Mme Marie-Hélène Aubert, après avoir exposé les objectifs de la mission d’information, a rappelé que BP avait été entendue par la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Communes dans le cadre de son enquête sur la politique étrangère et les droits de l’Homme.

M. Michel de Fabiani a exposé que BP était un groupe important mais qu’il n’avait pas d’activités en exploration en France. Depuis le 1er janvier 1999, BP a fusionné avec Amoco.

Il a présenté le Groupe BP : 100 000 salariés, 20 raffineries, une dizaine de sites pétrochimiques et une activité partagée entre l’exploration-production (60%), le raffinage et la distribution (25%) et la pétrochimie (15%). BP a une position de leader dans le solaire. Il est organisé par secteurs et par directions fonctionnelles. Les présidences régionales ont pour fonction la représentation du Groupe et la défense de sa réputation à travers le contrôle du respect du code de conduite BP. Comme tout groupe pétrolier, l’avenir de BP est fondé sur la recherche-prospection et sur des investissements de longue durée (20-25 ans). De ce fait, il est important que la réalisation de ces activités s’effectuent "correctement" et soient perçues favorablement par son environnement.

70% des résultats de BP sont réalisés en Europe et aux Etats-Unis, mais BP a des positions importantes hors de ces deux zones. Par ailleurs, la majeure partie des réserves mondiales connues se trouvent en dehors des Etats-Unis et de l’Europe occidentale. BP a le souci que ses activités soient prospères, rentables et profitables à la communauté. Dans certains domaines, ses pratiques sont en avance sur la réglementation. Ainsi, bien que les connaissances scientifiques ne soient pas certaines, BP estime qu’il est nécessaire de réduire les émissions dans l’atmosphère et s’est fixé l’objectif d’une réduction de 10% d’ici 2010. De même, BP France vient de conclure un accord vers les 35 heures.

Le code de conduite BP a été diffusé à tout le personnel, aux contractants et aux partenaires de l’entreprise, discuté avec les équipes locales et certifié dans chaque pays. Il définit une éthique se fondant sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme, prohibant la corruption, les fraudes, les fonds et les transactions secrètes et encadrant strictement les frais de voyage et la pratique des cadeaux. Il prévoit que les rémunérations doivent être adaptées en fonction des responsabilités et des résultats du personnel qui a droit à une formation appropriée. Les relations extérieures de BP doivent être basées sur l’intérêt mutuel, la durée et le respect des communautés et de la dignité humaine. Les règles d’hygiène, de sécurité et de protection de l’environnement sont un souci particulier. BP a divisé par deux en trois ans le nombre des accidents du travail, y compris parmi le personnel extérieur, et par deux en six ans ses émissions dans l’atmosphère. La Compagnie a mis en place un système d’information élaboré afin que les directions nationales soient immédiatement informées de tout accident. Le code de conduite prévoit en outre le contrôle des dépenses et l’enregistrement de toute transaction. Les commissions versées doivent obéir à ces règles. Les compagnies pétrolières sont impliquées dans le monde entier et parfois dans des zones difficiles. Si elles opèrent dans le cadre d’un code de conduite, elles contribuent au développement économique et social.

Mme Marie-Hélène Aubert a demandé si le respect du code de conduite de BP avait fait l’objet d’un contrôle interne considérant qu’il était plus transparent d’instituer un contrôle externe.

Elle s’est informée sur la façon dont la sécurité du personnel était assurée par les forces de sécurité des pays d’accueil. Elle a demandé quelle était l’appréciation de la compagnie sur la Birmanie, où certaines entreprises refusent de travailler.

Elle a également souhaité des précisions sur la façon dont BP évaluait le risque politique et sur les moyens dont la compagnie dispose pour veiller à ce que les reversements de la rente pétrolière aux Etats contribuent plus efficacement à leur développement économique et social.

Elle a voulu savoir si la Convention de l’OCDE contre la corruption modifierait la politique de BP et quel était le régime fiscal des commissions.

M. Roland Blum s’est étonné qu’une compagnie paie les services de la police d’un Etat et a demandé confirmation des propos de la Présidente locale de BP en Colombie qui envisageait le départ de sa compagnie si la sécurité n’était pas assurée.

Par ailleurs, il a fait observer que des commissions pouvaient financer la corruption.

M. Pierre Brana a demandé des précisions sur les pays où BP avait refusé de s’implanter et sur les relations de BP avec les ONG. S’agissant de l’application du code de conduite, il a voulu savoir si BP payait des commissions aux apporteurs d’affaires.

Il a souhaité des précisions sur la simultanéité des fusions récentes, qui pourraient conduire à la disparition de petites compagnies locales.

Il a demandé si l’investissement de BP dans l’énergie solaire répondait à un calcul économique, une projection dans l’avenir, ou seulement au souci d’améliorer l’image de BP.

M. Michel de Fabiani a apporté les réponses suivantes.

BP était favorable au code de conduite en instance d’adoption au Parlement européen sous une réserve : son attachement au contrôle interne. Les engagements de l’entreprise sont contrôlés par des audits au même titre et selon les mêmes procédures que le contrôle financier. Des rapports sont publiés régulièrement. En revanche, il ne serait pas souhaitable de créer des superstructures extérieures de contrôle.

