Présidence de M. Alain TOURRET, Président

MM. Dockwiller et Simon sont introduits.

M. le président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du président, MM. Dockwiller et Simon prêtent serment.

M. Joël DOCKWILLER : Cinq points me paraissent importants et je m’attacherai à les développer devant vous.

Je dirai quelques mots sur la mutuelle des étudiants du Nord et du Nord-Ouest qui participe, depuis 1972, à la gestion de ce régime délégué de sécurité sociale des étudiants, puis j’indiquerai qu’à notre sens, la spécificité de ce régime est plus que jamais justifiée, avant d’aborder la question des remises de gestion et celle des résultats économiques des organismes gestionnaires de ce régime étudiant dont le bien-fondé semble parfois contesté.

Le régime de sécurité sociale des étudiants est un service public dont la gestion a été déléguée aux mutuelles étudiantes depuis plus de cinquante ans, par la loi du 23 septembre 1948. Au début des années 70, qui ont vu la création des mutuelles étudiantes dites régionales, la pluralité des intervenants a permis de dynamiser la gestion de ce service public. En effet, à partir de cette date, les usagers étudiants ont pu comparer régulièrement les performances des deux familles de gestionnaires que sont les SMER et la MNEF et, de surcroît, réviser le cas échéant leur choix lorsqu’ils le souhaitaient, situation plutôt rare en matière de service public.

Je souligne à cet égard que le rapport de la Cour des Comptes réalisé en septembre 1998 a porté une appréciation globalement positive sur le système de sécurité sociale des étudiants. Il a, par ailleurs, distingué très nettement entre la MNEF et les autres mutuelles d’étudiants. J’aimerais souligner également que les conclusions encore plus récentes du rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF sont relativement contradictoires avec celles de la Cour des comptes qui, il est vrai, ne dépend pas d’un ministère.

S’agissant de la mutuelle des étudiants du Nord et Nord-Ouest, la SMENO, plusieurs équipes dirigeantes élues se sont succédées à la tête de cette mutuelle depuis une dizaine d’années. Elles ont été renouvelées à trois reprises, en 1987, 1991 et 1995. Elles devraient l’être à nouveau d’ici un an. J’ai fait partie de ces trois équipes, j’en suis le président depuis 1991.

La SMENO a connu une importante progression du nombre de ses affiliés depuis 1993. De 50 000 affiliés à cette date, elle devrait passer à 105 000 affiliés en 1999.

Nous voulons voir dans cette évolution au moins trois effets : celui du plan Universités 2000, qui a contribué à l’augmentation substantielle du nombre des étudiants en France ; celui de la mesure plus récente de l’élargissement du régime étudiant aux ayants droit majeurs autonomes (ADMA) âgés de 18 à 20 ans ; et celui du fruit de notre travail au sein de la mutuelle et de la politique de proximité et de qualité du service rendu que nous avons menée avec détermination à partir de 1994. Nous avons ainsi privilégié trois axes. Nous avons renforcé la proximité, en développant un réseau de treize agences d’accueil dans notre zone géographique d’implantation et de dix-neuf permanences universitaires principalement installées dans les universités délocalisées nouvellement créées. Nous avons créé un centre d’accueil téléphonique ouvert aux assurés du lundi au samedi de 9 à 19 h et entretenu un contact régulier avec les associations d’étudiants d’université ou de ville. Nous avons participé de façon aussi pragmatique que possible aux initiatives de prévention, souvent menée en collaboration avec les services de médecine préventive universitaire. Nous avons recruté et formé de jeunes professionnels de la mutualité étudiante pour assurer le travail quotidien que suppose un tel dispositif.

Nous avons amélioré la qualité du service rendu. Le délai de remboursement était en moyenne de sept à huit jours dans les plus mauvaises périodes. Nos systèmes informatiques ont été revus et modernisés, et l’organisation du travail aménagée en conséquence. Une mission de relation avec les affiliés mécontents a été créée en 1996, le directeur général et le président de la mutuelle supervisant personnellement les réponses et réparations accordées aux cas les plus regrettables. Nous insistons régulièrement auprès de nos équipes d’accueil sur l’importance du comportement devant l’assuré, la capacité d’écoute et l’efficacité des réponses à apporter.

Enfin, nous avons travaillé, entre autres, à l’indépendance politique et syndicale de nos équipes opérationnelles, car nous pensons que nos collaborateurs doivent être préservés de ce genre de problématique. Le revers de la médaille, pour la SMENO, c’est sa relative incapacité à contacter et à sensibiliser le personnel politique local et national aux conditions juridiques et d’environnement concurrentiel qui régissent nos activités.

Je serai plus bref sur le thème de la spécificité du régime qui, à notre sens, est plus que jamais justifiée.

Au-delà des motivations historiques de création du régime étudiant, la situation actuelle des étudiants justifie toujours pleinement cette spécificité. Toutes les études concordent pour estimer que la situation de santé des étudiants s’est dégradée ces dernières années. De plus, la période des études constitue pour nous une phase de conquête de son autonomie par l’étudiant de plus en plus reconnue par la société.

Le régime de sécurité sociale étudiant offre aux jeunes une protection sociale ciblée contre le risque, tout en les émancipant de la tutelle des adultes. Il répond au sens de l’histoire qui affirme l’émergence d’une population de jeunes adultes soucieuse de préparer son avenir.

