’agilité et d’efficacité que nous devons désormais intégrer davantage dans nos processus et nos organisations. Consolider donc la Loi de programmation militaire, nos engagements et continuer d’innover.

Consolider aussi notre engagement et notre stratégie européenne. Depuis un peu plus de trois ans nous avons transformé, sous l’impulsion française et précisément grâce à notre réengagement et à cette LPM, nous avons transformé l’autonomie stratégique européenne et fait renaître une véritable Europe de la défense à travers des grands projets (SCAF, MGCF, Eurodrone et plusieurs autres), à travers le Fonds européen, à travers nos coopérations renforcées, l’initiative européenne d’intervention qui a aujourd’hui convaincu treize Etats membres. Nous continuons d’avancer sur ce chemin, et nous devrons continuer dans les mois qui viennent de le faire.

Grâce au travail que nous avons initié au sein de l’OTAN, des propositions ont été faites qui donneront lieu à des choix politiques que nous aurons à bâtir entre alliés. Mais notre engagement au sein de l’OTAN n’empêche ni ne contrarie une autonomie stratégique européenne, je l’ai dit et le redis ici, bien au contraire, mais pour être respectés au sein de l’OTAN, crédibles au sein de l’OTAN, nous avons besoin d’une Europe forte, plus unie, plus conquérante, d’une Europe qui assume, en effet, les choix que nous avons faits depuis un peu plus de trois ans. Il nous faudra continuer dans les mois qui viennent avec les Etats-Unis d’Amérique, réengagés dans le multilatéralisme, je l’espère, réengagés sur plusieurs lieux de conflits, il nous faudra convaincre de nos choix, de leur pertinence dans la durée, et j’y suis profondément attaché.

Mesdames et Messieurs, aujourd’hui encore, j’ai pu constater le sens de l’engagement, du devoir, cette exigence et cette rigueur qui font de l’armée française l’un des acteurs majeurs des promesses républicaines. Et c’est aussi un message d’espoir, d’inspiration, d’encouragement à la jeunesse de notre pays, particulièrement bienvenu en ces temps difficiles. Je veux vous dire combien, aujourd’hui à nouveau, j’ai pu être fier de ce que vous réalisez ; confiant du succès des missions qui vous sont confiées ; déterminé à poursuivre dans ce chemin pour éviter toute banalisation de la condition militaire, et volontaire à vos côtés pour donner tous les moyens à notre Nation de sa sécurité.

Mais pour conclure mon propos, laissez-moi vous dire deux choses qui ressortent de cette journée, et éclaireront, au-delà de tout ce que je viens de rappeler, notre année. N’oublions jamais de regarder au-delà de l’écume des jours. Par les temps que nous vivons, quand l’angoisse saisit la Nation, quand les impatiences font jour, la tendance est grande de ne s’occuper que du quotidien. La force de nos armées et de nos choix, de notre Nation, c’est de savoir embrasser le temps long. On ne gagne aucune guerre si on ne la prépare pas. Et je sais - je ne dirais pas que j’ai pris l’habitude de vivre avec - mais je sais combien chaque jour on peut expliquer comment il fallait gagner la guerre d’hier. C’est très dur de préparer celle de demain. C’est ce que nous faisons. Et donc, ne cédons à aucun court-termisme, à aucune impatience, à aucune mode des temps. Gardons cette capacité à regarder le grand large, à avoir cette vision stratégique qu’ont eue certains de nos prédécesseurs qui ont bâti notre indépendance et les instruments de celle-ci. Restons attachés à une Nation forte, indépendante aujourd’hui et demain et gardons, oui, ce sens du temps long.

La deuxième réflexion que je voulais partager avec vous en conclusion, c’est qu’au-delà de tous les grands projets, de tous les équipements, de tous les choix technologiques qui sont les nôtres, que nous aurons à poursuivre, et de nos engagements, il n’y a de forces que les femmes et les hommes qui sont engagés dans nos armées. Les plus beaux signes d’espoir et de confiance de cette journée, ce sont les regards de conviction et d’enthousiasme de nos jeunes des différentes écoles ainsi croisés. La force de nos armées, ce sont leurs femmes et leurs hommes. Nous n’y prenons jamais assez grand soin. Je veux dire ici, à chacune et chacun, la fierté que j’ai d’être là où je suis, grâce à eux, et par leur engagement, et par le vôtre. Nos armées sont des modèles de diversité, d’intégration, de sens du devoir, de sens tout bonnement retrouvé. Et j’ai vu dans ces visages, et à travers ces discussions, entendu et compris la force de ce sens retrouvé. Ne le perdez pas.

Et à notre jeunesse qui ainsi s’engage, je veux lui dire avec beaucoup de conviction qu’elle a embrassé la défense d’une Nation, une vie d’aventure, d’honneur, de gloire, de devoir, de bravoure, peut-être parfois jusqu’au sacrifice suprême, et que cet engagement s’inscrit dans une filiation indicible qui nous fait Nation, et de cela je vous remercie. De cela je suis fier et vous pouvez être fiers.

Voilà ce que je voulais vous dire en cette journée, avec des voeux de santé, des voeux de résistance, car les combats seront multiples, et des voeux d’ambition. Mais avec la fierté réaffirmée de nos Armées, de vos chefs, d’être humblement là où je suis pour tenir ces valeurs et avec vous mener nos combats. Alors pour tout cela, infiniment, merci.

Vive la République !

Vive la France !