Procès-verbal de la séance du 7 mai 2003

Présidence de M. Xavier de Roux, vice-Président

Le témoin est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées et que les auditions se déroulent selon la règle du secret. A l’invitation du Président, le témoin prête serment.

M. Xavier de ROUX : Vous avez été président du directoire et directeur général d’Air Lib du mois d’août 2001 au 15 février 2002. Auparavant, vous étiez à la retraite après une longue carrière à la compagnie Air France où vous avez occupé notamment les fonctions de directeur général d’Air France Cargo.

Votre passage à la direction d’Air Lib a donc été assez bref et nous imaginons facilement que cette brièveté n’est pas sans rapport avec les difficultés que la compagnie a rencontrées.

Nous souhaiterions que vous nous exposiez, en une dizaine de minutes, les raisons qui vous ont conduit à accepter ces responsabilités et votre explication de la mauvaise situation dans laquelle se trouvait Air Lib au début de l’année 2002. Ces mauvais résultats étaient-ils, selon vous essentiellement imputables aux conséquences du 11 septembre et à la défaillance du groupe Swissair ou bien à des raisons internes à l’entreprise ?

M. François BACHELET : Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je vais répondre aux trois questions que vous m’avez posées en préambule.

Tout d’abord pourquoi j’ai accepté cette mission. C’est un ensemble de raisons parmi lesquelles, sans les hiérarchiser, d’abord un challenge technique. Pour quelqu’un qui a travaillé toute sa vie dans le transport aérien, le fait de se voir proposer la présidence d’une compagnie aérienne n’est pas neutre à la fois pour le plaisir que l’on y prend et comme une espèce de " cherry on the cake ", si vous me permettez cet anglicisme.

Deuxièmement, un challenge social. A l’époque, c’était une somme d’entreprises qui avaient traversé beaucoup de difficultés, incroyables d’ailleurs, quand on les connaît dans le détail. J’estimais qu’il n’était pas neutre de pouvoir participer au sauvetage d’une partie de ces emplois, puisque c’était un des buts de l’opération.

Troisièmement, la connaissance d’un certain nombre de membres de l’équipe, au premier rang desquels M. Bardi que je connaissais très bien pour avoir beaucoup travaillé avec lui, et notamment pour avoir apprécié sa très grande droiture intellectuelle, sa grande compétence sur le plan financier et organisationnel, qui étaient deux éléments du travail qui nous attendait, tout à fait importants.

Ce sont des raisons dont aucune n’est fondamentale. J’ajoute que ce n’était pas à mon initiative ; je n’ai pas fait les démarches d’approche ou sollicité cette fonction en quoi que ce soit.

Sur la raison qui est l’objet même de la commission, tel que j’ai pu le lire et selon la délibération de l’Assemblée qui crée cette commission, trois points techniques méritent d’être soulignés. Ce sont les raisons financières, les raisons techniques et les autres raisons qui ont pu expliquer les difficultés qu’a subies Air Lib.

En préambule, je voudrais dire que l’affaire n’était pas certaine. Il est bien rare que, dans le monde des affaires, on se lance de façon certaine vers le succès. Rien n’est garanti à l’avance. Par conséquent, il y avait intrinsèquement, dans le projet, un risque d’échec. Toutefois, nous étions un certain nombre à estimer - et j’en faisais partie - que le business plan auquel j’avais participé dans sa dernière mouture était plausible, techniquement viable. Par conséquent, l’affaire n’était pas une folie ou un fantasme de grandeur. L’entreprise était en difficulté sur le plan de son organisation rémanente. C’était, permettez-moi l’expression, mais je n’en trouve pas beaucoup d’autres qui l’illustrent, un " foutoir ". Les dossiers personnels des employés étaient tous faux. Quand il s’est agi d’établir des listes, sur des critères négociés, pour déterminer les 1 400 licenciements du plan social, cela a été extrêmement difficile car il a fallu reconstituer les dossiers personnels des employés, de façon à pouvoir leur appliquer les critères de sélection.

Dès le début, Swissair a mis un certain nombre de difficultés à verser les fonds selon le calendrier qui avait été établi au préalable dans un concordat. A la fin septembre - je n’ai plus le jour précis en tête - mais avant le 1er octobre, il nous a fait savoir qu’il ne verserait pas l’échéance prévue à la fin du mois de 200 millions de francs. Je vais m’exprimer en francs car, à l’époque, les sommes étaient dites en francs.

M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC : Pourriez-vous dater avec précision les différentes phases de votre exposé ?

M. François BACHELET : A ce moment là, on est au mois d’août, c’est-à-dire entre le jugement du 27 juillet du tribunal de commerce et le 20 ou 25 août, date à partir de laquelle les différentes filiales d’Holco sont constituées. Ma fonction ne commence qu’à la fin août en tant que président du directoire. Il n’y avait pas de directoire avant.

Une équipe informelle gérait cet ensemble difficile. On a retrouvé les membres de cette équipe dans des fonctions définies ultérieurement. Mes fonctions précises ne commencent qu’à ce moment-là et s’achèvent le 31 décembre 2001. J’ai démissionné le 15 décembre et, le 31 décembre, l’entreprise n’a plus été organisée sous forme de directoire, donc, je n’étais plus président d’un directoire qui n’existait plus.

A la fin septembre, autour du 25 septembre, Swissair nous fait savoir, par différents moyens, qu’il ne serait pas en mesure de verser l’échéance de 100 millions qui était prévue à la fin du mois et, très rapidement, nous avons su ensuite que les échéances ultérieures ne le seraient pas non plus. Ce qui nous laissait devant un déficit de trésorerie anticipé d’environ 400 millions.

Sur ce plan, un point de détail, le plan de reprise que nous avions élaboré, dans sa forme initiale, le business plan, supposait nécessaire le versement par Swissair de 1,8 milliard. Si vous examinez les avatars ultérieurs de l’entreprise, vous retrouverez ces chiffres. Comme on dit, les faits sont têtus. Il fallait bien 1,8 milliard de trésorerie initiale pour réamorcer la pompe de l’entreprise et cela, nonobstant les difficultés du transport aérien qui sont survenues ultérieurement. Le concordat a porté sur 1,2 milliard. C’était un peu court. Sur ce 1,2 milliard, 400 millions n’ont pas été versés. C’est la cause première de l’échec de l’entreprise qui n’avait pas les fonds propres pour continuer d’exercer. Cette cause est financière, intrinsèque.

La seconde cause est technique et extérieure. Elle tient à l’influence qui est banale, connue du public sur le transport aérien mondial, de l’attentat du 11 septembre à New York, avec l’impact considérable qu’il a eu sur cette industrie, a fortiori sur une entreprise fragile d’emblée qui a subi l’impact en trafic - mais cela est rattrapable. Ce qui est considérable en revanche, c’est que cela nous privait pratiquement de la possibilité de trouver des investisseurs venant prendre le relais, sur le plan des fonds propres qui nous faisaient cruellement défaut, car il était peu vraisemblable que des investisseurs " normaux ", qui ont des capitaux et qui cherchent à les placer dans une industrie pour voir ces capitaux prospérer, apparaissent au moment où l’arrivée de fonds nouveaux était nécessaire, c’est-à-dire à partir de fin novembre, pour assurer la trésorerie de l’entreprise.

Voilà les réponses aux trois questions initiales que vous m’avez posées.

M. le Rapporteur : Maintenant, j’ai une douzaine de questions à vous poser.

Pourriez-vous expliquer à la commission dans quelles conditions vous avez été approché par M. Corbet, quelle était votre position puisque vous étiez à la retraite ?

M. François BACHELET : Administrativement, je n’exerçais plus d’activité salariée.

M. le Rapporteur : Quelle était votre situation ? Vous étiez retraité d’Air France. Qui vous a approché ? Quelles étaient vos motivations ? Sur ce point, vous avez répondu. Pourriez-vous nous expliquer comment a été recrutée l’équipe qui a pris en main le groupe Holco et notamment, puisque c’était la composante essentielle, la société d’exploitation Air Lib ?

M. François BACHELET : J’ai été approché par un consultant dont j’avais utilisé les services du temps où j’étais directeur général d’Air France Cargo, notamment pour m’assister dans la présentation d’un dossier d’investissement aéronautique au conseil d’administration. Il s’agit de M. Moreau. M. Moreau avait lui-même été un des consultants du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) au moment où le SNPL négociait - là, je parle par ouï dire, sur ce point précis, je ne suis pas acteur - l’accord intervenu après la grève de la Coupe du monde qui a défrayé la chronique, l’accord ou les conséquences techniques et financières de cet accord.

Ce M. Moreau m’a approché au printemps 2001 en me disant, en substance : " Nous avons un projet de reprise d’AOM-Air Liberté. L’équipe a besoin, c’est l’avis de notre banque-conseil, pour être considérée de façon sérieuse, d’être complétée par un dirigeant pouvant exciper d’une expérience managériale dans le transport aérien. " Ce ne sont sans doute pas les termes précis qu’il a employés, mais voilà ce que cela voulait dire. C’est à ce moment-là que j’ai été contacté et que je suis entré dans l’équipe de façon progressive. Toute cette équipe, dans laquelle figurait Alain Bardi, qui lui-même avait été contacté par M. Moreau, a travaillé de façon bénévole pendant des semaines sur un rythme absolument échevelé. C’était une ambiance de comité de salut public en quelque sorte, quelque chose d’inouï, mais assez passionnant, du reste.

