Présidence de M. Jean-Pierre SCHOSTECK, président

M. Jean-Pierre Schosteck, président - Nous allons entendre M. Damien Mulliez, chef de l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse.

(M. le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d’enquête et fait prêter serment.)

Monsieur Mulliez, pourriez-vous nous présenter l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse ? Comment est-elle organisée ? Quel est son programme de travail ? Combien d’inspecteurs employez-vous ? Comment deviennent-ils inspecteurs ? Avez-vous les moyens suffisants pour contrôler régulièrement l’ensemble des services qui sont placés sous votre contrôle ? Comment le travail de votre inspection s’articule-t-il avec celui de l’inspection générale des services judiciaires ? Enfin, estimez-vous que vous disposez d’une indépendance suffisante ?

M. Damien Mulliez - Lorsque j’ai pris mes fonctions de chef de l’inspection de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse voilà trois ans, je souhaitais modifier profondément cette inspection qui à l’époque était mal repérée. Ses procédures étaient mal connues. Ses missions, très personnalisées, fonctionnaient sous le sceau du secret. Les rapports n’étaient pas communiqués et les suites restaient assez confidentielles.

Par ailleurs, dans le domaine du travail social, les professionnels et les services sont réticents à tout ce qui est contrôle et évaluation de leur action, particulièrement sur le plan financier. Ils considèrent parfois comme incongrue l’intervention de contrôleurs et d’inspecteurs dans leur action éducative.

C’est une culture du travail social contre laquelle il nous faut lutter pour deux raisons. D’abord, les fonds publics sont à contrôler. D’autre part, le contrôle vaut reconnaissance de l’action des travailleurs sociaux qui ne bénéficient pas d’une réputation particulièrement valorisée dans l’opinion publique. Les contrôler est aussi un moyen de faire mieux connaître leur travail.

Tel a été l’objectif du travail que je mène depuis trois ans. L’administration de la protection judiciaire de la jeunesse m’avait donné une lettre de mission pour atteindre un certain nombre d’objectifs. Cette démarche constituait alors un virage au sein de la protection judiciaire de la jeunesse en matière de contrôle.

Le cadre de notre activité est déterminé par deux axes : d’une part, la loi et les règlements et, d’autre part, la lettre de mission.

L’organisation générale du contrôle des services de la protection judiciaire de la jeunesse, du secteur public comme du secteur habilité, est complexe. Elle est structurée en pyramide.

L’inspection générale des services judiciaires a compétence pour tous les services du ministère de la justice, donc également pour les services de la protection judiciaire de la jeunesse, mais elle intervient peu, sinon dans des affaires extrêmement sensibles. Ainsi, dans l’affaire du centre « cheval pour tous » qui a été récemment médiatisée, c’est l’inspection générale des services judiciaires qui est intervenue avec l’appui technique de la protection judiciaire de la jeunesse.

Le service d’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse, est un service qui est rattaché directement à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Je prends donc mes ordres auprès du directeur de la protection judiciaire de la jeunesse.

Mais des missions de contrôle sont dévolues également aux directeurs régionaux et aux directeurs départementaux. Il convient de garder ce point à l’esprit lorsqu’on appréhende la question des moyens de l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse. De même, il existe à l’échelon territorial une mosaïque de contrôles qui peuvent être exercés, notamment par le ministère de l’Education nationale, le ministère des affaires sociales, le préfet et les conseils généraux. La loi du 2 février 2002 relative aux services exerçant une action sociale et médico-sociale prévoit la création d’un conseil national de l’évaluation et l’obligation pour les services de procéder à une évaluation interne.

Par conséquent, l’organisation générale du contrôle devient compliquée et nécessiterait au minimum une réflexion globale sur l’inspection et le contrôle de l’ensemble des services qui exercent des missions d’éducation spécialisée.

Force est de constater sur les territoires, par exemple, que les directeurs départementaux et les directeurs régionaux ne coordonnent pas leurs interventions de contrôle avec les conseils généraux et les services préfectoraux, si bien que les services peuvent voir arriver deux, voire trois contrôles successifs non coordonnés. C’est là une difficulté importante.

