Le matin du mardi 11 septembre 2001, vers 6h30 heure de Washington, la société israélienne Odigo reçoit anonymement un message d’alerte selon lequel un attentat sera commis incessamment au World Trade Center de New York. Odigo dispose de bureaux au WTC. Étant un des leaders mondiaux de messageries électroniques, elle tente d’utiliser ses moyens techniques pour prévenir les autorités américaines et les occupants du WTC.
À 8 h 46 un avion de ligne s’écrase sur la tour nord (dite " immeuble 1 ") du World Trade Center. Il s’encastre entre le 80e et le 85e niveau du bâtiment.
Avec à peine quelques minutes de décalage, la chaîne d’information continue, CNN annonce l’événement. Elle place immédiatement à l’écran une vue de Manhattan, diffusée en direct grâce à une caméra fixe placée en permanence sur un toit de New York. Une épaisse fumée noire s’échappe de l’un des plus prestigieux buildings du monde. À cet instant, on ne sait pas s’il s’agit d’un accident ou d’un attentat. Néanmoins, CNN évoque la " piste Ben Laden ".
Les secours s’organisent. On commence l’évacuation de l’immeuble. Tout au moins des niveaux 1 à 79, car les niveaux 80 à 85 sont dévastés, et les niveaux 86 à 110 sont désormais isolés par l’incendie. En effet, l’avion transportait encore beaucoup de carburant et s’est transformé en brasier.
La conseillère nationale de sécurité, Condoleezza Rice, téléphone à George W. Bush pour l’informer de l’événement. Le président est en déplacement à Sarasota (Floride) où il doit prononcer un discours dans une école maternelle sur les méthodes d’apprentissage de la lecture. Il prend la communication de Mme Rice dans une salle de conférence sécurisée aménagée à l’avance dans l’école et visionne l’attentat, qui a été filmé par ses services, sur un circuit vidéo sécurisé. À l’issue de la conversation, sans rien laisser paraître, il continue sa visite officielle.
À 9 h 02, soit dix-huit minutes après le premier impact, un second avion de ligne s’écrase sur la tour sud (dite " immeuble 2 ") du World Trade Center, entre le 73e et le 77e niveau. À l’évidence, New York doit faire face à des actes terroristes. CNN diffuse en direct les images de ce second attentat, qui est filmé par six chaînes de télévision différentes.
Dans la minute qui suit, et avant même que le président des États-Unis ait pu être joint, le général Ralph E. Eberhart, commandant en chef de l’état-major de la défense aérienne, le NORAD (North American Aerospace Defence Command), prend de sa propre initiative le contrôle de l’espace aérien new-yorkais. Pour prévenir un troisième attentat à New York, il active le plan SCATANA (Security Control of Air Traffic and Navigation Aids). Ce dispositif a été conçu pendant la Guerre froide pour faire face à une guerre balistique. L’autorité militaire peut requérir l’espace aérien américain, interdire les vols civils, et éventuellement tirer des missiles intercontinentaux dans un ciel dégagé. Pour l’heure, en l’absence d’ennemi identifié, le NORAD " stérilise " l’espace aérien new-yorkais et y positionne des chasseurs. Sur son injonction, les contrôleurs aériens civils de la FAA (Federal Aviation Administration) ordonnent à tous les vols civils d’évacuer la zone et y interdisent les décollages.
À l’école élémentaire Emma Booker, le président Bush est dans une salle de classe en train de raconter des histoires aux petits enfants lorsque le secrétaire général de la Maison-Blanche, Andrew Card, vient lui chuchoter la nouvelle à l’oreille. Après quelques secondes d’hésitation, le président se retire pour s’informer plus amplement, s’entretenir avec ses conseillers et rédiger une déclaration. Nouveau contact téléphonique avec Condoleezza Rice qui est de permanence à la Maison-Blanche. Brèves communications avec le vice-président (Dick Cheney), le gouverneur de New York (George E. Pataki) et, le directeur du FBI (Robert Mueller III). Celui-ci reçoit l’autorisation de déclencher le CONPLAN (United States Government Interagency Domestic Terrorism Concept of Operation Plan) : toutes les agences gouvernementales sont informées de la catastrophe et priées de se tenir à la disposition du Centre d’opérations et d’information stratégique (SIOC) du FBI et du Groupe de réponse aux situations de catastrophe (CDRG) de l’Agence fédérale de gestion des crises (FEMA).
George W. Bush n’a pas de contact avec l’état-major et ignore que le NORAD a pris le contrôle de l’espace aérien new-yorkais.
À 9 h 22, le président retourne dans la salle de classe où règne désormais une atmosphère de drame. Il ne s’adresse plus aux écoliers, mais à la nation. Le visage figé, il prend la parole :
" Mesdames et Messieurs, ceci est un moment difficile pour l’Amérique. Je vais, malheureusement, devoir rentrer à Washington à la fin de mes propos. Notre ministre, M. Rod Paige, et le gouverneur adjoint prendront la parole pour discuter de l’éducation. Je tiens à remercier le personnel de l’école élémentaire Booker de son hospitalité.
Aujourd’hui, nous avons vécu une tragédie nationale. Deux avions se sont écrasés dans le World Trade Center, il s’agit apparemment d’un attentat terroriste contre notre pays. J’ai parlé au vice-président, au gouverneur de New York et au directeur du FBI, et j’ai ordonné que toutes les ressources du gouvernement fédéral soient utilisées pour aider les victimes et leurs familles, et que soit menée une enquête exhaustive pour traquer et retrouver les personnes qui ont commis cet acte.
Le terrorisme contre notre nation ne sera pas toléré. Et maintenant, si vous voulez bien vous joindre à moi pour un instant de silence. Que Dieu bénisse les victimes, leurs familles et toute l’Amérique. Merci beaucoup. "
Après un moment de recueillement, George W. Bush, son escorte et une douzaine de journalistes et photographes accrédités quittent les lieux pour l’aéroport où Air Force One, l’avion présidentiel, les attend.
Première conséquence de cette intervention : la crise étant reconnue officiellement, les cotations sont interrompues à la Bourse de New York, pour éviter toute manœuvre spéculative, puis le bâtiment est fermé.
Craignant des attentats à la voiture piégée, l’Autorité du port de New York ferme à la circulation tous les ponts et tunnels du quartier de Manhattan.
À 9 h 24, les contrôleurs aériens civils (FAA) informent les militaires du détournement d’un troisième appareil : le vol American Airlines 77. L’avion, qui avait décollé de l’aéroport de Dulles en direction de Los Angeles, a fait demi-tour puis on a perdu sa trace.
À 9 h 38, à Washington, une explosion et un incendie ravagent une aile du Pentagone. Elle détruit le tout nouveau Centre de commandement de la Navy. L’agence Reuters indique qu’il s’agit de l’explosion d’un hélicoptère piégé. Associated Press diffuse les premiers témoignages de l’explosion de l’hélicoptère piégé. Une demi-heure plus tard, le service de presse du département de la Défense confirme que le siège de la plus puissante armée du monde a été attaqué, mais par un avion-suicide. Il s’agirait du vol 77 d’American Airlines dont on avait perdu la trace. On parle de huit cents morts. N’écoutant que son courage, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, qui présidait une réunion sur le système anti-missiles dans une autre aile du Pentagone, s’est précipité sur les lieux pour porter secours aux victimes. Malgré le danger, Rumsfeld refuse de quitter le Pentagone, mais fait évacuer l’amiral Vern Clark, chef d’état-major de la Navy, vers un poste de commandement alternatif.
Fort Detrick (Maryland) est évacué et une protection aérienne particulière y est déployée. Sous couvert du service médical des armées, il abrite un laboratoire secret de recherches en armes biologiques. Ce sera la seule base militaire évacuée en ce 11 septembre.
Fred Hey, l’assistant parlementaire du sénateur Bob Ney, qui se trouvait en voiture sur l’autoroute longeant le Pentagone, téléphone à son patron pour témoigner qu’il vient de voir un avion de ligne s’écraser sur le département de la Défense. Le sénateur appelle à son tour le chef de la sécurité du Capitole, Bill Livingood, pour qu’il fasse évacuer le bâtiment avant un nouvel attentat.
Le général Eberhart prend le contrôle
Dans son bunker antiatomique de Cheyenne Mountain (Colorado), le général Ralph E. Eberhart évalue le danger : après le World Trade Center de New York, c’est maintenant la capitale fédérale qui est prise pour cible. La présidence, le gouvernement, le Congrès, en un mot les institutions fédérales sont menacées. Face à l’imminence du danger, toujours de sa propre initiative, il étend le plan SCATANA à tout l’espace aérien des États-Unis. Sur son injonction, la FAA interdit tout nouveau décollage civil, sur tout le territoire, et il positionne des chasseurs au-dessus de Washington pour protéger la ville.
Pour prévenir toute nouvelle agression aérienne, le général Ralph E. Eberhart ferme l’espace aérien états-unien. Les quatre mille huit cent soixante-treize aéronefs civils encore en vol reçoivent l’ordre d’atterrir sans délai sur l’aéroport le plus proche. Les contrôleurs aériens assignent à chaque avion ou hélicoptère un aéroport, en fonction de leur taille et de leur situation géographique. Dans la voiture qui le conduit à Air Force One, le président Bush est tardivement informé des mesures prises par le commandant en chef du NORAD. Il l’autorise à faire abattre tout avion suspect. Les vols transocéaniques se dirigeant vers les États-Unis sont invités à faire demi-tour. Cent vingt d’entre eux, qui n’ont plus assez de carburant, sont déroutés vers le Canada.
À 9 h 40, la police de New York informe la population que de nouveaux avions sont susceptibles de frapper d’autres tours. À 9 h 42, la télévision d’Abou Dhabi annonce que le FPLP (Front de libération de la Palestine) vient de revendiquer les deux attentats. Un incendie s’est déclaré dans l’Old Executive Office Building [1] de Washington, qui abrite les services annexes de la Maison-Blanche. ABC diffuse en direct des images du bâtiment dont s’échappe une épaisse fumée.
Internationalisation de la crise
Assiste-t-on à des actes terroristes sans précédents ou au début de la troisième Guerre mondiale ? En Angleterre, le Premier ministre Tony Blair, qui assiste au congrès des syndicats, suit les événements dans sa chambre d’hôtel. Anticipant une possible extension du théâtre d’opérations au Royaume-Uni, il convoque le Comité Cobra [2] et rejoint Londres pour le présider. Avant de partir, il prend rapidement congé des syndicalistes. À 10 h 00 sonnantes, faisant irruption dans la salle de congrès, il monte à la tribune et prend la parole avec émotion :
" Comme [on] vient de vous en informer, les événements les plus terribles, les plus choquants, viennent de survenir aux États-Unis d’Amérique dans les dernières heures, notamment deux avions détournés se sont écrasés délibérément sur le World Trade Center. Je crains que nous ne puissions qu’imaginer la terreur et le carnage là-bas, et les nombreux, nombreux innocents qui ont perdu leurs vies. Je sais que, face à ces terribles événements, vous voulez vous joindre à moi pour adresser nos plus profondes condoléances au président Bush et au peuple américain au nom du peuple britannique.
