Le maintien d’une compagnie Noroît en 1991

Dans une lettre qu’il adresse le 30 janvier 1991 au Président Juvénal Juvénal Habyarimana, le Président de la République François Mitterrand, après avoir rappelé que " ce conflit ne peut trouver de solution durable que par un règlement négocié et une concertation générale dans un esprit de dialogue et d’ouverture ", déclare ensuite : " sensible aux arguments que vous m’avez fait valoir, j’ai décidé dans cette période de mise en place de la politique d’ouverture sur les réfugiés, de maintenir provisoirement et pour une durée liée aux développements de la situation, la compagnie militaire française envoyée en octobre dernier à Kigali et chargée d’assurer la sécurité et la protection des ressortissants français ".

L’ordre de mission du 26 février 1991 maintient les missions du détachement Noroît implanté à Kigali -protection de l’ambassade et des ressortissants français, participation à une éventuelle évacuation, contrôle de l’aéroport. Le comportement des forces de Noroît reste dissuasif et défensif.

Il est par ailleurs précisé que l’action des éléments français ne doit ni conduire ni être assimilée à une ingérence dans les affaires internes du Rwanda. Aucune opération de maintien de l’ordre, aucun engagement aux côtés ou au profit des forces armées rwandaises ne peuvent être menés sans ordre exprès du chef d’état-major des armées. En conséquence, sont notamment exclus toute action de patrouille de nuit en ville et entre l’aéroport et le centre de Kigali, et tout contrôle d’aéronef ou de sa cargaison qui relève de l’Etat souverain.

Le détachement Noroît est autorisé à :

 poursuivre son entraînement au tir et au saut en parachute ;

 effectuer des sorties d’instruction de 24 heures au camp de Gako ;

 organiser des instructions d’une journée dans le sud-ouest du pays.

Les consignes de dissuasion sont renouvelées, les règles d’engagement et d’ouverture du feu sont limitées à la légitime défense des forces ou des ressortissants français.

Toutefois, la référence à un ordre exprès du Chef d’état-major des Armées laisse penser qu’a contrario les opérations susvisées entraînant un engagement aux côtés ou au profit des FAR pourraient avoir lieu dans certaines conditions. En mars 1991, le détachement Noroît est relevé par le 2ème REP, puis en juillet par le 3ème et 6ème RPIMA et à nouveau en novembre par le 2ème REP.

L’année 1992

L’année 1992 est marquée par la nomination d’un Premier Ministre d’opposition, M. Dismas Nsengiyaremye, qui dirige un Gouvernement de transition. Le parti libéral, qui détient trois portefeuilles ministériels, a clairement indiqué qu’il ne souhaitait pas la présence militaire française au Rwanda, sans préciser si cette décision ne concernait que le détachement Noroît ou l’ensemble des éléments français.

De son côté, le parti du Premier Ministre, le MDR, à l’origine d’un tract concernant le Lieutenant-Colonel Gilles Chollet fait savoir que si " dans le passé le Président agissait pour son propre pouvoir, il n’en va plus de même aujourd’hui. Si une action doit se faire au profit du Rwanda, elle doit également se faire au profit du Gouvernement qui est maintenant représentatif de l’opinion populaire ". Par conséquent, le nouveau Gouvernement entend désormais que la politique du Rwanda ne se fasse plus seulement à l’échelon de la présidence, mais également à celui du Gouvernement.

La mise en place d’un Gouvernement de coalition, loin d’apaiser les tensions, suscite, au mois de mai, une recrudescence des actions terroristes.

En juin, le FPR entreprend une série d’actions sur la ligne du front dans la zone de Byumba. Le 6 juin, l’attaque de Byumba, qu’il ne parvient pas à contrer, provoque l’exode de milliers de paysans. C’est ce moment que certaines unités rwandaises choisissent pour se mutiner à Ruhengeri, Gisenyi, Kibuye et Byumba, pour piller les magasins, agresser et tuer ceux qui leur résistent. Cette situation est parfaitement évoquée dans le rapport bimestriel de l’attaché de défense, le Colonel Bernard Cussac. Au terme d’infiltrations successives, le FPR a réussi à établir une poche d’environ 10 km de profondeur, qui lui permet, vers le 20 juin, de créer une zone continue entre Butare, à l’ouest, et Mutara à l’est.

La gravité de la situation entraîne le retour d’une deuxième compagnie Noroît et la nomination du Colonel Jacques Rosier comme commandant des opérations, ainsi que l’envoi d’une mission d’évaluation militaire.

Les FAR sont moralement abattues, installées dans la défensive. Les responsables militaires rwandais attendent de la France une aide qui leur permettra de redresser la situation.

Le 9 juin, les deux Chefs d’état-major des forces armées rwandaises et de la Gendarmerie sont remplacés, respectivement par le Colonel Nsarymaha et le Colonel Ndindiliyimana. Les discussions d’Arusha s’ouvrent les 10-12 juillet 1992 et le cessez-le-feu instauré depuis le 1er août est globalement respecté.

Au cours du dernier trimestre 1992, la situation reste tendue sur le plan militaire. Cependant, compte tenu de la signature, le 31 juillet 1992, d’un cessez-le-feu accompagné de la mise en place d’un groupe d’observateurs militaires neutres, le GOMN prévu par les termes des accords d’Arusha I, le Président de la République exprime le souhait de retirer le dispositif Noroît le plus vite possible, car " une présence militaire longue sur un terrain étranger, fut-elle de 300 hommes seulement, a toujours des effets pervers ".

L’année 1993, qui s’ouvre avec une nouvelle offensive généralisée du FPR, le 8 février, sur Ruhengeri et Byumba, va empêcher la réalisation de cet objectif.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr