Le pétrolier Archangelos, battant pavillon panaméen, est arrivé, le 8 février, dans le port de Las Palmas, aux Canaries, escorté par une vedette de la police maritime espagnole. Il avait été arraisonné, à l’aube du 23 janvier 1995, en plein océan Atlantique, face à la côte du Brésil (conformément à l’article 17 de la Convention de Vienne, ratifiée par l’Espagne). Mettant à profit une pluie diluvienne, les hommes du SVA (Servicio de Vigilancia Aduanera) avaient, à partir de leur bateau, le Petrel, abordé l’Archangelos. Trois à quatre tonnes de cocaïne ont été saisies, et les quatorze membres de l’équipage arrêtés. Cette facette de l’opération a été révélée par la presse espagnole à l’arrivée à Las Palmas. Quelques mois plus tôt, une opération similaire du SVA, visant un autre navire, le SS Islander, navigant, lui aussi, sous pavillon panaméen, avait tourné court : si l’équipage avait été arrêté malgré sa résistance, il était parvenu à jeter à la mer un chargement estimé à quatre tonnes de cocaïne. La SVA a révélé que l’opération avait fait l’objet de plusieurs mois de préparation, en collaboration avec les polices de plusieurs pays. L’enquête effectuée en Grèce par l’OGD a recueilli des informations précisant certains détails. Tout commence par un câble des stups espagnols aux autorités grecques, indiquant qu’un groupe d’Espagnols et de Colombiens s’apprêtait à affréter un bateau grec pour le transport de cocaïne entre l’Amérique du Sud et l’Espagne. Sur insistance espagnole, la police grecque a très rapidement identifié deux ressortissants espagnols qui logeaient dans des hôtels différents du Pirée et négociaient avec la compagnie panaméenne Superia Shipping, propriétaire de l’Archangelos. Une fois acquise la conviction que l’accord de fret était passé, des officiers espagnols se sont joints à leurs collègues grecs qui, entre temps, avaient identifié et pris en filature l’ensemble de l’équipage engagé (cinq Grecs, dont le capitaine, et neuf Chiliens). Deux des citoyens chiliens de l’équipage n’ont pas tardé à entrer quoti - diennement en contact avec les narcos affréteurs du navire. Finalement, le 29 septembre 1994, l’Archangelos quittait le Pirée à destination du Venezuela. Il a été suivi tout au long du voyage et policiers espagnols et grecs sont restés de façon permanente en communication. Cela explique sans doute l’irritation des autorités grecques de n’être jamais citées comme co - auteurs d’une opération aussi spectaculaire. En effet, depuis le port d’Eleusis, où le pétrolier attendait une offre de fret, jusqu’au Venezuela, où la cocaïne a été chargée, tous ses mouvements ont été enregistrés, ce qui permet de penser qu’une taupe à été introduite à bord. On remarque en effet que les premières informations parlent de quatorze membres d’équipage, et les plus récentes de treize. Trois semaines plus tôt, quelque 500 kilos de cocaïne avaient été saisis sur le port de Patras à destination de l’Albanie. Une partie de la cargaison (la cocaïne était dissimulée dans des sacs de riz) avait été dédouanée et suivie, afin de connaître sa destination finale. La présence d’innombrables bateaux, en cale sèche ou en attente du client, attire désormais les mafieux en Grèce, d’où, en s’appuyant sur des complicités locales et le savoir - faire grec en matière de fret maritime, ils peuvent monter des opérations loin des lieux trop repérés du trafic que sont les ports galiciens ou néerlandais. Cela confirme qu’aujourd’hui, les trafiquants, réagissant au ciblage de plus en plus précis des cargaisons, misent sur les possibilités multiples qu’offre le système mondial de fret. Et, singulièrement, les navires grecs sous pavillons de complaisance (correspondant de l’OGD en Grèce).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 41