Permettez-moi maintenant d’aborder le dossier de ces programmes d’armements mortels et de vous expliquer pourquoi ils constituent un danger réel et immédiat pour la région et pour le monde.
Premièrement, prenons les armes biologiques. Nous en avons souvent parlé ici. Afin de replacer les choses dans leur contexte, j’aimerais rappeler trois faits. Premièrement, vous vous souviendrez qu’il a fallu à l’UNSCOM quatre longues années, quatre années frustrantes, pour amener l’Irak à admettre qu’il détenait des armes biologiques. Deuxièmement, lorsque, en 1995, l’Irak a enfin admis être doté de ces armes, les quantités étaient énormes. Moins d’une cuillère à café de bacille du charbon en poudre, c’est très peu - à peu près ceci. À l’automne 2001, il a suffi de moins d’une cuillère à café de bacille du charbon dissimulé dans une enveloppe pour fermer le Sénat des États-Unis.
Cela a forcé plusieurs centaines de personnes à subir un traitement médical d’urgence et a tué deux employés des postes. Il a suffi de cette quantité, de cette petite quantité dissimulée dans une enveloppe.
L’Irak a déclaré 8.500 litres de bacille du charbon. Mais l’UNSCOM estime que Saddam Hussein a pu en produire 25.000 litres. Cette quantité, concentrée comme ceci sous forme de poudre, suffirait à remplir des dizaines de milliers de cuillères à café. Or, Saddam Hussein n’a même pas inventorié de façon fiable ne serait-ce qu’une seule cuillère à café de cette substance mortelle. Là est mon troisième argument, et il est crucial. Les Irakiens n’ont jamais inventorié les armes biologiques qu’ils ont reconnu avoir accumulées et dont nous savions qu’ils disposaient.
Ils n’ont jamais non plus rendu compte des substances organiques utilisées pour les fabriquer. Pas plus qu’ils n’ont inventorié les nombreuses armes remplies de ces substances, dont on sait qu’elles sont au nombre de 400. Il y a des preuves ; ce ne sont pas des conjectures. C’est la vérité, et il y a de nombreuses preuves à l’appui.
M. Blix a dit au Conseil de sécurité que l’Irak avait donné peu d’indices permettant de vérifier la production de bacille du charbon, et aucune preuve convaincante de sa destruction. Depuis que Saddam Hussein a expulsé les inspecteurs en 1998, nous avons amassé de nombreux renseignements indiquant que l’Irak continue de fabriquer ces armes, ce qui ne devrait surprendre personne.
L’un des éléments les plus préoccupants qui ressort de l’épais dossier que les services de renseignements ont accumulé sur les armes biologiques de l’Irak, est l’existence d’installations mobiles de production affectées à la mise au point d’agents biologiques.
Permettez-moi d’ouvrir pour vous ce dossier de renseignement et de partager avec vous ce que nous savons d’après des témoins oculaires. Nous avons des descriptions de première main d’usines de fabrication d’armes biologiques montées sur roue et sur rail.
Les camions et les wagons de chemin de fer se déplacent facilement et sont conçus de façon à échapper à la détection des inspecteurs. En l’espace de quelques mois, ces installations peuvent produire des quantités de poison biologique égales aux quantités totales que l’Irak prétendait avoir fabriquées durant les années qui ont précédé la guerre du Golfe.
Le programme irakien de production mobile a commencé au milieu des années 1990, mais, à l’époque, les inspecteurs de l’ONU n’avaient qu’une vague connaissance de tels programmes. On en a eu la confirmation plus tard, en 2000. La source est un témoin, un ingénieur chimiste irakien qui était à la tête de l’une de ces installations. Il était présent lors des cycles de production d’agents biologiques. Il était également sur place lorsqu’il y a eu un accident en 1998. Douze techniciens trouvèrent la mort après avoir été au contact d’agents biologiques.
Il a indiqué que lorsque l’UNSCOM était dans le pays en train de faire des inspections, la production d’agents biologiques commençait toujours le jeudi à minuit, parce que l’Irak pensait que l’UNSCOM ne viendrait pas inspecter le jour de prière des musulmans, du jeudi soir au vendredi en fin de journée.
Il a précisé que ce fait était important parce que les unités ne pouvaient pas être démantelées en plein milieu d’un cycle de production, lequel devait être achevé d’ici au vendredi soir, avant que les inspecteurs ne reviennent.
Ce transfuge vit à l’heure actuelle dans un autre pays, dans la certitude que Saddam Hussein le tuera s’il le retrouve. Son témoignage au sujet de ces installations mobiles de production a été confirmé par d’autres sources.
Il y a une deuxième source. Un ingénieur civil irakien à même de connaître les détails du programme a confirmé l’existence de structures mobiles installées dans des remorques.
Une troisième source, également bien placée pour savoir, a signalé que, durant l’été 2002, l’Irak avait fabriqué des systèmes mobiles de production installés dans des remorques de camions et dans des wagons de chemin de fer.
Enfin, une quatrième source. Un général irakien qui a fait défection a confirmé que l’Irak avait des laboratoires mobiles de recherche biologique en plus des installations de production que je viens de mentionner.
Nous avons fait un schéma d’après ce que les sources nous ont décrit de ces installations mobiles. Vous voyez ici deux installations mobiles montées sur un camion et sur un wagon de chemin de fer. Les descriptions que nous ont fournies nos sources au sujet des caractéristiques techniques de ces installations sont très détaillées et extrêmement précises.
Comme ces schémas, fondés sur leurs descriptions, vous le montrent, nous savons à quoi ressemblent les fermenteurs. Nous savons à quoi ressemblent les réservoirs, les pompes, les compresseurs et autres éléments. Nous savons comment ils sont assemblés, nous savons comment ils fonctionnent, et nous avons beaucoup appris au sujet des plateformes sur lesquelles ils sont montés.
Comme vous le voyez sur ce schéma, ces structures peuvent facilement être dissimulées - il suffit de les transporter dans des camions et dans des wagons anodins le long des milliers de kilomètres de routes et de voies ferrées de l’Irak, ou de les stationner dans un garage ou un entrepôt, ou encore quelque part dans le vaste réseau irakien de tunnels et de bunkers souterrains.
Nous savons que l’Irak possède au moins 7 de ces usines mobiles de fabrication d’agents biologiques. Celles qui sont installées dans des camions comprennent au moins 2 ou 3 camions chacune. Cela signifie que les installations mobiles de production sont peu nombreuses, peut-être 18 camions dont nous avons connaissance. Il y en a peut-être plus. Mais nous avons connaissance de 18. Imaginez la difficulté d’essayer de repérer 18 camions parmi les milliers de camions qui sillonnent les routes de l’Irak chaque jour.
Il a fallu quatre ans aux inspecteurs pour trouver que l’Irak fabriquait des agents biologiques. Combien de temps pensez-vous qu’il leur faudra pour trouver ne serait-ce que l’un de ces 18 camions si l’Irak ne fournit pas, comme il est supposé le faire, les informations concernant ce type d’installations ?
Mesdames et Messieurs,
Il s’agit là d’installations perfectionnées. Elles peuvent produire, par exemple, du bacille du charbon et de la toxine botulique. En fait, elles peuvent produire en un seul mois suffisamment d’agent biologique lyophilisé pour tuer des centaines de milliers de personnes. Un agent lyophilisé comme celui-ci est la forme la plus mortelle pour l’être humain.
Dès 1998, les experts de l’ONU ont conclu que les Irakiens avaient perfectionné les techniques de lyophilisation pour leurs programmes d’armement biologique. L’Irak a maintenant appliqué ce savoir-faire aux installations mobiles de production.
Nous savons, d’après les aveux précédents de l’Irak, qu’il a réussi à transformer en arme non seulement le bacille du charbon, mais aussi la toxine botulique, l’aflatoxine et le ricin. Mais les efforts de recherche de l’Irak ne se sont pas arrêtés là.
Saddam Hussein a fait des recherches sur des dizaines d’agents biologiques pouvant causer diverses maladies, telles que la gangrène gazeuse, la peste, le typhus, le tétanos, le choléra, la variole du chameau et la fièvre hémorragique. Il a également les moyens de mettre au point le virus de la variole.
Le gouvernement irakien a en outre mis au point des moyens de disperser des agents biologiques mortels à grande échelle et sans distinction, dans les réseaux d’alimentation en eau et dans l’atmosphère. Par exemple, l’Irak avait un programme de modification des réservoirs de carburant des chasseurs Mirage. Cette vidéo d’un vol d’essai irakien obtenue par l’UNSCOM il y a quelques années montre un chasseur irakien de type Mirage F-1. Observez le jet atomisé qui sort de sous le Mirage. Ce sont 2.000 litres de bacille du charbon factice que l’avion est en train de pulvériser.
En 1995, un officier de l’armée irakienne, Mujahid Saleh Abdul Latif, a dit aux inspecteurs que l’Irak avait l’intention de monter ces réservoirs à pulvérisation sur un MIG-21 qui avait été transformé en avion sans pilote. Des véhicules aériens sans pilote équipés de réservoirs à pulvérisation constituent une méthode idéale de lancer une attaque terroriste au moyen d’armes biologiques.
L’Irak a admis avoir fabriqué quatre réservoirs à pulvérisation, mais, à ce jour, il n’a fourni aucune preuve crédible de leur destruction, preuve pourtant exigée par la communauté internationale.
Il ne peut faire aucun doute que Saddam Hussein a des armes biologiques et qu’il a la capacité d’en produire rapidement beaucoup plus. Il a également la capacité de disperser ces poisons et ces maladies mortels de façon à causer des pertes et une destruction de grande ampleur.
Traduction française : Département d’État. Images du diaporama : Maison-Blanche.
Discours intégral du secrétaire d’État des Etats-Unis, Colin Powell, au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, le 11 février 2003 :
1 – Démenti et fraude (Denial and deception)
2 – Armes biologiques (Biological weapons)
3 – Armes chimiques (Chemical weapons)
4 – Armes nucléaires (Nuclear weapons)
5 – Missiles (Delivery systems)
6 – Terrorisme (Terrorism)
7 – Violation des droits de l’homme (Human rights violations)
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