Je terminerai cet exposé en traitant des remises de gestion qui nous sont allouées. Je souhaitais rappeler, à l’occasion de cette audition, que pendant plus de dix années, les mutuelles dites régionales ont souffert d’une discrimination par rapport à la MNEF. Le rattrapage qui a commencé à se mettre en place à partir de 1992, et qui a gonflé momentanément nos résultats comptables, n’a en aucun cas couvert l’ensemble de l’écart.

Pour la SMENO, le montant moyen de la remise de gestion par affilié a été, pour les années 1989 à 1992 de 200 F, 158 F, 136 F, puis 146 F alors que, dans le même temps, la MNEF recevait plus de 330 F. Cette situation avait contraint la SMENO à pratiquer des marges techniques mutualistes nettement supérieures à la normale du secteur pour assurer l’équilibre de l’entreprise.

Je conclurai sur les résultats économiques de nos organismes gestionnaires, en soulignant qu’il me paraît fallacieux de dire, ou de laisser dire, que les mutuelles gèrent sans aucun souci d’économie. En effet, il est illusoire de penser que l’on peut gérer correctement un projet durable, quel qu’il soit, sans perspective économique ou avec une situation déficitaire. La dynamique et la qualité de l’action d’une équipe - par exemple, une équipe de direction de mutuelle - repose aussi sur la marge de manœuvre qu’elle sera capable de se créer et d’utiliser pour faire progresser son projet. Cette marge de manœuvre, c’est le résultat économique positif, et suffisant, qu’elle dégage de son activité. De ce résultat dépendent les investissements mais aussi les expérimentations, les innovations, domaines où doit exister le droit à l’erreur.

Nier la possibilité de réaliser des excédents pour nos organismes, c’est nier la démarche de progrès pour l’assurance maladie des étudiants, c’est déresponsabiliser les acteurs de terrain que nous sommes, c’est aussi vraisemblablement se désintéresser financièrement et humainement de nos activités, c’est bureaucratiser la sécurité sociale des étudiants et, à nos yeux, c’est tout simplement briser l’initiative individuelle et collective au sein de l’économie sociale française.

Le rapport de la Cour des comptes ouvre neuf pistes à explorer pour améliorer la gestion de ce régime délégué. Nous ne pouvons qu’y souscrire.

Nous souhaitons, pour notre part, insister sur quatre aspects.

Le régime étudiant de sécurité sociale doit rester pluraliste et sa gestion déléguée aux mutuelles étudiantes. Le pluralisme est gage de dynamisme et de progrès ; il permet la liberté de choix pour les assurés et oblige le gestionnaire à une remise en cause permanente. La délégation de gestion aux mutuelles étudiantes assurera un lien direct plus humain entre l’assuré et son assurance maladie, et crée une habitude positive et structurante pour le long terme.

D’autre part, les gestionnaires du régime étudiant doivent être et se sentir mieux contrôlés. La publication des comptes sociaux des organismes mutualistes, à l’instar des sociétés industrielles, commerciales ou GIE, serait en ce sens un grand progrès. La politique de contrôle des CPAM, qui, vous le savez certainement, depuis deux ans, évolue vers un audit général de l’activité des gestionnaires délégués et ne porte plus seulement sur le contrôle du décompte, est très positive mais demandera encore du temps pour porter pleinement ses effets. Enfin, en matière de contrôle, une meilleure formation des inspecteurs départementaux des affaires sanitaires et sociales au secteur mutualiste, permettrait d’avoir, sur le plan local, des interlocuteurs compétents et opérationnels avant de subir les inspections approfondies de l’IGAS ou de l’IGF.

Par ailleurs, nous pensons qu’il faut développer les initiatives des jeunes en matière d’assurance maladie et de santé publique en les encourageant à participer à la gestion de leur assurance maladie dans le cadre de la mutualité étudiante et en définissant plus nettement les termes de l’équation " qualité de prestations et des services - ressources allouées à cette mission ".

Enfin, le maintien du régime étudiant doit être affirmé dans le cadre d’un financement clair, adéquat et sereinement négocié. Il est indispensable que les pouvoirs politiques reconnaissent et renforcent le rôle institutionnel des mutuelles étudiantes dans la gestion de ce régime et lui attribuent des ressources de gestion adéquates, calculées équitablement par rapport aux autres gestionnaires délégués.

L’ensemble de ces suggestions serait, à notre sens, autant de motivations qui permettraient de recentrer rapidement l’activité des mutuelles étudiantes sur leur mission originelle de gestion globale du régime d’assurance maladie et maternité des étudiants.

M. le Président : Je vous remercie de la clarté de votre exposé. Messieurs, pour bien comprendre le fonctionnement de votre mutuelle, je voudrais vous poser un certain nombre de questions et avoir confirmation qu’à vos âges, 34 et 37 ans, vous n’êtes bien sûr plus étudiants.

M. Joël DOCKWILLER : Effectivement.

M. Didier SIMON : C’est exact.

M. le Président : Pour le directeur général, cette situation peut se comprendre, mais est-il d’usage qu’un président d’une mutuelle étudiante ne soit pas étudiant ?

