Procès-verbal de la séance du mercredi 21 mai 2003

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

Les témoins sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, les témoins prêtent serment.

M. le Président : Nous avons souhaité vous entendre car il nous paraissait nécessaire de recueillir le témoignage de l’ensemble des ministres qui ont eu à traiter ce dossier.

Nous avons entendu ce matin M. Laurent Fabius qui était auditionné en tant que ministre des finances à l’époque du premier prêt FDES et nous auditionnerons la semaine prochaine, M. Jean-Claude Gayssot ainsi que M. Dominique Bussereau.

Dès le mois de juin 2002, le nouveau gouvernement a été saisi du dossier Air Lib. Le secrétaire d’Etat aux transports a rencontré M. Corbet le 5 juin et une première réunion interministérielle, à notre connaissance, s’est tenue le 11 juin pour examiner la situation de cette compagnie. A cette époque, le passif de la compagnie était évalué à 30 millions d’euros au titre des charges sociales et fiscales, alors que le remboursement du prêt FDES devait intervenir le 9 juillet, c’est-à-dire peu de jours après votre prise de fonction.

Etait en jeu l’emploi de plus de 3 000 salariés et, à l’époque, le bon déroulement des départs en vacances qui risquait d’être perturbé par la liquidation de la compagnie. Par la suite, vous avez eu à gérer un nouvel épisode, celui du projet présenté par M. de Vlieger, le président d’IMCA qui se proposait d’entrer dans le capital d’Air Lib.

Nous souhaiterions que votre audition nous donne l’occasion de mieux comprendre la problématique de ce dossier et les décisions que vous avez prises.

M. Gilles de ROBIEN : C’est à partir d’avril 2002 que nous avons eu à connaître, Dominique Bussereau et moi-même, le dossier d’Air Lib. A cette époque, nous avons commandé deux audits : un premier stratégique sur les conditions d’exploitation et un second plus orienté sur la situation de trésorerie de la compagnie.

Le premier audit, confié à KPMG, visait à préciser les conditions et les perspectives de rentabilité offertes par le réseau moyen courrier, à la suite de l’introduction des services d’Air Lib Express, mais également des réseaux Algérie et long courrier dont Air Lib attendait du profit. Les conclusions de l’audit de KPMG, disponibles à la mi-juin, montraient que les moyens matériels et humains de la compagnie n’étaient pas adaptés au programme qui était exploité, ce qui était générateur de surcoût et que si certains axes en métropole et la desserte de l’Algérie présentaient des perspectives de rentabilité, la situation du réseau long courrier était préoccupante.

Par conséquent, un redressement n’était pas exclu, mais passait par une véritable restructuration, comportant une réduction des effectifs et de la flotte et l’apport d’argent frais, ce qui nécessitait l’arrivée d’un investisseur extérieur. A la fois conscient de la place d’Air Lib et du nombre d’employés dans cette entreprise, le gouvernement a souhaité donner toutes ses chances à Air Lib pour lui permettre de rechercher un partenaire. Plutôt que d’entraîner par un remboursement immédiat du prêt FDES le dépôt de bilan, le gouvernement a voulu offrir à Air Lib une chance de redressement, car sa trésorerie, notamment en période de vacance, pouvait le cas échéant se redresser pendant cette période.

Ainsi l’échéance du prêt FDES a été prolongée du 31 juillet 2002 jusqu’au 9 novembre. C’est à ce moment-là qu’a été accordé à la compagnie un moratoire sur l’ensemble du passif échu vis-à-vis des administrations publiques.

Après la prolongation de ce prêt FDES, la compagnie a repris ses paiements, mais dès la fin de septembre, elle a de nouveau interrompu le paiement de ses charges courantes, mettant en avant des difficultés financières qui résultaient pour elle de l’impossibilité de monter un GIE fiscal sur lequel elle comptait pour lui apporter de la trésorerie. La compagnie arguait que les deux Airbus A340, qu’elle pensait remisés chez Airbus, avaient été vendus à Air Tahiti Nui.

Nous avons insisté pour que ce plan de restructuration se fasse vite. Un premier plan nous a été présenté le 19 octobre. Ce plan a été décevant car il ne comprenait pas de financements attendus pour restructurer l’entreprise. Cependant, M. Corbet nous a indiqués qu’il était en contact avec un investisseur. Les carences que présentaient alors cette ébauche de plan de restructuration et le manque de visibilité quant à un éventuel investisseur nous ont amenés à envisager très sérieusement la perspective d’une demande de remboursement, qui allait entraîner une nouvelle fois le dépôt de bilan.

C’est alors que le président d’Air Lib a précisé au gouvernement l’identité d’un investisseur potentiel, à savoir IMCA. J’ai reçu personnellement le 12 novembre, avec Dominique Bussereau et des représentants du cabinet de M. Mer et de Mme Girardin, le président de ce groupe, Erik de Vlieger. Celui-ci nous a confirmé l’intérêt de son groupe pour diversifier ses activités dans le domaine aérien dans lequel il avait déjà des intérêts. Il nous a indiqué que son groupe avait une surface financière qui lui permettait d’envisager un investissement conséquent dans Air Lib, et notamment le renouvellement de la flotte de cette compagnie.

Cet investisseur nous a demandé quelques semaines pour étudier la situation d’Air Lib. L’arrivée de cet investisseur, dont notre ambassade aux Pays-Bas nous a confirmé la crédibilité, nous a redonné un peu d’espoir de sauver Air Lib. Pour lui donner le temps de s’investir dans la préparation d’un plan de redressement en liaison avec Air Lib, les échanges de remboursement ont été reportés jusqu’au 9 janvier 2003, et la licence de la compagnie a été renouvelée jusqu’au 31 janvier 2003.