Le service de l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse que je dirige a pour mission d’effectuer des contrôles administratifs, pédagogiques et financiers sur les services du secteur public, du secteur associatif habilité et les directions territoriales. Il s’agit au total de 15 directions régionales, 100 directions départementales, environ 400 services du secteur public et 1.100 établissements du secteur associatif habilité.

L’effectif d’inspecteurs passera de 3 en 1999 à 8 en septembre 2002, ce qui est une évolution significative.

Les objectifs de ma première mission étant considérés comme atteints, j’ai reçu récemment une nouvelle lettre de mission chargeant l’inspection des services de la protection judiciaire de la jeunesse de coordonner et capitaliser les outils de contrôle, afin de jouer en quelque sorte un rôle de ressource méthodologique auprès des directions territoriales, pour constituer une référence de contrôle qui traverse toute la chaîne hiérarchique de la protection judiciaire de la jeunesse.

Ma nouvelle mission consistera non seulement à effectuer les contrôles habituels mais aussi à coordonner et constituer une boîte à outils et des référentiels de contrôle qui seront mis à la disposition de l’ensemble de nos services.

Les objectifs qui étaient fixés par la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse il y a trois ans étaient les suivants : il s’agissait en premier lieu d’apporter une contribution plus importante à la réflexion générale sur l’évolution de la protection judiciaire de la jeunesse, particulièrement en développant une activité dans le domaine de l’évaluation.

A ce titre, nous avons mené pendant ces trois années trois études spécifiques portant, la première, sur l’organisation du temps de travail dans 15 établissements recevant des mineurs en hébergement, la seconde, sur l’organisation du travail dans 20 services de milieu ouvert. Enfin, nous menons actuellement une étude de recherche d’indicateurs sur des risques de crise et de blocage d’établissements en particulier à la suite d’actes de violence commis par des mineurs dans leurs murs.

Le second objectif visait l’établissement d’un projet de service abordant en particulier la méthodologie de l’inspection, c’est-à-dire la définition d’un référentiel méthodologique de contrôle. Ce projet de service a été déposé en octobre 2001. Il fait l’objet aujourd’hui d’une publication dans, l’ensemble des services de la protection judiciaire de la jeunesse et auprès des fédérations d’associations, toujours dans le souci de garantir une lisibilité du contrôle, de le rendre public et de constituer un référentiel de contrôle. J’insiste sur le fait que nous évoluons dans un contexte culturel hostile à tout contrôle, nécessitant une vigilance de tous les instants.

Les objectifs de ma nouvelle lettre de mission visaient donc à capitaliser les acquis, à constituer des référentiels méthodologiques pour l’ensemble de l’institution et à faire des propositions plus particulières sur les procédures de saisine et de suivi des inspections sur l’évaluation de leur mise en oeuvre.

J’aborderai d’emblée la question de l’indépendance. Je dispose objectivement depuis trois ans d’une réelle indépendance dans la mise en oeuvre des objectifs qui m’ont été donnés. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse me fixait des objectifs à atteindre et il m’appartenait de mettre les moyens en oeuvre pour atteindre ces objectifs. Je dispose donc aujourd’hui d’une indépendance certaine quant à la manière de mener les missions.

Nous avons instauré une dimension contradictoire dans ces inspections. Dorénavant, tout document, tout écrit, est adressé aux personnes concernées qui nous font part de leurs observations écrites, lesquelles sont intégralement mises en regard de nos observations dans le document final. C’est le document final qui est transmis à la protection judiciaire de la jeunesse et non pas le document d’origine.

Nous avons mis en place un certain nombre de procédures qui ont été acceptées par l’actuelle direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Elles nous permettent de travailler avec une réelle autonomie professionnelle, sinon d’indépendance puisque nous recevons nos ordres.

Cela étant, le statut actuel de l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse implique que cette marge d’autonomie, voire d’indépendance, dépend essentiellement de la confiance que le directeur accorde à son service. Si, demain, un directeur estimait que notre fonctionnement sur un mode contradictoire ne lui convenait pas, je serais tenu d’appliquer ses instructions. Tel est le statut de ce service.

Aujourd’hui, une réflexion est menée par l’inspection que je dirige et la direction autour de la notion de contrôle. Une inspection a-t-elle sa place dans une direction ? Cette interrogation rejoint une réflexion plus large sur la question de savoir si l’organisation des inspections du ministère de la justice permet un travail effectif de contrôle auprès des différents services et les professionnels.

Le ministère de la justice dispose de quatre inspections : l’inspection générale des services judiciaires, l’inspection de l’administration pénitentiaire, l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse et la mission des greffes qui exerce des contrôles auprès des greffes. Depuis 1990, le souhait de voir une inspection générale du ministère de la justice a été régulièrement exprimé sans se concrétiser, n’étant pas une question prioritaire au regard du contexte et des échéances politiques. Il nous semble souhaitable aujourd’hui que l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse ne soit plus rattachée directement à la direction et qu’elle soit extérieure.

Cela étant, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est une direction qui gère encore des services et qui se doit de mettre en oeuvre une politique. Il apparaît indispensable de conserver en son sein un organe, un outil de contrôle, d’évaluation interne de la mise en oeuvre et du suivi des politiques. Il s’agit d’instaurer une ligne fonctionnelle qui permette d’accompagner lesdites politiques, de mesurer les écarts, mais aussi le caractère opérationnel des choix politiques effectués. C’est en quelque sorte un circuit d’aller et retour.

L’inspection essaie de développer actuellement cette dimension bien que cette dernière semble relever davantage d’un organe politique. L’inspection, pour sa part, devrait être rattachée à un outil extérieur de contrôle général du ministère de la justice. Tel est l’état de nos réflexions à ce jour sur le travail de l’inspection.

S’agissant de l’élaboration du programme, je vous indique que nous avons abandonné l’idée de programmation. Je m’explique : lorsque j’ai pris la direction de l’inspection avec un effectif de trois inspecteurs, parler de programme relevait de la gageure. Dès qu’une urgence se présentait, le programme était arrêté et trois ans plus tard nous n’avions toujours pas réalisé le programme.

J’ai alors décidé, sur ma propre initiative, de mettre fin au principe de la programmation et d’établir des règles différentes. Nous intervenons à la demande de la direction. Nous disposons d’une relative autonomie pour faire des propositions d’études transversales sur un bon nombre de services, plutôt que de mener des inspections générales service par service.

Par exemple, à la suite d’une inspection classique, nous avons proposé à la direction d’étudier la question de l’organisation du temps de travail des personnels et de l’articulation entre l’organisation du temps de travail et la prise en charge des mineurs en hébergement. Cette approche nous a permis de travailler avec 20 services plutôt que 1+1+1 et de recourir à un mode participatif. Les professionnels ont accepté de rentrer dans cette dimension de travail et d’ouvrir leur emploi du temps quotidien, ce qui n’était pas gagné d’avance. Nous avons pu ainsi conduire un véritable travail de réflexion avec les professionnels, introduisant une autre dimension dans nos travaux.

Cela étant, je maintiens que le programme relève de la gageure encore aujourd’hui, même avec un effectif accru en septembre prochain. A titre d’exemple, j’ai testé les travaux qui ont été faits depuis trois ans. Nous avons eu deux inspections communes avec l’IGAS et l’IGSJ notamment, en particulier sur la question du placement et sur l’évaluation des dispositifs de protection de l’enfance dans les Alpes-Maritimes. Nous avons effectué 12 contrôles d’actions financées par le fonds social européen, en vérifiant l’éligibilité des actions ainsi que l’utilisation des fonds. Dans certains cas, nous avons été amenés à rendre des ordres de reversement, mais d’une manière générale, les programmes étaient plutôt bien menés. Trois établissements du secteur associatif on pu être inspectés et 10 établissements du secteur public. Trois inspections ont été essentiellement financières, ce qui représente un axe fort aujourd’hui.

Chaque fois que nous menons une inspection, les trois aspects, financier, administratif et pédagogique sont menés de front. Il n’est pas question de nous limiter à une évaluation de l’action pédagogique, mais bien à un moment donné d’évaluer l’investissement et le travail rendu. Il ne s’agit pas du « retour sur investissement » mais presque. Un investissement en fonds publics doit trouver une réponse dans la mise en oeuvre d’une politique et de l’action éducative.

