Réponse de Bernard Courcelle

(Source : Libération 13-11-97)


LES DEFENSEURS DE LA CITADELLE FRONTISTE

Le DPS compterait 3 000 membres.

"Disponible pour servir." Telle était la signification à l’origine des initiales DPS, devenues "Département Protection Sécurité", le service d’ordre du Front national. Dans l’imaginaire guerrier du FN, il occupe une place privilégiée. Petite armée symbolique de la contre-société lepéniste, il défend la citadelle frontiste contre les assauts des "ennemis du mouvement national". Les cadres s’y confèrent des grades d’apparence militaire ("colonel","capitaine" ... ) et sont décorés par Le Pen lui-même de "flammes d’honneur" pour leurs actes de bravoure.

C’est en 1986 que le DPS succède au DMO (Défense et organisation de meetings) que dirigeait l’ancien para Roger Holeindre. Le capitaine Jean Fort, un ancien de l’OAS (organisation terroriste qui militait pour l’Algérie française, se fait appeler "colonel Jeanbart" et en prend le commandement. Pour assurer la protection des grandes manifestations, le DPS se renforce de "supplétifs" puisés dans les milieux skinheads.

Placé sous l’autorité directe de Le Pen, la première mission du DPS est alors le renseignement, plus spécialement interne. "Des élus débarquaient du RPR ou de l’UDF et Le Pen tenait à s’assurer de la fidélité de cadres dont il ignorait le passé", raconte un ancien membre du FN. "Lorsque j’étais responsable du Gard, il y avait souvent un DPS qui faisait des planques devant chez moi et rédigeait des rapports sur mon compte", se souvient Lorrain de-Saint-Affrique, ex-conseiller de Le Pen.

Au FN, ambiance rime avec méfiance. A tel point qu’on s’y livre parfois à une mini- "guerre des polices". S’opposant de plus en plus ouvertement à Le Pen, l’ancien secrétaire général Jean-Pierre Stirbois, décédé en 1988, avait créé son propre service d’ordre : les "Gris", pour "groupe de réserve et d’intervention de sécurité" .

Crânes rasés.

En mai 1994, Le Pen sort de son chapeau Bernard Courcelle, à qui il confie la direction du DPS, avec le statut de "chargé de mission, responsable de la sécurité". Inconnu des rangs de l’extrême droite, cet ancien capitaine du 6e régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMA), instructeur parachutiste j’usqu’en 1985, a été directeur de la sécurité de la société d’amement Luchaire et du musée d’Orsay.

"J’ai nettoyé le service d’ordre de tous le crânes rasés", dit- il. Il a surtout " professionalisé " son fonctionnement Sous sa férule, les effectifs gonflent pour atteindre environ 3 000 membres. Il développe également le système de surveillance vidéo des rassmblements FN, ce qui lui permettra d’orienter la police vers le groupe de skinheads qui avait poussé Brahirn Bouarram dans la Seine le 1er mai 1995, en marge d’une manifestation du FN. Enfin, Courcelle crée des Unités mobiles d’intervention (UMI), dotées d’ un équipement semblable à celui des CRS, de disperser les contre-manifestants lorsque les forces de l’ordre demeurent inertes. lls sont par exemple intervenus le 25 octobre 1996 à Montceau-les-Mines, lors d’un meeting du secrétaire général Bruno Gollnisch. "Nos amis ont pris l’initiative de faire le nettoyage eux-mêmes", commentait celui-ci à l’époque. A l’évocation d’ "UMI" ou de "groupes Choc", Bernard Courcefle plaide la "confusion" : "Des types plus aguerris sont mis en réserve pour faire une action physique quand ça cogne vraiment. Mais ça n’a jamais été institutionalisé.

"Courtoisie"

Ultra-hiérarchisé, le DPS divisé en six grandes zones. Ces responsables Coiffent 22 secrétaires régionaux, qui supervisent eux-mêmes 95 responsables départementaux. Pour entrer au DPS, les qualités requises sont : "sens du devoir et de la discipline, disponibilité, courtoisie et fermeté", résume "Français d’abord", journal interne du FN.

Soignant sa respectabilité, le FN s’efforce de présenter un Service d’ordre propre sur lui. Bien que le déploiement de forces soit souvent impressionnant (403 Pour la fête des Bleu-Blanc-Rouge, fin septembre à Paris), l’uniforme est discret : pantalon gris et veste de blazer bleu marine avec un écusson vert et rouge frappé du sigle " DDS". Quant à la "tenue numéro 2" en civil et plus discrète, elle est selon Bernard Courcelle, destinée aux "travaux plus salissants". Mais si le FN envoie des DPS en civil dans des manifestations c’est "uniquement pour renseigner et j’amais pour taper " jure-t-il. Comme à Mantes-la-Jolie, lorsque Le Pen s’en était prisviolemment à la candidate du PS : "Huit DPS en civil surveillaient dans unpérimètre plus extérieur. Dans un second temps, ils ne sont intervenus que pour protéger le nôtres", raconte Bernard Courcelle.

"Bénévoles"

A en croire son patron, le DPS "Peut aider " mais "Jamais couvrir ses membres, s’ils font une connerie". lesquels n’auraient, selon lui, jamais conduit de"mission punitive" après l’agression d’un élu ou la mise à sac d’une permanence FN." Je suis contre ce principe, s’indigne-t-il. Si certains le font en électrons libres, c’est leur problème, mais jamais sur ordre !" Il récuse également tout recrutement parmi les repris de justice, dans les foyers de SDF, les stands de tir ou les sociétés de gardiennage : "nous ne faisons jamais appel à des sociétés de sécurité ; Nos DPS ne sont que des bénévoles au casier judiciaire vierge, qui se contentent d’assurer la sécurité de nos manifestations. Nous nous limitons au périmètre qui nous aété assigné par la préfecture, en général salles et parkings. Il est hors de question de nous substituer aux forces de l’ordre."

Directeur d’une société de sécurité baptisée Groupe 11, appellation que se donnerait un "groupe de choc"informel du DPS, Nicolas Courcelle, frère de Bernard, rejette tout lien avec le parti d’exrême droite : "ma société n’a aucun rapport avec le FN. Je n’ai jamais travaillé pour eux, ni bénévolement ni en me faisant payer."

Quand à la récolte d’information, Bernard Courcelle nie disposer d’un "fichier de journalistes", mais bénéficier, "évidement de quelques renseignements sur Ras l’Front ou les Scalp". Destinée au responsables des fédérarations, une circulaire interne datée de mars 1997 exhorte d’ailleurs les responsables du DPS à "prendre des précautions face aux contre-manifestants" : "se munir d’un appareil photo pour photographier les meneurs", "reprérer les véhicules des contre-manifestants (...) et en noter les numéros de plaques minéralogiques". >Ou encore : "repérer les élus adverses, qui, souvent, conduisent les contre-manifestants.

Ave Maria. Officiellement, il est strictement interdit, aux DPS de détenir une arme. "Nous ne fournissons rien, mais les boucliers de protection et les bombes lacrymogènes sont en vente libre, beaucoup de gens en ont sur eux", reconnait Courcelle qui ajoute, au sujet de l’affrontement de Montceau-les-Mines : "quand on se fait caillasser on ne va pas se mettre à genoux et chanter l’Ave Marié. Alors on peut sortir des manches de pioches ou des matraques...". Le "commandant" Courcelle précise aussittôt : " nous ne faisons que nous défendre. Nous n’attaquons jamais les réunions des autres. Si on voulait, on leur pourrirait leur meetings, et ils ne pourraient plus en tenir un".

"La réputation de notre service d’ordre n’est plus à faire : qui s’y frotte s’y pique !", commente la lettre de Jean-Marie Le Pen. Pour preuve, les incidents qui se multiplient depuis un an, incitant syndicats de policiers et associations à réclamer la dissolution du DPS.

Renaud Dely

Dossier du Réseau Voltaire

"Le DPS : une milice contre le République"