M. Joël DOCKWILLER : Il n’y a pas d’usage en la matière pour ce qui me concerne. Le Code de la mutualité prévoit la rédaction de statuts pour nos organismes. Il est précisé simplement que les dirigeants élus sont membres de la mutuelle. Les statuts prévoient également l’existence de deux catégories de membres : les membres dits participants, qui cotisent et bénéficient des prestations de la mutuelle, et les membres dits honoraires, qui ont cotisé et ont bénéficié de la mutuelle et qui, pour des raisons d’engagement ou d’attachement à la mutuelle, continuent d’y siéger et d’agir pour le bien de la mutuelle et de ses adhérents. Les textes fixent également une proportion de deux tiers pour les membres participants - en l’occurrence les membres étudiants - et d’un tiers pour les membres dits honoraires. Nous nous conformons du mieux que possible au respect de cette répartition, sachant que, lorsque nous faisons un renouvellement d’élus, comme cela s’est produit récemment chez nos confrères de la MNEF, les étudiants qui entrent à la SMENO peuvent avoir entre dix-huit et vingt-neuf ans, voire trente ans. En pratique, il n’est pas rare qu’on soit élu étudiant et que l’on perde cette qualité au cours de son mandat qui dure généralement trois ans. Par conséquent, soit tous ceux qui perdent leur qualité d’étudiant quittent leur mandat d’administrateur et le conseil d’administration de la mutuelle et son assemblée générale perdent leurs représentants au fur et à mesure que les mois passent, ce qui n’est pas très souhaitable pour le directeur général, soit on considère que les administrateurs exercent leur mandat jusqu’à échéance de celui-ci. C’est ce qui se passe à la SMENO et cela n’a posé aucun problème majeur jusqu’à présent.

Il est clair qu’à la SMENO, l’issue d’un tel mandat, qui dure théoriquement trois ans et quatre en pratique, la quasi-totalité des membres élus au conseil d’administration ou à l’assemblée générale ont perdu leur qualité d’étudiant, à moins qu’ils ne la conservent de façon tout à fait artificielle. Je pourrais très bien m’inscrire demain en faculté d’Histoire, auditeur libre à l’université de Lille III, et je serais étudiant aujourd’hui devant votre commission.

M. le Président : Vous êtes administrateur de la SMENO depuis l’âge de vingt-deux ans. A l’époque, en 1987, vous étiez administrateur étudiant ?

M. Joël DOCKWILLER : Tout à fait.

M. le Président : Lorsque vous êtes devenu président en 1991, étiez-vous encore étudiant ?

M. Joël DOCKWILLER : Je terminais mon service national. Je n’étais plus étudiant.

M. le Président : Donc, vous avez toujours été président sans être étudiant ?

M. Joël DOCKWILLER : Quand je suis devenu président, je n’étais virtuellement plus étudiant.

M. le Président : Et vous êtes président renouvelé depuis huit années ? Ce ne sont pas des critiques. J’essaie de comprendre l’avantage qu’il y a à avoir un président qui est membre honoraire. Vous avez un poste plus important, dont je constate qu’il est tenu par quelqu’un qui n’est plus étudiant depuis un certain temps et qui est renouvelé année après année dans cette fonction.

M. Joël DOCKWILLER : Un organisme comme la SMENO emploie aujourd’hui à peu près cent à cent dix personnes.

M. Didier SIMON : Nous avons un équivalent de temps plein de quatre-vingt-dix personnes, mais avec les temps partiels, cela représente cent dix à cent quinze personnes, pour un montant de ressources à gérer de 53 millions de francs.

M. Joël DOCKWILLER : On imagine bien comment fonctionne une entreprise classique de cette taille. Dans une mutuelle, le pouvoir d’action est partagé entre une structure dite opérationnelle, qui est salariée, et une structure dite élue, qui est bénévole.

Ces cent personnes, qui sont nos collaborateurs, viennent avant tout travailler, soit au titre de salaire principal, soit au titre de salaire d’appoint. A la tête de cette organisation, nous avons aujourd’hui un comité de direction constitué de cinq personnes qui représentent les grands secteurs de compétences nécessaires au fonctionnement d’une PME : nous avons un responsable du développement, un directeur financier, un informaticien, un directeur des ressources humaines et un directeur général. Ces personnes sont de jeunes professionnels qui nous ont rejoints parce que nous les attirions, parce que nous leur avons vendu un projet professionnel, parce qu’ils entrevoient une possibilité de carrière. J’ai eu la chance, j’espère, de recruter M. Simon, de le convaincre de rejoindre la SMENO, puisqu’il était dans une autre entreprise dans un autre secteur. J’ai donc dû lui faire valoir, sur le plan professionnel, tout ce que pouvait lui offrir notre mutuelle. Je ne suis pas sûr que je l’aurais persuadé avec le même talent, et surtout avec la même conviction, si j’avais eu vingt-deux ans, ni même que je lui aurais inspiré la même confiance.

On pourrait imaginer d’avoir des gens beaucoup plus jeunes à la tête de nos structures, mais cela produit des effets pervers. On pourrait imaginer de mettre un jeune étudiant à la présidence et de l’entourer d’un aréopage de non-étudiants qui le suivrait à la trace pour vérifier qu’il ne fait pas un pas de travers. Ce n’est pas notre philosophie. Nous refusons catégoriquement depuis des années d’avoir des présidents fantoches. Nous refusons la suprématie de la technostructure, comme certains de nos collègues l’appellent. La loi précise que la politique générale d’une mutuelle, ses orientations et ses budgets, sont déterminés par son conseil d’administration. Ses choix sont validés ou sanctionnés une fois par an par une assemblée générale. Le conseil d’administration nomme un chef d’équipe, que l’on appelle un président qui réunit le conseil quatre fois par an et a pour mission de poser des questions intelligentes pour l’avenir et le fonctionnement de la structure.