A la date du 9 janvier 2003, cet investisseur n’avait toutefois pas finalisé ses propositions. J’ai donc souhaité à cette époque que s’engage, dans le cadre du CIRI, la conciliation qui avait été demandée par Air Lib pour permettre de préciser les conditions de remboursement des dettes publiques. Celle-ci devait également permettre de préciser les conditions de participation d’IMCA au financement du plan de restructuration.

Une des conditions mises par l’Etat à l’engagement de cette conciliation a été que la dette d’Air Lib, vis-à-vis de l’Etat et de ses créanciers publics, dont le montant total avoisinait alors 120 millions d’euros, ne s’accroisse plus. Cela supposait qu’IMCA s’engage très vite, dans le cadre de cette conciliation, à apporter de la trésorerie à Air Lib.

La conciliation, engagée sous l’égide de Me Lafont, a abouti le 30 janvier, à la rédaction d’un protocole de conciliation qui recueillait l’agrément de toutes les parties. Dans ce protocole, l’Etat accordait à Air Lib des conditions de remboursement de ses dettes très favorables, c’est-à-dire un étalement.

IMCA a subordonné la signature de ce document à l’aboutissement de deux négociations séparées que la société avait engagées. La première, avec les personnels d’Air Lib, s’est dans un premier temps mal passée, puis a abouti à un accord apparent des salariés réclamant même le retour d’IMCA dans la négociation. La deuxième négociation était avec Airbus pour acquérir des appareils pour renouveler la flotte d’Air Lib.

Pour permettre le développement de ces négociations, la validité de la licence d’exploitation d’Air Lib a été, une ultime fois, prolongée du 31 janvier jusqu’au mercredi 5 février. Ce délai n’a pas permis à la société de trouver un accord avec Airbus, malgré des négociations qui se sont prolongées fort tard dans la nuit du 5 au 6 février.

Les vols d’Air Lib sont arrêtés le 6 février. Le 13 février, le président de l’entreprise a déclaré la société en cessation de paiement et le 17 février, le président du tribunal de commerce de Créteil a prononcé sa liquidation.

M. le Président : M. Fabius, que nous avons auditionné ce matin en sa qualité de ministre des finances en fonction à l’époque lorsque le gouvernement a donné l’autorisation pour le prêt FDES de 30,5 millions d’euros en deux tranches, nous a confirmé les annotations qu’il avait lui-même inscrites sur les notes que lui avait adressé le directeur du Trésor et sur les courriers que lui avait adressé Matignon.

Par ses notes, il précisait qu’il était tout à fait opposé à l’attribution de ce prêt et qu’il se voyait néanmoins contraint de l’attribuer après avoir reçu instruction de le faire au cours d’une réunion interministérielle qui a eu lieu le 3 janvier à Matignon. M. Bézard que nous avons entendu ensuite nous l’a confirmé.

Nous avons été étonnés par la manière dont ce prêt a été attribué. Des questions ont été posées concernant votre réaction en tant que ministre des Finances. L’échéance du prêt arrivait quelques trois semaines après votre arrivée au gouvernement. Quelle a été votre réaction en tant que ministre des Finances vis-à-vis de ce dossier ?

M. Francis MER : Je tiens à rappeler à tous que le prêt, qui avait été octroyé début 2002, était sur un an et sous forme de deux périodes de six mois renouvelables. Par conséquent, il convient de ne pas partir de l’idée qu’il y a eu une nouvelle décision à prendre vis-à-vis de Bruxelles à propos de la prolongation de ce prêt pendant six mois.

Ceci faisait partie des aides au sauvetage qui avaient été négociées. C’est à l’intérieur de cette règle européenne que nous avons décidé, avec M. de Robien, compte tenu de la situation à l’époque et d’une éventuelle possibilité de trouver à un certain moment un soutien extérieur, qu’il était préférable d’accorder un sursis de six mois à ladite société. Nous savions tous pertinemment que, sans fait nouveau venant de l’extérieur, il n’y avait pratiquement aucune chance pour que cette entreprise s’en sorte par elle-même.

M. le Président : Ce matin, M. Fabius a confirmé l’annotation manuscrite portée par le directeur du Trésor sur une note qui lui était adressée, indiquant déjà à l’époque qu’il n’y avait aucune chance de retrouver les fonds prêtés.

M. Francis MER : Dès lors que les fonds avaient été prêtés et que, de toute façon, si nous arrêtions l’opération, ces fonds étaient perdus, nous avons considéré, sans être amenés à remettre de nouveau des fonds dans cette entreprise, qu’en respectant la législation européenne, nous ne risquions rien, sinon de voir une heureuse sortie par le haut, c’est-à-dire un décollage et non pas un crash.

C’est dans ce contexte que nous avons essayé de susciter, auprès de ladite société, la nécessité de trouver des partenaires. Il s’avère que ceux-ci sont arrivés au dernier moment, à la limite de la fin de l’année du prêt, d’où la décision prise avec M. de Robien d’accorder un délai supplémentaire de quelques jours. Ce délai avait pour but d’éviter une situation absurde dans laquelle on aurait vu un sauveteur arriver quelques minutes trop tard.

Cela étant, le plus intéressant dans la manière dont ce sauveteur potentiel s’est présenté, c’est que jusqu’au dernier moment, il a essayé de conclure une opération intéressante pour lui, sans y mettre le moindre euro. En effet, la négociation, conduite durant la nuit du 6 au 7 février, a consisté essentiellement à convaincre un fournisseur potentiel d’avions de lui accorder un rabais. Ce dernier lui aurait permis, moyennant une présentation juridique adéquate, de faire la mise de fonds que nous lui demandions désespérément d’introduire dans le capital d’Air Lib pour manifester son engagement financier. Fondamentalement, il était en train de le conclure sur le dos d’un fournisseur, lequel ne l’a pas suivi. En conclusion, la preuve a été faite que ce sauveur potentiel n’avait aucune intention d’y mettre ses propres moyens financiers.

M. le Président : Depuis le 27 juillet 2001, nous sommes à la recherche des investisseurs. Notre commission s’interroge sur la manière dont le tribunal a pu décider de ce plan de reprise, avec des investisseurs potentiels annoncés mais qui ne se sont jamais déclarés. Je supposais que vos réponses seraient celles que vous nous avez données.

Pour ma part, je n’ai plus de questions à vous poser puisque vous me confirmez que vous avez reconduit un prêt pour six mois dans l’attente d’un investisseur. Ensuite, vous avez pris les décisions qui s’imposent, à savoir mettre un terme à ce processus qui s’est achevé par un dépôt de bilan.

M. le Rapporteur : Je voudrais poser aux deux ministres la question suivante. Lorsque vous avez pris la décision de ne pas demander le remboursement du prêt au bout des six mois, une des conditions que vous aviez mises était la reprise du paiement non pas uniquement des charges sociales mais aussi des charges aéroportuaires qui n’étaient plus payées.

Mais cela n’est que pendant le mois d’août que la société a repris ses paiements. A partir du 1er septembre, la société ne paie plus. Dès lors que la société ne respectait plus ses engagements, l’Etat était délié des siens, c’est-à-dire de prolonger de six mois le prêt. Avez-vous envisagé à l’époque de signifier à l’entreprise que vous mettiez fin à la prolongation du fait du non-respect des engagements et que vous demandiez le remboursement ?

M. Francis MER : Nous avions pris la précaution de n’autoriser la prolongation du prêt que pour quatre mois, pour mettre sous pression ladite société à la recherche de son investisseur extérieur. Quand nous avons constaté qu’elle avait arrêté de payer en septembre, nous nous sommes posé la question de savoir quel était notre intérêt collectif : était-ce soit de tirer l’échelle, sachant que nous ne serions pas remboursés et que les fonds étaient perdus, soit d’essayer dans l’intérêt de l’entreprise, de son personnel et de ses clients, de mettre entre parenthèses le fait que la société ne respectait pas le contrat et de lui accorder quelques mois supplémentaires.

Nous avons clairement choisi ensemble la deuxième version. En effet, nous avions encore l’espoir, qui a failli se concrétiser quelques mois plus tard, qu’un investisseur providentiel se déclarerait. Nous avons pris cette décision en termes économiques et politiques.

M. le Rapporteur : Vous êtes-vous à nouveau réunis pour discuter du fait de continuer, de votre côté, à respecter vos engagements alors que l’entreprise ne respectait pas les siens ?

M. Francis MER : Nous nous sommes posé la question et ensemble, nous avons estimé que cela valait la peine d’attendre un peu, car nous avions le sentiment que peut-être, assez rapidement, ils allaient trouver une solution.

M. le Président : Il s’agissait bien à l’époque de reconduire une autorisation de prêt formulée quelques mois auparavant, et non pas de négocier avec Bruxelles l’obtention de ce prêt.

M. le Rapporteur : Nous avons retrouvé des notes du CIRI adressées à votre prédécesseur, M. Laurent Fabius, lesquelles attiraient l’attention du ministre sur le fait que si le prêt était accordé, cela pourrait être susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat pour soutien abusif et d’être condamné en complément de passif.

Lorsque vous arrivez au gouvernement et que vous découvrez le dossier, quelle a été votre attitude au regard de ce risque qui était que l’Etat pouvait être considéré comme faisant du soutien abusif ?

M. Gilles de ROBIEN : Ma perception était la suivante. Etait en cours une aide au sauvetage, laquelle était reconvertible en aide à la restructuration si l’entreprise trouvait une solution durable pour se restructurer. Par conséquent, nous n’étions plus à quelques semaines près dans la mesure où l’entreprise reprenait ses paiements courants.

Le 19 octobre, un plan de restructuration nous est présenté, certes non satisfaisant. Nous informons le dirigeant de l’entreprise que ce plan n’est pas satisfaisant et qu’il doit revoir sa copie. Lorsque nous mettons la pression, il nous indique qu’il a un repreneur, puis après encore un peu plus de pression, il nous donne enfin l’identité du repreneur que nous rencontrons en novembre. Tout cela se joue en quelques semaines.

Nous n’avons fait aucun concours supplémentaire, mais nous savions qu’à partir de fin septembre, les paiements n’étaient plus assurés. Cela valait la peine de laisser cette entreprise dans une telle situation, s’il y avait une petite chance de sauver l’entreprise et l’emploi, et de faire venir un investisseur étranger en France.

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : Messieurs, vous avez considéré tous les deux, ainsi que le Premier ministre je suppose, que cette entreprise pouvait être sauvée puisque vous lui avez accordé des délais, même si dans un premier temps ils étaient courts. Ce matin, M. Laurent Fabius a indiqué que, dès le départ, il avait été beaucoup plus réservé quant à cette entreprise lorsqu’il avait fallu attribuer le prêt. A cet égard, je vous renvoie à ses annotations manuscrites dont a fait état le président.

Selon M. Fabius, ce prêt avait été accordé pour une période de six mois. Au terme de cette période, il était prévu dans la convention un remboursement. Vous venez de dire que ce prêt était d’un an...

M. Francis MER : Non, il était de six mois, renouvelable une fois. Mais il n’était pas obligatoirement renouvelable.

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : Merci de la précision. Pourriez-vous confirmer que vous avez signé un avenant pour renouveler ce prêt ?

M. Francis MER : Je pense que l’on a dû prendre les mesures nécessaires pour que l’échéance de ce prêt soit reportée de quatre mois.

M. le Président : Nous avons l’avenant.

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : Ne considérez-vous pas, tout en sachant que la situation était difficile, qu’en faisant cela, on continuait à aggraver la dette ?

M. Francis MER : Dès lors que vous avez mis 30,5 millions au pot, que vous savez de toute façon perdus, la question qui se pose n’est pas de savoir comment récupérer ces 30,5 millions parce qu’ils sont perdus. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle M. Fabius avait conseillé de ne pas les mettre.

Néanmoins, une fois ces fonds mis et perdus, plutôt que d’exiger un remboursement et donc d’arrêter instantanément les opérations de cette entreprise, nous avons essayé d’être aussi intelligents et humains que possible. Nous avons estimé que s’il existait une chance raisonnable, dans un délai court, de trouver un changement de situation qui permette à cette entreprise de redécoller, pourquoi ne pas continuer dans cette démarche.

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : C’est ce que je souhaitais entendre.

M. Francis MER : C’est à ce moment-là que nous avons eu le nom d’un investisseur.

M. le Rapporteur : Nous avons interrogé Aéroports de Paris sur votre attitude lorsqu’il s’est avéré que l’entreprise continuait de ne pas payer ses taxes aéroportuaires, de même qu’elle ne payait pas ses cotisations sociales. Pourriez-vous nous préciser, l’un et l’autre, si vous êtes intervenus auprès des URSSAF et des ASSEDIC d’Aéroports de Paris pour demander qu’ils n’engagent pas des poursuites à l’encontre de l’entreprise ?

M. Francis MER : La réponse est oui. En accordant à l’entreprise un délai supplémentaire, l’objectif était qu’indépendamment, d’un point de vue qui aurait été celui du gouvernement, le comportement des autres acteurs, y compris ADP, ne soit pas incohérent avec le premier. Comme nous considérions ensemble qu’il y avait peut-être une chance pour que le pire soit évité, nous avons créé les conditions pour qu’en respectant leur propre réglementation, d’autres acteurs n’interviennent pas négativement face à cette chance.

M. le Rapporteur : A cet effet, vous leur avez donné des ordres écrits.

M. le Président : Je confirme que nous avons la note que vous avez signée le 15 novembre 2002. Le directeur de cabinet de M. Bussereau nous a également confirmé qu’il y avait un acte écrit dans le cadre de ce moratoire.

M. Xavier de ROUX : A partir de fin septembre, l’entreprise ne paie plus ni ses taxes d’aéroport et autres. Vous donnez néanmoins, notamment en ce qui concerne ADP, des instructions pour accorder ces non-paiements. Avez-vous idée à cette époque des pertes d’exploitation mensuelle de la société ? Il ne s’agit plus de 30,5 millions de dette, mais d’infiniment plus puisqu’en laissant la société continuer son exploitation, on creuse un trou et on ajoute aux 30,5 millions, 8 millions par mois.

M. Gilles de ROBIEN : Bien entendu que nous en avions conscience. Toutefois je fais une différence énorme entre l’apport de fonds publics, qui va grever le budget de l’Etat de 30,5 millions d’un prêt FDES dont M. Fabius nous dit que de toute façon il est perdu, avec des non-paiements de charge qui, de toute façon, étaient perdus si l’entreprise disparaissait.

Que l’entreprise cesse son activité en juillet, septembre, octobre, novembre, décembre ou janvier, lesdites recettes ne seraient entrées dans les caisses ni d’ADP, ni de l’URSSAF, ni d’autres créanciers possibles. Par conséquent, on ne peut pas dire que les deux sommes sont de nature équivalente. On peut aussi considérer que la disparition d’Air Lib entraîne 8 ou 9 millions par mois de non-recettes pour les mêmes entreprises ou établissements comme l’URSSAF ou ADP.

M. Xavier de ROUX : Sans vouloir rentrer dans une polémique, nous ne sommes pas dans les mêmes chiffres. Pour ADP, c’est une contrepartie des taxes d’aéroport et de services rendus. D’un côté, il y a des services rendus qui ne sont pas payés ; d’un autre, il n’y aurait pas eu de services rendus.

M. Gilles de ROBIEN : Certes, la nature des taxes d’aéroport et les cotisations URSSAF ne sont pas de même nature, mais arrêter de payer les taxes d’aéroport ne diminue pas d’autant les charges d’ADP. En clair, si une entreprise arrête ses activités au 1er juillet, 1er septembre ou 1er octobre, cela constitue un manque de recette.

M. Francis MER : Le coût marginal d’un atterrissage ADP n’est pas à la hauteur de la taxe. L’essentiel de ces pertes d’exploitation était généré par des manques à gagner pour l’URSSAF et ADP, et non pas par de nouvelles dépenses venant de l’Etat ou de la collectivité française vers la société.

L’acte majeur a été de mettre au pot 30,5 millions. Ces fonds, comme l’a clairement indiqué M. Fabius, se sont rapidement évaporés. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, en raisonnant " intelligemment ", nous estimions que de laisser se poursuivre l’exploitation en marginal pouvait donner à cette entreprise le temps nécessaire de trouver l’investisseur providentiel.

M. le Président : Pour résumer, il y a deux logiques différentes : la première consiste à attribuer un prêt sans investisseur. La seconde, la vôtre, consiste, avec la perspective d’un investisseur, à reconduire le prêt de quatre mois pour essayer de préserver l’entreprise, alors que le reste est du manque à gagner. Mais le total globalisé s’élève à 130 millions. Ce sont deux logiques différentes.

M. Jean-Jacques DESCAMPS : Lorsque le tribunal de commerce de Créteil a rendu son jugement, il était prévu, dans le plan de redressement, une participation du personnel, notamment des pilotes, de 150 millions.

Pendant les mois qui ont suivi, on n’a pas vu la moindre entrée au capital du personnel. M. Corbet nous a dit qu’il n’avait pas réussi à obtenir la concrétisation de cet engagement pris auprès du tribunal de commerce tout au long de cette période de 2001 à 2002. Toutefois, il nous a dit qu’il était à la veille de l’obtenir quand on a liquidé l’entreprise.

Dans le plan de redressement proposé par M. Corbet le 19 octobre et dans les plans qui ont suivi proposés par IMCA, y a-t-il eu un apport du personnel venant consolider le capital d’Air Lib ?

M. Gilles de ROBIEN : La réponse est non.

M. Gilbert GANTIER : Tout à l’heure, M. Mer a rappelé que non seulement il y avait un repreneur pour Air Lib en la personne de M. Vlieger, mais qu’en plus, il achetait une vingtaine d’appareils Airbus. Or la discussion du repreneur sur les prix des Airbus concourrait en quelque sorte au remboursement du déficit grâce à la différence entre le prix officiel des Airbus et le rabais qu’il obtenait.

M. Gilles de ROBIEN : Je vous ai cité les deux dernières conditions à remplir : la signature du protocole et l’accord avec les salariés. La troisième était d’acheter des Airbus au meilleur prix possible. Cela a donné lieu à une longue négociation, notamment dans la nuit du 5 au 6 février. Même s’il y avait eu des contacts avant, nous nous étions étonnés du manque d’intensité de ces contacts pour aboutir très vite. Si, pour nous, le temps comptait, il nous semblait que le repreneur n’avait pas pris conscience que nous avions mis des échéances que nous tiendrions. Nous avons été très fermes. Il me semble qu’il avait quelque peu compté sur nos faiblesses.

Néanmoins, quand il lui a été très clairement indiqué que l’agrément de la compagnie tombait le 5 février à minuit, le repreneur s’est précipité à Paris et a négocié par téléphone, dans cette nuit du 5 au 6 février avec Airbus, d’un bureau du ministère totalement isolé. Nous ne sommes pas intervenus dans cette négociation qui a duré toute la nuit jusqu’à 4 heures 30 du matin. Les repreneurs ont échangé avec les interlocuteurs d’Airbus que nous avions réussi à réunir à Toulouse.

IMCA n’a eu de cesse, pendant cette nuit-là, d’essayer d’obtenir d’Airbus l’engagement d’une remise commerciale de 50 millions d’euros. C’est ce que nous avons compris entre les lignes car nous n’étions pas chargés de la négociation.

L’intention, semble-t-il, du groupe néerlandais était de mobiliser ensuite cette créance de 50 millions d’euros par tous les moyens bancaires, et de constituer ainsi un apport en capital qu’il se proposait de faire à Air Lib. Pour parvenir à ses fins, le groupe néerlandais a proposé, semble-t-il, au consortium d’acheter successivement dix-neuf appareils, puis quatorze, puis vingt-neuf, et enfin neuf.

Son objectif semblait être uniquement la matérialisation de la ristourne commerciale et non l’acquisition réelle d’appareils pour contribuer à l’exploitation d’Air Lib. Ce sont les conclusions auxquelles nous sommes parvenus en cette fin de nuit tragique pour Air Lib.

M. Gilbert GANTIER : IMCA voulait simplement abonder la caisse d’Air Lib avec le rabais obtenu d’Airbus.

M. le Président : Nous avons compris que c’était une recherche de trésorerie, purement et simplement, sans qu’il y ait d’investissement.

Mme Arlette GROSSKOST : Ces prêts et ces créances ont fait l’objet d’un moratoire à un moment donné. Puis le remboursement effectué, ils ont repris les dépenses d’exploitation courantes. A ce moment-là, il y a eu la nomination d’un conciliateur, lequel se devait normalement d’entrer dans l’exploitation du quotidien. Ce conciliateur vous a-t-il fait part de certaines pratiques surprenantes voire douteuses, à savoir que certains personnels se faisaient rémunérer sur des ventes de consommation dans les avions ? Aviez-vous connaissance de telles pratiques ?

M. Gilles de ROBIEN : Non. Le conciliateur ne m’en a jamais fait part personnellement, mais je ne l’ai rencontré que lors de tours de table au mois de novembre. Par ailleurs, j’ai entendu ce bruit courir dans les couloirs du ministère et ailleurs, selon lequel il existerait une sorte de rémunération indirecte par les ventes dans les aéronefs. J’ai entendu parler de cela, mais ce n’est pas Me Lafont qui m’en a fait part directement.

M. le Président : Selon les informations que nous avons recueillies, il semblerait qu’à partir d’avril 2002, sur Air Lib Express, M Corbet ayant des difficultés à mobiliser le personnel, ce dernier a été autorisé à vendre des produits, notamment des boissons, achetés par la compagnie et payés en liquide par les passagers. Il est indiqué ainsi que chaque personne avait un revenu supplémentaire de 3 à 4 000 francs par mois.

M. Corbet avait indiqué en comité d’entreprise qu’il se faisait fort d’obtenir, de la part de l’Etat et du ministère des Finances, la régularisation de ce système, selon ses termes, "au même titre que la vente des Esquimaux par les ouvreuses de cinéma".

Etiez-vous informé de ce système, alors qu’il prétendait demander auprès du ministère, au mois de mai ou juin, l’autorisation de légaliser ce système totalement illégal ?

M. Gilles de ROBIEN : Je n’étais pas du tout au courant de cela.

M. le Rapporteur : Concernant la fin des négociations entre Air Lib et IMCA, vous avez indiqué qu’une partie d’entre elles s’étaient déroulées au ministère.

M. Gilles de ROBIEN : Si vous me permettez, les négociations entre Air Lib et IMCA ne se sont jamais déroulées au ministère. Il s’agissait des négociations entre IMCA et Airbus, dans la nuit du 5 au 6 février.

M. le Rapporteur : En l’absence de M. Corbet ?

M. Gilles de ROBIEN : M. Corbet n’était pas présent cette nuit-là.

M. le Rapporteur : Vous avez indiqué avoir pris des renseignements auprès de l’ambassade de France dans le pays d’origine de M. de Vlieger. Ces renseignements se sont avérés corrects. Pourriez-vous apporter quelques précisions ?

M. Gilles de ROBIEN : De mémoire, c’est difficile. En gros, la réponse était que Erik de Vlieger était la deuxième génération. C’est son père qui avait bâti la fortune à l’origine avec des achats et des ventes de machines à coudre avec les pays de l’Est lorsqu’ils se sont libéralisés.

Sa fortune était conséquente. Une partie de cette fortune était dans l’immobilier ; Erik de Vlieger était le premier ou second promoteur à Amsterdam. Il avait aussi une petite compagnie aérienne aux Pays-Bas qu’il s’appelait Air Exel Nederland.

D’autre part, le ministre des Transports néerlandais nous a faxé aussi sa satisfaction que l’on traite avec IMCA. C’est le type de renseignement que nous avons eus : fortune traditionnelle acquise la génération précédente et bien exploitée autour de l’immobilier et de l’aérien.

M. le Rapporteur : Quand avez-vous découvert que le président d’Air Lib avait cédé les parts que détenait la holding Holco au groupe dont s’occupait M. de Vlieger et qu’il était ainsi devenu propriétaire, par ce biais, des avions logés dans la société Mermoz, localisée à l’étranger ?

M. Gilles de ROBIEN : En lisant "Le Canard enchaîné". J’ai été le premier surpris en lisant cela un mercredi. C’était après la liquidation de la société, en février me semble-t-il.

M. le Rapporteur : Qu’avez-vous fait ?

M. Gilles de ROBIEN : Je suis revenu au ministère, car j’étais chez moi quand j’ai lu cet article. Personne n’était au courant parce qu’il n’y avait plus aucun contact avec IMCA ou qui que ce soit.

M. le Rapporteur : Comme les avions font l’objet d’une immatriculation, nous avons demandé à vos services de nous communiquer les fiches de ces immatriculations pour savoir si celles-ci étaient tenues à jour et les informations qui y figuraient. Nous n’avons pas les fiches, mais nous avons reçu une note de vos services selon laquelle il n’y avait nulle trace de cette cession dans les fiches tenues au bureau des immatriculations. Avez-vous des éléments nouveaux en la matière ?

M. Gilles de ROBIEN : Non, c’est même vous qui me donnez un élément nouveau. Ce que vous présentez comme un élément certain, pour ma part, je l’ai lu dans un article qui avait une apparence humoristique ou tragi-comique.

M. le Rapporteur : Cela nous a été confirmé par Me Léonzi.

M. le Président : En l’occurrence, lui aussi l’a appris par " Le Canard enchaîné ".

M. le Rapporteur : D’après ce qu’il nous a expliqué, il avait participé aux négociations. Holco a même déposé une plainte car le document en néerlandais, signé par M. Corbet, permettant le transfert des actions, n’avait en fait pas été bien compris par M. Corbet.

M. le Président : Nous nous sommes interrogés longuement, dans un premier temps, sur la manière dont le dossier avait été déposé au tribunal de commerce et la manière dont les conditions du plan n’avaient jamais été respectées.

Dans un second temps, nous nous sommes également beaucoup interrogés sur le fait que les sommes dues par Swissair à Air Lib ont été versées non pas à Air Lib mais à Holco, une société créée pendant le mois de juillet au moment de la reprise. C’est la première interrogation. Puis nous avons constaté qu’Holco avait versé environ 12,140 millions d’euros à Mermoz dont M. Corbet est propriétaire à part entière et seul actionnaire.

M. le Rapporteur : Ces actifs étaient incessibles pendant deux ans. La vente a eu lieu pendant cette période, alors que le jugement du tribunal de commerce prévoyait qu’on ne pouvait pas les céder, directement ou indirectement.

M. le Président : Ces actifs, qui étaient incessibles, sont aujourd’hui insaisissables puisque la liquidation n’a pas été étendue à Mermoz. Nous ne comprenons pas la raison de la mise en place d’un système juridique aussi complexe et la raison pour laquelle 12 millions d’euros sont maintenant en Hollande. M. de Vlieger, qui a été invité à venir devant la commission, a refusé, mais nous n’avons pas de moyens contraignants sur une personne étrangère.

Nous avons reçu d’un collaborateur de M. de Vlieger une lettre dans laquelle il explique qu’il serait préférable d’interroger le numéro 2 de la société IMCA. Nous avons bien compris qu’il y avait là moyen d’échapper à une audition.

M. Gilles de ROBIEN : Je peux vous apporter deux précisions. Mermoz détenait les avions après la décision du tribunal de commerce. Quant au cash dans Holco, il serait apparemment destiné à l’entretien des avions.

M. le Président : Il nous a été indiqué qu’une partie des actifs ont été versés sur le compte de Mermoz à hauteur de 12 millions d’euros, au titre des provisions de maintenance des avions. Puis nous avons constaté, dans un deuxième temps, que les avions étaient devenus propriété de la société. Les salariés d’Air Lib, qui se retrouvent au chômage, ne peuvent pas en bénéficier compte tenu du fait que la société hollandaise n’a pas été liquidée.

M. le Rapporteur : En complément d’information, 9,1 millions de ces 12 millions d’euros ont été utilisés pour payer une facture de la holding Holco à un cabinet d’avocats, pour défendre les intérêts du groupe Holco dans le cadre du dépôt de bilan du groupe Swissair. En effet, Swissair aurait dû verser environ 32 millions d’euros pour solder la somme de 1,300 milliard de francs qui avait été promise et actée par le jugement du tribunal de commerce.

Quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour tenter, dès lors qu’il y a eu liquidation, de recouvrir tout ou partie des dettes publiques, c’est-à-dire le prêt du FDES plus les dettes fiscales et sociales, l’ensemble s’élevant à environ 120 à 130 millions d’euros ? Où en est-on de ces mesures ?

M. Gilles de ROBIEN : Je ne peux pas connaître le dossier sous cet angle. Ce n’est pas dans l’attribution du ministère des transports, mais dans celle du ministère des finances, du budget et du Trésor que de récupérer des dettes. C’est chacun selon ses compétences.

Cela étant, s’agissant du prêt FDES, l’Etat dispose d’un nantissement sur la créance qu’Air Lib détient sur Swissair dont les probabilités de recouvrement sont minces. Quant au CIRI, il a confié la mise en jeu de cette garantie à la trésorerie générale pour les créances spéciales du Trésor.

M. le Rapporteur : Pour ce qui concerne un établissement public sous votre autorité comme ADP qui a des sommes importantes à recouvrer, les avez-vous incités à prendre des dispositions, en particulier sur les avions ?

M. Gilles de ROBIEN : Je ne sais pas.

M. le Président : On ne parvient pas à savoir où sont localisés les avions.

M. Gilles de ROBIEN : J’en ai vu un sur l’aéroport de Châteauroux.

M. le Président : Des avions sont bloqués dans certains aéroports puisqu’on a installé des plots de béton pour les empêcher de décoller.

M. Joël BEAUGENDRE : Dans le protocole qui était prêt à être signé en dehors de la négociation avec Airbus, était-il prévu une fusion avec la compagnie que gérait déjà IMCA ou était-ce une nouvelle société ?

Cela me permettrait de comprendre la raison de la négociation avec Airbus. En effet, il me semble que l’on était en train d’acheter des avions par cet intermédiaire pour pouvoir faire vivre la compagnie aérienne hollandaise en premier lieu, et ensuite qu’on allait vers une seconde liquidation d’Air Lib retardée. Avez-vous cette impression ?

M. Gilles de ROBIEN : Non. Je me souviens que l’essentiel des débats préalables à cet accord concernait la création d’un GIE fiscal pour acheter des avions neufs, l’étalement sur huit ans des dettes fiscales et sociales et l’acceptation du transfert de la créance sur Swissair à Holco.

Tels étaient les principaux points forts sur lesquels nous étions d’accord au ministère des transports. Cela vous montre que l’Etat faisait tous les efforts possibles pour aboutir à une solution. Ces facilités avaient été élaborées en vue d’" apprivoiser " l’investisseur éventuel néerlandais. Nous avons abouti, même si l’accord n’a pas été jusqu’à la signature, puisque tout le monde était prêt à signer y compris l’investisseur néerlandais, dans la mesure où il s’accordait avec le personnel et Airbus. Malheureusement, la troisième condition n’a pas été remplie.

M. Gilbert GANTIER : J’ai trois questions à vous poser. Savez-vous où sont ces avions, même si vous avez déjà partiellement répondu à la question ? Qui est maintenant propriétaire de ces avions ? Par ailleurs, je suppose que ces avions sont immatriculés, tout comme le sont les automobiles. Cela permet de savoir si le propriétaire est une personne physique ou morale. Est-il possible de connaître l’immatriculation de ces avions ?

M. Gilles de ROBIEN : Oui, nous pouvons le savoir, mais je ne peux pas vous dire maintenant où ils sont exactement. J’en ai aperçu sur les pistes de l’aéroport de Châteauroux. C’est tout ce que je sais aujourd’hui. Néanmoins, nous pouvons faire des recherches dans ce sens si vous le souhaitez.

M. le Président : Nous cherchons à savoir où sont ces avions car c’est une vraie interrogation pour nous. Le système de garantie sur le contrat d’IMCA par rapport à M. Corbet est extrêmement surprenant. M. de Vlieger se retrouve propriétaire et président de la société Mermoz.

Son conseil juridique a expliqué devant cette commission qu’il y avait une sorte de confusion et d’erreur commise dans l’appréciation de l’engagement signé qui conduit M. de Vlieger à devenir propriétaire de tout cela. Nous avons été très surpris par cela.

M. le Rapporteur : Ce sont les déclarations de Me Léonzi. Il explique que le document étant rédigé en néerlandais, le président Corbet n’aurait pas compris exactement ce qu’il avait signé. Mais comme nous n’avons pas encore la pièce, gardons-nous d’avoir une position définitive.

M. le Président : Je m’interroge simplement.

M. Gilbert GANTIER : Qui est propriétaire de ces avions parce qu’ils étaient à Air Lib ? S’il y a eu un transfert de propriété, il doit y avoir des documents.

M. le Président : Ce n’est pas le ministre qui peut nous répondre. Compte tenu du transfert de capital et de présidence de M. Corbet à M. de Vlieger et pour lequel M. Corbet a porté plainte, il y a là une interrogation très forte, car les avions étaient propriété de Mermoz en Hollande. Or aujourd’hui, certains sont bloqués en France. Tant que n’auront pas été levées les interrogations qui portent sur cette passation et de capital et de pouvoir, nous ne connaîtrons pas la réponse.

M. le Rapporteur : Monsieur le Ministre, vous pouvez aider la commission en demandant à votre bureau des immatriculations de nous répondre plus précisément. Nous avons eu une première réponse, mais nous souhaiterions avoir des éléments plus précis. En effet, même si certains de ces avions ne sont pas immatriculés en France, on doit pouvoir savoir où ils sont.

M. Xavier de ROUX : Je voudrais faire une remarque à propos de ces avions. Nous sommes en matière de liquidation. Il y a donc un liquidateur dont la première tâche est d’établir un inventaire. Or je trouve stupéfiant que l’on n’ait pas le moindre inventaire des actifs.

M. le Rapporteur : C’est logique. En fait, ont été mises en liquidation la société d’exploitation Air Lib et trois autres sociétés. Sur les onze filiales initiales, il en reste au moins six, voire sept, qui ne sont pas en liquidation dont celle-là. De plus, elle ne peut pas être mise en liquidation par un tribunal français puisqu’elle est de droit étranger. Sans compter qu’elle est propriété directe de la maison-mère. Ceci est à examiner dans le cadre du groupe et de la holding. Je rappelle que c’est la société d’exploitation, qui n’était propriétaire d’aucun avion, qui a bénéficié de toutes les aides de l’Etat.

M. le Président : Nous sommes de plus en plus stupéfaits de ce que nous découvrons.

M. Marcel BONNOT : J’ai bien compris que le nouveau gouvernement n’avait pas abondé, mais qu’il y avait eu des créances moratoriées, ce qui revient au même, sur le plan du soutien abusif.

Cela étant, a été nommé un conciliateur dont la première mission est de faire rapport sur l’état comptable, financier de la société, de l’unité d’exploitation, de voir s’il y a cessation de paiement ou pas. Ce conciliateur a-t-il pris contact avec vous pour vous rendre compte de la situation ?

Par ailleurs, dans le contexte d’un plan de cession, est toujours nommé un commissaire à l’exécution du plan. Avez-vous eu des contacts avec ce commissaire à l’exécution ?

M. Gilles de ROBIEN : A la deuxième question, la réponse est non. Quant à Me Lafont, son rôle était de proposer un protocole, ce qu’il a fait.

M. Marcel BONNOT : Je suis d’accord. Le conciliateur peut avoir cette mission, mais de par la loi, il a aussi une mission dont il ne peut se départir qui est celle de faire, dans un premier temps et un délai très court - quinze jours tout au plus un mois - rapport sur la situation financière et comptable, c’est-à-dire sur l’état de cessation de paiement. C’est la loi, en dehors de la mission qui peut lui être donnée par ailleurs.

M. le Président : Nous avons recherché cette information, mais nous n’avons pas eu de réponse jusqu’à présent.

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : Cela n’a pas été fait.

M. Gilles de ROBIEN : A ma connaissance, il n’a pas fait un tel rapport.

M. le Rapporteur : Quand nous avons auditionné le président du tribunal de commerce, je n’ai pas souvenir que nous ayons évoqué ce point.

Mme Arlette GROSSKOST : Pendant toute la durée d’existence de ce plan de cession qui, dans un premier temps, a été concédé à M. Corbet, nous avons vu que des cadres d’Air France l’assistaient de façon directe ou indirecte, en tout cas dans l’élaboration de son plan de reprise.

A votre souvenir, des membres d’Air France ont-ils continué, d’une manière ou d’une autre jusqu’à la fin, d’accompagner M. Corbet ?

M. Gilles de ROBIEN : Je ne peux vraiment pas répondre à votre question. Je ne sais pas s’il y a des rapports entre M. Corbet et Air France.

J’ai rencontré M. Corbet, une première fois, au mois de juin, lorsqu’il est venu m’expliquer que sa situation était difficile, mais que s’il passait l’été, il allait être sauvé et que sa ligne sur l’Algérie, allait rapporter de la trésorerie. Par conséquent, il nous demandait quelques mois de délai.

Je lui ai accordé ce délai en lui indiquant que s’il reprenait les paiements et que tout se passait bien comme il l’affirmait, au mois de septembre ou octobre, il aurait de la trésorerie. Je pensais en particulier à la desserte des DOM-TOM car nous étions en période de vacances. Vous imaginez la situation si toutes les activités de la compagnie avaient été arrêtées. Ensuite, lorsque j’ai revu M. Corbet, je lui ai demandé où il en était. Je lui ai dit de revoir le plan de restructuration qui était mauvais et il nous a alors présenté un repreneur. Cela s’arrête là. Je n’ai pas de rapport triangulaire : M. Corbet, Air France et ministère.

M. le Rapporteur : Nous avons auditionné le président d’Air France et le président d’Air Lib. A une réponse précise de la commission " pourquoi vous êtes-vous occupé de ce dossier ? ", ce dernier a répondu qu’il y était allé pour ralentir la pénétration des compagnies à bas coûts sur le territoire français, donc pour protéger les intérêts d’Air France ainsi que pour sauver l’emploi.

Lorsque nous avons interrogé M. Spinetta sur ses relations avec M. Corbet dans le cadre de ce dossier, ce dernier nous a répondu qu’il l’avait fort rarement vu - M. Corbet prétend l’inverse - et il nous a déclaré qu’il l’avait plutôt dissuadé d’accepter de prendre la tête de cette opération estimant ce projet peu sérieux.

Nous voudrions néanmoins vous poser la question suivante. D’après ce que vous savez de ce dossier depuis votre arrivée à vos fonctions et de ce qu’ont pu vous dire vos services sur la période antérieure à votre arrivée, c’est-à-dire les fameux quatre mois entre mars et juillet 2001, à votre connaissance, la compagnie Air France aurait-elle aidé ou, au contraire, serait-elle restée tout à fait neutre dans cette affaire ? Auriez-vous des éléments pour éclairer la commission sur ce point très important ?

M. Gilles de ROBIEN : Depuis avril-mai 2002, nous ne sommes jamais entrés dans cette logique d’Air Lib aidant Air France. Le gouvernement précédent l’a-t-il fait ? Je ne peux pas le prouver, ni le contraire. Par conséquent, je n’ai aucun élément pour dire aujourd’hui, qu’il y avait à un moment donné, avant nous ou après nous, une liaison, un lien, une connivence, une complicité, une complémentarité entre les deux compagnies.

M. le Rapporteur : Vous ne pouvez donc pas nous aider pour savoir qui dit la vérité.

M. Gilles de ROBIEN : Je ne peux vous aider qu’avec ma vérité, et ma vérité n’est pas de nature à vous apporter un élément, ni dans un sens, ni dans un autre.

M. le Président : Je vous remercie de la clarté de vos réponses.


Source : Assemblée nationale (France)