C’est une mission qui reste très difficile à mener dans le champ du travail social. Elle requiert beaucoup d’explications. Elle commence toutefois à entrer dans les moeurs.

L’étude que nous menons actuellement porte sur les indicateurs de crise. A la suite de l’interruption du fonctionnement de certains services ayant connu des violences, il nous est apparu inutile de chercher uniquement à stigmatiser des comportements professionnels. Il nous paraît essentiel aujourd’hui d’essayer de repérer les causes de la fragilité qui se manifeste à certains moments dans des services et de se doter des outils de contrôle de gestion pédagogique, comme on se doterait d’outils de contrôle de gestion. C’est dans cet esprit que nous souhaitons travailler.

Mais le nombre d’inspections dans le secteur associatif habilité est insuffisant : trois inspections en trois ans, c’est extrêmement peu compte tenu du rapport entre le nombre de services dans le secteur public et dans le secteur habilité.

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse avait souhaité mettre l’accent sur ces services afin de répondre à la pression d’une demande politique forte qui est intervenue voilà cinq ans et qui s’est renforcée depuis. Cette pression n’a pas toujours existé auparavant et il a fallu remettre en route la protection judiciaire de la jeunesse pour répondre à cette demande.

Je formulerai un dernier constat au regard de l’élaboration d’un programme : je ne peux que regretter que l’urgence soit devenue le mode de fonctionnement classique et permanent. Ce que vivent aujourd’hui, et j’y reviendrai tout à l’heure, les magistrats et les services éducatifs est en train de nous toucher, nous, au sein de l’administration, notamment de l’inspection. Nous avons le sentiment de ne plus agir que dans l’urgence, c’est-à-dire qu’une mission communiquée aujourd’hui doit être effectuée pour demain. Les missions arrivent à l’improviste. Bien sûr, elles font partie de notre travail et nous nous préparons à devoir intervenir dans l’urgence. Mais l’urgence et l’immédiat semblent devenir un mode fonctionnement qui nuit au travail de réflexion. Nous mettons donc en place des méthodes de travail en nous attachant à les respecter pour éviter d’être trop perturbés par ce fonctionnement dans l’urgence.

Quelle est la composition de l’inspection ? J’ai mentionné les effectifs d’inspecteurs. L’objectif est de diversifier les recrutements. Nous avons établi des fiches de postes, avec l’indication des compétences que nous recherchons. Les fiches ont été constituées en collaboration avec l’ensemble du service et validées par la direction. Les recrutements sont destinés à assurer des fonctions de contrôles financiers, administratifs et pédagogiques.

Actuellement, l’inspection est composée de deux anciens directeurs départementaux qui ont été éducateurs et directeurs de service. L’un d’eux a occupé la fonction de directeur de service du secteur associatif habilité. Il a des connaissances pointues en matière de gestion, notamment dans le secteur associatif.

En septembre, l’inspection comprendra également trois directeurs de service qui ont exercé dans les différents types de services de la protection judiciaire de la jeunesse et qui ont également occupé des fonctions d’adjoint dans des directions territoriales ou dans des lieux de formation. Nous recruterons également un attaché principal qui a une expérience dans d’autres administrations, ainsi que dans une direction départementale et une direction régionale. Mon objectif est de recruter à moyen terme un second attaché, spécialiste en gestion, ainsi qu’un magistrat qui arrivera en septembre. Ayant déjà travaillé dans une organisation non gouvernementale, il a une connaissance du fonctionnement du secteur associatif.

Tels sont les moyens dont nous disposons actuellement.

Ces moyens sont-ils suffisants pour contrôler l’ensemble des directions départementales et leurs services ? Certainement pas. Mais je n’irai pas jusqu’à réclamer des moyens pour réaliser l’inspection transversale dont je vous ai parlé tout à l’heure et qui couvre près de 2 000 structures.

En revanche, plusieurs réflexions sont à mener. Il s’agit d’abord d’évaluer la masse de travail à effectuer compte tenu du nombre de structures susceptibles d’être inspectées. Ensuite, il s’agit de déterminer comment on peut articuler les missions de contrôle des directeurs territoriaux avec celles des autres institutions locales, les directions départementales de l’action sanitaire et sociale -les DDASS-, les préfets, les conseils généraux et les commissions régionales des oeuvres sanitaires et sociales qui sont désormais chargées de valider les services de la protection judiciaire de la jeunesse en application de la loi du 2 février 2002. Comment articuler ces missions de contrôle avec celles de l’administration centrale ? Enfin, qu’attend-on exactement d’une mission d’inspection ?

Je relève que les missions que nous avons effectuées, par exemple avec l’IGAS et L’IGSJ ces trois dernières années, sont essentiellement des missions d’études. Les demandes qui sont adressées aux inspections visent de plus en plus à préparer et argumenter des politiques. Même si elles restent centrées sur le contrôle administratif pur et sur la manière de servir des professionnels, la demande d’un outil d’évaluation est croissante.

Dans ces conditions, quelle dimension convient-il de donner à ces inspections ?

La déconcentration des services et la réforme de l’Etat est aussi une dimension à prendre en compte dans une réflexion sur l’inspection.

Enfin, il importe de se pencher sur la réorganisation de la fonction d’inspection d’une manière générale au sein du ministère de la justice.

Il me paraîtrait préférable de commencer par mener l’ensemble de ces réflexions sur l’organisation du travail avant de demander une accumulation de moyens.

A propos de l’indépendance, j’ajoute un dernier élément qui vient encore renforcer notre souhait de voir se constituer une inspection générale. La protection judiciaire de la jeunesse étant une petite administration, tous les personnels de l’inspection sont connus et connaissent beaucoup de monde au sein de la protection judiciaire de la jeunesse. Il s’ensuit un contexte de travail parfois particulier qui réclame, notamment de ma part, une grande vigilance au regard des questions de méthodes et de déontologie. Le positionnement de l’inspection est parfois difficile dans un milieu où des personnes se rencontrent quotidiennement depuis des années et ont pris des habitudes, notamment de tutoiement, dans une culture qui facilite ce type de relations.

C’est peut-être l’indépendance la plus difficile à gagner à travers des choix méthodologiques. Nous nous efforçons d’y parvenir.

M. le président - Vous avez dit tout à l’heure que parmi les personnels dont vous pouvez disposer et qui contribuent à l’inspection, figurent les directeurs régionaux. Dans quelle mesure un directeur régional n’est-il pas trop impliqué pour pourvoir en quelque sorte « s’auditer » lui-même ?

M. Damien Mulliez - J’ai dû commettre un lapsus. Nous n’avons pas de directeurs régionaux. Nous avons des directeurs départementaux. En revanche, les directeurs régionaux ont des missions de contrôle au sein de leur propre région, tout comme les directeurs départementaux.

M. le président - Cela va de soi. Dès lors que l’on dirige un service, on doit déontologiquement s’interroger.

M. Damien Mulliez - Tout à fait.

M. le président - Personnellement, je dirige une mairie. Je m’interroge en permanence pour savoir si mes services fonctionnent bien. Au sein des missions d’inspection, c’est évidemment plus compliqué, mais il semble difficile de s’inspecter soi-même.

M. Damien Mulliez - Oui, je pense que c’est difficile de s’inspecter soi-même. En revanche, il est absolument nécessaire de se doter d’outils politiques d’évaluation. C’est pour cela que j’ai le sentiment qu’une inspection comme celle que je dirige est un peu entre deux chaises à l’heure actuelle. Elle est tiraillée. Certains d’entre nous doivent faire des choix. S’il devait y avoir un jour une inspection extérieure et un outil politique de contrôle et d’évaluation, quelle profession serons-nous appelés à exercer ?

M. le président - Au cours de nos visites sur place et de nos entretiens, il est apparu que certains établissements sont sous-occupés. Tel ou tel établissement prévu pour huit jeunes en accueille cinq, chacun semble se satisfaire de ce résultat. Certes, moins il y a de jeunes et mieux ils sont encadrés. Mais au regard de l’utilité de la dépense publique, on peut aussi s’interroger. Vos travaux d’inspection portent-ils sur cet aspect ? Quel est votre sentiment à ce sujet ?

