Les "révélations" sur l’implication des militaires haïtiens dans le trafic de drogue dans les Caraïbes ont été au centre des luttes intestines de l’administration Clinton. Ces oppositions n’ont pu qu’encourager les putschistes haïtiens à s’opposer au retour du président Jean-Bertrand Aristide. Les "fuites" dans la presse ont débuté, le 27 octobre, par un rapport du Sénat américain affirmant que les trafiquants colombiens versaient environ 100 millions de dollars par an au lieutenant-colonel Michel François, chef de la police de Port-au-Prince et véritable homme fort du régime militaire, pour qu’il protège et facilite le transit de cocaïne dans le pays. Le document désigne Fernando Burgos Martinez comme le représentant du cartel de Cali en Haïti où séjourneraient "1 000 narcotrafiquants colombiens". Le lendemain, 28 octobre, Thomas Cash, responsable de la DEA à Miami, répliquait que ces informations étaient "infondées" et avaient sans doute pour but de pousser le président Clinton à une intervention militaire. "Nous n’avons aucune information sur l’implication d’un officier haïtien dans le trafic de drogue", a répété à l’OGD le chef du bureau de la DEA à Port-au-Prince. Opposée à une action de force, la CIA avait pour sa part "informé" le Congrès sur la supposée "instabilité mentale" du Père Aristide. Ce coup bas contre la ligne officielle de la Maison Blanche ne restait pas longtemps sans réponse. Des sources "officielles" révélaient bientôt que les principaux chefs militaires haïtiens étaient des informateurs rémunérés de la CIA jusqu’au coup d’Etat de 1991, mais aussi que celle-ci avait créé une unité antidrogue parallèle en Haïti. Non contents de torturer des partisans d’Aristide et de participer eux-mêmes au trafic de drogue, ces "honorables correspondants" haïtiens menaçaient l’an dernier de tuer le chef de bureau de la DEA. Les dénégations de la DEA et les alliances de la CIA laissent perplexe quand on se souvient que, dès 1982, un rapport de l’agence antidrogues américaine affirmait que l’armée en Haïti assurait la protection des entrepôts où étaient stockées les cargaisons de cocaïne sur lesquelles les Bennett, la belle-famille du dictateur Jean-Claude Duvalier, avaient la haute main. Ernest, le beau-père de "Baby Doc", donnait déjà à l’époque sa part de butin au chef de la police de Port-au-Prince. Plus récemment, en juin 1988, le président Manigat était renversé pour avoir tenté de livrer le colonel Jean-Claude Paul, chef d’un bataillon d’élite, à un tribunal de Miami qui l’avait inculpé pour trafic de drogue. Le général-président Prosper Avril qui avait démis de leurs fonctions des "narco-officiers" a connu le même sort en 1989. En Haïti, où les passages d’avionnettes colombiennes sont tellement fréquents que les paysans les ont baptisés "les vols d’Air France", il est de notoriété publique que des hauts gradés, dont le colonel François, ont payé cash d’imposantes villas d’une valeur de 300 000 à 500 000 dollars (envoyé spécial de l’OGD en Haïti).
(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 26
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