Je doute que cette tâche, au demeurant passionnante, que j’ai la chance d’assumer depuis plusieurs années, soit une mission facile pour une personne de vingt-deux ans dans un univers qui, en dix ans, est devenu de plus en plus complexe. Aujourd’hui, si piloter une entreprise, puisque la SMENO est une entreprise, est à la portée de n’importe quel étudiant doué, qui a le temps et qui a déjà bourlingué, ce n’est pas, en revanche, à la portée du militant lambda de la mutuelle, ou alors il faut avoir des professionnels qui acceptent de travailler sous le patronage de quelqu’un qui ne va pas forcément comprendre tous les problèmes qui se posent au quotidien.

M. le Président : Etes-vous rémunéré ou pas actuellement, en tant que président ?

M. Joël DOCKWILLER : La loi interdit la rémunération des élus. Donc, je ne suis ni rémunéré ni indemnisé, mes frais réels sont remboursés.

M. le Président : Vous avez la même politique que la MGEL qui n’indemnise pas ses élus ?

M. Joël DOCKWILLER : Nous pratiquons la même politique. Toutefois, je dois préciser que cette pratique va changer. Elle va changer parce que force est de constater que l’indemnisation des mandats d’administrateur est beaucoup plus répandue que nous ne le pensions. A la réflexion, aujourd’hui, sans regretter de ne l’avoir jamais pratiquée, nous pensons que ce serait une bonne chose d’indemniser même faiblement les principaux élus de la mutuelle, essentiellement pour conserver un certain nombre de personnes compétentes dans l’entourage de la mutuelle. Les gens qui nous sont les plus utiles dans les moments difficiles ne sont pas les plus jeunes et ne sont pas non plus les plus disponibles. Aujourd’hui, à la fin de mon mandat, j’ai eu la possibilité de faire accepter ce projet d’indemnisation clairement établi dans son principe, même si le montant est modeste.

M. le Président : A quelle hauteur ?

M. Joël DOCKWILLER : Le système que nous avons élaboré et que nous sommes en train de soumettre à la DRASS dont nous dépendons, consiste à mettre en œuvre deux enveloppes à hauteur de trois quarts du SMIC. C’est ce qui est préconisé par le rapport Goulard.

M. le Rapporteur : C’est exact, cela concerne les associations.

M. Joël DOCKWILLER : Nous avons choisi de mettre en œuvre une enveloppe de trois quarts de SMIC mensuel pour les deux à trois élus principaux qui passent énormément de temps à aider l’équipe de direction à travailler. Cela fait une enveloppe mensuelle de 5 000 F à repartir entre trois ou quatre personnes. Le choix n’est pas fait.

Nous avons imaginé une autre enveloppe, toujours à hauteur de trois quarts de SMIC, pour indemniser les missions d’élus. Par exemple, l’élu qui se rend à une réunion parisienne qui n’est pas statutaire - les réunions statutaires ne doivent pas être indemnisées - mais qui, pour ce faire, devra fermer son cabinet médical s’il en a un, sécher un cours d’université, qui prendra sur son temps personnel au-delà de ce qui nous paraît normal, sera indemnisé à hauteur d’une vacation sur les tarifs des caisses primaires d’assurance maladie, ce qui représente, à tout casser, 150 F.

M. le Président : Sera-t-il possible de cumuler les deux indemnités ?

M. Joël DOCKWILLER : Ce n’est pas prévu.

M. le Président : Pour bien comprendre tout votre système de fonctionnement, je souhaiterais savoir quels sont le rôle et les pouvoirs de votre trésorier ? Délègue-t-il l’ensemble de ses pouvoirs ou garde-t-il un certain nombre de pouvoirs sur les engagements financiers ?

M. Joël DOCKWILLER : En matière d’engagement et de règlement de dépenses, les statuts confèrent au président le pouvoir d’ordonner la dépense et au trésorier celui de la régler. Le trésorier et le président ne sont pas présents tous les jours, nous avons des délégations de signature pour le versement des prestations du régime obligatoire ou du régime complémentaire et, pour les charges de fonctionnement, il existe une délégation de signature permanente accordée à certains cadres de la mutuelle, avec un seuil qui doit être de 25 000 F, au-delà duquel ils ne peuvent pas à eux seuls engager de dépenses.

M. le Président : Au-delà de 25 000 F, il y a une double signature, du cadre responsable et du trésorier ?

M. Joël DOCKWILLER : Il y a systématiquement la signature d’un élu. Il faut un accord écrit, quelle que soit sa forme - un fax, un papier, peu importe -, mais il faut que la dépense soit couverte par le président. Le règlement est lui forcément couvert par le trésorier.

M. le Président : Le trésorier exerce-t-il un contrôle sur les engagements qui lui sont présentés soit par le président soit par le directeur général ?

M. Joël DOCKWILLER : Il existe un contrôle, qui n’est pas très formel parce qu’il y a une grande confiance à l’intérieur de la mutuelle. Mais, dans tous les cas, il y a le contrôle annuel de la commission de contrôle de l’assemblée générale et du commissaire aux comptes ainsi que des missions d’audit externe que nous commandons généralement tous les trois ou quatre ans. Il n’y a pas de contrôle systématique sur pièces. A quel type de contrôle faites-vous référence ?

M. le Président : Au contrôle des pièces. Supposons qu’il y ait un engagement pour acheter un immeuble, pour une dépense importante, comment le trésorier vérifie-t-il ce qu’il est chargé de signer ?

M. Joël DOCKWILLER : Ce sont de gros engagements auxquels vous faites allusion.

M. le Président : Naturellement, nous n’allons pas parler des engagements courants.

M. Joël DOCKWILLER : Un engagement de ce type passe généralement devant le conseil d’administration. Mis à part les salaires, je ne vois pas les grosses dépenses que nous avons mensuellement. Lorsqu’il s’agit de l’acquisition d’un bien immobilier, cette décision a fait l’objet d’un vote du conseil d’administration. Il y a donc une autorisation du conseil qui, par délibération, fixe une somme avec une marge de manœuvre de 5 à 10 % s’il y a une négociation ou surenchère sur l’achat du bien.

Une fois l’engagement donné, il l’est sur la base d’un contrat. Généralement, nous mettons nos signatures au bas d’un contrat qui spécifie le montant de la dépense.

M. le Président : Je voudrais comprendre à quoi sert un trésorier. Je ne suis pas tout à fait sûr d’avoir bien compris pour l’ensemble des mutuelles.

Si je prends l’exemple d’une commune, l’ordonnateur est le maire. Il agit en vertu d’une délégation du conseil municipal. Il visera toutes les pièces qui lui sont présentées par son secrétaire de mairie. L’ensemble est ensuite envoyé à un comptable, le percepteur, qui vérifie à son tour et qui mandate.

A quoi sert le trésorier si le président fait ce travail d’ordonnateur et si, ensuite, le paiement peut être fait par toute personne qui est à la trésorerie ou à la comptabilité dans la mutuelle ? Il y a un responsable comptable, je suppose ?

M. Joël DOCKWILLER : Il y a un responsable financier, qui a même le grade de directeur. Par exemple, si demain j’ordonne une dépense, je passe au siège de la mutuelle et je peux signer personnellement. Si je ne peux pas être présent, je donne délégation à une personne qui sera là pour signer l’ordre. Parallèlement, le trésorier va couvrir, c’est-à-dire qu’il va signer l’autorisation de règlement. Soit il est présent, soit il confie cette tâche à quelqu’un. Ce qui est impossible, c’est que la même personne donne l’ordre de dépense et signe le chèque.

M. le Président : Par conséquent un employé de la mutuelle ayant le rôle de directeur de la comptabilité, pourrait tout à fait faire cela. Si le trésorier exerce l’intégralité de ses pouvoirs, il doit tout vérifier et c’est extrêmement long, c’est un travail à temps plein. De plus, il engage sa responsabilité pénale. Toutefois, nous avons l’impression que le trésorier sur lequel repose une responsabilité pénale importante n’exerce pas la réalité de son pouvoir. C’est en cela que je vous demande si vous pensez que ce rôle de trésorier est essentiel ou s’il n’est pas plutôt virtuel et correspond simplement à une obligation légale ?

M. Joël DOCKWILLER : L’ordonnateur a plus de poids que la personne qui règle la dépense. Le régleur exécute l’ordre. Les deux actions ont été distinguées pour préserver un moyen de contrôle, mais le trésorier règle. Il exécute l’ordre. Il est le seul à pouvoir le faire. C’est ainsi que l’on a séparé l’ordre et le règlement de l’ordre. Mais en pratique, ces actions sont déléguées à du personnel salarié parce que cela ne peut pas fonctionner autrement...

M. le Président : C’est bien cela le problème !

M. Joël DOCKWILLER : Tout ce que nous pouvons tenter de garantir et de faire respecter, c’est qu’au sein des équipes professionnelles, la même personne ne puisse pas signer à la fois un ordre et un règlement. Les contrôles auxquels je faisais allusion se font annuellement par sondage parce que l’on ne peut pas contrôler toute une comptabilité, systématiquement. Cela représenterait des heures et des heures de travail. Voilà ce qu’il en est pour la pratique concernant le fait d’ordonner ou de régler. Maintenant, à quoi sert un trésorier ? Le trésorier n’est pas un percepteur ou un receveur. Il a, à mon sens, aujourd’hui, un rôle beaucoup plus éminent dans la mesure où, à la SMENO, c’est lui qui prépare les budgets. Il prend l’initiative des budgets, il prend connaissance des dépenses, de leur classement.

M. le Président : Monsieur le président, à quoi sert le directeur général s’il ne prépare pas le budget ?

M. Joël DOCKWILLER : Le directeur général doit s’occuper de bien d’autres choses que de la préparation du budget ! Bien sûr, il va suivre ce processus, mais l’initiative de préparation du budget est, chez nous, une prérogative du trésorier. Il fait appel pour cela aux services compétents de la mutuelle. S’il connaît un certain nombre d’orientations qui ont été discutées au sein du bureau, qui ont déjà été validées par le conseil d’administration, il va faire en sorte, dans la préparation du budget, si nous avons décidé de mettre 10 F à cet endroit alors que nous ne les y mettions pas l’année précédente, de les y mettre. S’il s’aperçoit que l’année précédente, nous avions décidé de mettre 10 F sur telle action et que nous en avons dépensé 15, il va essayer de s’intéresser à la raison de l’écart. Entre autres, il pourra voir s’il y a eu maîtrise ou pas des dépenses autorisées.

M. le Président : Venons-en au rôle du directeur général. Tout d’abord, quelle est votre rémunération, Monsieur le directeur général ?

M. Didier SIMON : 350 000 F annuels.

M. le président. Vos frais sont-ils indemnisés ? A quelle hauteur ?

M. Didier SIMON : Uniquement lorsque je me déplace dans les agences. Ce sont des frais kilométriques à 2,03 F du kilomètre. Nous avons tout de même treize sites et nous travaillons en Normandie, dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie.

M. le Président : A combien correspondent vos frais par an globalement ?

M. Didier SIMON : C’est un peu difficile à dire. Cela ne fait que quatre mois que je suis là et ce n’est pas encore significatif.

M. le Président : Trouveriez-vous anormal que le directeur général soit agréé par le ministre de tutelle ?

M. Didier SIMON : J’ai du mal à vous répondre parce que le système mutualiste est un système que je découvre. Aujourd’hui, nous avons adopté un système de fonctionnement qui me convient très bien et c’est pour cela que j’ai accepté ce poste. Aujourd’hui, je ne vois pas l’intérêt de cet éventuel agrément mais je changerai peut être d’avis dans un an.

M. le Président : En fait, j’essaie de voir comment il peut y avoir un contrôle de la puissance publique, puisque c’est de l’argent public que vous gérez. Dès lors, on pourrait concevoir qu’un agrément puisse être donné par l’Etat à la désignation du directeur général. Le président est élu, la question ne se pose pas. Qu’en pensez-vous ?

M. Joël DOCKWILLER : Cela me surprend. Si la puissance publique donnait son agrément à la direction générale, il faut qu’elle le donne aussi ailleurs, ou alors on découple la structure élue qui, théoriquement de par la loi, a les plus forts pouvoirs, de la structure opérationnelle qui est à son service.

Initialement, la mutuelle ne devait fonctionner qu’avec des bénévoles. Il s’est avéré que ce n’est plus possible aujourd’hui. Les conditions d’exercice de ses activités en 1999 ne peuvent pas se faire avec des bénévoles. Mais cela me surprendrait, je trouverais cela bizarre. Je ne pense pas ce soit la meilleure réponse à la question d’un meilleur contrôle.

M. le Président : Je vous rappelle que vous n’êtes plus étudiant et que, de ce fait, vous exercez une forme de contrôle sur le directeur général, comme vous nous l’avez expliqué tout à l’heure en disant : " J’ai mon expérience, mon âge. Cela fait dix ans que je suis là, donc j’ai pu discuter avec le directeur, j’ai pu discuter son contrat ", etc. Tous arguments que je comprends très bien.

Prenons l’exemple inverse d’un président de vingt-deux ans devant recruter un directeur général d’une mutuelle de sept cents personnes. Comment fera-t-il pour discuter de tout cela, s’il n’existe pas d’agrément donné par la puissance publique ?

M. Joël DOCKWILLER : Il va devoir se débrouiller. C’est là qu’il y a une grande difficulté, Monsieur le président. On ne peut pas prévoir de mettre à la tête d’une organisation quelqu’un qui serait à la limite sous tutelle. Vous êtes en train de décrire le système de la tutelle.

M. le Président : L’agrément, ce n’est pas la tutelle. C’est le système en vigueur à la CNAM, qui gère, comme vous, de l’argent public.

M. Joël DOCKWILLER : Je ne le conteste pas. Mais si vous faites le constat que telle personne de vingt-deux ans n’a pas toutes les cordes à son arc pour choisir un directeur, qui aura 45 ans par exemple, il ne faut pas alors que le système permette à des personnes aussi jeunes de se trouver dans cette situation.

M. le Président : Nous pouvons difficilement dire que les présidents des mutuelles ne doivent pas être des étudiants, vous le savez bien.

M. Joël DOCKWILLER : Je ne dis pas cela.

M. le Président : Mais c’est tout le problème.

M. Joël DOCKWILLER : Alors, il ne faut pas mettre en place un conseil d’administration avec un président. Sinon, c’est de la vitrine, c’est pour faire beau.

M. le Rapporteur : Je ne suis pas sûr que M. Spaeth soit d’accord avec cela. Le système de l’agrément du directeur général prévaut aujourd’hui à la CNAM. M. Spaeth est le président élu et il a un directeur général nommé en conseil des ministres. Sans aller jusqu’à la désignation en conseil des ministres, il pourrait bénéficier d’un agrément d’Etat. Je ne suis pas sûr que cela transforme en mineur protégé sous tutelle le président de la caisse nationale d’assurance maladie.

M. Joël DOCKWILLER : Je reste un peu surpris de cette proposition d’agrément.

M. le Président : Monsieur le président, vous comprenez bien le problème. En pratique, le président peut nommer n’importe qui à un poste où il faut gérer de l’argent public. C’est pour cela qu’un agrément ne me semblerait pas anormal. Je teste cette proposition auprès de vous. Un agrément, ce n’est pas un arrêté de nomination, il se fait sur une liste d’aptitude. Il est possible à la puissance publique d’émettre des observations sur le salaire du directeur général. Supposez que vous ayez un conseil d’administration à votre dévotion, que vous proposiez 2,5 millions de francs de rémunération par an pour le directeur général, et bien c’est possible !

M. Joël DOCKWILLER : Vous avez raison. De ce point de vue, le système actuel n’est assorti d’aucune limite. Il est parfaitement possible de recruter de gré à gré à n’importe quelle condition.

M. le Président : Par exemple, le contrat du directeur général comprend-il des indemnités de licenciement pouvant s’élever à 4 millions de francs, comprend-il une clause de conscience qui permet de pouvoir faire jouer la rupture du contrat à son avantage à tout moment ?

M. Didier SIMON : Non, bien sûr.

M. le Président : Alors voilà pourquoi je parlais de contrôle.

M. Joël DOCKWILLER : Que nous respections la même procédure que pour les modifications statutaires déclarées, pourquoi pas ? Vous avez tout à fait raison, il y a énormément d’argent public qui est en jeu. Mais demander un agrément ! Nous allons devoir remplir un papier, l’envoyer, il reviendra peut-être au bout de deux mois, avec un tampon. Si c’est ça le système d’agrément, vous pouvez en faire l’économie.

M. le Président : Non, la procédure d’agrément fait l’objet d’un entretien. Il y a une vérification sur pièces, etc. Ce n’est pas simplement un coup de tampon. Il n’y a pas cent mutuelles étudiantes et on ne renouvelle pas ce poste tous les mois, ce n’est pas un travail si monumental.

M. Joël DOCKWILLER : Pourquoi pas ? Mais vous allez au-delà de l’agrément sur la compétence. Vous parlez d’englober les conditions de rémunérations, les conditions accessoires au contrat, etc.

M. le Président Il ne me semble pas anormal que la puissance publique puisse dénoncer des clauses léonines ou abusives du contrat d’un directeur général qui, je le répète, gère de l’argent public.

M. Joël DOCKWILLER : Cela ne me semble pas anormal non plus.

M. le Président : Que penseriez-vous de la présence d’un contrôleur d’Etat au sein du conseil d’administration, sans voix délibérative ? Dans les établissements publics, par exemple, vous avez un contrôleur d’Etat nommé par le ministre, pour vérifier et rendre compte éventuellement à la puissance publique de l’utilisation des fonds publics.

M. Joël DOCKWILLER : Un certain nombre de dispositifs de contrôle existent déjà. Théoriquement, d’après les textes que nous devrions appliquer, il existe le conseil de la section locale qui dépend de chaque CPAM, qui devait initialement être l’occasion pour les caisses primaires d’assurance maladie de participer aux délibérations des conseils d’administration, avec voix consultative. Qu’apporterait de plus un contrôleur d’Etat ? A mon sens, ce serait vraiment mettre un regard extérieur et peu impliqué dans un cercle où nous discutons, où parfois nous expérimentons des idées. Je ne suis pas certain que ce soit très efficace. Le risque que je vois à une telle présence extérieure qui aurait ouvertement une mission de contrôle, c’est que vous ayez des délibérations ou de discussions, qui soient le cœur des sujets, qui se déroulent dans les couloirs. C’est une réflexion.

M. le Rapporteur : Pour employer une expression qui ne recouvre pas un terme juridique, la SMENO a-t-elle filialisé certaines de ses activités ? Sous quelle forme juridique ?

M. Joël DOCKWILLER : La SMENO a filialisé, le terme est un peu impropre - c’était une mode à une époque - trois activités. Nous avons choisi, dans les années 1993-1994, de mettre des petits pions dans des activités dites de diversification dans trois directions.

La première, et la plus importante, a été de créer, conformément au Code, une mutuelle d’accueil pour ceux de la SMENO qui cessaient d’être étudiants. A l’époque, lorsqu’on perdait sa qualité d’étudiant, on ne pouvait plus faire partie de la SMENO. C’était un peu ridicule. Nous avons donc créé en 1994-95, la mutuelle SMINO - Société mutuelle interprofessionnelle du Nord-Ouest -, petite sœur de la SMENO, qui propose une couverture complémentaire maladie individuelle. Toutefois, il ne s’agit pas d’une filiale puisqu’une mutuelle ne peut pas être possédée par une autre. Cette mutuelle compte aujourd’hui 7 000 adhérents. Je ne cherche pas à faire de la publicité autour de ce chiffre. Elle a accueilli, à ce jour, trois générations d’étudiants anciens affiliés de la SMENO, qui y ont retrouvé une grille de prestations et de cotisations très voisine de celle qu’ils connaissaient. A la SMENO, à partir de trente ans, nous pratiquons un étagement par âge - cela me paraît plus prudent en termes de gestion du risque. Ne connaissant pas bien la nature du risque entre sept et soixante-dix-sept ans, nous avons, par précaution, différencié le montant des cotisations.

Le deuxième secteur concerné par la diversification est celui de l’assurance. Depuis une quinzaine d’année, les mutuelles étudiantes distribuent des formules d’assurance automobile ou logement à leurs adhérents à tarifs dits compétitifs. Pour distribuer des contrats d’assurance en France, on doit faire appel à un courtier, qui se rémunère en fonction du travail qu’il effectue. Au sein de notre mutuelle, nos salariés passaient un certain temps à essayer de convaincre un étudiant de prendre une de ces assurances agréées par la SMENO.

Nous avons souhaité, d’une part, isoler cette activité et, d’autre part, retirer au courtier qui était en amont, une partie de la commission. Dans ce métier, les commissions sont de l’ordre de 18 %, pour remplir trois tâches : la présentation d’opérations d’assurance, les appels de primes et la gestion des sinistres. Nous avions confié cela à un courtier, qui l’avait lui-même confié à un autre courtier, qui l’avait confié à une compagnie d’assurance. Entre nous qui proposions l’assurance auto ou l’assurance logement à un étudiant et la compagnie d’assurance qui répondait à l’étudiant en cas de sinistre, il y avait plusieurs intermédiaires et nous ne gérions plus du tout ce type d’interventions.