Ce terrorisme de masse est le nouveau démon du monde d’aujourd’hui. Il est perpétré par des fanatiques totalement indifférents à la sacralité de la vie humaine et nous, les démocraties de ce monde, nous allons devoir le combattre ensemble et éradiquer complètement ce démon de notre monde ".
Tony Blair est le premier chef de gouvernement étranger à s’exprimer. Il va beaucoup plus loin que le président Bush ne l’avait fait à Sarasota en stigmatisant non seulement les attentats qui ensanglantent l’Amérique, mais en dénonçant un ennemi global qui menacerait les démocraties.
Pendant qu’il prononce ces mots, la tour sud du World Trade Center -celle qui a été touchée en second- s’effondre comme un château de cartes sur toutes les personnes qui n’avaient pas eu le temps de l’évacuer ou ne l’avaient pas pu. Écrasant aussi plus de deux cents sauveteurs, pompiers et policiers. Un immense nuage de poussière amiantée se dégage des décombres et enveloppe Manhattan. CNN parle d’une " attaque d’envergure contre les principales villes du pays " et annonce que le feu s’est déclaré à Washington, au département d’État.
Trois minutes plus tard, un quatrième avion, le vol United Airlines 93, explose en vol au-dessus de Stony Creek Township, près de Pittsburgh (Pennsylvanie). Les autorités militaires assurent ne pas l’avoir l’abattu et ne pas avoir même été informées par la FAA de son détournement.
De son côté, le FPLP dément la revendication qui lui a été attribuée et affirme n’être aucunement impliqué dans les attentats. Tandis que l’Armée rouge japonaise (Rengo Sekigun), qui exécuta le premier attentat suicide en Israël conjointement avec le FPLP (aéroport de Lod, 1972), revendique l’attaque auprès d’un journal jordanien. Le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, multiplie les interventions improvisées pour protéger la Palestine du ressentiment américain : " C’est incroyable, incroyable, incroyable ! Nous sommes sous le choc. J’envoie mes condoléances, les condoléances du peuple palestinien, au président Bush, à son gouvernement et au peuple américain pour cet acte terrible ".
Un appel des assaillants
Vers 10 h 05, le Secret Service [3], en charge de la protection des hautes personnalités, aurait reçu un appel téléphonique crypté des assaillants. Ceux-ci disposeraient des codes de transmission et d’authentification de la Maison-Blanche et d’Air Force One. En d’autres termes, la sécurité des hauts dirigeants américains n’est plus garantie et les ennemis de l’Amérique sont en capacité d’usurper l’identité du président Bush y compris pour l’ordonnancement du feu nucléaire. Selon Brian L. Stafford, le directeur du Secret Service, il ne s’agit plus pour les USA d’endurer des actions terroristes, mais de faire face à une situation de guerre. Aussi déclenche-t-il le plan CoG (Continuité du gouvernement). Cette procédure ultra-secrète est orchestrée par la FEMA (Federal Emergency Management Agency), qui supervise déjà les secours et travaille en coordination avec le FBI. À partir de ce moment, la FEMA prend le pas sur le FBI et devient la plus haute autorité civile de l’Administration. Cette agence, qui cultive l’opacité, est dirigée par Joe M. Allbaugh, l’ancien trésorier des campagnes électorales de la famille Bush.
Tandis que l’on tente d’éteindre l’incendie qui se développe dans l’Old Executive Office Building, le Secret Service contraint le vice-président Dick Cheney à quitter son bureau et le met à l’abri au PEOC (Presidential Emergency Operations Center), la salle de commandement souterraine située sous l’aile ouest de la Maison-Blanche. Devant l’ascenseur qui le descend au bunker, Dick Cheney est rejoint par la conseillère nationale de sécurité, Condoleezza Rice, et par divers membres du cabinet. Simultanément, le Secret Service fait évacuer l’immeuble présidentiel et déploie aux alentours des agents spéciaux et des tireurs d’élite armés de fusils-mitrailleurs et de lance-roquettes. Il se prépare à repousser un éventuel assaut par des troupes aéroportées. En outre, le Secret Service informe de la situation le président Bush, qui se trouve à bord d’Air Force One et fait route vers Washington.
La FEMA supervise l’évacuation du Capitole, qui avait déjà commencé, et exfiltre les principaux leaders du Parlement en lieu sûr. Prioritairement, il protége le speaker de l’Assemblée, Dennis Hastert, numéro trois dans l’ordre protocolaire états-unien. Des hélicoptères des Marines emportent représentants et sénateurs dans deux gigantesques abris antiatomiques : le High Point Special Facility (Mount Weather, Virginie) et l’Alternate Joint Communication Center, dit " Site R " (Raven Rock Mountain, près de Camp David). Ce sont de véritables villes souterraines, vestiges de la Guerre froide, conçues pour abriter des milliers de personnes.
La FEMA ferme tous les lieux fréquentés par le public qui pourraient être pris pour cibles et dont l’évacuation est lente. Partout dans le pays, de la Sears Tower de Chicago aux studios d’Hollywood, la vie s’arrête.
Le Commandement stratégique (US Strategic Command) indique au président avoir détecté un signal se dirigeant sur Air Force One. Compte tenu de la vitesse c’est probablement un missile. Pour protéger le président, les militaires exigent qu’Air Force One, malgré sa taille, continue son vol en rase-mottes et emprunte un trajet en zig-zag, tandis que des F-15 et F-16 le rejoignent et l’escortent. Mais les militaires ne débranchent pas l’appareil météo installé à bord de l’avion présidentiel, de sorte que celui-ci continue à émettre un signal permettant au réseau météorologique international de connaître sa position en permanence. À bord, les journalistes et les photographes qui suivent le voyage présidentiel se voient interdire d’utiliser leurs portables. Ils scrutent avec angoisse les chasseurs qui volent si près d’Air Force One qu’ils peuvent observer les pilotes dans leurs cockpits.
Par téléphone crypté, le président consulte le vice-président. George W. Bush décide de se rendre à la base d’Offutt (Nebraska) qui abrite le Commandement stratégique (US Strategic Command). Si son identité peut être usurpée par les assaillants, la seule possibilité pour les empêcher de donner des ordres à sa place à l’armée des États-Unis est de se tenir physiquement là où sont contrôlées toutes les armes de destruction massive, dont les bombes atomiques. Mais Air Force One consomme trop de carburant en volant à basse altitude, et son ravitaillement en vol est rendu impossible par les contraintes de sécurité. Une escale est donc programmée sur la base militaire de Barksdale (Louisiane).
À Bruxelles (Belgique), l’état-major de l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN) est sur le pied de guerre. Par hasard, le général Hugh Shelton, chef d’état-major interarmes américain est présent sur place. Il veille lui-même à la mobilisation des alliés, puis part pour Washington.
Panique aux USA
L’opinion publique n’est pas informée des initiatives du Secret Service et de la FEMA, ni des décisions de George W. Bush. Alors que des télévisions du monde entier diffusent en boucle les images de New York dévastée et que des commentateurs évoquent des scénarios d’apocalypse, on est soudainement sans nouvelles du président et du vice-président, de la conseillère nationale de sécurité et des principaux leaders du Congrès. Le Pouvoir semble vacant.
À 10 h 10, l’aile du Pentagone, qui a été touchée, s’effondre. On évacue les principaux bâtiments officiels à New York et à Washington, mais aussi partout dans le pays. En premier lieu, le Palais de verre de l’ONU, puis le département d’État, la Banque mondiale, le département de la Justice, etc. À 10 h 29, les pompiers de New York entendent et voient des explosions à la base de la tour nord du World Trade Center. En direct sur les écrans de télévision, la tour nord s’effondre. On évoque un bilan possible de plusieurs dizaines de milliers de morts, trente à quarante mille selon les uns, jusqu’à soixante mille disent d’autres. Un bandeau apparaît sur l’écran de CNN : " America under Attack " (L’Amérique est attaquée), tandis que CBS titre " Attack on America " (Attaque contre l’Amérique). L’Associated Press confirme les informations de CNN : le département d’État a été attaqué, ce serait une voiture piégée. Le gouverneur de New York, George Pataki, ferme tous les bureaux officiels de son État et requiert la Garde nationale. " J’ai des amis dans ces tours, je pense à eux, à leur famille, et nous nous efforcerons d’apporter un soutien à tous ceux qui sont touchés par cette tragédie ", confie-t-il. À 11 h 02, le maire de New York, Rudolph Giuliani, s’exprimant par téléphone à la radio s’adresse aux New-Yorkais : " À ceux qui ne sont pas à Manhattan en ce moment, restez à la maison ou au bureau. Si vous êtes dans le centre des affaires, marchez dans le calme vers le nord, hors de la zone de l’attaque, pour ne pas gêner les opérations de secours. Nous devons sauver autant de gens que possible ". Une foule dense, de plusieurs dizaines de milliers de personnes, franchit alors les ponts (déjà fermés à la circulation automobile) pour fuir de Manhattan. CNN annonce que le CDC (Center for Control Disease) mobilise ses équipes pour faire face à une possible attaque chimique ou biologique. Les terroristes pourraient disposer d’anthrax. Le Service de l’immigration [4] indique que ses personnels sont en état d’alerte maximale. La frontière avec le Mexique a été fermée pour stopper une éventuelle invasion des forces ennemies. La FAA recense encore une cinquantaine d’aéronefs civils dans l’espace aérien états-unien et déclare avoir perdu le contrôle de plusieurs avions.
La crise devient mondiale
La crise se propage. Le secrétaire d’État, le général Colin Powell, qui assistait à l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains (OEA) à Lima (Pérou), annule son programme et rentre à Washington. En son absence, c’est son adjoint, Richard Armitage, qui assure la permanence et reçoit les télégrammes de condoléances qui affluent des gouvernements étrangers.
Le général Wesley Clark, ancien suprême commandeur des forces de l’OTAN, déclare : " Nous devons protéger les gens avant d’établir des responsabilités. D’autres avions sont portés disparus. Nous essayons de savoir ce qui se passe. Celui qui a fait cela vit quelque part et est soutenu par quelqu’un d’autre. Nous le trouverons ".
Israël, qui craint d’être la prochaine cible, ferme toutes ses représentations diplomatiques dans le monde.
L’Afghanistan, qui avait été bombardé en 1998 après les attentats de Daar-es-Salam et Nairobi attribués à Oussama Ben Laden, prend les devants. Le ministre taliban des Affaires étrangères, Walik Ahmad Mutakawil va à la rencontre des journalistes étrangers, dans le grand hôtel où ils logent à Kaboul : " Nous condamnons la terreur (…) Les États-Unis ont la sympathie du peuple afghan " leur assure-t-il, avant de démentir toute implication d’Oussama Ben Laden.
Le président russe, Vladimir Poutine, tente désespérément de joindre son homologue par téléphone. Il craint que George W. Bush ne pense que son pays soit en train d’ouvrir la troisième Guerre mondiale. Mais il ne parvient qu’à joindre des conseillers, pas le président des États-Unis, qui a disparu et prépare peut-être une riposte. Pour ne pas se laisser déborder aussi bien que pour imprimer sa marque aux événements, il intervient sur la chaîne de télévision RTR : " Aujourd’hui, les États-Unis sont confrontés à un acte d’agression sans précédent de la part du terrorisme international. En premier lieu, j’exprime ma profonde compassion à toutes les victimes et aux familles des disparus. L’événement qui vient de se produire aux États-Unis dépasse le cadre des frontières internationales. C’est un défi insolent à toute l’humanité, au moins à toute l’humanité civilisée. Ce qui s’est produit aujourd’hui, souligne une fois de plus l’actualité de la proposition de la Russie de réunir les efforts de la communauté internationale dans la lutte contre la terreur, cette peste du XXIe siècle. La Russie connaît bien ce qu’est la terreur. C’est pourquoi nous comprenons mieux que quiconque les sentiments du peuple américain. En m’adressant de la part de la Russie au peuple des États-Unis, je voulais dire que nous sommes avec vous, nous sentons et nous partageons entièrement et pleinement votre douleur. Nous vous soutenons. "
À Bruxelles [5], le secrétaire général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN), Lord George Robertson, appelle le " personnel pas essentiel " à évacuer les bâtiments. Cet ordre s’applique non seulement aux personnels administratifs travaillant dans la capitale belge, mais aussi aux militaires affectés au SHAPE à Mons.
Les Bourses étrangères sont au bord du krach. En quelques heures, à Londres l’indice a perdu 3,9 %, à Paris 4 %, à Zurich et Francfort 7 %. Le Brésil suspend les cotations. Plusieurs compagnies d’assurances, des banques et des compagnies aériennes perdent 15 %, tandis que le pétrole et l’or évoluent à la hausse.
L’errance de George W. Bush
À 13 h 04, le Pentagone diffuse un message présidentiel. Toutes les chaînes de télévision américaines interrompent leurs programmes pour le relayer en direct. George W. Bush apparaît dans un studio indéterminé :
" Je tiens à rassurer le peuple américain sur le fait que toutes les ressources du gouvernement fédéral travaillent à assister les autorités locales en vue de sauver des vies et d’aider les victimes de ces attaques.
Que personne ne s’y trompe : les États-Unis traqueront et puniront les auteurs de ces actes lâches.
Je suis en contact régulier avec le vice-président, avec le ministre de la Défense, avec l’équipe de sécurité nationale et avec mon cabinet. Nous avons pris toutes les précautions de sécurité appropriées pour protéger le peuple américain. Nos militaires, aux États-Unis et autour du monde, sont en état d’alerte maximum, et nous avons pris les précautions nécessaires de sécurité pour continuer les fonctions de l’État.
Nous avons pris contact avec les chefs de file du Congrès et avec les dirigeants mondiaux pour les assurer que nous ferons tout ce qui sera nécessaire pour protéger l’Amérique et les Américains.
Je demande au peuple américain de se joindre à moi pour remercier toutes les personnes qui déploient toute leur énergie à secourir nos concitoyens et pour dire une prière pour les victimes et leur famille.
La résolution de notre grande nation est mise à l’épreuve. Mais ne vous y trompez pas : nous montrerons au monde que nous surmonterons cette épreuve. Que Dieu vous bénisse. "
On ne tardera pas à savoir que cette allocution avait été enregistrée à la base de Barksdale. En fait, Air Force One y est arrivé une heure plus tôt. Considérant que, même sur une base militaire stratégique, le président pouvait être menacé, le commandant de la base, le lieutenant-général Thomas J. Keck, avait déployé la troupe en armes sur le tarmac. Pour échapper à d’éventuels snipers postés dans la base, le président avait été convoyé sur la piste en véhicule blindé, puis enfermé dans un bunker. Il avait conversé par téléphone crypté avec des membres de son cabinet, puis avait enregistré ce message.
Loin de rassurer le peuple américain et le reste du monde, l’allocution de George W. Bush ajoute à l’angoisse. Si le président fait preuve de compassion pour les victimes et assure la population de la mobilisation des secours, il ne dit rien de la menace. Il ne parle plus de " terrorisme ", laissant entendre qu’il peut s’agir d’un début de guerre classique. Il ne désigne pas non plus les ennemis, ni ne révèle leurs objectifs. Pis, il évoque une " mise à l’épreuve " qui sera surmontée, semblant annoncer ainsi de nouvellescatastrophes. Enfin, il ne livre aucune explication de son absence de Washington, donnant l’impression qu’il a fui un danger auquel ses concitoyens restent exposés.
À 13 h 27, se préparant à une catastrophe danssaville,TonyWilliams,le maire de Washington, décrète l’état d’urgence dans toutle district de Columbia [6].
À 13 h 44, le dispositif de protection est renforcé. Alors que le président a lui-même déjà ordonné de placer toutes les troupes US, partout dans le monde, en état d’alerte maximale, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, donne l’ordre de déployer la flotte et de placer des AWACS (avions radars) en vol au-dessus de New York et Washington. Deux porte-avions (l’USS George Washington et l’USS John F. Kennedy), cinq croiseurs et deux destroyers sont mis en mouvement pour prévenir un débarquement des armées ennemies à New York ou Washington. À ce moment, les États-Unis d’Amérique ne sont plus accessibles que par leur frontière terrestre avec le Canada. Toute intrusion, par voie aérienne, terrestre ou maritime, est interdite par les forces armées.
Négociations secrètes à Offutt
Dans le plus grand secret, le président Bush quitte la base de Barksdale (Louisiane) à bord d’Air Force One pour celle d’Offutt (Nebraska). La douzaine de journalistes et photographes accrédités, qui continue à l’accompagner, est maintenue dans l’ignorance de la nouvelle destination. Pour les calmer, le porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleischer, improvise un point de presse dans l’avion présidentiel. Il indique que la first lady et sa fille ont été conduites en lieu sûr et que le président a pu parler à son épouse avant même qu’Air Force One n’arrive à Barksdale. Il confirme que, lors de l’étape, le président a eu plusieurs entretiens téléphoniques avec le vice-président Cheney et le secrétaire à la Défense Rumsfeld. Il a aussi joint le gouverneur de New York Pataki, le sénateur de New York Schumer, mais pas le maire Giuliani qui est introuvable. Lorsqu’un journaliste lui demande si le président en sait plus sur les commanditaires des attentats, Ari Fleischer répond : " Les informations sont en cours de collecte et d’analyse. Et je pense que c’est un travail qui va demander un peu de temps. Souvent, dans un moment comme celui-ci, des informations arrivent qui par la suite ne se révèlent pas vraies. La procédure appropriée, c’est d’être prudent tant que toutes les informations ne sont pas évaluées… ". Bref, l’hypothèse terroriste n’est pas certaine, car elle n’est pas la seule. Mais il serait imprudent d’en évoquer une autre. C’est cette incertitude qui explique le flou du message présidentiel enregistré à Barksdale.
George W. Bush parvient enfin à établir une communication à trois avec le gouverneur et le maire de New York et leur adresse quelques mots de compassion et de réconfort.
Vers 15 h 10, Air Force One arrive à la base d’Offutt (Nebraska), où se trouve le commandement de la force de dissuasion (Strategic Command). Le commandant de la base, le brigadier général Grégory H. Power (Air Force), et le patron du Strategic Command, l’amiral James O. Ellis Jr., imposent au président les mêmes mesures de sécurité que leur collègue de Barksdale.
D’un bunker antiatomique, George W. Bush préside une réunion du Conseil national de sécurité en vidéo-conférence. Pendant soixante-cinq minutes, il converse avec Dick Cheney et Condoleezza Rice, qui se trouvent toujours dans le PEOC (Presidential Emergency Operations Center) de la Maison-Blanche, et avec Donald Rumsfeld au NMJIC (National Military Joint Intelligence Center) du Pentagone. Du contenu de cette réunion, rien n’a jamais filtré. Des décisions y ont pourtant été prises qui ont modifié l’évaluation de la crise. Le président Bush estimant désormais tout danger écarté, remonte à bord d’Air Force One pour rejoindre la capitale fédérale.
Le monde dans l’attente
Pendant ce temps, à Washington, le département d’État dément les imputations de CNN et de l’Associated Press selon lesquelles il aurait aussi été attaqué. Karen Hughes, une conseillère de la présidence, indique aux médias que, malgré l’évacuation de nombreux bâtiments officiels, le gouvernement fédéral continue à fonctionner : George W. Bush est en sécurité dans un lieu tenu secret, tandis que le vice-président et la conseillère nationale de sécurité sont à l’abri dans le bunker de la Maison-Blanche. De son côté, David Ensor, le chroniqueur de CNN en charge des questions de sécurité, affirme à l’antenne de la chaîne tout-infos que les autorités disposent de nouvelles informations indiquant qu’Oussama Ben Laden est impliqué dans les attentats. Il apparaît plus tard que David Ensor s’appuie sur des confidences du sénateur Orrin Hatch. Le sénateur Bob Graham, président de la Commission sénatoriale du renseignement, commente : " Je n’ai pas été surpris par cette attaque, mais par sa particularité ".
À 17 h 20, l’immeuble 7 du World Trade Center s’effondre à son tour. Les services d’urgence de New York pensent que le building a dû être endommagé par l’effondrement des deux précédents. Par une sorte d’effet domino, d’autres immeubles voisins seraient susceptibles de tomber à leur tour. Les Américains l’ignorent, mais la Tour 7 abritait la seconde base de la CIA dans le monde, après le siège de Langley. Cette base secrète développait illégalement une intense activité d’espionnage économique, y compris de surveillance des firmes américaines.
À 17 h 30, CNN annonce que l’on entend des explosions dans Kaboul (Afghanistan) et qu’il s’agirait de la riposte américaine contre les attentats. La chaîne diffuse même des images de la capitale afghane dans la nuit.
La mairie de New York commande trente mille " body bags " (linceuls). Compte tenu du risque d’attentat sur les autres transports en commun, l’AMTRAK [7] suspend le service ferroviaire dans tout le pays et ferme les gares de la côte Est. Les gouverneurs du Maryland et de la Virginie, États jouxtant Washington, proclament à leur tout l’état d’urgence.
À 18 h 42, le département de la Défense organise une conférence de presse. Le secrétaire Rumsfeld est entouré de son chef d’état-major, le général Hugh Shelton [8], rentré d’urgence de Belgique, et des leaders de la Commission sénatoriale des forces armées : le démocrate Carl Levin et le républicain John Warner. Donald Rumsfeld indique qu’il travaille en contact avec le président Bush, le vice-président Cheney, le directeur de la CIA Tenet, et le chef d’état-major adjoint Myers. Il dément les imputations de CNN selon qui les États-Unis auraient engagé une riposte sur Kaboul et écarte toute question sur l’identification des responsables des attentats. Le général Shelton dénonce le " terrorisme barbare de fanatiques ", bredouille un mot de compassion pour les victimes, puis se fait menaçant : " Je vais vous le dire en face. Je n’ai pas l’intention de discuter aujourd’hui ce qui va suivre, mais ne vous trompez pas là-dessus, vos forces armées sont prêtes ". Les sénateurs expriment alors l’unité de l’Amérique dans l’épreuve et leur confiance en leur armée. Soudain, Donald Rumsfeld prend à partie le sénateur Levin devant les journalistes médusés : " Vous, ainsi que d’autres représentants démocrates au Congrès, avez exprimé la crainte de ne pas avoir les moyens de financer l’importante augmentation des budgets de défense sollicitée par le Pentagone, notamment la défense anti-missiles. Vous craignez d’avoir à puiser dans les fonds de la Sécurité sociale pour financer cet effort. Est-ce que le genre d’événements qui vient de se produire suffit à vous convaincre qu’il est urgent pour ce pays d’augmenter les dépenses consacrées à sa défense et que, s’il le faut, il faudra puiser dans les fonds de la Sécurité sociale pour payer les dépenses militaires ? -l’augmentation des dépenses militaires ? ". Le sénateur Levin répond sèchement. La conférence se termine précipitamment.
En confirmant la thèse terroriste, que George W. Bush avait évoquée le matin à l’école élémentaire Emma Booker, les autorités mettent fin à huit heures et quarante minutes d’incertitude. En effet, d’autres hypothèses étaient implicitement envisagées depuis l’activation du plan CoG (Continuity of Government) à 10 h 05.
À 18 h 50, Air Force One atterrit sur la base de Saint-Andrew (Maryland). Le président Bush est conduit à la Maison-Blanche. Pour garantir sa protection, les Marines utilisent un groupe de trois hélicoptères de sorte qu’on ne puisse savoir lequel le transporte. Mais arrivé sur la pelouse de la Maison-Blanche, George W. Bush manifeste de l’agacement devant les mesures de sécurité que les militaires lui imposent depuis le matin et décide de traverser le jardin à découvert.
L’Amérique retient son souffle. George W. Bush est de retour. On annonce qu’il s’adressera dans quelques instants à la nation. Pendant qu’il prépare son discours avec son équipe, des ministres donnent une conférence de presse pour faire patienter les journalistes. L’attorney général (John Ascroft), le secrétaire à la Santé et aux Services sociaux (Tommy Thompson), le secrétaire aux Transports (Norman Mineta) et le directeur de la FEMA (John Allbaugh) présentent les moyens déployés par leurs administrations pour venir en aide aux victimes et débuter les enquêtes. Ils annoncent que le FBI met en place un site internet d’appel à témoins et que les services d’urgence ont ouvert un standard téléphonique à l’intention des familles de victimes. Aucune explication n’est donnée de la longue absence du président, ni aucune information sur la procédure CoG.
Les parlementaires de moindre importance, qui n’ont pas été placés en lieu sûr par la FEMA, tiennent une brève séance au Congrès. Toutes tendances confondues, ils apportent leur soutien au président. Ils s’attendent à ce que George W. Bush, tel Franklin D. Roosevelt après Pearl Harbor, appelle à l’engagement du pays dans un nouveau conflit mondial. Aussi, pour se donner du courage, se regroupent-ils sur les marches du Capitole à l’issue de la séance, prient ensemble, chantent des cantiques cierges à la main, et entonnent le " God save America ! ".
Prudent, Israël ferme ses frontières avec la Jordanie et l’Égypte.
L’attente s’éternisant à la Maison-Blanche, le porte-parole, Ari Fleischer, improvise un nouveau point de presse au cours duquel il relate le périple présidentiel.
À la recherche d’un bouc-émissaire
À 20 h 30, le président George W. Bush s’adresse solennellement à la nation et au monde, depuis le bureau ovale :
" Bonsoir. Aujourd’hui, nos concitoyens, notre mode de vie, notre liberté même, ont été agressés par une série d’actes terroristes délibérés et meurtriers. Les victimes étaient dans des avions ou dans des bureaux : secrétaires, hommes et femmes d’affaires, militaires et fonctionnaires fédéraux, mères et pères, amis et voisins. Des milliers de vie ont soudain été fauchées par des actes de terreur, maléfiques et méprisables.
Les images d’avions percutant en vol des immeubles, d’incendies faisant rage, d’énormes structures s’effondrant nous ont rempli de stupéfaction, d’une tristesse terrible et d’une colère intérieure inextinguible. Ces actes meurtriers à grande échelle étaient destinés à effrayer notre nation en la plongeant dans le chaos et le repli. Mais ils ont échoué. Notre pays est fort.
Un grand peuple se lève pour défendre une grande nation. Les attentats terroristes peuvent secouer les fondations de nos immeubles les plus hauts, mais ils ne peuvent pas ébranler les fondations de l’Amérique. Ces attaques brisent l’acier, mais ne peuvent entamer l’acier de la détermination américaine. L’Amérique a été prise pour cible parce qu’elle est le phare le plus brillant de la liberté et du progrès dans le monde. Et personne n’empêchera cette lumière de briller. Aujourd’hui, notre pays a vu le mal, ce qu’il y a de pire dans la nature humaine. Et nous avons réagi avec ce qu’il y a de mieux en Amérique, par l’audace de nos secouristes, les soins à autrui, les voisins qui sont venus donner leur sang et aider de toutes les manières.
Immédiatement après le premier attentat, j’ai déclenché nos plans d’urgence. Nos armées sont puissantes et sont prêtes. Nos équipes d’urgence sont à l’œuvre à New York et à Washington pour contribuer aux efforts locaux de sauvetage. Notre priorité première est d’aider les blessés et de prendre toutes les précautions pour protéger nos concitoyens chez eux et à travers le monde contre de nouvelles attaques. Les fonctions de notre gouvernement continuent sans interruption. Les agences fédérales à Washington qui avaient dû être évacuées aujourd’hui sont en train d’être rouvertes pour le personnel essentiel ce soir et seront ouvertes normalement demain. Nos institutions financières restent solides et l’économie américaine va tourner également normalement.
Les recherches sont en cours pour retrouver ceux qui sont derrière ces actes abominables. J’ai donné l’ordre pour que toutes nos ressources en matière de renseignement et de police s’attellent à retrouver les responsables et à les traduire en justice. Nous ne ferons aucune distinction entre les terroristes qui ont perpétré ces actions et ceux qui les protègent.
J’ai beaucoup apprécié que les membres du Congrès se joignent à moi pour condamner avec fermeté ces attentats. Et au nom du peuple américain, je remercie les nombreux dirigeants étrangers qui ont appelé pour offrir leurs condoléances et leur aide.
L’Amérique, ses amis et alliés se joignent à tous ceux qui veulent la paix et la sécurité dans le monde et nous sommes unis pour gagner la guerre contre le terrorisme.
Ce soir, je vous demande de prier pour tous ceux qui sont dans la douleur, pour les enfants dont l’univers a été brisé, pour tous ceux dont la sécurité a été menacée. Et je prie pour qu’ils puissent être réconfortés par une puissance qui nous est supérieure, dont les paroles ont été rapportées à travers les âges dans le Psaume 23 : " Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. " C’est un jour où tous les Américains d’où qu’ils viennent s’unissent dans notre détermination à rechercher la justice et la paix. L’Amérique a fait front aux ennemis dans le passé et nous le referons encore. Aucun d’entre nous n’oubliera jamais cette journée. Pourtant, nous continuons à défendre la liberté et tout ce qui est bon et juste dans ce monde. Merci. Bonne nuit, et que Dieu bénisse l’Amérique. "
Puis, George W. Bush préside une nouvelle réunion du Conseil national de sécurité à laquelle participe le secrétaire d’État, Colin Powell, enfin arrivé de Lima (Pérou).
L’intervention présidentielle marque une reprise en main politique de la situation. Elle reprend à son compte la terminologie démonologique du Premier ministre britannique, et désigne le même objectif militaire que celui de Tony Blair et de Vladimir Poutine : la " guerre au terrorisme ".
À 21 h 04, le site internet du Washington Post publie une tribune libre d’Henry Kissinger dans laquelle l’ancien secrétaire d’État, toujours influent, met les points sur les i :
" Le gouvernement devrait se voir confier la mission d’apporter une réponse systématique qui aboutira, on l’espère, au même résultat que celle qui suivit l’attaque de Pearl Harbor - la destruction du système responsable de cette attaque. Ce système est un réseau d’organisations terroristes qui s’abritent dans les capitales de certains pays. Dans bon nombre de cas, nous ne pénalisons pas ces pays pour le fait d’abriter ces organisations ; dans d’autres cas, nous entretenons même des relations presque normales avec ces pays. (...) Nous ne savons pas encore si Oussama Ben Laden est l’auteur de ces actions, bien qu’elles portent les attributs d’une opération de type Ben Laden. Il n’en reste pas moins que tout gouvernement qui abrite des groupes capables de commettre ce genre d’attaques, même si ces groupes n’ont pas participé aux attaques d’aujourd’hui, devra payer un prix exorbitant pour cela. Nous devons apporter notre réponse calmement, de manière réfléchie et inexorablement. "
Peu avant minuit, l’agence Gamma diffuse une vidéo du premier crash sur le World Trade Center. Elle a été réalisée par deux journalistes français qui tournaient un reportage sur les pompiers de New York. Seules six minutes de vidéo sont disponibles : les cinq heures d’enregistrement réalisées dans la tour nord après le crash et alentours ont déjà été saisies par le FBI.
[1] Le Old Executive Office Building est aussi connu sous le nom de " Bâtiment Eisenhower ". Il abrite les services de la présidence américaine et est relié par un souterrain à la Maison-Blanche.
[2] Le Comité Cobra régit les situations de crise intérieure au Royaume-Uni.
[3] Le Secret Service n’a pas seulement pour fonction d’assurer la sécurité des très hautes personnalités, mais aussi de lutter contre le faux monnayage. Il dispose d’agents spéciaux aussi bien pour la sécurité que pour des investigations high tech. Il n’est pas rattaché directement à la Maison-Blanche, mais dépend du département du Trésor.
[4] L’Immigration and Naturalization Service regroupe les services administratifs qui délivrent les autorisations de séjour et les services de police de l’air et des frontières. Il est rattaché au département de la Justice.
[5] 17 h 28 heure de Bruxelles, 11 h 28 heure de Washington.
[6] La ville de Washington se confond administrativement avec le district de Columbia, à la manière dont Paris est à la fois une ville et un département.
[7] L’Amtrak est la désignation usuelle de la National Railroad Passenger Corporation, la compagnie nationale des chemins de fer. " Amtrak " est la contraction de " American Track ".
[8] Le général Shelton exerce encore la fonction de chef d’état-major dans l’attente de son remplacement par le général Myers, qui n’a pas encore été investi par le Parlement.
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