1. Pourquoi cette note d’information ?

Peu avant la parution de l’article de Daniel Amman dans la « Weltwoche » de cette semaine, la Dél CdG a appris qu’un questionnaire dont l’expéditeur serait le DDPS était en circulation. Contenant 11 questions, ce questionnaire aurait apparemment été remis par le chargé d’enquête du DDPS à Wouter Basson afin que ce dernier y réponde directement.

2. Les mesures prises

Après s’être procuré le questionnaire et la lettre d’accompagnement concernés, la Dél CdG a tenu une réunion le 21 octobre 2002 à 19h00 afin d’envisager ce qu’il convenait de faire. D’après les informations disponibles, seules trois hypothèses étaient envisageables :

1) il s’agit de faux documents.

2) la lettre est authentique mais le questionnaire est un faux.

3) le chargé d’enquête du DDPS a véritablement rédigé ce questionnaire avant de le transmettre à Wouter Basson.

Même si l’enquête administrative du DDPS est menée indépendamment des investigations de la Dél CdG, cette dernière a considéré qu’il était urgent d’agir. Qu’il s’agisse de la remise d’un questionnaire sur papier à en-tête officiel de l’administration suisse à un citoyen étranger résidant à l’étranger ou d’une éventuelle tentative de manipulation de la part d’une tierce personne, ces éléments ont semblé de nature à nuire aux investigations de la Dél CdG, qui a donc décidé de prendre sur le champ toutes les mesures permettant d’élucider complètement cette affaire le plus rapidement possible.

La Dél CdG a transmis au conseiller fédéral Samuel Schmid les informations dont elle disposait dès le lendemain, 22 octobre, à 9h00. En accord avec le chef du DDPS, les recherches qui s’imposaient ont immédiatement débuté afin d’établir l’authenticité des documents en question ou d’apporter la preuve qu’il s’agissait de faux. Après qu’il fût établi que le questionnaire avait bien été rédigé par le chargé d’enquête du DDPS et expédié sur son ordre, tous les documents ayant un quelconque rapport avec le questionnaire ont été réquisitionnés par la Dél CdG - toujours avec l’accord du conseiller fédéral Samuel Schmid - et mis sous scellés.

3. Les faits avérés

La Dél CdG s’était déjà adressée au Conseil fédéral en février 2002 ; d’une part, pour lui signaler qu’elle avait besoin elle aussi de certains éclaircissement concernant l’Afrique du Sud, et d’autre part, pour lui demander de prendre position sur l’opportunité d’une telle démarche et de sonder, au niveau pratique et juridique, les possibilités d’enquête directe en Afrique du Sud. Dans une première réponse, le Conseil fédéral s’est prononcé uniquement sur la question de l’opportunité politique du point de vue de la Confédération suisse, déconseillant à la Dél CdG de mener sa propre enquête en Afrique du Sud. La DGC a ensuite procédé à l’audition du représentant du DFAE, sur la base de laquelle elle a renouvelé sa demande au Conseil fédéral. Ce dernier n’a pas encore apporté sa réponse.

Ce n’est que plus tard que la Dél CdG a constaté que le DDPS avait été chargé par la Chancellerie fédérale de préparer la première réponse du Conseil fédéral. Dans un document interne en date du 21 février 2002, le DDPS soulignait que la Dél CdG ne disposait pas des compétences lui permettant d’agir à l’étranger, et rappelait que les éventuels contacts officiels avec l’Afrique du Sud devaient être pris par l’intermédiaire du DFAE. Dans ce document, le DDPS précisait par ailleurs qu’il s’agissait d’une « affaire de politique extérieure assez délicate » [trad.].

L’enquête actuellement lancée par la Dél CdG en relation avec le questionnaire Basson a permis de révéler les faits suivants :

 En sa qualité de chargé d’enquête du DDPS, M. Rainer Schweizer avait notamment procédé à l’audition du Dr. X, ancien président du conseil d’administration de Medchem AG. Or, rappelons qu’au début des années 90, Wouter Basson était lui aussi membre du conseil d’administration de Medchem AG, et qu’il entretenait des relations relativement étroites avec le Dr. X.. A l’occasion de cette audition, le chargé d’enquête du DDPS s’est informé auprès du Dr. X de la possibilité de faire parvenir par écrit une série de questions à Wouter Basson. Dans des circonstances qui restent à éclaircir, Rainer Schweizer a ensuite eu un premier contact téléphonique avec Wouter Basson qui se trouvait en Afrique du Sud.

 Le 7 août 2002, Wouter Basson a pris contact avec l’ambassade de Suisse à Pretoria. Il a déclaré avoir été joint par téléphone deux semaines auparavant par Rainer Schweizer qui lui a demandé un entretien en Suisse. Wouter Basson a alors expliqué qu’il était toujours en contact avec les Américains et qu’il ne souhaitait pas quitter l’Afrique du Sud à cette période. Il a enfin ajouté que le chargé d’enquête du DDPS lui avait proposé de lui faire parvenir une série de questions par l’intermédiaire de l’ambassade. L’ambassade de Suisse à Pretoria a immédiatement rendu compte de cet appel téléphonique au DFAE.

 Le 16 août 2002 a eu lieu à Berne une entrevue entre Rainer Schweizer et des représentants du DFAE. A cette occasion, le chargé d’enquête du DDPS a exprimé le souhait d’interroger certaines personnes en Afrique du Sud, ou de leur faire parvenir un questionnaire par l’intermédiaire de l’ambassade de Suisse à Pretoria. Les représentants du DFAE ont alors expliqué à Rainer Schweizer qu’une telle procédure n’était pas sans poser problème, étant donné, d’une part, qu’elle nécessiterait l’autorisation du pays concerné, et d’autre part, que la Suisse refusait ce genre de procédé de la part des Etats étrangers. Ils ont souligné que la Convention de Vienne ne permettait pas ce type d’interrogatoires, et que dans pareil cas il fallait donc demander une autorisation ad-hoc au pays concerné. Le chargé d’enquête du DDPS a rétorqué qu’il souhaitait attendre la réponse du gouvernement sud-africain à la demande officielle de la Dél CdG tout en acceptant l’aide proposée par le procureur sud-africain Anton Ackermann.

 Le 4 septembre, le secrétariat du DDPS a fait parvenir au Dr. X, à la demande du chargé d’enquête, la lettre d’accompagnement suivante (imprimée sur papier à en-tête du DDPS) :

"Monsieur,
M. W. Basson m’a téléphoné il y a environ trois semaines pour m’informer qu’il était disposé à fournir les renseignements demandés. Ne disposant pas de son adresse, je vous saurais gré de bien vouloir lui transmettre le questionnaire ci-joint afin qu’il puisse me le retourner dûment complété.
Secrétariat général du DDPS
Le chargé de l’enquête administrative du DDPS
sig. i.A. X.Y.
Rainer J. Schweizer
Annex : Questions to Wouter Basson"
[trad.]

 La lettre était rédigée en allemand, tandis que le questionnaire destiné à Wouter Basson contenait onze questions rédigées en anglais.

A la réception du questionnaire, Wouter Basson a pris contact avec l’ambassade de Suisse à Pretoria afin de se renseigner sur les motifs d’une telle procédure. Au cours d’une conversation téléphonique en date du 16 septembre 2002, un représentant du DFAE a (à nouveau) expliqué à Rainer Schweizer la problématique d’une telle procédure, à savoir le dépôt parallèle d’une demande officielle de la Dél CdG, le fait d’interroger la même personne et le viol de la souveraineté de l’Afrique du Sud par d’éventuels actes officiels dans un Etat étranger.

4. Bilan provisoire

Au stade actuel, la priorité de la Dél CdG réside dans la conservation des preuves. Il lui semble donc prématuré de se prononcer sur les conséquences que le questionnaire Basson pourrait avoir sur l’évolution non seulement de sa propre enquête mais également sur celle d’autres enquêtes. Etant donné que l’affaire liée au questionnaire Basson a été révélée par les médias et qu’elle est désormais publique, la Dél CdG juge opportun d’informer l’opinion sans tarder sur les mesures de conservation des preuves qu’elle a prises, afin de garantir que la vérité sera faite et d’éviter que ne se répandent des soupçons infondés.

La présente note d’information aux médias constitue l’unique document destiné à renseigner l’opinion publique. La Dél CdG ne répondra à aucune autre question concernant l’objet de son enquête et ne se prononcera plus officiellement. Le déroulement et les conclusions de l’enquête seront publiés dans son rapport final qui paraîtra au plus tard au printemps 2003.

En conclusion, il convient de noter qu’il n’appartient pas à la Dél CdG mais bien au chef du DDPS, et à lui seul, de définir les conséquences que cette affaire aura sur l’enquête administrative qu’il a lui-même ordonnée.

Source : Parlement suisse