Quant aux autres membres de l’équipe, je ne peux pas vous dire. Il y avait un responsable de la fonction sociale qui a beaucoup contribué à négocier ou à aplanir, à donner les contours de la négociation avec le comité d’entreprise qui pesait dans l’élaboration de ce dossier. Il y avait un avocat -je crois que vous l’avez auditionné - Yves Léonzi, qui est un personnage central dans cette affaire par sa compétence et sa connaissance du milieu des affaires. Il y avait la banque-conseil, je ne sais pas qui l’a amenée, CIBC. Il y avait l’équipe du cabinet d’avocats et c’est à peu près tout. Il n’y avait pas grand monde dans cette équipe, au départ.

L’une des difficultés, de niveau second, de cette entreprise a été précisément de constituer une équipe complète car il n’est pas facile d’attirer des gens compétents du milieu du transport aérien dans une entreprise aussi sulfureuse, aussi difficile à appréhender. Pour un jeune de talent, débarquer à Air Lib, c’était prendre un risque.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : Il y avait des gens d’Air France dans cette équipe ?

M. François BACHELET. Ex-Air France, mais pas d’Air France.

M. le Rapporteur : C’était une équipe de quatre/cinq personnes, plus le cabinet Léonzi, plus la CIBC. Vous avez dit que l’affaire commence au printemps 2001, c’est-à-dire en mars/avril ?

M. François BACHELET : Fin mars j’imagine, mais je n’y étais pas encore.

Je suis arrivé en dernier. Pour des professionnels du transport aérien, la liste était un peu légère. Il fallait la compléter par quelqu’un -c’était l’avis de la banque et je pense qu’ils avaient raison - dont on pouvait dire qu’il avait travaillé pendant 35 ans au transport aérien et qu’il savait de quoi il parlait.

M. le Rapporteur : Quelle était pour vous, telle que vous l’avez vécue dans cette période de " salut public ", la motivation du principal d’entre eux, M. Corbet ?

M. François BACHELET : Il vaut mieux le lui demander.

M. le Rapporteur : On le lui demandera, mais selon vous, qu’est-ce qui le motive ?

M. François BACHELET : C’est essentiellement social. Les choses se sont complexifiées par la suite, mais on pouvait reconnaître là son origine syndicale et, par conséquent, la fibre sociale qui lui a insufflé l’idée de sauver une entreprise de transport aérien. Cela lui tenait à cœur et je crois que cela lui tient toujours à cœur.

M. le Rapporteur : Vous arrivez le " petit dernier " si je puis dire. Etes-vous un peu étonné de cette ambiance ? Vous avez utilisé le terme de " comité de salut public ".

M. François BACHELET : Bien sûr, j’ai été étonné, mais peu de temps. On s’y fait très vite. J’étais tranquillement redevenu étudiant en histoire et je suis arrivé dans une ambiance où l’on dormait sur place. C’étaient des séances de nuit, de jour. C’était un peu exaltant, aussi. On oublie donc très vite cette ambiance car on entre dans le jeu.

A ce titre, les fondamentaux restaient présents. Mon travail était essentiellement sur le business plan. Je l’ai fait refaire. Certains aspects me paraissaient relever un peu du domaine de l’irréalisme. Je n’ai pas réussi à convaincre l’équipe de la nécessité de faire un business plan portant sur deux entreprises. Le futur actionnaire n’a jamais voulu accepter la constitution de deux entreprises séparées, même en amendant leur objet social. L’idée était de fusionner les deux en une seule entreprise. Cela m’a toujours paru un danger et je continue de penser que j’avais raison.

M. le Rapporteur : Etiez-vous le seul à dire qu’il fallait maintenir AOM ?

M. François BACHELET : Non, je n’étais pas le seul.

M. le Rapporteur : Vous étiez divisés, donc, il y a eu un débat.

M. François BACHELET : M. Bardi et moi, étions partisans d’un business plan portant sur la constitution de deux entreprises.

M. le Rapporteur : C’est-à-dire AOM d’une part et Air Liberté d’autre part ?

M. François BACHELET : On aurait pu les appeler ainsi, mais l’une aurait été dédiée au moyen courrier, l’autre au long courrier.

M. le Rapporteur : Vous avez vécu chez Air France, dans laquelle ce n’est pas le happening, ce n’est pas le " comité de salut public ". Quand vous arrivez, n’êtes-vous pas inquiet ? Vous avez dit tout à l’heure qu’il faut prendre des risques. Mais pour vous, M. Corbet avait-il les qualités pour être un manager ? Il n’avait aucune expérience.

M. François BACHELET : Non, il n’avait pas les qualités pour être un manager, puisque l’on a fait appel à moi et qu’il en était entièrement d’accord. Oui, il avait des capacités entières et il l’a démontré pour être le dirigeant de l’affaire. Il manquait un échelon intermédiaire plus de nature technique, même pour des négociations syndicales.

M. Alain GOURIOU : Etiez-vous au courant du fait que M. Corbet, à partir du moment où vous étiez vous-même présent, c’est-à-dire à partir du mois de mai, appartenait toujours à Air France ?

M. Corbet était-il vraiment très présent pendant toute cette période un peu effervescente que vous avez décrite du mois de mai jusqu’à fin août ?

M. François BACHELET : Et au-delà. Bien sûr, il était présent à 100 %. Quant à son statut particulier vis-à-vis d’Air France, honnêtement, je ne le connais pas. Je sais qu’il n’exerçait plus son métier de pilote.

M. le Rapporteur : Saviez-vous qu’il était toujours pilote jusqu’à fin août ?

M. François BACHELET : Il était pilote tant qu’il avait sa licence.

M. le Rapporteur : Non ! Il était toujours salarié d’Air France, comme pilote.

M. François BACHELET : Je ne sais pas. Cela ne m’intéressait pas beaucoup de le savoir. Je savais que cela entraînait un certain nombre de polémiques au sein du SNPL à Air France - j’ai des oreilles, j’ai Internet - ,mais franchement, j’avais autre chose à faire que de m’intéresser au statut personnel de M. Corbet, sauf si cela m’avait gêné.

M. le Rapporteur : On vous pose cette question parce que vous dites : " On couchait là, on travaillait 18 heures par jour. " Avez-vous vu le futur président Corbet vous quitter de temps en temps en disant qu’il devait faire un Paris-New York et qu’il revenait dans deux jours ou était-il toujours là ?

M. François BACHELET : D’après mon souvenir, non, mais je ne suis pas certain de ce que je vous avance.

M. le Rapporteur : Donc, vous n’en êtes pas sûr. Parce que vous nous décrivez un comité de salut public ; dans ce cas, on ne part pas trois jours pour faire un long courrier.

M. Gilbert GANTIER : Vous avez dit que la banque CIBC était la banque conseil. Qui l’avait choisie et à quelle date ? Ce n’est pas une génération spontanée, nous savons que cela n’existe pas dans ce domaine. Il y a donc quelqu’un qui est allé voir la banque, qui l’a choisie et l’a chargée d’étudier le problème, d’établir un certain nombre de questionnaires. Vous avez dit que la " banque-conseil nous demandait de. "

M. François BACHELET : Je ne peux pas vous répondre de façon certaine sur la question de savoir qui a amené la banque. C’était fait quand je suis arrivé. Je ne me suis pas trop posé la question.

M. Gilbert GANTIER : Avant vous, qui y avait-il, par qui cela a-t-il été fait ?

M. François BACHELET : Par ceux qui étaient déjà dans l’équipe. Je pense que les accointances de Jean-Charles Corbet avec le milieu bancaire ne sont pas très importantes. Je serais enclin à penser que c’est plutôt du côté de M. Moreau, éventuellement le cabinet Léonzi, que l’on pourrait trouver la réponse à votre question, mais je ne l’ai pas fait, donc, je n’en sais rien. J’avance une hypothèse.

La banque CIBC intervenait en tant que banque-conseil, donc, elle n’investissait pas dans l’affaire. Son rôle n’était que d’apporter sa caution technique sur le montage financier, et notamment la lettre d’évidence de fonds que notre dossier de reprise comprenait, c’était aussi d’expliquer au tribunal de commerce le côté, somme toute banal, du dossier de reprise sur le plan technique bancaire, donc, d’apporter sa caution technique dans cette affaire et bien entendu, comme toute banque-conseil, de rechercher des investisseurs.

M. le Rapporteur : D’après ce que vous avez vu, qui étaient les personnes qui représentaient la CIBC ? Il y avait une, deux personnes ?

M. François BACHELET : Il y avait le patron pour l’Europe.

M. le Rapporteur : David Mongeau ?

M. François BACHELET : C’est cela, David Mongeau, un Canadien qui était le patron pour l’Europe ou des investissements pour l’Europe de la CIBC, plus une équipe de deux ou trois personnes - elle a varié dans le temps - qui faisait des calculs.

M. le Rapporteur : Etaient-ils là à temps plein ?

M. François BACHELET : Ils étaient là à temps plein pendant 15 jours/trois semaines, puis ils disparaissaient, puis ils revenaient. Ils n’ont pas été pendant cinq mois à temps plein permanent.

M. le Rapporteur : Quelle était votre appréciation sur le rôle de CIBC ?

M. François BACHELET : Une banque-conseil était nécessaire. Je n’ai pas été consulté sur le point de savoir s’il aurait mieux valu faire appel au Crédit Lyonnais ou à la Chase Manhattan. Lorsque l’on m’a appris que CIBC était une des premières banques mondiales dans ce type d’opération d’acquisition/fusion, j’ai pensé qu’ils étaient compétents. Les propos que nous tenait l’équipe et M. Mongeau étaient techniquement tout à fait recevables.

M. le Rapporteur : Vous êtes un homme d’affaires. Vous avez décrit tout à l’heure que vous arriviez dans une certaine ambiance.

M. François BACHELET : Cela n’a pas duré.

M. le Rapporteur : Oui, mais vous n’aviez jamais travaillé ainsi chez Air France !

M. François BACHELET : J’ai connu des " charrettes " à Air France, mais pas aussi longues !

M. le Rapporteur : Vous posez-vous la question de savoir quelles sont les motivations de cette banque d’affaires, qui est une grande banque d’affaires canadienne ?

M. François BACHELET : C’est très simple et banal. Elles sont de deux ordres.

Premièrement, la commission. Vous savez qu’une banque d’affaires qui fabrique un dosier de fusion/acquisition est intéressée sur le montant des flux financiers.

Deuxièmement, la perspective d’autres commissions au moment où l’on amène des actionnaires, avec un risque relativement faible puisqu’il n’y a pas d’investissement de la banque. Toutes les banques d’affaires font cela.

M. le Rapporteur : Avez-vous participé à la négociation du contrat ?

M. François BACHELET : Non.

M. le Rapporteur : Avez-vous vu le contrat ?

M. François BACHELET : J’en ai vu des parties, notamment le montant de la commission que l’on a contribué à faire baisser, mais elle restée très importante.

M. le Rapporteur : D’après vos souvenirs, combien était-ce ?

M. François BACHELET : C’était une proportion du flux financier, donc, je ne me rappelle plus de combien, mais cela devait tourner autour de 70 à 80 millions de francs de l’époque.

M. le Rapporteur : Vous qui êtes un homme d’affaires, cela vous a paru un peu élevé ?

M. François BACHELET : Cela m’a paru très élevé, mais j’ai appris ensuite que c’étaient les usages. On a négocié autour de 50 millions de francs. C’était inférieur au taux contractuel et habituel. Encore une fois, ces banques fonctionnent sur une proportion des flux financiers qu’elles sont amenées à gérer ou cogérer. C’est vraiment l’usage du marché.

M. le Rapporteur : Ont-ils, à votre connaissance, apporté un quelconque financier, investisseur ?

M. François BACHELET : Ils ont amené la lettre d’évidence de fonds. Quant aux investisseurs, comme je vous l’ai expliqué, le tapis leur a été retiré de sous les pieds.

M. le Rapporteur : Vous abordez la lettre d’évidence de fonds d’Aurel Leven amenée par CIBC. A votre connaissance, Aurel Leven a-t-il apporté ce qu’il avait promis d’apporter ?

M. François BACHELET : Tout à fait, ils l’ont signée, donc, on avait la lettre d’évidence des fonds. Cela dépendait de nous. Nous sollicitions ou non le déblocage de ces fonds. Le coût du déblocage était tel que l’on a décidé de ne pas utiliser ces fonds que l’on aurait pu apporter dans la trésorerie. Quand j’ai découvert que, même si l’on n’utilisait pas ces fonds, on devait des sommes considérables à cette entreprise, M. Corbet a décidé de ne pas payer. Il les a menacés d’un procès. Il a transigé autour d’une somme ridiculement faible. Eu égard à ce qui était prévu, ce sont quelques dizaines de milliers de francs.

M. le Rapporteur : Donc, cela a été, au regard du tribunal, un moyen de crédibiliser le plan de reprise alors que l’on savait qu’au fond, Aurel Leven, ce n’était pas sérieux.

M. François BACHELET : C’était très sérieux. C’était sans doute trop coûteux à utiliser. Mais votre propos est juste, je l’adopte, c’est-à-dire que, oui, cela faisait partie du dossier de présentation au tribunal. Dans ce dossier, le fait d’apporter l’évidence au tribunal que des financiers extérieurs apportent des fonds fait partie des arguments que les uns et les autres peuvent amener. Nous étions les seuls à produire une lettre d’évidence de fonds par rapport à nos concurrents. Maintenant, le fait de ne pas avoir utilisé ces fonds était une mesure de gestion.

M. Alain GOURIOU : Ne pensez-vous pas qu’il y a quand même un peu d’insincérité dans cette présentation puisque vous présentez cette lettre en sachant pertinemment que vous ne l’utiliserez pas et que vous ne pouvez même pas l’utiliser, étant donné l’énormité des commissions que cette utilisation supposerait ?

M. François BACHELET : Il y aurait eu insincérité si l’on avait assuré qu’on utiliserait ces fonds, mais comme personne ne nous l’a jamais demandé et, qu’après tout, rien ne nous interdisait de lever ces fonds ou de renégocier les conditions le moment venu, je ne vous suis pas sur le chef d’insincérité. C’était, c’est vrai, une espèce d’artifice de présentation.

Les autres dossiers auraient bien voulu pouvoir amener le même type d’artifice ; dans ce type de présentation, pas grand monde est dupe.

M. le Rapporteur : Mais Auren Leven était le seul apporteur de capitaux, capitaux qu’il n’a jamais apportés pour la raison que vous avez indiquée.

M. François BACHELET : Oui, car nous ne les avons pas levés.

M. le Rapporteur : Concernant la reprise, confirmez-vous l’existence de fortes tensions avec les administrateurs judiciaires et, si oui, pourriez-vous nous préciser quelle était leur nature et cela perturbait-il la gestion de la mise en œuvre du business plan d’Air Lib ?

M. François BACHELET : Je réponds par la fin de votre question, cela n’a pas du tout perturbé la mise en œuvre du business plan. Il y a eu des tensions bien entendu, mais qui sont inhérentes au fonctionnement. Les administrateurs n’ont pas les mêmes objectifs que les gérants de l’entreprise. Pendant les trois ou quatre premières semaines d’existence, après la reprise, nous n’avions pas de compte en banque. Nous étions obligés de passer par des chèques ou des virements des administrateurs judiciaires pour payer les frais courants de fonctionnement de l’entreprise, le kérosène, les chambres d’hôtel pour les équipages, la paie, etc. Comme les administrateurs judiciaires ont pour objectif de maximiser ce qui va revenir aux créanciers lésés par une faillite, ils cherchent à en retenir le plus possible. Dans cette mesure-là, oui, il y a eu tension, mais il n’y a jamais eu de désaccord. Nous parlions très librement avec eux. Ils étaient dans nos locaux.

M. Gilbert GANTIER : Vous venez de dire : " Nous n’avions pas de compte en banque. " Qui est le " nous " et pourquoi ? Air Lib était constitué déjà à ce moment-là.

M. François BACHELET : Non, pas encore en tant que filiale d’Holco. Justement, nous n’existions pas légalement, donc, nous n’avions pas de compte en banque.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous préciser, puisque vous avez été au cœur du dispositif, dans quel délai ont été mises en œuvre les structures juridiques, c’est-à-dire la holding Holco, la société d’exploitation dont vous avez assuré la présidence du directoire et les 11 filiales, dont la société d’exploitation, de la maison mère Holco ?

M. François BACHELET : Pour l’essentiel dans le courant du mois d’août.

M. le Rapporteur : Après le jugement du tribunal, les structures n’avaient pas été dessinées ?

M. François BACHELET : Elles étaient dessinées, mais elles n’étaient pas créées juridiquement. Je ne pense pas qu’il aurait été possible de le faire avant le jugement. Cela faisait partie du dossier présenté au tribunal. Le schéma d’organisation de l’entreprise était connu, ainsi que le nom des responsables. Il a fallu constituer juridiquement tout cela. Mais même une fois cela constitué, les banques françaises étaient frileuses, on a eu du mal à faire fonctionner des comptes en banque.

M. le Rapporteur : Vous n’avez jamais eu de banquiers ?

M. François BACHELET : Si, plusieurs.

M. le Rapporteur : Ils ne vous ont jamais prêté un sou !

M. François BACHELET : Non ! Quand je parle de " banquiers ", je parle de gestionnaires de comptes bancaires, c’est-à-dire le fait de stocker de l’argent quelque part et d’émettre des titres de paiement pour payer des fournisseurs. On n’a jamais eu de bailleurs de fonds, d’investisseurs. On a failli en avoir un après.

M. le Rapporteur : On va en parler tout à l’heure. Donc, on arrive au mois de juillet, décision du tribunal et courant août, on monte les structures juridiques.

Vous avez été associé à la création de la maison mère de la société Holco, puisque vous étiez président du directoire de la filiale d’Holco. Savez-vous comment cela s’est passé, comment on a fixé les rémunérations, comment s’est faite la mise en place des instances chargées de diriger la maison mère, la filiale, etc. ?

M. François BACHELET : Pour la filiale Air Lib, je peux être précis. Pour les instances, ou du moins la holding, c’est très simple, au départ, nous étions trois, le Président Corbet, Alain Bardi et moi. En effet, nous avons délibéré sur deux points. Nous n’avons pas délibéré sur la rémunération du président, cela ne nous regardait pas. En revanche, nous avons participé à la discussion relative aux émoluments d’Alain Bardi et de moi-même ainsi qu’à ce que l’on appelle les " success fee " des différents membres de l’équipe, c’est-à-dire en élargissant à ceux qui ne faisaient pas partie du personnel de la holding Holco mais qui, avaient contribué, depuis le début, de façon bénévole, à la mise au point du dossier de reprise.

En ce qui me concerne - c’était d’ailleurs dans la presse et je pense que vous avez accès aux dossiers fiscaux puisque j’ai déclaré tout cela - j’ai touché à l’époque un success fee de 2,5 millions francs et une rémunération mensuelle qui était équivalente à celle que j’avais à Air France quand j’ai quitté la compagnie, c’est-à-dire 100 000 francs par mois soit 1,2 million de francs par an.

M. le Rapporteur : Vous fixez cela d’après vos souvenirs dès le mois d’août ?

M. François BACHELET : Fin août, au moment où se constituent les filiales.

M. le Rapporteur : Vous avez deux casquettes. Vous êtes directeur général de la société holding. C’est dans ce cadre que vous avez au mois d’août une " golden Hello " de 380 122 euros plus une rémunération de 100 000 francs par mois qui vous est payée par la holding.

M. François BACHELET : Bien sûr, je suis salarié de la holding.

M. le Rapporteur : Vous avez une deuxième casquette de président du directoire de la filiale d’exploitation. Cela s’est fait tout seul ?

M. François BACHELET : Je suis, en quelque sorte, détaché comme président du directoire de la filiale dans le cadre de mes fonctions.

M. le Rapporteur : Vous n’êtes pas rémunéré par la filiale. C’est uniquement par la holding ?

M. François BACHELET : Tout à fait.

M. le Rapporteur : Quand on vous approche en avril-mai 2001, vous avait-t-on déjà parlé de rémunération ?

M. François BACHELET : Non ! Cela va peut-être vous paraître incroyable, mais cela fait partie de l’ambiance dont je vous ai parlé : une ambiance de gens qui se connaissaient pour la majeure partie d’entre eux, qui, pour beaucoup, devaient penser que l’affaire ne se ferait pas et que le tribunal de commerce déclarerait la liquidation de l’entreprise.

M. le Rapporteur : Avez-vous été surpris de la décision du tribunal de commerce ? Que pensiez-vous la veille ?

M. François BACHELET : Il y a eu un monde de rumeurs totalement contradictoires pendant toute la période. Jusqu’une heure avant la décision du tribunal, tout se disait, tout circulait. Je pense sincèrement que c’était sur le fil du rasoir.

M. le Rapporteur : Si vous aviez dû faire un pari une heure avant la décision du tribunal, quelle aurait été la probabilité pour que vous soyez gagnant ?

M. François BACHELET : 50/50. Ce qui a été déterminant vraisemblablement - mais je n’ai pas eu de confidences des juges - a été le fait que le personnel représenté par son comité d’entreprise ait déclaré être à peu près en accord avec la reprise par Holco, un peu aussi par opposition de cette reprise par son ancien président Marc Rochet. Il y a là du subjectif, bien entendu.

M. le Rapporteur : Vous êtes maintenant président du directoire dans le déroulement de l’histoire. Jean-Charles Corbet ne vous avait pas demandé conseil en disant : " Tu es mon directeur général, je te donne un success fee de 380 000 euros et j’envisage de m’en verser un de 856 000 euros ".

M. François BACHELET : J’ai découvert le chiffre dans la presse.

M. le Rapporteur : Vous ne le saviez pas, il ne vous en a jamais parlé, alors que vous étiez son directeur général ? Cela vous a étonné ?

M. Jean-Jacques DESCAMPS : C’était un success fee correspondant au fait que vous estimiez avoir gagné ?

M. François BACHELET : Oui bien sûr, sinon, il n’y avait rien.

M. Jean-Jacques Descamps : Vous n’aviez pas connaissance de l’ensemble de la masse financière que représentait ce success fee ?

M. François BACHELET : On l’a dit au comité d’entreprise qui nous a posé la question. Le chiffre a été publié, du reste.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : Sur quelle règle a-t-il été basé ?

M. François BACHELET : Le chiffre global est une addition.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : C’était une addition et non un total que l’on se répartissait ?

M. François BACHELET : Non pas du tout, c’est un résultat.

M. le Rapporteur : Vous avez eu 380 000 euros, 2,5 millions de francs. Ce n’est pas une petite somme. Vous aviez travaillé gratuitement pendant trois mois.

M. François BACHELET : Deux mois et demi.

M. le Rapporteur : Peut-être pas forcément à plein temps, mais parfois 15 heures par jour. Vous n’avez jamais gagné cela à Air France.

M. François BACHELET : En une seule fois, non.

M. le Rapporteur : C’est vous qui l’avez demandé en disant : " On a travaillé comme des "dingues", je demande 2,5 millions de francs " et il vous a dit d’accord ?

M. François BACHELET : On a participé à une réunion dans laquelle étaient fixés les success fees de tous les participants - hors le président, hors l’actionnaire - que ce soit le cabinet Léonzi, le consultant en matière sociale, le consultant Moreau dont j’ai parlé, la banque, M. Bardi ou moi-même, celui qui est devenu un des commissaires aux comptes qui nous assistait sur le plan financier, et d’autres que j’oublie peut-être. Donc, ces success fees de tous ces gens ont été établis en fonction de leur contribution au succès du dossier et de ce qui se pratique dans l’industrie dans des dossiers de ce genre.

M. le Rapporteur : Vous avez demandé 3 millions d’euros et vous avez eu 2,5 millions d’euros ou bien avez-vous demandé 2,5 millions de francs et vous les avez eus ?

M. François BACHELET : J’ai eu ce que je demandais. C’était relativement inférieur à ce que demandaient d’autres membres de l’équipe, ce qui a été discuté.

M. le Rapporteur : Cela ne vous paraît-il pas curieux d’arriver dans une entreprise qui n’a pas un sou de capitaux propres, qui est dans une situation socialement très difficile - il faut licencier 1 400 personnes. Vous disiez vous-même que vous étiez conscient lorsque vous vous êtes embarqué dans cette aventure que vous pouviez peut-être gagner, mais que ce n’était pas sûr. Cela ne vous paraît-il pas curieux d’arriver et de commencer par dire : " On va se récompenser ". Si cela avait été deux ans plus tard, après avoir réussi, avec une entreprise gagnant 30 millions par an, vous auriez pu dire alors que vous en aviez " bavé ". Là, le succès était uniquement le fait que le tribunal de commerce vous ait choisi. Vous aviez réussi à convaincre le tribunal de commerce de vous choisir, mais tout restait à faire.

M. François BACHELET : Je comprends très bien que vous posiez la question, mais il ne faut pas faire d’anachronisme, c’est-à-dire qu’il faut replacer ces considérations au moment où se font les débats. Nous aurions eu ce débat au mois de novembre, deux mois plus tard, sans doute ces sommes n’auraient pas été versées et n’auraient pas été demandées. A l’époque, le business plan s’est déroulé comme nous l’avions à peu près prévu. N’oubliez pas que cette entreprise devait retrouver son équilibre en 2003, tout du moins tel que nous estimions les choses dans le business plan. Nous avions une trésorerie florissante. On était fondé de penser, dans le contexte du mois d’août, que l’on pourrait trouver des investisseurs et que, par conséquent, les questions de fonds propres ne se posaient pas. Voilà le contexte de l’époque.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous décrire vos fonctions au sein d’Air Lib et d’Holco ? Comment étaient réparties les tâches entre M. Corbet, vous-même et les autres membres de l’équipe ?

M. François BACHELET : Pour ce qui est d’Holco, mes fonctions étaient, en pratique, cantonnées aux fonctions commerciales d’Holco, cela veut dire la négociation d’un certain nombre de contrats entre Holco et sa filiale Air Lib, je pense notamment aux locations d’avions. Pendant que j’étais au directoire d’Air Lib, on n’a pas payé de locations pour les avions dont Holco était propriétaire. On continuait de payer, bien entendu, les loyers des avions qui étaient précédemment déjà loués à des tiers, mais pour ceux dont Holco était propriétaire, nous n’avons pas payé le loyer pendant la période. Le rôle commercial d’Holco était extrêmement limité. L’essentiel du rôle de la holding était de trouver un investisseur.

Si vous me permettez une rapide parenthèse - car je n’étais que collatéral dans ce dossier-là - très rapidement, on a estimé qu’il ne serait pas idiot d’intéresser les collectivités locales des DOM au devenir du transport aérien long courrier d’Air Liberté et d’AOM pour deux raisons principales. La première est que la clientèle de ces îles a horreur du monopole d’Air France, ce que l’on peut comprendre. La deuxième est qu’il y a un réel fonds de commerce de ces deux entreprises dans les DOM français. Il nous paraissait que nous avions là un fonds de commerce utilisable et que, si l’on était convaincant, les collectivités locales pourraient drainer des capitaux qui investiraient dans la nouvelle entreprise que nous voulions créer. L’essentiel du travail au départ de Jean-Charles Corbet a été de rencontrer ces collectivités locales, le secrétaire d’état au tourisme pour monter ce dossier. On a fini par proposer aux collectivités locales de participer au conseil de surveillance, en leur disant, c’était un peu un thème accrocheur : ce sera votre compagnie. Vous contribuerez à sa gestion. Vous saurez ce qui se passe de l’intérieur. Et ainsi, peut-être arrêtera-t-on de dire n’importe quoi sur la réalité ou la non-réalité des tarifs pratiqués.

M. le Rapporteur : Cette idée a-t-elle débouché ?

M. François BACHELET : Elle n’a pas débouché concrètement. Je ne sais pas pourquoi du reste, je suis parti après, mais cette idée a beaucoup avancé. J’ai rencontré - car cela m’intéressait sur le plan commercial et du point de vue du développement d’Air Lib, de son programme, du type d’avion, etc. - des collaborateurs, des responsables politiques des DOM qui n’ont jamais déclaré qu’ils n’étaient pas intéressés par le dossier. Mais effectivement, cela n’a pas débouché concrètement.

M. le Rapporteur : Vous avez participé à la constitution de la société. Quand la délocalisation des avions à l’étranger est-elle intervenue ? Quelle était sa justification ? Etait-ce sous la période sous revue, c’est-à-dire la période pendant laquelle vous avez été président du directoire, puisque vous nous avez dit, qu’au début, c’était la propriété de la holding et que vous avez refusé de payer un loyer, vous les avez mis à disposition gratuitement de la société d’exploitation ? Comment évoluait, après, la localisation des avions qui n’ont plus été sur la holding mais qui ont été mis sur la coopérative Mermoz, située au Pays-Bas, et semble-t-il aussi dans une de ses filiales qui était en Irlande ? Pouvez-vous nous préciser un petit peu si vous avez joué un rôle dans cette affaire ?

M. François BACHELET : Aucun. Dans la mesure où l’on m’assurait que ces avions étaient mis à ma disposition dans les conditions financières que je vous ai indiquées et sans restriction d’exploitation, pour moi, le dossier était neutre ou transparent, il ne m’intéressait pas ou du moins je n’avais pas le temps de m’y intéresser. Je n’ai pas été associé à la création de ces filiales, mais lorsque je l’ai apprise, j’ai posé des questions, notamment au commissaire aux comptes. On m’a répondu et j’ai compris à ce moment-là le bien-fondé de la création de la coopérative Mermoz qui était destinée à abriter une opération complexe centrée sur un GIE fiscal autour de l’achat de deux A340 par un tiers qui serait revendu, pas cher, à Air Lib. Cela m’a paru quelque chose de complètement irréaliste, du ressort de la magie financière. C’est celui qui prête à celui qui prête et à un moment donné il y en a quand même un qui a perdu ce qu’il a prêté. Je n’ai jamais beaucoup adhéré à ce dossier, en tout cas comme source de financement.

Je sais, par ailleurs, que pour monter des opérations d’achat d’avion, il ne suffit pas d’avoir des clients. Il faut avoir un background financier et une assise financière suffisante pour que l’avionneur daigne s’intéresser à votre cas.

M. le Rapporteur : Et sur Mermoz Irlande, vous saviez des choses ? Vous étiez directeur général de la holding et vous ne saviez pas qu’elle était l’organisation juridique du groupe ?

M. François BACHELET : Non. Cela peut vous surprendre, mais je ne connaissais pas les constitutions. Je ne les connaissais pas car on ne m’en parlait pas, non pas parce que j’ai souhaité ne pas le savoir. Quand j’apprenais des choses, je posais des questions dans la mesure où cela interférait avec mes fonctions à Air Lib.

M. le Rapporteur : A qui posiez-vous des questions ?

M. François BACHELET : A M. Corbet.

M. le Rapporteur : M. Corbet était-il bien au courant d’après les réponses qu’il vous faisait ?

M. François BACHELET : Il était au courant.

M. Gilbert GANTIER : Pour Mermoz Irlande, par exemple, vous dites que vous étiez présent mais pas au courant. Il devait quand même bien y avoir quelqu’un pour prendre la décision ; on ne peut pas créer une société ex nihilo, sans qu’il n’y ait un responsable. On le faisait donc en dehors de vous et quelqu’un avait le pouvoir de le faire, sans vous en parler.

M. François BACHELET : Ce quelqu’un possédait 99,99 % du capital. C’était le propriétaire.

M. Gilbert GANTIER : La signature, c’était vous quand même.

M. François BACHELET : Non. Par délégation, seulement dans certains cas, mais la signature appartenait à M. Corbet.

Tout à l’heure, M. le Président m’a posé la question du partage respectif des rôles. Je ne crois pas avoir répondu complètement à la question. A Holco, mon rôle a été " commercial " dans la mesure où il a consisté à régler les rapports contractuels entre Holco et certaines de ses filiales. J’ajoute la filiale maintenance derrière dont je ne me suis pas occupé personnellement, mais dont M. Bardi s’est largement occupé. Une fois que j’ai eu réglé ces problèmes de flotte du point de vue de leur impact financier et de mise à disposition, - il faut aussi récupérer le contexte de l’époque - une fois que le plan social a été " digéré ", j’avais de très grosses difficultés commerciales. Imaginez ce que pouvait être la suspicion du marché français vis-à-vis d’une entreprise qui avait déposé son bilan, qui avait arrêté son activité en plein milieu des grandes vacances, laissant des passagers au sol ; vous vous souvenez du scandale provoqué. Il y avait une grande suspicion des agences de voyages qui ne voulaient plus prendre de risque, des banques, des fournisseurs de carburant qui demandaient à être payés à l’avance, des fournisseurs de tous ordres. Pour héberger des passagers à Orly, des passagers en retard et à qui l’on voulait faire servir un sandwich, il fallait payer cash d’avance.

Je mets au premier plan des préoccupations du patron de compagnie aérienne la relation avec l’administration de tutelle. Celle-ci m’appelle un jour en me disant : Votre certificat de navigation se termine ce soir. Il a fallu une séance de nuit... On m’a donné un certificat de trois jours pour me permettre de perfectionner le dossier. Ensuite, ce certificat a été prolongé. Sur le simple plan opérationnel, avec un certificat de trois jours, vous ne pouvez pas faire de planning de vos navigants.

M. Gilbert GANTIER : C’était à quel moment ?

M. François BACHELET : Au mois d’août. Ensuite, il a fallu renégocier la licence, c’est-à-dire donner à la DGAC un dossier financier, économique permettant de justifier qu’elle pouvait, à bon droit, prolonger la licence d’exploitation d’Air Lib, ce qui n’était pas évident. Le commercial, je vous en ai parlé. Constitution d’une équipe : je vous l’ai dit rapidement, il y avait une grosse difficulté à recruter. Il n’y avait pas de directeur des ressources humaines. La moitié de l’équipe d’administration de l’entreprise était partie. Le responsable paie était parti. On a peu à peu remis en place une structure commerciale. J’ai embauché un ancien d’Air France que je connaissais, Guy Lebrault, comme directeur commercial car il connaissait bien le marché algérien, il avait été représentant en Algérie pendant quatre ans et on avait en tête l’ouverture d’Alger. En outre, c’était un très bon administrateur. Il a mis en place une structure commerciale. On a redémarré le marketing. Il fallait tout redémarrer dans cette entreprise.

Sur le plan de la maintenance, l’administration de tutelle était extrêmement tatillonne, et on la comprend. Il ne s’agissait pas que l’on puisse la montrer du doigt en lui disant ensuite qu’elle avait fait preuve de laxisme si un accident survenait. C’était très difficile. Socialement, imaginez des entreprises chahutées dont on avait arrêté le processus de fusion, dont les personnels n’étaient pas sûrs de leur statut. C’est vous dire que, finalement pendant ces mois-là, je n’avais pas de temps à consacrer à autre chose que la gestion de l’entreprise de transport aérien. 100 % de mon temps y était consacré. Je m’occupais très peu du reste de l’environnement. Mon interférence avec la holding concernait les appels de fonds. On avait besoin de trésorerie, donc, on avait des réunions fréquentes pour monter des plans de trésorerie et justifier des " descentes " de fonds de la holding vers la filiale qui en avait besoin pour payer ses échéances. L’essentiel de mes rapports avec la holding, était d’ordre financier.

M. le Rapporteur : On a parlé des honoraires versés à CIBC. Y avez-vous joué un petit rôle en tant que directeur général ?

M. François BACHELET : Non. J’ai exprimé ma surprise, mais je n’étais pas le seul. M. Corbet est monté en ligne pour négocier à la baisse la commission de CIBC.

M. Gilbert GANTIER : A-t-il obtenu une baisse ?

M. François BACHELET : Les chiffres restent très importants. De mémoire, c’étaient 20 millions sur 70.

M. le Rapporteur : Il a gagné grosso modo 2 millions de dollars. Cela aurait dû être 9,3 et on est descendu à 7,3.

M. François BACHELET : C’était environ 50 millions de francs de mémoire.

M. le Rapporteur : Avez-vous eu des relations avec la banque Arjil ?

M. François BACHELET : Aucune.

M. le Rapporteur : Mermoz a payé 9,14 millions d’euros au cabinet Plegler et Blach pour le compte d’Holco SAS, donc, de la holding dont vous étiez directeur général, en vue d’assurer le financement d’actions judiciaires contre Swissair. Etiez-vous au courant de cette affaire ? Y avez-vous joué un rôle ?

M. François BACHELET : J’ai fait partie, au moins une fois, d’une délégation qui s’est déplacée à Zurich pour rencontrer le liquidateur judiciaire de Swissair. L’affaire est d’importance. Elle est spécifique au dossier reprise d’Air Lib. Me Yves Léonzi, si vous l’avez auditionné, a dû vous en parler plus savamment que moi car c’est lui qui a trouvé le biais. L’articulation est la suivante.

Lorsque la compagnie aérienne Swissair a déposé son bilan dans les conditions que vous savez, le tribunal suisse n’a pas déclaré en liquidation l’ensemble des sociétés du groupe Swissair. Or, dans le concordat que nous avons signé avec Swissair pour le versement de l’indemnité libératoire, toutes les composantes du groupe Swissair étaient solidaires. C’était seulement le cas pour Air Lib. Dans les autres compagnies, ce n’était pas le cas. Il ne s’en est pas rendu compte tout de suite, mais lorsqu’il s’en est rendu compte, il s’est dit que c’était intéressant. Swissair n’est peut-être plus responsable de ses dettes passées ayant été déclarée en faillite, mais les autres composantes du groupe, qui ne sont pas liquidées, sont solidaires. C’est l’essence du dossier qui est lourd et suffisamment important pour que des banques à l’époque aient approché Holco, pour nous offrir de racheter la créance sur Swissair.

M. le Rapporteur : Vous vous souvenez de la somme ?

M. François BACHELET : C’était de l’ordre de 300 millions de francs.

M. le Rapporteur : Vous avez 400 et ils voulaient racheter 300.

M. François BACHELET : Oui, je ne vous parle pas du précepte de 2 millions de francs qui était demandé.

M. le Rapporteur : On est à quelle époque ?

M. François BACHELET : En novembre, à peu près.

M. le Rapporteur : Donc, vous êtes encore directeur général.

M. François BACHELET : Oui. Je suis allé à Zurich.

M. le Rapporteur : Aviez-vous déjà vu dans votre vie d’homme d’affaires une entreprise verser 9,14 millions d’euros à un cabinet d’avocats payés cash pour assurer sa défense aussi longtemps qu’il faudra ?

M. François BACHELET : Je ne l’ai jamais vu, mais je n’ai jamais eu à traiter ce genre de dossier, donc, je ne suis pas compétent pour vous répondre. Cela semble en effet important, mais je manque de références.

M. le Rapporteur : En tant que directeur général, vous n’avez pas dit : Quelle somme !

M. François BACHELET : Je préférerais avoir cela dans ma trésorerie.

M. le Rapporteur : Et s’ils nous défendent mal, comment va-t-on récupérer, on versera au fur et à mesure, sur présentation ?

M. François BACHELET : Je ne l’ai pas su d’emblée. D’une façon générale, mon rôle était d’attirer vers la trésorerie d’Air Lib un maximum de finances qui étaient sur les comptes d’Holco.

M. le Rapporteur : Pendant la période, avez-vous vu le cabinet Plegler en tant que directeur général, vous avez eu des comptes rendus ?

M. François BACHELET : Dans la réalité de mon travail, j’étais vraiment à 100 % accaparé par la gestion de la compagnie d’exploitation, donc, je ne m’occupais pas de ces dossiers qui étaient un peu le domaine réservé du président et de Me Léonzi.

M. le Rapporteur : A partir d’octobre, novembre, la compagnie cesse de payer toute une partie de ses redevances aéroportuaires, de ses taxes. Vous étiez directeur général, donc, vous étiez au courant ?

M. François BACHELET : Là, c’est moi.

M. le Rapporteur : C’est vous qui avez dit : " On ne peut plus, on ne paye plus. "

M. François BACHELET : Vous faites allusion à Aéroports de Paris (ADP) d’une part et à un certain nombre de charges sociales et fiscales. Les deux dossiers sont très largement séparés.

Pour ce qui est d’ADP, il y a eu un dossier âpre que nous avons découvert de façon assez peu courtoise de la part d’ADP, que l’on rencontrait de façon courtoise par contre et opérationnelle régulièrement, dans la mesure où l’on a appris leur désaccord avec notre position quand ils ont commencé à nous saisir des avions opérationnels. On a provoqué une réunion technique. On a vu le président Cousquer et son état-major. Ils nous ont dit qu’on leur devait de l’argent. En effet, on a découvert qu’ils prétendaient que nous leur devions des redevances assujetties au matricule des avions pour des périodes antérieures au dépôt de bilan d’AOM-Air Liberté. On leur a dit de s’adresser au liquidateur judiciaire et que l’on n’était pas concerné. ADP a eu un raisonnement juridiquement fondé disant : tout ce que l’on connaît, ce sont les matricules des avions. Si vous ne nous payez pas les redevances dues pour ces avions, ces avions ne voleront pas. Il est vrai que ce n’est pas Air Lib qui nous les doit , mais le propriétaire des avions. Mais vous nous payez d’abord, ainsi les avions peuvent voler et, ensuite, vous vous retournez vers le bailleur de ces aéronefs qui vous remboursera. Cela a été une partie de bras de fer assez importante. Ils nous ont fait une ou deux saisies d’avions. J’ai sollicité l’appui de l’autorité de tutelle et cela s’est mal fini pour le directeur général d’ADP.

M. le Rapporteur : Cela s’est mal fini, c’est-à-dire ?

M. François BACHELET : Il a été prié de quitter ses fonctions.

M. le Rapporteur : A cause de cela ?

M. François BACHELET : Vraisemblablement. Il a contrevenu à une directive de son ministre. Je n’étais pas dans le bureau quand cela s’est produit.

M. Gilbert Gantier : C’est en novembre-décembre.

M. François BACHELET : On est, certes, à une période critique sur le plan de la trésorerie. Mais là, ce n’était pas pour faire de la trésorerie. On était naïvement, candidement indigné que l’on ose nous prélever des sommes pour des actions antérieures au dépôt de bilan précédant la reprise.

M. le Rapporteur : Avez-vous eu copie de la lettre du ministre au président d’Aéroports de Paris lui demandant de ne plus saisir vos avions ?

M. François BACHELET : Je ne pense pas qu’il ait écrit.

M. le Rapporteur : Si, il a écrit.

M. François BACHELET : Je n’ai pas eu de copie.

Ce n’est pas pour faire de la trésorerie, mais pour défendre bec et ongles et de bonne foi, même si c’est à tort, comme je l’ai su après une analyse juridique. Ils sont fondés juridiquement, même si l’on peut penser qu’ils auraient pu nous proposer des transactions, des étalements dans le temps. Par contre, pour de la trésorerie, on a négocié avec les ASSEDIC.

M. le Rapporteur : Vous payez jusqu’à fin octobre TTC et après, il y un problème fiscal. Pourriez-vous nous dire un petit mot sur l’aspect fiscal ?

M. François BACHELET : Je n’ai pas traité ces dossiers. Je ne sais pas ce qui nous amenait à leur payer cela hors taxe plutôt que TTC.

M. le Rapporteur : C’était le critère des 80 %. 80 % du trafic est-il à l’extérieur ou non ?

M. François BACHELET : Tout dépend si l’on parle en passagers-kilomètres. En passagers-kilomètres, ce doit être vrai. En nombre de passagers, c’est certainement faux. Sur les autres, c’est un problème banal auquel ont recours nombre d’entreprises ou du moins essayent-elles. Il s’agit de négocier avec l’administration un report de paiement de charges. On est allé négocier à Nantes en leur disant : on est en difficulté de trésorerie aujourd’hui. Voilà la réactualisation de notre business plan. Cela doit se passer fin novembre, début décembre, dans la mesure, où à ce moment-là on a mis au point un plan d’adaptation à la conjoncture pour la continuité de l’exploitation. Je vous en reparlerai tout à l’heure. Vraisemblablement, vous allez me demander pourquoi j’ai quitté cette magnifique entreprise.

M. le Rapporteur : Nous allons y venir.

M. François BACHELET : On a essayé de faire feu de tout bois et de trouver auprès de l’administration une oreille compatissante qui accepte de reporter de six mois le paiement d’un certain nombre de charges sociales. On a dû faire la même chose avec la DGAC.

M. le Rapporteur : On est en octobre, novembre ? Vous avez cessé à partir d’octobre de payer vos cotisations sociales ?

M. François BACHELET : On a l’autorisation de l’administration.

M. le Rapporteur : C’est-à-dire de l’URSSAF et ASSEDIC ?

M. François BACHELET : URSSAF oui et ASSEDIC sans doute. Je n’ai plus le détail en tête, mais si l’on a cessé le paiement, c’est avec leur autorisation et sur la base d’un business plan promettant la reprise des paiements et le remboursement au mois de juillet 2002.

M. le Rapporteur : Donc, il y a suspension jusqu’en juillet 2002 du paiement des cotisations sociales, mais avec reprise à compter de juillet 2002. C’est signé, y a-t-il un accord ?

M. François BACHELET : Oui. C’est difficile de le faire de façon sauvage !

M. le Rapporteur : Sur cette période qui va de juillet 2001 jusqu’à votre démission, sur laquelle on va revenir, en février 2002, le 15 février puisque vous quittez l’entreprise.

M. François BACHELET : Je quitte administrativement l’entreprise, mais je cesse mes fonctions de président du directoire le 31 décembre.

M. le Rapporteur : Quelles ont été, d’après ce que vous avez su, les influences des autorités politiques sur le dossier Air Liberté ? A votre connaissance, y a-t-il eu des pressions sur le tribunal pour essayer d’aboutir à telle ou telle solution ?

M. François BACHELET : A ma connaissance, non, et cela me paraît peu vraisemblable.

M. le Rapporteur : Vous nous avez parlé d’une intervention sur le problème des avions. Y en a-t-il eu d’autres ?

M. François BACHELET : Il y en a eu d’autres, dans l’autre sens. Vers le 15 octobre, j’ai estimé que l’affaire n’était plus viable. Je l’ai écrit au cabinet du ministre en lui disant qu’il me paraissait invraisemblable que l’on puisse trouver des fonds propres supplémentaires pour faire face à la carence de Swissair et que, dans le contexte du transport aérien tel qu’on le vivait, le business plan sans financement était irréaliste. Je suggérais, de façon non étudiée, l’arrêt de l’activité. On avait encore de la trésorerie, donc, on ne pouvait pas déposer le bilan, mais on pouvait très bien décider d’arrêter l’activité et d’abonder un plan social avec le reste de trésorerie pour distribuer au personnel ce qui aurait été sauvé du désastre de Swissair.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous communiquer cette lettre ?

M. François BACHELET : Non, je ne l’ai pas.

M. le Rapporteur : Vous en avez bien une copie ?

M. François BACHELET : Je n’ai pas copie de cette lettre. Je me souviens de l’avoir écrite car cela me semblait être de mon devoir d’éclairer le cabinet.

M. le Rapporteur : Vous n’avez pas gardé un double de votre lettre ? A qui était-elle adressée ? A M. Gayssot ? A l’aviation civile, au DGAC ?

M. François BACHELET : Au directeur du cabinet, M. Ricono.

M. le Rapporteur : Il ne nous en a pas parlé.

M. François BACHELET : Il ne l’avait peut-être pas en mémoire. Il avait beaucoup de papiers à traiter.

M. le Rapporteur : Vous l’avez faite en liaison avec M. Corbet ou de votre propre chef ?

M. François BACHELET : Bien sûr, j’ai prévenu M. Corbet et la DGAC.

M. le Rapporteur : C’était cosigné de M. Corbet ?

M. François BACHELET : Non, pas du tout. J’ai simplement dit à M. Corbet que j’avais écrit cela car j’estimais que, dorénavant, cette entreprise n’était plus viable.

M. le Rapporteur : Il vous a répondu ? Il vous a appelé ? Il n’a pas demandé à vous voir ?

M. François BACHELET : Non. Après, je n’ai plus jamais eu de contact avec le directeur du cabinet.

M. le Rapporteur : Maintenant, on approche de l’échéance de votre départ puisque juridiquement vous partez le 15 février 2002, mais en fait vous avez quitté fin décembre.

M. François BACHELET : J’ai démissionné le 15 décembre. Ma lettre de démission à M. Corbet est du 15 décembre.

M. le Rapporteur : Avez-vous gardé un double de votre lettre de démission ?

M. François BACHELET : Peut-être, oui.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous la transmettre ?

M. François BACHELET : Si je la retrouve, je vous l’envoie.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous dire, par écrit, un peu d’après vos souvenirs, ce que vous avez mis dans votre lettre du 15 octobre adressée au directeur du cabinet du ministre des transports et s’il y a eu une réponse ?

M. François BACHELET : Il n’y a pas eu de réponse, je suis formel, ni écrite, ni orale. Je peux vous donner la teneur de cette lettre.

M. le Rapporteur : Oui, par écrit, pour notre dossier. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous démissionnez le 15 décembre ?

M. François BACHELET : En substance, je viens de vous le dire. A partir de mi-octobre, lorsque je prends cette position vis-à-vis de l’administration car j’estimais devoir le faire, les réunions formelles ou informelles avec le conseil de surveillance se sont multipliées pour décider du bien-fondé ou non du dépôt de bilan. On a commencé à préparer le dépôt de bilan sur le plan comptable et on a fait toutes les opérations préalables. Il y avait des " happenings " permanents dans ce domaine. On me promettait, pour les jours à venir, un chèque.

M. Gilbert Gantier : Un chèque de qui ?

M. François BACHELET : Ce n’était jamais précisé, des investisseurs, mettons Khalifa.

M. le Rapporteur : On ne vous a jamais dit de qui il pouvait s’agir ? Car il faut quelqu’un pour signer un chèque. Vous êtes un homme d’affaires, vous n’êtes pas tout à fait naïf.

M. François BACHELET : Je demandais. De toute façon, l’actionnaire descendait des fonds pour la continuation, à court terme, de l’entreprise. Je disais attention, voilà le plan de trésorerie, voilà quand on va commencer à ne pas pouvoir assurer la paie, mais c’était avec du préavis. Si je fais référence à des réunions du mois de novembre, ce n’était pas avant la fin décembre que nous devenions " sécants ". Ma principale préoccupation était de pouvoir assurer la paie d’un mois avant d’interrompre l’activité ou de déposer le bilan. Ce n’est pas parfait comme comportement mais, en même temps, je me le remémore et je me l’explique, on a toujours le sentiment de dire que l’on va laisser une dernière chance. C’est ce phénomène du dernier coup. Le 15 décembre, j’ai dit que cela suffisait, je m’en vais.

M. le Rapporteur : Votre départ s’est-il mal passé avec lui ?

M. François BACHELET : Absolument pas. Nous étions en désaccord sur l’opportunité de continuer ou pas l’exploitation de ces entreprises. Je comprenais les motivations de M. Corbet qui étaient de dire que, tant qu’il reste un souffle de vie, on n’a pas le droit de " débrancher ", il y a 3 000 personnes à la clé. C’étaient des réalités que l’on touchait du doigt. Il y avait à la fois la tentation technique d’arrêter et la tentation de dire que l’on essaie encore un petit peu.

Il faut dire aussi que la transformation de la structure juridique de l’entreprise a été faite lorsque M. Corbet a compris que j’avais la prérogative, sans avoir besoin de son accord, de déposer le bilan. Vite, on a supprimé le président du directoire pour éviter qu’il ne lui vienne une idée saugrenue. J’avais pris rendez-vous avec le tribunal de commerce le 2 ou 3 janvier. Donc, on a transformé la structure juridique de l’entreprise pour être bien sûr qu’un président de directoire ne prendrait pas des initiatives.

M. le Rapporteur : Quand a-t-on supprimé le directoire et le conseil de surveillance ?

M. François BACHELET : Dans la deuxième quinzaine de décembre, formellement.

M. le Rapporteur : Vous auriez pu anticiper...

M. François BACHELET : Je ne pouvais pas déposer le bilan tant que j’avais de la trésorerie. Tant qu’une entreprise n’a pas de dette, peut payer ses fournisseurs, elle n’a pas le droit de déposer le bilan. J’aurais pu arrêter l’entreprise.

M. le Rapporteur : Juridiquement, on peut déposer le bilan, ce n’est pas parce que l’on a encore de l’argent dans les caisses.

M. François BACHELET : On peut arrêter l’activité.

M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC : Il faut justifier de cessation irrémédiable.

M. le Rapporteur : Il était prévu, puisque M. Bachelet nous dit que toutes les prévisions lui montraient qu’ils ne passaient pas janvier.

Mme Arlette GROSSKOST : La définition de la cessation de paiement, c’est lorsque le passif exigible est supérieur à l’actif disponible.

M. François BACHELET : Ce n’était pas le cas.

M. le Rapporteur : On savait qu’un mois et demi plus tard c’était le cas. Donc, on peut à ce moment-là prendre rendez-vous avec le président du tribunal.

M. François BACHELET : C’est ce que j’ai fait.

M. le Rapporteur : C’est possible, certains le font.

Mme Arlette GROSSKOST : Le passif était largement supérieur. Les créances dues sur l’Etat et autres ne sont-elles pas des passifs exigibles ?

M. François BACHELET : Les créances dues sur l’Etat sont nées ultérieurement.

Elles n’étaient pas exigibles et les créances sur l’Etat en 2001 se résumaient à deux mois de cotisations URSSAF et ASSEDIC.

M. le Rapporteur : Donc, vous pouvez nous confirmer que vous aviez pris rendez-vous avec le président Rousselin ?

M. François BACHELET : Oui.

M. le Rapporteur : Il faudrait réinterroger le président Rousselin. Il faut que nous relisions ses déclarations car, de mémoire, il ne nous a pas parlé de cet épisode. Pouvez-vous aussi nous le mettre par écrit en essayant de retrouver la date qui était déjà fixée, puisque vous nous avez dit que c’était le 2 ou 3 janvier ?

M. François BACHELET : C’était au tout début de l’année 2002 pour acter ce que j’estimais devenir nécessaire.

M. le Rapporteur : Avez-vous écrit que vous souhaitiez un rendez-vous ou était-ce oral ?

M. François BACHELET : Cela n’a pas été écrit. Je vais récolter mes souvenirs et vous les mettre par écrit.

M. le Rapporteur : Quelle appréciation portez-vous sur les qualités de manager de M. Corbet ? On a commencé un peu à en parler en début d’entretien.

M. François BACHELET : J’étais le manager de l’opération. Je n’avais pas à apprécier ses qualités de manager. J’avais été très clair en disant que je n’étais pas là pour être la doublure, mais pour exercer la réalité de la présidence du directoire, ce que j’ai fait. Donc, je n’avais pas d’interférence sur le plan du management avec Jean-Charles Corbet. Je l’ai vu avec énergie et efficacité faire ce " labourage ", si j’ose dire, du terreau des collectivités locales dans les DOM pour essayer de les intéresser à leur implication dans l’entreprise.

M. le Rapporteur : Il est intéressant de labourer pour semer et récolter, mais d’après ce que vous nous avez dit, il n’y a jamais eu de récoltes.

M. François BACHELET : Vous êtes sans doute beaucoup mieux placé que moi pour savoir que ces démarches sont extrêmement lentes. Mobiliser l’intérêt et le financement de collectivités locales, lorsque l’on n’est pas soi-même du sérail, c’est difficile.

M. le Rapporteur : Cela dépend. Il y a quelques exceptions. Connaissez-vous Christian Paris ? Pouvez-vous nous dire quel rôle il a joué durant cette période qui commence à votre arrivée dans l’équipe informelle, donc, en avril mai 2001 jusqu’à votre départ en décembre 2001 ?

M. François BACHELET : Tout le monde connaît Christian Paris, on l’a vu beaucoup à la télévision, en grand uniforme de la flotte. Je l’ai vu apparaître fin août, pas avant. Christian Paris est un ami d’études de Jean-Charles Corbet. Il s’agit donc de deux hommes qui se connaissent très bien. Il avait la réputation d’être compétent en matière de communication. Une de mes surprises - car je n’avais vraiment aucune expérience professionnelle dans ce domaine -a été la gestion de la communication avec les médias où l’on a très vite fait de déraper, de dire des bêtises sous la pression. J’ai été estomaqué par cela. J’ai dû commettre des interviews imprécises. Cela l’avait frappé et il m’en a parlé. Je lui ai demandé s’il pouvait nous aider à mettre en place une structure de communication qui ensuite a englobé la communication interne à l’entreprise qui était assez largement défaillante aussi, en tout cas qu’il fallait restructurer, à qui il fallait donner une structure. Il y avait une équipe au sein d’Air Lib dont c’était le métier. Lui, était un peu le mentor technique. Il nous disait ce qu’il fallait éviter de faire, ordonner, c’était les conseils de quelqu’un ayant une expérience personnelle. Je l’ai sollicité à titre bénévole, personnellement, pour qu’il le fasse. Il l’a fait de façon discontinue car il est commandant de bord et l’est toujours à Air France et il a d’autres fonctions dans cette entreprise, donc, il passait, de temps en temps, sans rendez-vous. Ou, au téléphone, on pouvait disserter et discuter de l’opportunité de présenter de telle ou telle manière. Son aide était technique et, me concernant, bienvenue.

M. le Rapporteur : Vous nous avez dit que vous étiez à la retraite d’Air France. Depuis combien de temps étiez-vous à la retraite quand on vient vous solliciter ?

M. François BACHELET : Depuis le 1er août 2000.

M. le Rapporteur : Donc, cela faisait un peu moins d’un an. N’y avait-il pas un problème juridique, vu la proximité entre votre départ à la retraite, à reprendre une activité ? Il n’y a pas de clause dans le statut d’Air France ?

M. François BACHELET : Si, une clause de non-concurrence. Avant d’accepter, j’ai pris contact avec le président Spinetta.

M. le Rapporteur : Que vous a-t-il dit ?

M. François BACHELET : Qu’il n’y avait pas de problème.

M. le Rapporteur : Vous a-t-il encouragé, a-t-il été neutre, vous a-t-il découragé ?

M. François BACHELET : Connaissez-vous le président Spinetta ? C’est un personnage un peu énigmatique. S’il avait voulu me dire non, il l’aurait dit de façon très claire. Il m’a clairement laissé entendre que cela ne le gênait pas, et il ne demandait pas à ce que je lui rende compte, que je n’étais pas un homme de main ou un sous-marin. Il m’a dit que cela ne posait pas de problème.

M. le Rapporteur : Cela s’est fait par écrit ?

M. François BACHELET : Oui, il y a eu des écrits qui sont dans le dossier de reprise. Dans la mesure où Air France, en la personne du président Spinetta et du directeur général d’Air France, M. Gourgeon, ont accepté le principe, que nous avons dû négocier âprement par la suite, d’un accord de code share avec Air Lib pour pouvoir nous permettre de développer. Une grosse aide...

M. le Rapporteur : Oui mais vous concernant, vous avez saisi par écrit et pas simplement par un entretien ?

M. François BACHELET : C’était au téléphone.

Mme Arlette Grosskost : La levée de la clause de non-concurrence a-t-elle été faite par écrit ?

M. François BACHELET : Elle ne s’appliquait pas. On n’était pas une entreprise concurrente d’Air France. La preuve est qu’il y avait un accord de code share.

M. le Rapporteur : Dans le statut d’Air France, un retraité a le droit de retravailler, sans accord de sa maison mère ?

M. François BACHELET : Le statut d’Air France prévoit le cas du salarié d’Air France qui désire exercer une activité supplémentaire. C’est prévu par le statut.

M. le Rapporteur : Oui, mais le retraité ?

M. François BACHELET : Je ne connais pas de clause.

M. le Rapporteur : Vous avez eu un entretien téléphonique ?

M. François BACHELET : Oui, tout à fait. J’avais été un de ses proches collaborateurs et au moins par courtoisie je me devais de le faire et je voulais m’assurer que, pour des raisons que j’aurais ignorées, ce n’était pas une entreprise qui, à ses yeux, était nuisible à Air France. Je m’en suis assuré. Il m’a dit qu’il n’y avait pas de problème.

M. Gilbert GANTIER : Sur les relations entre Air Lib et Air France, un certain nombre de questions se posent. Vous avez dit que vous étiez à la retraite, que vous avez téléphoné à M. Spinetta qui vous a autorisé à exercer les fonctions qui ont été les vôtres. On parlait, il y a un instant, de Christian Paris qui était, en quelque sorte, le directeur des relations publiques.

M. François BACHELET : Absolument pas.

M. Gilbert GANTIER : Il donnait des conseils bénévolement ?

M. François BACHELET : A titre bénévole et sporadique, sur son temps libre.

M. Gilbert GANTIER : Il était, et il est toujours salarié d’Air France. D’un point de vue déontologique, cela vous paraît normal ?

M. le Rapporteur : Je poserais peut-être encore plus précisément la question. M. Paris était pilote salarié d’Air France, administrateur d’Air France et il l’est toujours, et président du Fonds Concorde d’une partie des actionnaires pilotes d’Air France. Nous avons posé la question à M. Paris en lui demandant s’il avait saisi sa hiérarchie, c’est-à-dire son président ou son directeur général, d’une autorisation pour dire qu’il était conseillé informel en demandant s’il n’y avait pas d’inconvénient. Vous en a-t-il parlé ?

M. François BACHELET : Non, pas de cela. Pas du tout.

M. le Rapporteur : Vous êtes aussi un ancien d’Air France, donc, vous connaissiez le statut et les clauses du statut d’Air France. Cela ne vous choque pas de solliciter un administrateur d’Air France pour avoir des conseils sur la gestion ?

M. François BACHELET : Vous avez l’air de sous-entendre qu’Air Lib était une entreprise concurrente d’Air France. Je prétends que c’est tout à fait le contraire. Le rôle de M. Paris dans cette affaire se limitait à des conseils personnels pour gérer la pratique de la communication dans cette entreprise. De toute façon, nous aurions communiqué. Il ne nous disait pas ce qu’il fallait dire, il nous disait comment le dire.

M. le Rapporteur : Subtil distinguo.

M. François BACHELET : C’est d’importance.

M. Gilbert GANTIER : Vous venez de dire qu’Air Lib n’était pas concurrent d’Air France. Mais tout à l’heure, vous avez dit que, quand Air Lib voulait exploiter des lignes vers les Caraïbes, par exemple, ce marché s’ouvrait car les gens des Caraïbes ne voulaient plus supporter le monopole d’Air France. Donc, il y avait là une action contre les intérêts d’Air France. Quand vous êtes monopoleur sur une ligne, allez-vous aider quelqu’un qui va vous empêcher de continuer à exercer votre monopole ?

M. François BACHELET : Le dossier du monopole sur les Antilles est un vieux dossier. Je vais le résumer d’une façon sophistiquée. Pendant longtemps, Air France s’est demandé ce qui fait que Lufthansa fonctionne mieux que lui et dans beaucoup de domaines. Une des conclusions était qu’ils avaient la chance de ne pas avoir de domaine réservé ex-colonial ou néo-colonial car cela vous endort sur le plan de la concurrence, cela vous met en dehors du réflexe managérial classique et c’est un peu l’or des espagnols, en quelque sorte. Ils en sont morts. Un président de la classe et de la dimension de M. Spinetta pouvait très bien comprendre que c’était, au contraire, l’intérêt d’Air France que de voir des concurrents de sa même nature, c’est-à-dire pas des massacreurs de tarifs - que nous n’étions pas, ne serait-ce que parce que nous n’avions pas les moyens de le faire, mais aussi parce que ce n’était pas notre philosophie - donc, de voir Air Lib, qui exploitait déjà ces lignes, pouvoir les exploiter aussi au départ de Charles de Gaulle. Et c’est là que s’exerçait l’accord de code share avec Air France qui nous aidait beaucoup car nous n’avions pas le réseau commercial nous permettant de remplir des avions au départ de Charles de Gaulle.

Il en était tout à fait autrement lorsqu’au hasard d’une conversation certains irréalistes d’Air Lib s’étaient dit qu’il serait intéressant d’ouvrir des lignes sur l’Afrique occidentale, francophone où Air France a été aussi en monopole et l’est encore à certains égards. Là, " bec et ongles ", il n’était pas question qu’Air Lib mette le bout du nez dans un secteur hautement rentable pour l’entreprise Air France. Mais c’était différent pour les Caraïbes qui ne sont pas un marché rentable pour Air France, qui sont au contraire un secteur détrimental à un développement puissant d’Air France sur le marché international.

M. le Rapporteur : Vous avez donc été cinq mois officiellement dans la structure Holco et dans la société d’exploitation comme directeur général, d’une part, et comme président du directoire, d’autre part. Vous avez touché 3 millions en cinq mois. Vous ne trouvez pas que c’est très élevé ?

M. François BACHELET : Si, mais ce n’était pas prévu de durer peu à ce stade. A mon âge, je n’envisageais pas une carrière de 20 ans, mais certainement pas de cinq mois.

M. le Rapporteur : Vous n’aviez jamais été aussi bien rémunéré de votre vie ?

M. François BACHELET : C’est vrai.

M. le Rapporteur : Je connais un peu Air France puisque je l’ai contrôlé.

M. François BACHELET : Sur le plan de la rémunération, j’avais la même qu’à Air France.

M. le Rapporteur : Avant de partir, avez-vous envoyé une lettre à M. Corbet pour lui expliquer que ne pas déposer le bilan, comme vous vouliez le faire, était une énorme erreur, puisque c’était votre position.

M. François BACHELET : Ce que j’ai écrit à M. Corbet - et nous avons écrit, M. Bardi et moi la même lettre - c’est qu’il nous paraissait dorénavant complètement impossible de pouvoir acquérir les fonds propres - et je parlais de vrais fonds propres, non pas de dettes qu’il faut rembourser - nécessaire à la survie de ces entreprises et que par conséquent on remettait notre démission de membres du directoire.

M. le Rapporteur : Vous pourriez nous remettre cette lettre ?

M. François BACHELET : Oui, je l’ai.

M. le Rapporteur : Y a-t-il d’autres documents dont il vous semblerait qu’il soit intéressant que la commission en prenne connaissance ?

M. François BACHELET : L’essentiel est documenté dans le dossier qu’a le liquidateur actuellement, c’est-à-dire les comptes rendus des réunions du directoire et du conseil de surveillance.

M. le Rapporteur : Avez-vous gardé un exemplaire de ces documents ?

M. François BACHELET : Non, mais ils sont enregistrés. C’est dans un livre, c’est officiel. Le liquidateur l’a eu en sa possession.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous remettre ces documents ?

M. François BACHELET : Oui, je l’ai noté.

M. le Rapporteur : Y a-t-il d’autres éléments que vous voudriez indiquer à la commission ? Il me reste à vous remercier.


Source : Assemblée nationale (France)