Cela nous est apparu insatisfaisant et nous avons souhaité intégrer au moins la mission de présentation d’opérations d’assurance. Nous avons créé une SARL de courtage qui est en fait un cabinet captif, qui équilibre son activité avec une partie des commissions que le courtier prenait auparavant.

Cette société s’appelle aujourd’hui Assurance du Nord-Ouest, elle est possédée à 99 % par la mutuelle SMENO et à 1 % par la mutuelle SMINO ; montage qui nous permettait de garder cette diversification entre des propriétaires mutualistes. Même s’il y a distribution de résultats, cela tombe dans les caisses des mutuelles, la boucle est bouclée. Par ailleurs, étant des activités purement commerciales, si elles sont bénéficiaires, elles doivent être soumises à l’impôt, ce qui règle toute discussion fiscale sur ces activités.

Enfin, le dernier axe de diversification, plus récent et plus compliqué pour nous, concerne la distribution de formules de voyage et de loisirs. Traditionnellement, pour attirer les adhérents étudiants et les affilier, les mutuelles proposaient des formules de voyage. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, nous avons décidé de gérer nous-mêmes cette activité. Nous avons souhaité isoler les dépenses liées à cette activité. En conséquence, nous avons créé une agence de voyage, avec pignon sur rue, sous forme de SARL, licenciée dans le département du Nord, possédée à 99 % par la SMENO et à 1 % par la SMINO.

Pour vous éclairer sur les principales motivations de ces diversifications, il faut remonter cinq ans en arrière et se souvenir du contexte des négociations sur la révision du montant des remises de gestion entre toutes les mutuelles. Les discussions avaient été un peu ardues avec la CNAM, certains interlocuteurs nous ayant montré plus d’animosité que d’autres et nous en avions eu un doute sur notre avenir. D’autre part, le projet Sesam-Vitale, qui aujourd’hui est sur le point de se réaliser, était encore très virtuel, mais suffisamment précis pour nous faire penser qu’il aurait des conséquences importantes sur notre effectif salarié, notamment dans les équipes de liquidation. Même si l’histoire démontre que le projet Sesam-Vitale n’a pas ce type d’incidences à court terme, nous avions l’ambition à l’époque de mettre en œuvre des projets de diversification pour être en mesure, au début des années 2000, date d’entrée en vigueur du système, de proposer une alternative professionnelle à une trentaine de nos personnels salariés actuels.

M. le Rapporteur : Comment se déroulent les élections au sein de la SMENO ? Par correspondance, avec des bureaux de vote ? Quel est le taux de participation ? Qu’en est-il des représentants honoraires et des représentants élus ?

M. Joël DOCKWILLER : Les élections se passent chez nous, traditionnellement, par correspondance, selon un processus électoral inspiré du Code électoral. Nous respectons scrupuleusement les délais précisés par le Code.

Je ne l’ai pas en tête mais je peux vous dire que le taux de participation est ridiculement faible. Concrètement, le président annonce à son bureau qu’il est temps de se mettre à la recherche de successeurs potentiels. Nous nous tournons vers les associations étudiantes que nous connaissons, ce qui nous permet d’établir quelques contacts. A peu près un an avant, nous commençons à prendre des renseignements plus précis. Nous profitons de nos équipes de développement, qui sont en contact régulier avec des personnes dans telle ou telle association, pour qu’elles nous introduisent auprès de celles qui nous paraissent intéressantes. Nous les rencontrons et nous leur présentons notre mutuelle, la beauté et la noblesse d’un mandat, etc.

Quand cette première liste est établie, on explique à ces jeunes gens, tous étudiants à ce moment-là, qu’une aventure de trois ou quatre ans à la tête d’une mutuelle se fait en équipe et qu’il faut qu’ils constituent leur petite équipe, au moins une ou deux personnes, qui vont les accompagner si ce n’est au conseil d’administration, à l’assemblée générale. Après deux à trois mois, on arrive à identifier dans notre région - Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Haute et Basse Normandie - une liste de quatre-vingt personnes, ce que nous demandent nos statuts. Nous avons au moins une liste.

Cette liste est constituée par sections, donc par ville. Dans chaque ville, on fait se rencontrer les gens. Ensuite, ils s’auto-organisent. Ils choisissent une tête de liste qui écrit une petite profession de foi, qui se débrouille pour la déposer par recommandé au bon endroit et au bon moment.

Une fois que nous avons, dans le calendrier électoral établi et validé par le conseil d’administration, constitué nos conditions matérielles, nous procédons à la distribution du matériel de vote : la ou les listes - il peut arriver que plusieurs listes se présentent dans une même ville -, les professions de foi, la petite enveloppe pour la carte d’électeur, celle destinée au bulletin de vote, et nous envoyons tout cela chez l’adhérent. Les gens répondent. On dépouille et nous publions.

M. le Rapporteur : Le processus est-il contrôlé ? A quel niveau ? Par des huissiers ? Ou cela se fait-il tranquillement ?

M. Joël DOCKWILLER : En dix années d’expérience, nos élections se sont toujours déroulées tranquillement. Nous n’avons jamais eu besoin de recourir à un huissier. Il y a toujours deux ou trois échauffourées dans des élections ou quelqu’un qui n’a pas pu placer untel ou untel. Il y a donc toujours des menaces de recours, une fois par élection au moins. Il y a toujours un déçu, un frustré, mais généralement, cela ne va pas plus loin. Nous n’avons jamais eu d’élections conflictuelles à ma connaissance.

M. le Président : Je vous remercie.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr