(jeudi 19 avril 2001)

Présidence de Mme Marie-Hélène Aubert, Vice-présidente

Mme Marie-Hélène Aubert, Vice-présidente : Mesdames, Messieurs, Chers Collègues, je voudrais tout d’abord excuser le Président de notre Mission d’information, M. François Loncle, qui est actuellement en déplacement à l’étranger. Les deux auditions de ce matin revêtent une importance particulière eu égard au rôle qu’ont pu jouer aussi bien le général Nicolai que le colonel Karremans sur le terrain en juillet 1995 notamment.

Nous recevons pour commencer le général Cees Nicolai qui a eu une brillante carrière d’officier d’infanterie néerlandais et que je remercie d’avoir accepté de témoigner devant notre Mission d’information concernant ces événements de Srebrenica. Après avoir commandé un bataillon d’infanterie et avoir été adjoint au directeur du personnel de l’armée néerlandaise, il a été, de février à septembre 1995, chef d’état-major de la FORPRONU pour la Bosnie-Herzégovine dont le commandement était à Sarajevo.

Après avoir exercé différentes fonctions à l’état-major, il commande aujourd’hui la formation au sein de l’armée néerlandaise depuis 1998.

Nous tenons encore une fois à le remercier d’avoir accepté de témoigner. Je lui donne tout de suite la parole pour qu’il puisse exposer son point de vue sur ces événements. Ensuite, nous passerons aux questions avec nos collègues.

Général Cees Nicolai : Madame la Présidente, pour commencer, je déclarerai que je suis particulièrement heureux d’avoir la possibilité de pouvoir contribuer à éclaircir la situation de tous les événements autour de la chute de Srebrenica.

Je suis le général de division Nicolai. Dans la période du 28 février 1995 au 2 septembre 1995, j’étais, en tant que général de brigade, chef d’état-major du commandement de Bosnie-Herzégovine, appelé FORPRONU, à Sarajevo. Dans cette fonction, j’étais notamment responsable de la coordination des activités à l’intérieur de l’état-major de ce commandement. L’état-major était notamment chargé de fournir des avis au commandant de Bosnie-Herzégovine, qui était le général britannique Rupert Smith. Il fallait exécuter les missions, les instructions et les directives, c’est-à-dire mettre en _uvre les activités concrètes qui en résultaient.

En l’absence du commandant, ce commandement était en principe repris par le sous-commandant qui le suivait immédiatement en rang ; à l’époque, il s’agissait du général de division français Gobilliard. Une fois seulement, j’ai été, au cours d’une courte période, en mars 1995, en charge de ce commandement de Bosnie-Herzégovine en l’absence du général Smith et du général Gobilliard.

Je voudrais maintenant aborder la question de l’engagement de l’arme aérienne de l’OTAN pour la FORPRONU. Pour commencer, je dirai quelques mots quant aux procédures d’engagement de celle-ci.

L’arme aérienne peut être engagée de deux manières au cours d’une opération FORPRONU : d’une part, le Close Air Support (CAS), qui est l’appui aérien rapproché, d’autre part, les Air Strike, les frappes aériennes. L’autorisation d’engagement de cette arme devait être donnée aussi bien par l’OTAN que par l’ONU : c’est ce qu’on appelle la double clé.

Le soutien aérien rapproché, qui visait la protection des militaires de la FORPRONU, était exclusivement engagé à la demande du commandant des troupes, en tant que mesure de protection contre une attaque des Casques bleus par les parties combattantes. C’est un instrument proportionnel qui vise à éliminer une menace directe sans avoir d’effet d’escalade. Les frappes aériennes, au contraire, sont de nature punitive et offensive. Les objectifs en étaient sélectionnés à l’avance et les attaques devaient avoir lieu sur la base de calculs et de planification. Ces objectifs étaient des objectifs stratégiques, tels que les centres de commandement, de contrôle et de conduite des opérations (les centres C3), les ponts, les dépôts de munition, les postes de commandement, etc.

Je voudrais ajouter deux précisions sur ces points.

J’ai dit que le soutien aérien rapproché était un instrument proportionnel visant à éliminer une menace directe sans avoir d’effet d’escalade : je veux préciser que cette dernière restriction a été ajoutée le 11 juillet, c’est-à-dire que seuls des Smoking Guns ou bien des Hot Ballers pouvaient être attaqués. Dans la pratique, c’était pratiquement toujours le cas ; la mention de cette restriction a néanmoins été considérée comme une surprise par le quartier général de la FORPRONU.

Les frappes aériennes étaient généralement une conséquence de l’évolution des hostilités en un lieu donné. L’initiative n’en appartient pas au commandement local, qui est responsable de la protection de ses troupes, mais à des commandements supérieurs qui sont chargés de l’exécution du mandat et du respect des accords.

J’en viens maintenant à l’analyse des compétences quant à l’autorisation de l’exécution de ces attaques aériennes.

Les conclusions décevantes des frappes aériennes exécutées les 25 et 26 mai 1995, entraînant la prise d’otages de plus de 300 collaborateurs des Nations unies, amenèrent le général Smith, commandant de la FORPRONU, à publier le 29 mai 1995 un Post Air Strike Guidance (instructions consécutives aux frappes aériennes) qui définissait l’appui aérien rapproché et les frappes aériennes comme des outils de dernier recours. Il fallait éviter de mettre en danger les vies des militaires de l’ONU ou de courir le risque qu’ils soient pris en otage, particulièrement pour maintenir une position indéfendable. Dans ce cas précis, le commandant local pouvait juger que ces positions pouvaient être abandonnées.

Les directives ont été confirmées et reconfirmées par le commandant en chef de la FORPRONU, le général Janvier, le 2 juin et le 27 juin. Même si cette donnée ne ressort pas des instructions ou des directives écrites dont j’ai eu connaissance, les compétences permettant l’approbation de l’appui aérien ont été reportées à un niveau supérieur. L’approbation des frappes aériennes fut dès lors réservée au Secrétaire général des Nations unies, alors qu’elle revenait auparavant à son Représentant spécial à Zagreb, M. Akashi. L’approbation de l’appui aérien rapproché revint quant à elle à M. Akashi, alors qu’elle revenait jusqu’à cette date au commandant de la FORPRONU.

J’en viens maintenant de manière plus détaillée aux demandes d’appui aérien rapproché à Srebrenica, au mois de juillet 1995.

Dans la période du 6 au 11 juillet 1995, le colonel Karremans, commandant du Dutchbat stationné à Srebrenica, a demandé un CAS à plusieurs reprises, soit personnellement, soit par délégation. Ces demandes ont été faites soit oralement, soit par écrit par la voie hiérarchique, c’est-à-dire au commandement du secteur Nord-Est de la FORPRONU, à Tuzla, qui transmettait au QG FORPRONU à Sarajevo, ce dernier les envoyant, le cas échéant, au QG à Zagreb.

C’est le 6 juillet 1995, entre 1 heure et 2 heures de l’après-midi, que, pour la première fois, le commandant du Dutchbat a demandé un appui aérien rapproché, à la suite de tirs sur le poste d’observation Foxtrot et de tirs d’artillerie intenses dans la partie Sud de l’enclave de Srebrenica. Cette demande a été envoyée par le commandant en charge du secteur Nord-Est à Tuzla, le colonel Brantz, Néerlandais, à Sarajevo. L’état-major de la FORPRONU à Sarajevo estima que cette demande ne satisfaisait pas au critère de dernier recours mentionné dans le Post Air Strike Guidance et que, par conséquent, cette demande devait être rejetée, tout comme une telle demande fut rejetée au début du mois de juin dans des situations similaires, à Gorazde. Le commandant en charge de la FORPRONU, le général Gobilliard, a adhéré à ce jugement. Je ne me souviens pas à 100 % si ceci était avant ou après la décision. Bien que cette demande n’ait pas été transférée au QG à Zagreb, l’état-major de Zagreb a été informé qu’une telle demande avait été formulée et des motifs du rejet de cette demande. Il a également approuvé cette décision. Le rejet de cette demande m’a conduit à appeler personnellement le colonel Karremans afin de lui en exposer les motifs et de lui rappeler également les lignes directrices du Post Air Strike Guidance qu’il connaissait personnellement d’ailleurs. Dans la discussion qui s’en est suivie, le commandant du Dutchbat a suggéré une Air Presence, c’est-à-dire une présence aérienne sans attaque aérienne. J’ai également refusé cette suggestion.

Le 7 juillet 1995, pour autant que je me souvienne, était un jour particulièrement calme car les conditions météorologiques étaient mauvaises. Il y avait certes quelques tirs d’artillerie, mais pas d’attaque de positions de la FORPRONU.

La deuxième demande d’appui aérien qui est parvenue au QG FORPRONU a été formulée le 8 juillet par le commandant du Dutchbat, après un tir direct sur le poste d’observation Foxtrot par les forces serbes. Comme il était encore possible de quitter ce poste d’observation afin de mettre en sécurité le personnel, l’état-major de la FORPRONU a recommandé cette option, mais, cette fois-ci, il a été proposé une présence aérienne de l’OTAN. Après approbation par le général Gobilliard et conformément à cet avis, il a été décidé de demander une présence aérienne à 13 heures 15 environ. Lors du retrait des soldats du Dutchbat de ce poste d’observation, leur véhicule a été attaqué par les forces musulmanes, ce qui a coûté la vie à un soldat néerlandais. Tous ces événements tragiques se trouvent rapportés dans un rapport envoyé au quartier général de Zagreb et j’en ai discuté personnellement avec le commandant en chef adjoint à Zagreb.

A la fin de cette journée, on pensait à tous les niveaux de l’ONU que l’attaque par les forces serbes ne concernait ou ne visait pas la prise de toute l’enclave, mais seulement la maîtrise du point Sud de cette enclave, étant donné qu’il y avait là une route très importante pour le ravitaillement.

Le 9 juillet, la situation autour du point Sud de l’enclave n’a fait qu’empirer. Cinq postes d’observation furent attaqués et, dans trois d’entre eux, le personnel a été obligé de quitter les lieux. En effet, étant donné les événements de la veille, le personnel décida de se rendre aux forces serbes plutôt que de risquer un retour vers la base, à Srebrenica, et une confrontation avec les forces bosniaques.

A la demande du QG à Zagreb, on a commencé à rassembler des informations sur les objectifs susceptibles d’être visés au cas où un appui aérien rapproché devrait être déployé. A la fin de l’après-midi, les troupes serbes avaient progressé vers le Nord de l’enclave de Srebrenica sur une profondeur de quatre kilomètres, c’est-à-dire à un kilomètre de la petite ville de Srebrenica elle-même.

En début de soirée, le chef d’état-major des forces armées néerlandaises chargé des opérations, le général de division van Kolsteren, m’appela pour m’informer que le général Janvier, commandant en chef de la FORPRONU, avait de graves objections contre le déploiement de l’arme aérienne alors que la FORPRONU n’avait pas utilisé d’armes à un niveau inférieur.

Le commandant de la FORPRONU fut chargé d’instruire le Dutchbat de prendre une position de blocage (Blocking Position) au Sud de Srebrenica, qui serait chargée de riposter en cas d’attaque, ce qui aurait entraîné le déclenchement d’un appui aérien rapproché. A ce stade, une demande écrite en vue d’un appui aérien rapproché fut préparée avec des informations relatives aux objectifs et envoyée à Zagreb, afin de réduire au minimum le temps de réaction au cas où la décision serait prise. Dans le même temps, j’ai eu une conversation téléphonique avec le général de brigade Tolimir, membre des forces armées serbes, à 17 heures 50 environ, au cours de laquelle j’exigeai le retrait des forces serbes vers la ligne de démarcation déterminée. A 19 heures 30, j’ai à nouveau appelé le général Tolimir afin de l’informer oralement de la formation d’une position de blocage. J’ai à nouveau exprimé l’exigence de retrait vers la limite de la zone démilitarisée et l’ai averti qu’en cas d’attaque de cette position, un appui aérien rapproché serait exécuté par les forces de l’OTAN. L’ordre de la FORPRONU relatif à la mise en place d’une position de blocage a été confirmé par écrit puis envoyé au quartier général des forces serbes, à Pale. Les différents niveaux de commandement (Tuzla, Potocari) ont été informés de cet échange d’informations avec les forces serbes. Le commandant du Dutchbat a été chargé de donner au personnel de la position de blocage autant d’armes anti-chars que possible.

Je tiens à souligner avec force que l’objectif de la création de cette position de blocage n’était pas tout à fait comparable à celui qui préside habituellement à l’institution d’une position de blocage. Normalement, lorsqu’il ne s’agit pas d’opération de maintien de paix, mais d’une mission de combat, une position de blocage est en fait une position où l’on prépare la formation, ce qui ne se fait pas avec des véhicules peints en blanc. Au contraire, les véhicules sont enterrés autant que possible pour offrir une protection maximale. Tout ceci doit également être protégé par des obstacles, de sorte que l’on puisse ensuite envisager un combat défensif. Dans le cas particulier de Srebrenica, la position de blocage visait à créer une situation où la FORPRONU serait attaquée, de sorte qu’il puisse être question d’autoprotection et que l’on puisse satisfaire à une condition essentielle permettant l’engagement d’un appui aérien rapproché.

Le lundi 10 juillet au matin, à 3 heures 30, instruction est donnée de mettre en place cette position de blocage. Cette mission est exécutée avec 6 blindés, 50 personnes, 2 armes anti-chars de moyenne portée, de type Dragon, et différentes armes anti-chars de courte portée. De surcroît, les guideurs au sol (Forward Air Controllers) se mettent en position près d’une des routes d’accès et près du poste d’observation Bravo.

Dans la matinée, il se révèle que les forces serbes ne se retirent pas et que les tirs reprennent. Vers 18 heures 30, l’attaque vers Srebrenica se poursuit. On tire au-dessus de la position de blocage ; des grenades et des mortier de 80 mm sont également utilisés. Le commandant du Dutchbat demande un appui aérien. Satisfaisant à toutes les conditions permettant le déploiement de l’appui aérien rapproché, la demande est immédiatement envoyée, via la voie hiérarchique, au commandement, à Zagreb.

La prise de décision à Zagreb prend beaucoup de temps et c’est à 21 heures 30 environ que le général Janvier, commandant de la FORPRONU, décide qu’il n’y aura pas d’appui aérien rapproché ce soir-là, au motif que l’obscurité rendrait difficile la détection des objectifs et que, par conséquent, il serait difficile de distinguer au sol entre les troupes de la FORPRONU, les forces serbes et les forces musulmanes. Mais il était acquis qu’à partir du lendemain matin 6 heures, les forces aériennes OTAN seraient en vol près de Tuzla, ce qui ouvrait la possibilité de les faire intervenir immédiatement sur le théâtre si l’attaque par les forces serbes devait se poursuivre.

La matinée du 11 juillet commence dans une situation très confuse. Pour des raisons qui n’ont jamais été véritablement éclaircies, le commandant du Dutchbat supposait à tort qu’à partir de 7 heures, il y aurait des frappes aériennes massives sur des objectifs définis dans et autour de l’enclave. Mais, puisque seul un appui aérien rapproché avait été accepté et que celui-ci ne pouvait être exécuté qu’à la demande du commandant local, rien ne s’est passé.

Lorsque le colonel Karremans vit que rien ne se passait, il formula à nouveau une demande d’appui aérien rapproché. Cette demande atteignit le QG de la FORPRONU à Sarajevo à 10 heures 30 environ. Après de courtes discussions, elle est envoyée vers 10 heures 45 au QG de la FORPRONU à Zagreb. Malheureusement, juste avant, et avec l’accord de la FORPRONU, il avait été accepté que les avions de l’OTAN retournent vers leur base en Italie en vue d’un ravitaillement. Après que cette demande fut parvenue au QG de Zagreb, le QG de l’OTAN à Naples fut contacté pour lui demander d’accélérer le ravitaillement des avions au sol et de les faire partir aussi rapidement que possible.

A 12 heures 15 environ, le QG de la FORPRONU est informé que le Représentant spécial de l’ONU, M. Akashi, approuve cette nouvelle demande d’appui aérien rapproché. Cette autorisation est assortie d’une restriction stipulant que seules les troupes attaquant la FORPRONU ou les forces dont il était constaté qu’elles tiraient sur l’enclave pouvaient être attaquées, ce qui revenait à mettre en _uvre le principe du Smoking Gun. Je me souviens qu’au sein du QG de la FORPRONU, nous étions quelque peu surpris de cette restriction.

A 14 heures 30 environ, arrivent les avions de l’OTAN, au nombre de 18, dans l’espace aérien au-dessus de Srebrenica. Pour autant que je sache, 2 appareils néerlandais et américains ont été déployés trois fois pour l’attaque des objectifs au sol. Les autres avions ne devaient que fournir un appui aérien ou aider au ravitaillement en vol. Etant donné que le terrain est très accidenté, avec beaucoup de forêts, les pilotes avaient de grandes difficultés à identifier les objectifs. Seules 2 bombes ont été lancées, occasionnant des dégâts limités ; 2 véhicules furent neutralisés.

A 16 heures 15 environ, j’ai eu un contact téléphonique avec le général de brigade Gvero, général des forces serbes, qui était à Pale, lors duquel je l’informe des motifs du déploiement de cet appui aérien rapproché et j’exige une fois de plus qu’il mette fin aux attaques. Le général Gvero nie les attaques contre la FORPRONU et la population civile et me menace en déclarant que, si les attaques aériennes ne sont pas arrêtées, les conséquences sur les troupes de la FORPRONU et sur la population civile seraient de ma responsabilité.

Entre-temps, des milliers de réfugiés musulmans, essentiellement des femmes et des enfants, se rassemblent sur la base du Dutchbat à Potocari, se trouvant donc dans une situation particulièrement vulnérable. Peu de temps après, le QG de la FORPRONU est informé que les forces serbes menaçaient d’attaquer le Dutchbat à Potocari, de même que l’environnement immédiat. Ceci pouvait entraîner un bain de sang, et notamment de nombreuses victimes civiles. Etant donné que la petite ville de Srebrenica était tombée entre les mains des forces serbes et, après une brève discussion avec le général Gobilliard, il a été décidé de mettre fin à ces attaques aériennes qui étaient devenues inutiles et comportaient des risques énormes pour la population locale. Il a donc été demandé d’arrêter ces attaques aériennes vers 16 heures 35.

Je voudrais en guise de conclusion faire les remarques suivantes.

Lorsque j’évalue ces événements avec un peu de recul, je suis toujours d’avis qu’au départ, les forces serbes ne pensaient conquérir que le point Sud de l’enclave et, éventuellement, réduire l’enclave en éliminant les postes d’observation, comme on l’avait constaté à Gorazde au mois de juin. Je fonde cet avis sur l’évolution très lente des attaques - chaque fois, on avançait d’un pas - mais je n’ai pas de preuve formelle pour étayer cette supposition. De surcroît, je suis d’avis que, s’il y avait eu une action rapide et forte des troupes ONU pour réagir aux attaques des forces serbes, avec notamment le recours à un appui aérien, on aurait pu éviter cette débâcle. Les restrictions qui avaient été imposées quant au déploiement de l’arme aérienne ont empêché ceci.

Je vous remercie de votre attention et suis bien entendu disposé à répondre à vos questions.

M. François Léotard, Rapporteur : Merci, Mon Général, pour la probité et l’exactitude des informations que vous avez bien voulu nous fournir.

Je voudrais vous poser quatre questions.

Premièrement, dans l’exercice de vos fonctions, comment avez-vous analysé l’absence de véritables combats de la part des forces bosniaques musulmanes ? Aviez-vous été informé du départ de Naser Oric de la zone de Srebrenica ? Selon vous, que pouvait signifier ce départ dans l’esprit du Gouvernement de Sarajevo ?

Deuxièmement, serait-il possible, selon vous, d’obtenir les documents écrits que vous avez mentionnés relatifs au circuit Srebrenica-Tuzla-Sarajevo-Zagreb pour les demandes de frappes aériennes, puisque tel est le circuit que vous avez décrit ? Vous avez dit qu’il était parfois oral, ce que l’on comprend très bien, et parfois écrit. Y a-t-il des documents écrits, notamment pour les demandes du colonel Karremans ? Peut-on retrouver ces documents ?

Troisièmement, à un moment, dans votre intervention, vous avez évoqué la présence des forces aériennes de l’OTAN à Tuzla. Pouvez-vous préciser cette question ?

En dernier lieu, connaissiez-vous le général Obrenovic qui vient d’être arrêté ? Avez-vous été sollicité par le Tribunal pénal international pour témoigner sur les exactions qu’il a commises ? Pouvez-vous nous dire quelle position hiérarchique il occupait par rapport au général Mladic dans l’exécution des massacres ?

Général Cees Nicolai : Pour commencer par votre dernière question, je ne connais pas M. Obrenovic et, par conséquent, je ne sais pas quel fut son rôle sous l’autorité du général Mladic. Dans mon témoignage au Tribunal, je n’ai fait aucune déclaration en ce qui le concerne.

Quant à la mise à disposition de documents écrits qui concernent ces demandes d’appui aérien, je ne suis pas en mesure de répondre à votre demande car ils ne sont pas en ma possession. Il faudra vous adresser aux instances de l’ONU qui doivent certainement disposer d’exemplaires.

Pourquoi une présence aérienne, le 11 juillet, dans la matinée, au-dessus de Tuzla ? Effectivement, ce n’était pas habituel. Normalement, les avions de l’OTAN circulaient, pour des raisons de sécurité, au-dessus de la mer Adriatique et ce n’est qu’après la demande d’appui aérien qu’ils survolaient l’espace aérien du territoire bosniaque. Cette mesure était notamment liée au souvenir de l’avion américain qui avait été descendu par un missile. S’agissant de Srebrenica, il avait été accepté que les avions soient déjà dans l’espace aérien au-dessus de Tuzla, à cinq minutes de vol de Srebrenica, afin de réduire le temps d’attente ou de réaction.

Quant à votre question sur l’absence de véritable combat au sein de l’enclave, je ne la comprends pas tout à fait, peut-être pourriez-vous la préciser. C’était effectivement un point d’inquiétude au cours des premières attaques sur le poste d’observation Foxtrot. Je comprends parfaitement la réaction des effectifs de Foxtrot, peu nombreux et pratiquement pas armés - 1 véhicule blindé et 1 arme anti-chars. Je comprends très bien ce manque de résistance, étant donné que cela n’aurait servi à rien, sauf bien entendu au maintien de ce poste d’observation.

A un stade ultérieur, lorsque l’enclave fut attaquée et que les forces serbes ont pénétré dans cette enclave, je comprends très bien la position du général Janvier : fallait-il faire tout de suite appel à l’appui aérien, arme de dernier recours, sans avoir recouru auparavant à des armes de niveau inférieur ? C’est la raison pour laquelle mission fut donnée de mettre en place une position de blocage et que les troupes FORPRONU ont été chargées de riposter.

M. François Léotard, Rapporteur : Mon Général, je crois que nous nous sommes mal compris. Je ne parle en aucune manière de la " non-résistance " des soldats néerlandais. Je parlais des informations qui pouvaient être les vôtres sur le départ de Naser Oric qui était le chef des forces bosniaques musulmanes à l’intérieur de l’enclave et de la " non-résistance " des forces bosniaques, composées de plusieurs milliers d’hommes, qui étaient à l’intérieur de l’enclave. A votre avis, selon vos éléments d’information, cela signifiait-il une volonté de laisser l’enclave à son triste sort, c’est-à-dire la prise par les Serbes ? Quelle est l’interprétation que vous faites de ce départ et de cette non-belligérance - terme sans doute un peu fort - des forces bosniaques à l’intérieur de l’enclave ? Elles étaient armées, c’étaient des soldats, des unités de l’armée bosniaque soumises au Gouvernement de Sarajevo.

Général Cees Nicolai : Je comprends beaucoup mieux votre question maintenant. Effectivement, j’ai été informé à un moment du départ de Naser Oric, mais pas du fait qu’il ne soit pas retourné dans l’enclave. Ceci aurait pu être une indication que quelque chose était en train de se préparer, mais ce ne sont que des spéculations.

Nous avons tenté de parvenir à un accord avec les troupes musulmanes afin de les entraîner à se défendre, notamment en vue de la protection des territoires qui n’étaient pas protégés par les forces de l’ONU. Mais les forces musulmanes avaient perdu leur confiance dans la possibilité de faire défendre le territoire par les forces de la FORPRONU. Il était même question d’envoyer des grenades sur la FORPRONU, d’attaquer les forces de l’ONU. La mort du soldat néerlandais Raviv Von Renssen le 8 juillet fut une conséquence de ces attaques. Le retrait des forces de la FORPRONU était retardé ou empêché par ces forces armées bosniaques. La situation était donc extrêmement mauvaise.

Le 10 juillet, la FORPRONU n’était pas informée du fait qu’ils avaient déjà abandonné l’idée de protéger l’enclave. Ce n’est que, lorsque, dans la nuit du 10 au 11 juillet, il est apparu que les soldats musulmans, mais également des milliers d’hommes, essayaient de quitter cette enclave, que nous avons compris qu’il ne fallait pas compter sur l’aide de ces personnes pour protéger l’enclave.

Mme Marie-Hélène Aubert, vice-présidente : Cela dit, les questions et les réponses sur la résistance du bataillon hollandais ne manquent pas d’intérêt non plus.

M. François Lamy, Rapporteur : Merci, Mon Général. J’ai cinq questions à vous poser.

Tout d’abord, même si, durant votre mandat, vous apparteniez à la chaîne de commandement de l’ONU, je voudrais savoir si vous aviez des contacts avec l’état-major néerlandais ou avec le Gouvernement néerlandais. Si oui, plus particulièrement dans la période du 6 au 11 juillet, avez-vous eu des contacts avec votre état-major et quelle était la nature des contacts que vous avez eus à ce moment-là ?

Ma deuxième question concerne les demandes d’appui aérien formulées les 6 et 8 juillet, puisque vous savez qu’existe une controverse. Nous avons bien compris que, certaines fois, elles étaient orales, et d’autres fois, écrites. J’ai cru comprendre que, en l’occurrence, ces demandes étaient écrites et qu’elles avaient été transmises à Zagreb. Le général Janvier affirme que ces demandes ne lui sont pas parvenues. Je voulais savoir si vous avez une explication sur les raisons pour lesquelles, les 6 et 8 juillet, il semble qu’il y ait eu une défaillance dans les transmissions des demandes d’appui aérien.

Ma troisième question concerne la présence sur place de contrôleurs aériens. On a parlé de contrôleurs britanniques qui auraient disparu pendant les événements. Le Ministre de la Défense néerlandais nous a fait part, la semaine dernière, de la présence de contrôleurs aériens néerlandais. Pouvez-vous confirmer cette information ?

Une quatrième question sur la matinée du 11. Vous nous dites que, pour des raisons inexplicables, le colonel Karremans - on aura l’occasion de lui poser la question tout à l’heure - croit à des frappes aériennes massives. Avez-vous une explication sur ce point ? Pourquoi le colonel Karremans croit-il, à ce moment-là, à des attaques aériennes massives et pourquoi abandonne-t-il alors la position de blocage ? Sur la foi de quelles informations prend-il cette décision ? Je suppose en effet qu’un officier d’expérience comme le colonel Karremans ne change pas tout à coup de position, sans avoir, eu au préalable des informations fiables ou précises.

Enfin, dernière question, avez-vous eu des contacts avec le général Rupert Smith durant cette période, puisque l’on sait qu’il était en vacances ? Si non, estimez-vous normal qu’il n’y ait pas eu de contact entre l’état-major de la FORPRONU à Sarajevo et le général Smith ?

Général Cees Nicolai : Quels furent mes contacts avec les différents états-majors aux Pays-Bas ? Tout comme mes collègues d’autres nationalités qui avaient des postes clés aux Nations unies, j’avais des contacts quasi quotidiens avec mes autorités nationales. Dans mon cas, pratiquement tous les jours, j’avais des contacts avec l’état-major opérationnel, avec le chef d’état-major de l’armée de Terre et également avec le centre de gestion de crise au sein de l’état-major de la défense. Il pouvait d’ailleurs s’agir de plusieurs contacts par jour en fonction des événements. Mais ces contacts visaient simplement à informer les autorités néerlandaises de l’évolution de la situation : il n’y avait pas de ligne de commandement ou de chaîne de commandement avec les autorités militaires néerlandaises.

J’en viens maintenant à votre question sur le fait que le général Janvier n’aurait pas reçu les demandes d’appui aérien des 6 et 8 juillet. Comme je vous l’ai déjà dit, ces deux demandes n’ont pas été transmises à Zagreb. Néanmoins, le 6 aussi bien que le 8, et je me réfère à ma conversation téléphonique avec le général Ashton, commandant en second de la FORPRONU, j’ai bien informé Zagreb de ces demandes et indiqué les raisons pour lesquelles cette demande d’appui aérien avait été refusée. Je sais que le général Janvier a passé une partie du week-end à Genève pour une discussion très importante. Je ne sais pas dans quelle mesure son état-major l’a informé, de Zagreb, de l’évolution des choses. Il faudrait peut-être le demander à ses collaborateurs au sein de l’état-major.

Votre troisième question concerne le déploiement des contrôleurs aériens avancés (Forward Air Controllers). Les guideurs au sol qui ont été impliqués dans la position de blocage étaient des soldats d’origine néerlandaise. Etant donné qu’au début, une partie de ces contrôleurs aériens n’arrivaient pas à résister au stress, d’autres contrôleurs avancés ont repris leur tâche qui, eux, provenaient des forces spéciales néerlandaises.

Quant à savoir pourquoi le colonel Karremans s’attendait à des attaques aériennes massives le 11 juillet, je tiens à préciser que ceci n’a toujours pas été explicité à ce jour, ni même au cours de discussions que nous avons pu avoir par la suite. Plusieurs facteurs ont pu jouer : le très grand nombre d’avions présents au-dessus de Tuzla - une quarantaine - ; le fait qu’il avait été demandé de rassembler et de transmettre autant d’informations que possible quant aux objectifs. C’était le souhait du colonel Karremans qui avait dit : " S’il devait y avoir un appui aérien rapproché, attaquez tous les objectifs qui, pour moi, sont menaçants car, de toute évidence, à la suite d’une attaque aérienne, des mesures seront prises par les forces serbes, notamment sur la population civile. " Au total, l’impression a pu être donnée qu’on avait l’intention d’aller au-delà de l’appui aérien renforcé ; c’est une hypothèse personnelle. Je vous recommande de poser la même question au colonel Karremans, afin qu’il puisse vous donner sa vision des choses.

Pourquoi les position de blocages ont-elles été abandonnées ? Pour autant que je sache, elles n’ont été abandonnées qu’au début de l’après-midi du 11 juillet, après avoir été attaquées par les forces serbes. Elles se trouvaient dans une situation tout à fait intenable. Lorsque vous avez des véhicules blancs, vous n’êtes pas vraiment en mesure de maintenir votre position longtemps.

Quant à votre dernière question sur les contacts avec le général Rupert Smith pendant ses vacances, il était habituel que le général Smith, pendant ses vacances, charge le colonel Baxter, son assistant, qui restait à l’état-major du QG, de l’informer régulièrement de l’évolution de la situation. Je sais qu’au cours de cette période précise, le colonel Baxter était présent à l’état-major et qu’il a appelé le général Smith plusieurs fois. Combien ? Je ne le sais pas.

M. Pierre Brana : J’aurais également cinq questions à vous poser.

S’agissant tout d’abord des demandes d’appui aérien, vous avez dit tout à l’heure qu’il faudrait s’adresser à l’ONU pour avoir les traces éventuelles de ces messages. Toutefois, en lisant le rapport de Kofi Annan, on ne peut qu’être surpris du nombre de messages indiqués comme perdus et n’arrivant pas à leur destinataire. Cela fait un peu froid dans le dos, à une époque où les moyens technologiques sont très développés, de voir ainsi des messages importants qui n’arrivent pas à destination. Avez-vous une explication sur tous ces messages que l’on n’a pas retrouvés et qui ne sont pas arrivés à destination, si l’on en croit le rapport de Kofi Annan ?

Par ailleurs, aviez-vous eu des informations sur le projet d’attaque de Srebrenica par les Serbes ? Plus généralement, d’où vous arrivaient les renseignements d’ordre militaire, puisqu’il n’y a pas de services de renseignement militaire de l’ONU ? Quels étaient les services qui vous fournissaient les renseignements indispensables pour votre action ?

Vous avez dit tout à l’heure que vous n’aviez pas eu de contacts avec le lieutenant colonel Obrenovic qui vient d’être arrêté. Avez-vous eu des contacts avec le général Mladic ou avec d’autres responsables serbes ? Quelle appréciation portez-vous sur ces différents responsables militaires, sur leur état d’esprit ou encore sur la manière dont ils pouvaient répondre aux questions que vous posiez ?

Tout à l’heure, vous avez évoqué l’absence de résistance des troupes bosniaques. Ceci dit, ces troupes bosniaques n’avaient pas d’armes lourdes puisque l’embargo jouait à cette époque. Ne croyez-vous pas que c’est justement cette absence d’armes lourdes qui explique en grande partie le fait qu’elles n’aient pas résisté ?

Enfin, je voudrais vous poser une question un peu abrupte, mais à laquelle un militaire a la possibilité de répondre. Aujourd’hui, avec le recul, pensez-vous que la tragédie de Srebrenica pouvait être évitée ? En tant que militaire, pensez-vous qu’il était possible de défendre Srebrenica et d’éviter cette tragédie ? Autrement dit, si c’était à refaire, que feriez-vous ?

Général Cees Nicolai : S’agissant de la disparition éventuelle de messages, je n’ai pas été informé que des demandes d’appui aérien auraient disparu. Qu’elles n’aient pas été transmises au quartier général de la FORPRONU à Zagreb, ayant été refusées au niveau de Sarajevo, certes. Ces demandes auraient dû être gardées dans les archives des troupes de la FORPRONU à Sarajevo, mais je n’ai jamais vérifié après coup si ces messages avaient effectivement été gardés. Pour ce qui est des 4 demandes d’appui aérien ayant atteint la FORPRONU à Zagreb, je ne pense pas qu’il y ait eu de problèmes d’ordre technique qui auraient empêché la transmission de ces demandes. A une exception toutefois, dont j’ai eu connaissance ultérieurement : dans la matinée du 11 juillet, il y aurait eu des problèmes avec les fax du QG de Tuzla qui auraient rendu plus difficile la transmission des listes d’objectifs. C’est la seule difficulté technique dont j’ai été mis au courant plus tard. Il y a eu des situations, certes, où les liaisons dépendaient des conteneurs où nous _uvrions ; il est évident que, pour ce type de transmission avec les satellites, on pouvait avoir des difficultés dues soit au vent, soit à la météo. Mais je n’ai eu connaissance que du cas que je viens de vous citer.

Quant à votre deuxième question, j’y réponds par l’affirmative : il y avait eu des indications préalables quant à une attaque éventuelle sur Srebrenica. Je me souviens qu’au début du mois de juin, le colonel Karremans avait envoyé un rapport de situation aux instances supérieures de l’ONU ainsi qu’aux Pays-Bas. Il y mentionnait que le ravitaillement était stagnant et que sa préparation opérationnelle ne pouvait pas être assurée de manière satisfaisante. Dans ce même rapport, il indiquait qu’il y avait des concentrations de troupes des forces serbes près de l’enclave de Srebrenica. Il en concluait qu’il se pouvait qu’une attaque se prépare.

L’interprétation de cette information au niveau de la FORPRONU à Sarajevo fut que, certes, il pouvait peut-être avoir raison, mais qu’il s’agirait d’une attaque ayant un objectif assez limité, c’est-à-dire la conquête du point Sud de l’enclave ou la réduction de la dimension de l’enclave.

Cette information a néanmoins conduit le général Smith à faire faire une évaluation complète de la situation par son état-major. Je me souviens qu’une réunion a rassemblé beaucoup d’instances pouvant disposer d’informations quant à la présence des forces serbes autour de cette région ; je pense à des observateurs, au personnel de la commission pour les réfugiés des Nations unies, à la présence des organisations non gouvernementales, aux sources d’information militaires. Nous nous fondions également très souvent sur des informations qui étaient mises à disposition par l’OTAN, mais ces informations devinrent vraiment très sommaires pendant la période des mois de juin et juillet. C’est à la suite de l’attaque de l’avion américain par un missile serbe que toutes ces informations devinrent très limitées. Or, les Nations unies n’avaient pas d’autres moyens de se renseigner : elles n’avaient pas d’avions sans pilote ni d’autres sources et moyens d’information ou de renseignement. De ce fait, les informations quant à la présence des forces serbes étaient très sommaires.

Vous me posez la question de savoir quels étaient les contacts avec un certain nombre de généraux serbes. J’ai eu de nombreux contacts avec le général Mladic. A l’exception d’un cas, tous ces contacts ont été des contacts soit téléphoniques, soit écrits. Le seul jour où je l’ai rencontré physiquement se situe le 21 juillet 1995, lors du départ de Dutchbat de l’enclave de Srebrenica. Je ne fonde pas mon jugement sur le général Mladic sur cette seule et unique fois où je l’ai rencontré, mais je le fonde sur ses actes pendant toute la période où j’occupais cette fonction au sein de la FORPRONU, ainsi que sur les nombreux contacts téléphoniques que j’ai pu avoir avec lui. Au vu du bain de sang qui a été occasionné par sa responsabilité, je le considère sans aucune restriction comme un criminel de guerre sans foi ni loi. Je le juge également comme quelqu’un d’autoritaire, qui contrôle tout, très colérique et qui ne laisse rien passer. Cependant, lors de ma rencontre avec lui, j’ai eu l’impression que, malgré son attitude très autoritaire, il était néanmoins assez populaire auprès de ses effectifs.

J’ai eu de nombreux contacts avec le général Milanovic qui était, d’après moi, son bras droit. Très peu de temps après mon arrivée, je l’ai rencontré physiquement. Il disposait de compétences plus importantes que les autres généraux serbes auxquels j’ai eu affaire et était, en dehors de Mladic, le seul autorisé à prendre des décisions. On sait également que Milanovic était utilisé par Mladic pour faire le diagnostic des éventuels problèmes qui se présentaient.

Mes contacts avec les généraux Tolimir et Gvero ont été moins fréquents. Le général Tolimir semble être l’homme qui, étant donné sa formation juridique, était notamment utilisé lorsqu’il était question de négociations. Toutefois, à cause de l’évolution de la situation militaire, il n’y a pratiquement pas eu de telles négociations et je n’ai donc eu le général Tolimir que quelquefois au téléphone. Au cours de ces conversations téléphoniques, je me rendais compte qu’il était toujours obligé d’en référer au général Mladic. Ceci était d’autant plus vrai pour le général Gvero à qui je n’ai parlé qu’à la fin de la période et qui était chargé de prendre le poste de commandement à Pale. Sur les autres dirigeants, commandants ou représentants des forces serbes, je n’ai pas de jugement précis. Lorsqu’ils étaient accusés de quelque chose, leur réaction habituelle était de tout nier.

La non-résistance des soldats bosniaques était-elle due au manque d’armes lourdes ? Je pourrais adhérer à cette hypothèse. Le point de rassemblement des armes lourdes, où se trouvaient encore quelques armes lourdes, pouvait certes être utilisé par les troupes bosniaques peu de temps avant l’attaque de l’enclave. Mais pour avoir vu les stocks d’armes présents à Srebrenica, je peux témoigner qu’il ne s’agissait pas vraiment d’un arsenal très dissuasif. Cela n’aurait pas fait une grande différence. Le commandement - et vous avez parlé de Naser Oric - manquait. Ceci est certainement également un facteur non négligeable pouvant expliquer le manque de combat ou d’aptitude au combat des forces musulmanes pour défendre l’enclave.

La dernière question que vous posez sur le point de savoir si la tragédie de Srebrenica aurait pu être évitée est beaucoup plus difficile.

Je vous ai déjà dit qu’un appui aérien au début des événements aurait pu changer les choses. Il n’en demeure pas moins que, lorsque le processus de prise de décision concernant la défense de Srebrenica a été mis en place, il s’appuyait sur la présence de 7 600 hommes pour défendre cette enclave longue de 50 kilomètres. Or, le Dutchbat comportait 600 hommes ; plus encore au moment de l’attaque, il n’y en avait plus que 350 soldats, ceux qui étaient partis en vacances n’ayant pu bénéficier d’une autorisation de retour. En outre, parmi ces 350 militaires, il faut comprendre qu’une partie était des cuisiniers, des aides-soignants, des infirmiers. Il ne s’agissait donc pas d’une armée impressionnante pouvant véritablement défendre l’enclave, sans compter le fait que le Dutchbat n’avait pas d’armes lourdes de longue portée. Evidemment il avait des mortiers, mais, lorsque vous n’avez pas d’armes lourdes, lorsque vous n’avez pas non plus les détecteurs d’objectifs ou les instruments d’acquisition d’objectifs, il est évident que la force adverse a l’impression qu’elle peut vous attaquer sans risquer de se heurter à une véritable défense. Alors, que faire dans ces conditions, sinon observer, informer et demander un appui aérien ? La défense de l’enclave n’aurait été possible que s’il y avait eu suffisamment de soldats et d’armes lourdes au sein de l’enclave. Nous avons au moins tiré une leçon de cette situation. Ainsi, à l’automne 1995, les conditions étaient totalement différentes : les instructions étaient précises, le mandat également, de même que les règles d’engagement ; les forces disposaient en outre de moyens lourds suffisants pour obliger les parties à trouver un accord. Il s’agissait là d’imposition de la paix (Peace Enforcement), ce qui n’était pas le cas à Srebrenica où il s’agissait de maintien de la paix (Peace Keeping) et non d’imposer la paix par la force.

M. François Lamy, Rapporteur : Je souhaiterais vous poser une question qui complète celle de mon collègue M. Pierre Brana sur les directives du général Smith dont vous avez fait état, confirmées par le général Janvier, sur l’emploi de l’arme aérienne. Quel jugement portiez-vous sur ces directives ? Pensiez-vous qu’elles étaient bonnes et adaptées à la situation ? En d’autres termes, pensiez-vous à l’époque que l’arme aérienne était appropriée pour vous permettre de remplir efficacement votre mandat ?

Général Cees Nicolai : C’est le général Smith qui a demandé ce Post Air Strike Guidance à la suite de discussions entre le général Janvier, M. Akashi et lui-même. Je ne cache pas que le général Smith était davantage en faveur d’une stratégie plus dure, mêlant attaque au sol et appui aérien. Des discussions ont eu lieu, certes. Mais le général Smith n’a jamais pu convaincre le général Janvier ou M. Akashi et, en tant que Britannique et bon militaire, il s’est conformé aux lignes directrices de ses supérieurs. D’où ces directives. Bien qu’au sein de l’état-major de la FORPRONU, nous n’étions pas vraiment heureux des restrictions qui étaient imposées au déploiement de la force aérienne, nous avons loyalement exécuté ces directives. En toile de fond, ce qui explique cette restriction, c’est d’une part la prise d’otages à la suite des frappes aériennes du mois de mai, et, d’autre part, les négociations avec toutes les parties que M. Bildt essayait de mener à bien. Il y avait donc plusieurs intérêts en jeu. Mais c’est forcés que nous avons accepté ces restrictions au déploiement de l’arme aérienne.

L’arme aérienne est-elle appropriée pour une opération de maintien de la paix ? On peut avoir différents jugements là-dessus. Il est vrai que le général Smith a, à plusieurs reprises, exprimé son insatisfaction. Il existait un grand trou dans l’échelle des réactions à adopter en cas d’agression : c’était une échelle à laquelle il manquait plusieurs marches. Ainsi, il était difficile de répondre de manière proportionnelle. Les objectifs visés en réponse sont petits et, très souvent, une telle arme n’est pas appropriée. Je vais vous donner un exemple : vous pouvez facilement cacher un mortier dans un garage, dans un abri ou un poulailler. Vous le roulez vers l’extérieur, vous tirez rapidement. Sur une petite ville comme Srebrenica, on arrive toujours à toucher quelque chose. Ensuite, vous remettez votre mortier dans votre abri ou dans votre poulailler ; on ne le retrouvera jamais, d’autant qu’à l’époque, les moyens de détection de mortier étaient plutôt limités. Au mois d’août, il est vrai, les choses se sont améliorées et nous avons acquis des moyens en ce domaine. Mais, quoi qu’il en soit, lorsque l’on se trouve près d’une zone habitée, il est très difficile d’identifier ces objectifs, étant donné les risques de dégâts collatéraux. En tant qu’organisation des Nations unies, on ne peut pas se le permettre.

Mme Marie-Hélène Aubert, Vice-présidente : Je voudrais à mon tour vous poser deux questions.

Concernant la matinée du 11 juillet, tôt le matin, vous êtes passé assez vite en disant que la situation était confuse : pouvez-vous préciser les raisons qui vous conduisent à porter ce jugement ?

Vous avez souligné que le colonel Karremans attendait des frappes aériennes. Cela semblait bien être prévu puisque le général Janvier et d’autres militaires français nous ont effectivement confirmé que des frappes étaient prévues tôt le matin. L’explication qui est donnée, notamment par le général Janvier, au fait qu’elles n’aient pas eu lieu, tiendrait à l’absence de guideurs au sol. Pourtant, certains témoignages montrent que ces guideurs britanniques, mais aussi néerlandais d’après ce que vous nous dites, étaient bien présents. Qu’a-t-il donc pu se passer ? Je réitère la question : pourquoi les frappes qui étaient attendues et prévues le 11 juillet au matin n’ont-elles pas eu lieu ? Pouvez-vous essayer d’aller plus loin dans vos explications ?

Ma deuxième question concerne le moment de la chute et la période qui suit la chute, votre exposé s’étant arrêté à ce moment-là. Qu’avez-vous fait au moment où Srebrenica est tombée ? Quelles informations avez-vous eues ? Quelles instructions avez-vous donné au colonel Karremans, notamment quand il a commencé à y avoir une séparation entre les femmes et les enfants d’un côté, les hommes de l’autre ? A-t-on tenté d’arrêter cette séparation et quelles informations avez-vous eues à ce moment-là ? Le Ministre Van Mierlo nous a dit qu’il avait eu un contact téléphonique avec M. Bildt le 15 juillet à ce sujet et qu’il avait été question de déployer des observateurs. Manifestement, cela n’a pas été suivi d’effet et c’était peut-être trop tard. Pourquoi semble-t-il que cette séparation n’ait pas été empêchée, ni par le commandement, ni par les forces présentes sur place ?

Général Cees Nicolai : Pourquoi la situation était-elle confuse dans la matinée du 11 juillet ? Elle était confuse pour le commandant du Dutchbat, mais également pour le colonel Brantz, au QG de Tuzla car, là, on attendait des attaques aériennes massives. Pour les niveaux supérieurs de commandement, ce n’était pas confus : on n’était pas informé et on avait l’impression que la situation au sol s’était stabilisée, que les attaques avaient pris fin et que la situation était redevenue calme. Or, pour que soient lancées des frappes aériennes massives (Air Strike), aucune démarche spécifique n’est attendue du commandant au sol une fois sa demande acceptée. Il ne faisait donc qu’attendre ; or, il ne se passait rien. Ce qui a donné lieu à cette confusion. Lorsque cette confusion a été éclaircie, lorsque l’on a dit au colonel Karremans qu’il n’y aurait pas de frappe aérienne mais un appui aérien rapproché, cela nécessitait une nouvelle demande de sa part : ce n’est qu’en possession des informations sur la position de l’ennemi que pouvait être donnée l’autorisation d’un déploiement d’une attaque aérienne. Quant au manque de contrôleurs aériens avancés, cela n’a pas été une raison pour ne pas exécuter ces attaques aériennes.

Mme Marie-Hélène Aubert, vice-présidente : Qui a refusé l’appui aérien tôt le matin ? Vous dites que, quand on a su qu’il n’y avait pas de frappes ariennes, mais un appui aérien, il a fallu une nouvelle demande. C’est ce point que je ne comprends pas puisque le général Janvier, lui, dit que cet appui aérien était bien prévu et qu’il n’a pas eu lieu pour des raisons techniques. Qui a refusé ou n’a pas donné l’ordre de conduire cet appui aérien, quelle que soit sa forme ?

Général Cees Nicolai : Le 11 juillet, on n’a pas refusé la demande d’appui aérien : l’autorisation donnée par le général Janvier dans la soirée du 10 juillet consistait à demander une présence rapprochée afin de pouvoir déployer des avions aussi rapidement que possible ; mais, avant de déployer ces avions - et c’est là la procédure OTAN de déploiement normale pour un appui aérien rapproché -, le commandant au sol doit donner les dernières informations sur la situation au sol et faire une demande. Ceci aurait pu être une procédure très rapide, étant donné que tout avait été préparé à tous les niveaux : une demande formulée rapidement dans la matinée du 11 juillet aurait pu entraîner un déploiement rapide de l’appui aérien rapproché.

La question des contrôleurs aériens avancés ne peut être avancée, je le répète, pour expliquer le fait que cet appui aérien rapproché n’ait pas été exécuté.

J’en viens à votre deuxième question sur la situation consécutive à la chute de l’enclave. Lorsque le général Gobilliard a donné l’ordre de mettre fin aux attaques aériennes, se posait la question de savoir ce qu’il fallait faire avec les milliers de réfugiés. Dans ces réfugiés, il y avait deux catégories de personnes : d’une part, 10 à 15 000 soldats et hommes qui, la veille de l’attaque et au cours du 11 juillet, ont décidé de fuir l’enclave par une tentative d’exfiltration en territoire bosniaque et un groupe de personnes sur lequel le Dutchbat ne pouvait exercer aucune influence ; d’autre part, 25 000 réfugiés qui se trouvaient sur et autour de la base de Potocari, essentiellement des femmes, des enfants, des personnes âgées et un nombre beaucoup plus limité d’hommes pouvant résister, en âge de combattre. C’est ce groupe qui nous préoccupait. Il n’y avait pas de nourriture, d’abris, ne serait-ce que contre les conditions météorologiques, ils ne pouvaient pas boire. Quant aux conditions sanitaires, elles étaient totalement insatisfaisantes. Il n’y avait pas de médicaments non plus. Sur le plan humanitaire, la situation était donc intenable et ne pouvait être réglée qu’en amenant ces réfugiés vers une zone où toutes les mesures nécessaires pouvaient être prises. L’évacuation contrôlée des réfugiés était par conséquent la seule solution possible. J’ai eu, sur ce sujet, un contact téléphonique avec mon Ministre de la Défense qui a adhéré à cette décision et nous avons donné ordre au colonel Karremans d’offrir aux forces serbes de Bosnie - à l’époque, c’était le général Mladic, mais nous ne le savions pas - de prendre en charge cette évacuation et de veiller à ce que cette évacuation se fasse en toute sécurité.

Vers 6 heures 30, dans la soirée, en dehors de l’instruction orale, le général Gobilliard a également donné une instruction écrite chargeant le colonel Karremans de faire le maximum pour assurer la sécurité des réfugiés, mais aussi la sécurité des collaborateurs civils de la FORPRONU, et de garantir cette sécurité aussi bien que possible.

Dans la soirée du 11, il y a eu des négociations entre le lieutenant-colonel Karremans et le général Mladic. D’autres négociateurs n’ont pas été acceptés par le général Mladic.

Le lendemain matin, mercredi 12 juillet, nous avons été totalement surpris quand les forces serbes sont arrivées avec une grande quantité de cars, une quantité telle que nous n’avions pas pu supposer qu’ils en avaient autant à leur disposition. Mladic voulait utiliser ces moyens et non les moyens de transport de la FORPRONU.

Nous nous sommes posés la question de savoir comment accompagner cette évacuation. Première pensée : faire accompagner chaque car par un certain nombre de militaires. Mais comme je l’ai déjà dit, il n’y avait que 350 soldats, également chargés de la sécurité de la base. Au total, on ne disposait que de très peu de militaires. Il a donc été décidé de faire accompagner ces bus par des jeeps disponibles, avec au moins un officier et un sous-officier par jeep. Quelles que soient nos intentions, le contrôle de cette évacuation n’a réussi que partiellement car, en route, un grand nombre de ces jeeps ont été arrêtées par les troupes serbes. On enlevait les véhicules, les soldats étaient désarmés. Par conséquent, le contrôle de l’évacuation n’a pas pu être réalisé pleinement.

Au cours de cette évacuation, des personnes ont été enlevées des bus et envoyées ailleurs. En fait, ces réfugiés devaient être pris en charge en territoire bosniaque musulman et, ensuite - ce n’était pas le choix de la FORPRONU, mais de Sarajevo - être assemblés dans un camp de réfugiés à Tuzla. Comme le contrôle de l’évacuation n’a pas pu avoir lieu pleinement, nous ne savons pas jusqu’à aujourd’hui combien de personnes ne sont pas arrivées, ont été transportées ailleurs et éventuellement assassinées.

Vous avez également posé la question à propos de la séparation entre les hommes et les femmes. Les forces FORPRONU du Dutchbat ont essayé d’empêcher une telle séparation, mais le contrôle du départ des bus a été réalisé de manière limitée car l’arrivée des bus a entraîné une situation chaotique : des réfugiés voulaient partir le plus vite possible et il était difficile de maîtriser la situation. Il faudra poser la question également au colonel Karremans. Les contacts pris avec M. Bildt quant à cette évacuation, le 15 juillet, n’ont pas eu d’effet sur les réfugiés de Srebrenica étant donné que, dans l’après-midi du 13 juillet, un jour et demi après la prise de l’enclave, pratiquement tous les réfugiés avaient été évacués de l’enclave. Il n’y avait plus que les collaborateurs civils de la FORPRONU et un certain nombre de blessés. Pour ce qui est des blessés, on a essayé d’impliquer autant que possible la Croix-Rouge et, quant aux collaborateurs civils, c’est avec succès, avec le départ du Dutchbat, qu’ils sont partis en direction de Zagreb.

M. François Léotard, Rapporteur : Mon Général, pouvez-vous nous dire si vous êtes allé vous-même, et quand, à Srebrenica ? Considérez-vous, en termes de commandement militaire, qu’il fallait laisser un colonel à la tête de 350 hommes discuter avec un général qui avait plusieurs milliers d’hommes sous son autorité et que cela n’impliquait pas, au contraire, qu’un officier général vienne sur place pour discuter avec les forces serbes ?

Si vous-même ou le général Gobilliard, - le général Janvier étant loin, c’était peut-être difficile - vous aviez, à ce moment-là, rencontré le général Mladic sur place ou si vous vous étiez rendu sur place, cela n’aurait-il pas permis d’éviter un certain nombre d’exactions, de violences et de massacres qui ont eu lieu ? Ne pensez-vous que cela pouvait être le devoir d’un des officiers généraux qui avait, petit à petit, connaissance de ce qui se passait ?

M. Pierre Brana : Le général Smith était partisan, dites-vous, d’une action plus ferme. On dit aussi qu’il était plus favorable à l’arme aérienne que le général Janvier. Le fait de voir ses propositions repoussées peut-il expliquer son non-retour de congés ?

Général Cees Nicolai : En effet, il était très mauvais que les négociations se déroulent entre Karremans et Mladic. Il eût été préférable que ces négociations se situent à un autre niveau. Il y a d’ailleurs eu des tentatives immédiates en ce sens : moi-même, le chef des affaires civiles, l’autorité civile au même niveau que le général Smith, avons demandé l’autorisation de nous rendre à Srebrenica pour accomplir cette tâche. Le général Janvier, à partir de Zagreb, a constitué une équipe de négociateurs et a demandé que cette équipe reprenne les négociations. Le général Mladic, pour des raisons que nous comprenons - il se trouvait du coup dans une situation plus favorable du point de vue des négociations -, a refusé cette autre équipe de négociateurs. Donc, se rendre en avion dans cette zone était une non-option, étant donné qu’il y avait des dispositifs de défense anti-aérienne. Quant à prendre une jeep pour essayer de se rendre sur place et négocier, ce n’était pas non plus une option jouable. En outre, si une délégation de négociateurs avait été envoyée sur place, cela aurait-il empêché ces horribles événements ? Lorsque je regarde la vitesse à laquelle la situation a évolué, à laquelle l’évacuation a été organisée, je ne pense pas que nous aurions pu avoir la moindre influence sur l’évolution de la situation. Nous étions pourtant tout à fait disposés à le faire.

Pour répondre à votre question du non-retour du général Smith, je pense que les refus d’appui aérien les 6 et 8 juillet n’ont eu aucun impact. Le général Smith était présent lorsque des attaques avaient eu lieu sur ses troupes à Gorazde et que l’intervention aérienne avait été refusée. Ce n’est qu’une supposition de ma part, fondée sur ma connaissance des événements et de la personne du général Smith, avec lequel j’ai travaillé pendant six mois. Je ne peux cependant pas fonder une telle supposition sur des preuves tangibles.


Source : Assemblée nationale (France)