Dans un ouvrage qui vient de paraître aux Etats-Unis, un ancien responsable de la DEA au Salvador, Celerino Castillo, affirme avoir été le témoin oculaire de la couverture d’un trafic de cocaïne par l’ex-lieutenant-colonel Oliver North dans l’opération d’aide aux Contras nicaraguayens. Oliver North - qui rejette formellement les accusations de Castillo - retrouve également les feux de l’actualité en tant que candidat républicain à l’élection sénatoriale du 8 novembre prochain dans l’Etat de Virginie. Un correspondant de l’OGD à Washington, spécialiste du blanchiment, a passé au crible à cette occasion le rapport du procureur indépendant Walsh sur l’affaire Iran-Contra publié en janvier 1994 : or, quelques pages du rapport, ignorées par la presse au moment de sa publication, jettent aujourd’hui une lumière insolite sur les techniques mises en oeuvre pour procéder à des mouvements financiers clandestins. Des méthodes qui, si elles pouvaient à l’époque faire figure de montages de circonstance, apparaissent maintenant comme partie intégrante de la panoplie universelle du blanchiment. Sur les quelque 48 millions de dollars de flux financiers générés par cette affaire, note le rapport Walsh, 6 millions de dollars au moins ont été versés en chèques de voyage. C’était la technique préférée du leader "contra" Adolfo Calero. Mais comment masquer la destination des chèques de ce type qui reviennent à l’institution émettrice, permettant de connaître ainsi l’identité de ceux qui les encaissent ? La recette était simple : dans de nombreux cas, explique le rapport, les signatures des bénéficiaires étaient tout bonnement illisibles. Une autre méthode employée, notamment par le lieutenant-colonel North, personnage-clé de cette affaire, a été le recours à de très larges versements en espèces pour tenter, sans succès, de faire libérer contre rançon les otages américains retenus au Liban. Pour effectuer ces opérations en numéraire, North s’était adjoint les services de deux agents de la DEA, agence dont on sait qu’elle a mis la lutte contre le blanchiment au premier plan de sa stratégie antidrogues. Enfin, pour faire des versements clandestins en espèces à Albert Hakim et au général Secord, deux acteurs importants du scandale, le "cerveau financier" de l’Iran-Contragate, Willard Zucker, se servait de la méthode suivante. Depuis Genève, il contactait à New York l’employée d’une grande banque américaine, Nan Morabia. Celle-ci chargeait à son tour son mari ou son fils de remettre à leurs destinataires les sommes requises. De la sorte, on évitait de devoir déclarer aux autorités américaines ces transactions en espèces supérieures à 10 000 dollars, contournant ainsi une obligation essentielle du dispositif anti-blanchiment des Etats-Unis. Willard Zucker comme Nan Morabia, précisons-le, ont bénéficié de l’immunité dans cette affaire en échange de leur témoignage. Ces versements clandestins s’effectuaient souvent dans des hôtels de New York, en utilisant des noms de code et des signes de reconnaissance - comme, par exemple, une simple carte de visite déchirée en deux. Les montants pouvaient atteindre 100 000 dollars. Un de ces versements au moins s’est effectué dans les locaux new - yorkais d’une grande banque, la Republic National Bank of New York, dont l’actionnaire principal est le financier Edmond Zafra. Nan Morabia était elle-même employée par cette banque, à travers laquelle ont transité électroniquement de nombreux versements relatifs eux aussi à cette affaire de l’Iran - Contra. Nan Morabia a également supervisé certains de ces transferts électroniques. Mais elle souligne qu’elle a organisé les versements en espèces à Hakim ou Secord en dehors des canaux de la Republic National Bank of New York, laquelle, de son côté, procède à la même distinction. Lorsque le scandale a éclaté, à la fin de 1986, la holding contrôlant cette grande banque avait déclaré dans un communiqué de presse qu’elle n’était mêlée "ni directement ni indirectement à cette affaire". Son actionnaire principal, Edmond Zafra, a réussi à faire condamner pour diffamation diverses publications qui avaient mentionné des liens entre la Republic National Bank et l’Iran - Contragate (correspondant de l’OGD à Washington).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 36