BP dispose de ses propres services internes pour assurer sa sécurité, en accord et coopération avec les autorités nationales compétentes. En Colombie, par exemple, le site BP est en pleine jungle alors que les guérillas et le climat général d’insécurité constituent une menace réelle pour les 1 000 employés BP et les 6 000 contractuels. BP a décidé de ne payer ni la guérilla, ni les forces paramilitaires. Un contrat de trois ans a été conclu avec l’armée et la police qui prévoit que BP couvre une partie des dépenses de sécurité et assure le support logistique. BP a également procédé à un audit international sur l’activité de la police et lui a demandé de respecter son code de conduite. BP refuse tout lien avec les forces illégales et joue la carte de la transparence.

Le site BP en Colombie est situé dans une région retirée et peu peuplée, ce qui justifiait la prise en charge du surcoût occasionné par la présence de l’armée pour le budget colombien. Il a confirmé qu’une trop grande insécurité ou l’impossibilité d’appliquer le code de conduite, pouvait conduire BP à se retirer mais qu’une telle décision devait être mûrement réfléchie.

Les Etats ou leurs sociétés nationales reçoivent 85 % des revenus des compagnies pétrolières. BP leur demande dans quelle mesure les régions de production en bénéficient. BP finance des projets de développement. Mais une compagnie ne peut porter de jugement sur la gestion d’un gouvernement.

L’évaluation du risque politique peut être très difficile. Actuellement, BP est intéressé par un projet de développement majeur dans le gaz en partenariat avec la société algérienne Sonatrach, alors que ses activités dans ce pays sont encore peu importantes. L’Algérie a un potentiel économique évident. Cependant, une présence plus forte placerait BP en première ligne avec les risques afférents. En outre un problème de sécurité se pose, en particulier pour la sûreté des pipelines. Par contre, BP ne s’est jamais intéressé à la Birmanie.

S’agissant des décisions d’investissements, il a expliqué qu’elles prenaient en compte tout un ensemble de données (économiques, financières, politiques ...) et que l’on ne savait jamais comment pouvait évoluer un régime à long terme. Il n’existe pas de renonciation à un investissement qui ne s’expliquerait que par une seule raison. BP choisit toujours les pays qui ont un fort potentiel économique.

En ce qui concerne les commissions, BP préfère ne pas effectuer de paiement pour faciliter une opération sauf si cela correspond à une pratique locale et à condition que la commission ait été autorisée par le directeur national et ait été enregistrée. Toute commission doit être proportionnelle au service rendu, vérifiée, approuvée et comptabilisée. M. De Fabiani a relevé que la principale affaire de corruption qui ait concerné BP avait été le fait d’acheteurs en mer du Nord, dans une zone au-dessus de tout soupçon. La convention de l’OCDE ne devrait poser aucun problème et M. De Fabiani s’est engagé à fournir des informations sur le régime fiscal des commissions si on lui en faisait la demande.

Il a exposé que les différentes fusions s’étaient réalisées sans que les uns ou les autres en aient été avertis. Il s’agit d’un mouvement général de l’économie mondiale. Les fusions dans le secteur pétrolier sont une réponse à l’importance des investissements, à la baisse du prix du brut et à la montée de l’instabilité politique et économique en dehors du monde occidental. Les petites compagnies nationales ont toutes les chances de survivre à condition de se consacrer à des marchés locaux.

BP a un service de relations extérieures qui a de nombreux contacts, notamment avec les ONG. Les conflits avec Greenpeace n’ont pas empêché le dialogue. Les journaux de BP rendent compte des opinions des ONG.

BP s’intéresse réellement au solaire, et la baisse du prix du brut, même si elle pose problème, n’a pas ralenti le développement de la compagnie. Le solaire a sa place dans les zones ensoleillées faiblement dotées en infrastructures, ou pour de l’énergie d’appoint. Il pourrait atteindre un jour 10% des ressources énergétiques. En revanche, BP ne souhaite pas investir dans le nucléaire.

M. Roland Blum s’est informé sur les pratiques de BP en matière de droit du travail et dans ses relations avec les sous-traitants.

M. Pierre Brana a souhaité des précisions sur les études d’impact relatives au transport d’hydrocarbures et sur les avantages respectifs des oléoducs ou gazoducs enfouis et aériens.

Mme Marie-Hélène Aubert s’est renseignée sur les attentes de BP à l’égard de l’Union européenne. L’élaboration d’un code de conduite au niveau européen est-elle utile ?

M. Michel de Fabiani a fourni les précisions suivantes.

BP applique la législation nationale des pays et son code de conduite, qui va parfois au-delà de ces lois (principe de non-discrimination, représentation du personnel, formation, hygiène et sécurité). Les mêmes normes sont appliquées aux sous-traitants. Des sanctions peuvent être prises. Les contrôles sont parfois difficiles dans certains pays mais, dans ces derniers, les sous-traitants sont souvent très liés économiquement à BP, ce qui donne une certaine garantie.

Il a expliqué que les études d’impact permettaient, en consultations avec les autorités locales, d’apprécier toutes les dimensions des problèmes. En Alaska, BP a eu des difficultés. Les oléoducs enfouis sont plus coûteux que les aériens, mais préservent l’environnement à une exception près : en cas de fuite, l’incident est moins facilement détectable. La plupart des oléoducs en Europe sont enterrés.

S’agissant du code de conduite européen, il a rappelé que certaines décisions sont déjà prises au niveau européen ; par exemple, les spécifications des produits pétroliers. En revanche, les taxes sont encore nationales ; heureusement, l’idée d’une convergence fiscale progresse. Un code de conduite européen peut être utile à condition qu’il se borne à fixer quelques règles générales : des principes, un contrôle interne, une diffusion obligatoire.

M. De Fabiani s’est déclaré à la disposition de la commission pour tout complément d’information.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr