Alors que l’affaire des paillotes a braqué les projecteurs sur l’autorité préfectorale dans l’île, il semble difficile d’en analyser les dysfonctionnements sans examiner l’action conduite par le préfet Bonnet lui-même. Sans doute certains des problèmes constatés dans cette administration tiennent-ils à des facteurs structurels dus à l’existence de deux départements sur un territoire peu étendu et faiblement peuplé. Les problèmes les plus récents proviennent pour l’essentiel des méthodes de travail du préfet Bonnet et du contexte très particulier dans lequel il les a mises en œuvre.

* LE PROBLEME DE LA BIDEPARTEMENTALISATION ET DU PREFET ADJOINT

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Divisée en deux départements en 1793, le Liamone au sud et le Golo au Nord, la Corse a été unifiée en un seul département en 1811 avec pour préfecture Ajaccio, avant d’être à nouveau divisée en deux départements distincts en 1975. Aux deux conseils généraux existants, le législateur devait ajouter une collectivité locale spécifique par les lois du 2 et du 30 juillet 1982 fixant l’organisation administrative et les compétences de la région corse. La loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse devait confirmer la spécificité du statut de l’île en renforçant les pouvoirs de l’assemblée de Corse.

Cette organisation particulière ne concerne que la collectivité territoriale de Corse, l’organisation départementale continuant pour sa part à relever du droit commun tant pour les conseils généraux que pour les services déconcentrés de l’Etat. Toutefois, la situation spécifique de l’île en matière de maintien de l’ordre a conduit à la mise en place d’un préfet adjoint pour la sécurité, disposant pour ces questions d’une délégation de signature de chacun des deux préfets de département, comme cela a été analysé dans la première partie du rapport.

Conformément aux dispositions en vigueur sur le reste du territoire national, le préfet de région ne dispose pas d’un pouvoir hiérarchique sur son collègue de Haute-Corse. Il n’a depuis la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République qu’un pouvoir de direction dans le domaine des politiques nationales et communautaires concernant le développement économique et social ainsi que l’aménagement du territoire. Chaque préfet demeure donc pleinement compétent dans son département dans les autres domaines, notamment ceux touchant à la police administrative.

Dans ce contexte, il apparaît clairement que la coexistence de trois préfets compétents en matière d’ordre public pour un territoire peu étendu est source de conflits et de rivalités. Dans le même temps, l’acuité des problèmes de sécurité dans l’île et la nécessité d’assurer sur place la coordination entre les différentes forces de l’ordre en présence dans les deux départements constitue un argument justifiant l’existence du préfet adjoint pour la sécurité.

Quelle que soit la position des uns et des autres, l’existence de conflits au sein de l’administration préfectorale constitue un problème récurrent dans l’île, dont la situation se caractérise par une véritable sur-administration. Le préfet de région Jacques Coëffé, en poste à Ajaccio du 23 décembre 1994 au 12 décembre 1996, a indiqué devant la commission que la coordination entre préfets sur la question de la sécurité était une source constante de difficultés : " Il est un problème qui s’est avéré difficile : celui de la coordination avec le préfet adjoint pour la sécurité. Il ne s’agissait pas d’un problème d’hommes parce que je me suis très bien entendu avec les deux titulaires de cette fonction - successivement M. Lacave et M. Guerrier de Dumast - mais d’un problème structurel. Pourquoi ?

" Parce que lorsque la situation est calme - et cela se produit heureusement en Corse où il n’y a pas la guerre tous les jours - le préfet dit "de police" n’a pas grand-chose à faire, s’ennuie même un peu et a tendance à chercher d’autres activités - il se rend notamment fréquemment à Paris, ce qui agace un peu le préfet - bref, il est sous-employé ; en revanche, lorsque les choses vont très mal, notamment en cas de conflits sociaux qui, en Corse, prennent souvent un tour très violent, le problème se déplace tout naturellement en direction du préfet vers qui tout le monde se tourne, depuis les responsables syndicaux jusqu’aux chefs d’entreprise en passant par le président de la chambre de commerce, et qui se trouve assailli de demandes de rendez-vous et d’audiences, alors que le préfet de police est présent mais ne se trouve pas en première ligne.

" C’est donc là une situation qui, à mon sens, n’est pas satisfaisante, d’autant qu’elle pose aussi un problème de relations avec le directeur de cabinet du préfet qui a du mal à trouver sa place entre le préfet de département et le préfet de police, et un problème pour les services de gendarmerie et de police qui ne savent pas exactement qui est leur patron. C’est pourquoi, à l’époque j’avais proposé que l’on supprimât la fonction et on m’avait répondu que ce n’était pas le moment, mais je crois que ce n’est jamais le moment pour prendre ce genre de décision... ".

De son côté, M. Jean-Pierre Lacave, préfet adjoint pour la sécurité en poste dans l’île du 12 juillet 1993 au 16 juillet 1995, a confirmé l’existence de tensions pour la définition des attributions respectives des préfets en matière d’ordre public : " J’ai d’ailleurs eu quelques difficultés, au début, à obtenir de l’un des deux préfets une délégation de signature et il a fallu que le ministre intervienne pour que, au bout de trois mois, je puisse la décrocher ".

Ces tensions structurelles ont été accrues après la mort du préfet Erignac, car MM. Bonnet et Lemaire ont tous deux été préfet adjoint pour la sécurité dans l’île, du 16 janvier 1991 au 16 novembre 1992 pour le premier et du 10 novembre 1997 au 16 avril 1998 pour le second, qui a été remplacé par M. Francis Spitzer. Celui-ci a expliqué aux membres de la commission lors de leur déplacement à Ajaccio, que cette situation avait contribué à restreindre sa capacité d’initiative en le cantonnant à des tâches plus administratives qu’opérationnelles : " M. Bonnet et M. Lemaire avaient exercé les fonctions de préfet de police en Corse. Ce qui paraissait un avantage pouvait être un inconvénient, car chacun à sa manière avait gardé le souvenir de sa fonction et comptait voir le préfet de police agir ou, plutôt, ne pas agir. Le préfet adjoint pour la sécurité, fonction créée en 1983, présente ici la particularité d’intervenir non pas sur un département mais sur une région, et nous connaissons l’attachement des préfets aux prérogatives qui sont les leurs en matière d’ordre public ".

De fait, la situation du préfet adjoint pour la sécurité est des plus inconfortables : soumis à la tutelle de deux préfets dont les vues ne sont pas toujours convergentes, il n’a pas de pouvoir propre de conception ou d’exécution en matière d’ordre public et doit rendre compte à chacun des préfets de toutes les affaires importantes dont il traite. Cette situation sera aggravée par la pratique instaurée par le préfet Bonnet qui privilégie en matière de sécurité ses autres collaborateurs, dont son directeur de cabinet, qui n’a pourtant pas de compétence en matière de sécurité en dehors de la sécurité routière et de la protection civile.

M. Francis Spitzer, alors préfet adjoint pour la sécurité, a ainsi déclaré à la commission : " A mon arrivée en mai, il y avait autour du préfet Bonnet un groupe constitué, que j’appellerai "le premier cercle", comprenant le colonel Cavallier et M. Pardini, qui n’était pas encore directeur de cabinet mais chargé de mission. J’ai eu le sentiment, de par mes fonctions, et j’en ai un peu souffert, de ne pas être de ce premier cercle où l’on développait la doctrine ".

Le point de vue exprimé par le préfet Bonnet sur cette question a le mérite de la clarté : " on peut supprimer le poste de préfet adjoint pour la sécurité, il ne sert strictement à rien. C’est le greffier de l’insécurité, c’est le comptable des statistiques de la criminalité en Corse. Pourquoi ne sert-il à rien - quelle que soit la personnalité de celui qui occupe ce poste ? Ou bien le parquet fait son métier, et par conséquent je ne vois pas très bien ce qu’un préfet adjoint pour la sécurité peut faire en termes de lutte contre la délinquance et la criminalité. Ou bien, le préfet adjoint veut s’en occuper, et cela conduit à des cafouillages épouvantables. En outre, il empiète sur des fonctions de maintien de l’ordre dévolues au préfet de Haute-Corse. Bref, il est dans une situation de directeur de cabinet qui préside des réunions de police ".

Ce constat soulève le problème de l’existence de deux départements en Corse : le besoin de coordination est réel, mais le dispositif existant contribue à brouiller la lisibilité des institutions en multipliant les centres de décision dans un domaine nécessitant des décisions rapides et une autorité incontestée.

Interrogé par M. Robert Pandraud sur ce point, M. Alain Christnacht, conseiller au cabinet du Premier ministre, a admis l’existence d’un problème organisationnel au sein de l’administration préfectorale en Corse :

" M. Robert PANDRAUD : Je crois que l’organisation est à revoir. Il y a nécessité d’une coordination. Vous paraîtrait-il anormal que, pour une île comme la Corse, les pouvoirs de police soient accordés au préfet de région et que l’on nomme, comme il en existe un à la préfecture de police, un préfet directeur de cabinet qui pourrait suivre cela de plus près ? Au moins conviendrait-il que l’on sache qui commande et qui fait quoi (...).

" M. Alain CHRISTNACHT : Effectivement, le dysfonctionnement peut révéler un problème d’organisation sous-jacent - pas toujours, certains dysfonctionnements peuvent être purement individuels.

" (...) S’agissant de l’organisation, plusieurs solutions sont envisageables. Il faut déterminer qui a le pouvoir et qui fait le travail, car le préfet de Corse doit faire face à de nombreuses tâches. On pourrait imaginer un préfet adjoint pour l’aider, mais qui dépende hiérarchiquement du préfet de Corse, lequel détiendrait les pouvoirs de police. Cela poserait la question plus générale de savoir si le préfet de Haute Corse ne pourrait pas être l’adjoint sur tous les sujets, dépendant hiérarchiquement du préfet de Corse. Au fond, ce n’est pas parce qu’il existe deux collectivités qu’il doit y avoir deux organisations d’administration d’Etat strictement conformes au droit commun ".

Ce problème de coordination entre les deux départements a été amplifié après l’assassinat du préfet Erignac du fait des méthodes du préfet Bonnet. Son action a en effet été contestée par ses deux homologues successifs de la Haute-Corse, M. Bernard Pomel et M. Bernard Lemaire.

* BERNARD BONNET, UNE ACTION CONTRASTEE ET CONTESTEE

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Arrivé en Corse à la suite de l’assassinat du préfet Erignac, le préfet Bonnet devait disposer d’entrée de jeu d’une liberté d’action assez rare dans le corps préfectoral. Ayant pu s’entourer des collaborateurs de son choix, ce qui présente un caractère exceptionnel, et ayant obtenu le départ de M. Bernard Pomel, son collègue de la Haute-Corse, il a bénéficié du soutien sans faille des cabinets ministériels, Intérieur et Matignon, avec lesquels il était en relation constante et auxquels il rendait en contrepartie compte de son action.

M. Philippe Barret, ancien conseiller au ministère de l’Intérieur, a ainsi indiqué que la capacité d’action donnée au préfet Bonnet lors de sa nomination était extrêmement large : " nous avons pensé les uns et les autres qu’un renforcement de l’autorité préfectorale, une concentration un peu particulière des pouvoirs, pouvait améliorer la situation. C’est dans cet esprit que le ministre de l’Intérieur et l’ensemble du gouvernement ont donné, non pas carte blanche, mais une assez large marge de manœuvre au préfet Bonnet pour choisir ses collaborateurs. Il souhaitait, en effet, que le préfet Bonnet disposât d’une équipe soudée, cohérente, d’hommes et de femmes en qui il eût pleinement confiance. Les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur de notre espérance, qui était pourtant rationnelle et de bon sens ! Mais quels collaborateurs M. Bonnet a-t-il choisi ? M. Cavallier

- vous connaissez la suite ! Il a également choisi M. Pardini - vous connaissez aussi la suite ! - et M. Spitzer, lequel a été rapidement marginalisé de fait. Ce sont pourtant les choix de M. Bonnet. On pouvait penser qu’un préfet à qui l’on dit : "Vous choisissez vos hommes, vous avez votre équipe et vous mettez tout le monde au travail de façon cohérente" était un début de solution, une réponse à votre question. Oui, mais... une fois trouvée la procédure, il reste à être aussi judicieux dans le choix des hommes, ce qui n’est pas toujours facile ".

Cette politique, compréhensible compte tenu de la situation exceptionnelle de la Corse en février 1998, devait néanmoins conforter le préfet de région dans une pratique solitaire de l’exercice du pouvoir, alors que la collégialité et une certaine contradiction dans le processus de décision auraient pu permettre d’éviter certains dérapages et mettre un terme à certaines dérives.

M. Gérard Pardini a très bien décrit ce mécanisme de personnalisation excessive de l’action préfectorale : " Bernard Bonnet a tellement incarné l’Etat qu’il l’a incarné dans toutes ses composantes. Il a été à la fois l’Etat justice, l’Etat fiscal, alors même qu’il n’avait ni les compétences, ni les pouvoirs. Mais son image était telle que, par exemple, quand le citoyen de base recevait une amende à payer, pour lui, l’Etat, c’était Bernard Bonnet ".

Dès les premiers mois de son action, le préfet Bonnet va être fortement contesté par son homologue de la Haute-Corse qui a eu sur lui, devant la commission, un jugement très dur : " Je suis très sévère à l’égard de Bernard Bonnet, car, à mes yeux, il a pris, dès le départ, des positions qui devaient conduire inéluctablement à la situation actuelle. Je considère comme un abominable gâchis la suite des événements sur cette île, après l’assassinat de Claude Erignac. Je pensais que cela devait être l’occasion de réaffirmer la nécessité d’appliquer la loi dans la sérénité, mais avec la plus grande fermeté sur l’île comme sur l’ensemble du territoire national, et non de soumettre la Corse et les Corses au lynchage médiatique, à la gesticulation, et de se livrer à une chasse aux fonctionnaires de l’Etat qui affaiblissait l’Etat au lieu de le renforcer.

" J’ai refusé d’être le sous-préfet de Bastia parce que j’avais été nommé préfet de la Haute-Corse et qu’il ne me revenait pas d’exécuter des instructions qui ne me paraissaient pas conformes à l’organisation des pouvoirs publics. Je suis entré en conflit très rapidement avec le préfet de Corse et j’ai écrit pourquoi je n’exécuterais pas de telles instructions. Il me semble que la règle doit être la même partout et rien ne justifie une exception à l’organisation des pouvoirs publics et à l’application de la règle de droit ".

Les différences de méthode entre les deux hommes sont si fortes, que les deux préfets ne vont plus communiquer que par écrit au bout de quelques semaines. D’après le préfet Bonnet, M. Bernard Pomel aurait exprimé devant le ministre de l’Intérieur des réticences sur la politique de rétablissement de l’Etat de droit : " S’agissant du préfet de Haute-Corse, je vais vous répondre très franchement et très directement. Lors d’une entrevue avec M. Jean-Pierre Chevènement, en présence de M. Pomel, à l’issue d’une réunion de préfets, j’ai été très gêné, car ce dernier avait rédigé un rapport d’une page et demie pour le ministre de l’Intérieur mettant en cause la politique d’établissement de l’Etat de droit, en indiquant que tout ce qui se passait jusqu’à présent allait très bien et qu’au fond il fallait donner quelques centaines de milliers de francs à des agriculteurs pour calmer la contestation agricole. En outre, il ne voyait pas pourquoi il fallait développer le contrôle de légalité.

" Effectivement, nous nous sommes heurtés lorsque j’ai fait un article 40 sur un marché passé par M. Natali - entreprise de Haute-Corse - pour lequel il avait renoncé à exercer le contrôle de légalité, malgré les demandes de son service ".

En définitive, M. Bernard Pomel a estimé que cette politique avait contribué au renforcement des nationalistes et qu’elle s’est soldée par un grave échec : " On ne pouvait que s’attendre aux effets que l’on sait : l’administration de l’Etat n’en est pas sortie grandie ; le nationalisme est remonté à 20 %, là où je le donnais en dessous de 5 % ; là où l’on ne parvenait pas à mobiliser cinquante personnes, on en mobilise entre 4 000 et 5 000 dans les rues d’Ajaccio. On mesure quantitativement des conséquences désastreuses, dévastatrices d’une action personnelle, en tout cas d’une action où je considère la responsabilité personnelle très importante. Je ne parle pas des derniers avatars. Je me demande si l’affaire de la paillote n’est pas la bienvenue, car elle aura permis de mettre fin à cette situation. Au fond, c’est l’aspect le plus positif de cet acte scandaleux ".

Si le propos est sans conteste excessif, il n’en traduit pas moins un dysfonctionnement important de l’administration préfectorale du fait des dissensions intervenues entre les deux préfets de l’île. D’autant que ce conflit va se reproduire avec le successeur de M. Bernard Pomel.

En effet, M. Bernard Lemaire a indiqué, à sont tour, que le préfet Bonnet avait souhaité le " sous-préfectoraliser ", notamment en annonçant publiquement qu’il avait obtenu du ministère de l’Intérieur l’application du décret du 3 juin 1998 lui confiant, en cas de crise, un pouvoir de coordination en matière d’ordre public pour les deux départements de l’île : " très vite, un décalage s’opère parce que Bernard Bonnet, et cela correspond au schéma qui a été arrêté, assure l’unité de commandement sur la Corse. On essaie de gommer le clivage administratif pour être plus efficace. Mais il traduit assez rapidement cette unité de commandement par la volonté de traiter de l’ensemble des sujets sur toute la Corse, en particulier des problèmes de sécurité. Il obtient ainsi une extension des pouvoirs reconnus aux préfets de zone de défense en matière de coordination en cas de crise. Ce qui initialement pourrait être banal ne l’est pas tout à fait, puisqu’il présente cela aux médias comme une décision extrêmement forte lui donnant tous les pouvoirs de police, alors que ce n’est pas le texte. Du côté de Paris, bien sûr, on me rassure en me disant que c’est simplement pour le cas où l’on aurait une crise extrêmement grave. En pareil cas, il faut bien une coordination, ce qui est assez évident ".

Le préfet Bernard Bonnet a reconnu devant la commission qu’il avait été fautif en annonçant cette extension de ses pouvoirs, alors même que la situation de crise n’avait pas été reconnue par l’autorité centrale : " (...) il est vrai qu’une maladresse a été commise. Après une série d’attentats, alors que j’étais à Paris, j’ai demandé à mon directeur de cabinet de dire que nous allions demander la mise en œuvre du décret qui confiait au préfet de Corse des responsabilités voisines de celles du préfet de zone de défense en matière de sécurité. Le préfet de Haute-Corse s’en est beaucoup ému, et il a eu raison. Mais ces pouvoirs n’ont pas été mis en application ".

L’autre reproche majeur qui a été adressé au préfet Bonnet est de s’être laissé enfermer dans sa préfecture et de s’être coupé de la société insulaire. Ce syndrome de l’enfermement s’explique à la fois par un réel problème de sécurité, mais aussi par le refus du préfet d’une quelconque compromission, comme il l’a déclaré devant la commission : " en ce qui concerne la technique utilisée, qui est une technique de sacrifice par rapport aux relations sociales normales que doit développer un préfet, je n’ai aucun regret et je ne crois absolument pas à la capacité de pouvoir conduire une telle action dans le cadre de relations sociales normales qui vous font croiser quotidiennement des personnes avec lesquelles vous allez être en difficulté pour d’autres raisons ".

En tout état de cause, les méthodes du préfet Bonnet conjuguées avec la faculté qui lui a été laissée de choisir son entourage ont eu pour conséquence paradoxale de l’isoler du monde extérieur tout en le confortant dans son attitude autoritaire et intransigeante. Cette situation, largement causée par des facteurs personnels, a incontestablement nui au bon fonctionnement de l’administration préfectorale et a favorisé les dérives qui s’en sont suivies.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr