Composition de la délégation : MM. Jean-Claude Carle, rapporteur, Jean-Jacques Hyest, vice-président, Mme Nicole Borvo, secrétaire, M. Robert Bret, Mme Claire-Lise Campion, M. Roger Karoutchi, Mme Valérie Létard, MM. Bernard Plasait et François Zocchetto.

I. La police

Les magistrats rencontrés par la délégation ont souligné les difficultés du travail de la police.

Ils estiment que les délinquants multirécidivistes les plus dangereux sont ceux qui échappent à l’interpellation. Le travail de démantèlement des trafics doit être régulièrement recommencé.

La police urbaine de proximité remplit la grande majorité des procédures transmises du parquet, notamment les vols d’horodateurs commis par des mineurs étrangers. Elle semble se développer au détriment de la police d’investigation. En effet, les effectifs de la police judiciaire spécialisée, y compris ceux de la brigade des mineurs, ont diminué à la suite de la réforme de la police de proximité, effectuée à moyens constants.

II. Le parquet des mineurs

1. Les magistrats du parquet

Le parquet des mineurs comprend huit magistrats. La proximité géographique entre le parquet et les salles d’audience est perçue comme un gage d’efficacité.

La politique du parquet s’est assouplie au fur et à mesure des années. Un mineur non connu primo délinquant ne sera pas déféré. Un mineur déjà connu sera présenté, c’est-à-dire qu’il passera par le dépôt puis sera reçu en cabinet par le juge des enfants. Le taux de défèrement est particulièrement élevé : 2.200 mineurs déférés pour 5.200 mineurs mis en cause par la police.

2. Les délégués du procureur

Le tribunal pour enfants de Paris emploie deux délégués du procureur depuis deux ans. Trois conditions sont requises pour orienter un jeune vers le délégué du procureur :

 le mineur n’est pas connu des services de police et de la Justice ;

 la qualification juridique des faits est établie (les éléments matériel et intentionnel de l’infraction sont réunis) ;

 le mineur reconnaît les faits.

La coopération des parents est systématiquement recherchée. La difficulté est de trouver des interprètes, ce qui est regrettable, dans un contexte où, trop souvent, les enfants sont les seuls à traduire le français pour leurs parents.

Le délégué du procureur travaille sur la qualification pénale de l’infraction et la responsabilité pénale du mineur. Un procès-verbal de comparution devant le délégué du procureur est établi. En cas d’échec, le délégué du procureur fait un rapport et le mineur passe devant le juge pour enfants. En cas de récidive, le procureur peut ressortir le dossier pendant un délai de trois ans.

Actuellement, il faut compter un délai d’environ deux mois entre la commission des faits et le passage devant le délégué du procureur.

Les délégués du procureur sont souvent amenés à faire des signalements en assistance éducative, notamment pour les mineurs dont les actes de délinquance révèlent un mal-être lié à une situation familiale difficile.

3. Le dépôt

Le tribunal de grande instance de Paris abrite un dédale de souterrains. Deux circuits différents coexistent, non sans une lourdeur certaine :

 le dépôt, pour le défèrement à l’issue de la garde à vue, est géré par la Préfecture de police de Paris ;

 la souricière, pour les personnes déjà en détention provisoire, est gérée par l’administration pénitentiaire.

Le dépôt est constitué de trois quartiers (hommes, femmes majeures et mineures, mineurs). Le quartier des mineurs se compose de cellules sur deux niveaux et de box vitrés très dégradés, dans lesquels les mineurs sont placés de 7 heures 45 à 23 heures. La durée de séjour au dépôt dépend de l’heure de défèrement (passé 18 heures, le mineur passe la nuit au dépôt).

2.200 mineurs passent par le dépôt chaque année. Ils sont très violents et difficiles à « gérer ».

III. Une spécificité parisienne : les mineurs errants sans référent parental

Le parquet est particulièrement démuni face aux nombreux appels des commissariats qui signalent les faits de délinquance commis par des mineurs étrangers qui se disent sans domicile fixe, sont le plus souvent sans référent parental sur le territoire national et ont moins de 16 ans.

A titre d’exemple, les membres de la délégation ont pu constater qu’un jeune Gabonais, se déclarant né en 1987 et sans domicile fixe, interpellé par les policiers en possession de neuf« bombonnes » de crack, était remis à la rue le soir même. Le même jeune, connu pour dix antécédents semblables, ne pourrait davantage être placé en détention provisoire.

Le parquet des mineurs du tribunal de grande instance de Paris est donc contraint à une certaine sélectivité : ne sont déférés que les mineurs pour lesquels la procédure est complète.

Sur 5.200 mineurs délinquants mis en cause par la police l’année dernière, 2.200 ont été déférés, dont 1.100 sans domicile fixe et sans référent parental, soit la moitié de l’activité du parquet des mineurs.

L’absence d’espace judiciaire européen au niveau pénal est déplorée. Toutefois, une coopération européenne tente de se mettre en place, grâce à la bonne volonté et aux relations interpersonnelles entre magistrats.

Ces mineurs roumains, yougoslaves, tziganes, etc., sont à la fois des mineurs délinquants et des mineurs en danger sur le territoire français, qui subissent maltraitance et prostitution et sont parfois utilisés par des réseaux mafieux. L’absence de foyer où ils pourraient parler dans leur langue encourage la fugue de ces mineurs.

IV. Les juges des enfants

Les quatorze juges des enfants du tribunal pour enfants de Paris se partagent les vingt arrondissements de la capitale.

Les interlocuteurs que la délégation a rencontrés ont souhaité :

 que le temps écoulé entre la commission de l’infraction et le jugement ne soit pas subi mais choisi par le juge des enfants. Des problèmes matériels s’y opposent actuellement : pour le 18ème arrondissement, les audiences sont pleines jusqu’en mars 2003 !

 que les mesures de liberté surveillée soient exécutées dès le lendemain de leur prononcé ;

 que le tribunal pour enfants puisse être convoqué en révocation en cas de non respect des obligations résultant d’un sursis avec mise à l’épreuve et qu’il soit remédié à l’absence de sanction dans le cadre de la liberté surveillée.

Ils ont estimé que les conséquences de la suppression du mandat de dépôt de dix jours pour les mineurs de moins de 16 ans n’avaient peut-être pas bien été anticipées.

Ils ont souhaité :

 un renforcement du nombre des avocats spécialisés pour les mineurs ;

 que les débats chez le juge des libertés et de la détention, pour placer les mineurs en détention provisoire, soient moins tardifs (beaucoup ont lieu après 21 heures) ;

 que la méthode d’examen de l’âge osseux soit révisée pour correspondre à la population mineure d’aujourd’hui ;

 qu’une mesure soit créée qui permette de placer un jeune en foyer ou en centre d’éducation renforcée immédiatement à la sortie de l’audience en tribunal pour enfants, avec incarcération en cas de fugue.

IV. La PJJ

La direction départementale de la PJJ de Paris emploie 145 personnes. Elle a pris en charge 4.071 mesures en 2001 pour le secteur public, dont 80 % de mesures pénales, le secteur associatif habilité prenant en charge 5.200 jeunes au 21 mars 2002 (3.800 en milieu ouvert, 345 en foyer, 100 réparations, 400 en famille d’accueil, 400 investigations et orientations éducatives, 160 enquêtes sociales).

1. L’hébergement

Le secteur public n’a que 39 places en hébergement (collectif et diversifié). Les deux foyers d’hébergement collectif ne sont plus aux normes ; ils accueillent respectivement 6 et 8 jeunes, dans des locaux délabrés (Sedaine et Salomon-de-Caus).

En 2001, le secteur associatif habilité n’a pris en charge en hébergement qu’un seul mineur au titre de l’ordonnance de 1945 ! Il est vrai que certains magistrats placent les jeunes délinquants au titre de l’assistance éducative, par exemple pour éviter de susciter un refus de la part du foyer.

Les habilitations délivrées aux associations en 1993 par la direction départementale de la PJJ n’ont toujours pas été révisées, faute de moyens, notamment en personnel administratif. En l’absence de conséquences financières, les foyers n’ont aucun intérêt à prendre des jeunes délinquants. La direction départementale souhaite que soit instaurée une obligation ou une incitation pour les foyers privés à accepter les mineurs délinquants.

2. Le milieu ouvert

Seuls trois services de milieu ouvert, comptant une vingtaine d’éducateurs, constituent le service public à Paris. Chaque éducateur suit 25 mesures.

La direction départementale de la PJJ souhaite que le SEAT n’ait plus de mesures de milieu ouvert à prendre en charge, afin qu’il puisse se concentrer sur sa mission première (assister les magistrats au tribunal en formulant des propositions éducatives).

La moitié de l’activité de la PJJ à Paris concerne les mineurs étrangers sans référent parental et sans domicile fixe.

L’évaluation de l’activité est rendue particulièrement difficile du fait que le même ministère, celui de la justice, utilise trois systèmes statistiques différents, non compatibles entre eux (juges des enfants, parquet, PJJ) !

La PJJ de Paris semble particulièrement sous-dimensionnée. Or, Paris ne constitue pas un département prioritaire pour l’allocation des moyens nouveaux consacrés à la PJJ.


Source : Sénat français