M. Damien Mulliez - C’est là une réelle difficulté qui se pose à la protection judiciaire de la jeunesse. Si nous avions un sentiment à exprimer à ce sujet, je dirais que la question des méthodes de travail est aujourd’hui prioritaire pour travailler dans cette institution.

Le contexte de travail a considérablement changé. Il se dit dans le milieu que les anciens n’ont pas laissé d’héritage technique aux jeunes et que la transmission des savoir-faire ne s’est pas faite. Pour ma part, je n’en suis pas convaincu. Comme dans tout le domaine social, la prise en charge des jeunes qui nous sont adressés représente une vraie difficulté. Elle est en plein évolution et, de ce fait, la question des outils méthodologiques est devenue centrale. Ce n’est pas parce que les gens sont éducateurs qu’ils sont techniquement immédiatement opérationnels. Les populations que nous recevons ont énormément changé. Leurs stratégies mêmes se sont transformées. Nous avons affaire à des populations qui sont vivantes. On a parfois tendance à les réifier en estimant qu’il faut les placer dans tel type d’établissement pour que la prise encharge fonctionne. Ce n’est pas le cas. Les populations nouvelles ont des stratégies dans notre direction. C’est pourquoi les méthodes de travail et les outils techniques doivent indiscutablement être revus aujourd’hui.

On est parfois tenté de dire que si les établissements ne sont pas pleins, c’est que le personnel ne fait pas son travail. Ce serait aller trop vite en besogne. Force est de constater que ces mineurs qui sont accueillis dans les services du secteur public ont tous un parcours antérieur dans le secteur associatif habilité. C’est ce que démontre un travail de recherche d’indicateurs que nous avons mené sur un CPI. Tous ces jeunes ont été exclus à un moment ou à un autre de ces services. Les magistrats l’ont accepté. Ils ont donné des mainlevées et ont confié ces mineurs aux services du secteur public qui en viennent à exploser, comme cela a explosé ailleurs.

L’ensemble du secteur du travail social doit s’interroger sur ses outils techniques et méthodologiques. Nous sommes en difficulté technique pour travailler avec une partie de cette population. Nous recevons un certain nombre de mineurs qui sont très installés dans des réseaux économiques. Ils vivent avec des moyens que nous n’imaginons pas. Un jeune de 14 ans qui fait le guet pour une équipe ou qui sert de relais, peut gagner plusieurs centaines de francs par jour. Lorsqu’il arrive dans des services éducatifs et d’insertion, il faut réussir à le convaincre de l’intérêt de rester dans ce type de prise en charge. La question est centrale.

Sur le fait que les mineurs restent ou pas, je n’aurai pas d’autres arguments que ceux-là. Ce sont ceux que j’aurais envie de travailler et de développer.

M. le président - Je vous livre en vrac les autres questions que nous souhaitions vous poser. Quelle est l’appréciation que vous-même avez été amené à porter sur le fonctionnement des services, sur les relations entre la protection judiciaire de la jeunesse et les magistrats, sur les moyens financiers et sur les profils des personnels ? Pourquoi les vacances de poste paraissent-elles aussi durables ? Que pensez-vous du fonctionnement des services éducatifs auprès du tribunal pour enfants, les SEAT ? Les centres de placement immédiat, les centres éducatifs renforcés vont paraissent-ils bien adaptés ? Ne faut-il pas changer ces structures ? Vos services sont-ils en mesure d’effectuer un contrôle financier et pédagogique sur les établissements du secteur associatif ? Question redoutable, vos observations et recommandations sont-elles suivies d’effet ? Avez-vous des exemples à donner de réussites et, hélas, d’échecs ? Dans les rapports de l’inspection des cinq dernières années, des critiques ont été émises à l’égard de certains magistrats. En ont-ils connaissance et une suite y est-elle apportée ? Enfin, quelles sont les améliorations qui vous paraissent de nature à faciliter le travail de la protection judiciaire de la jeunesse et à la rendre plus efficace ?

M. Damien Mulliez - Vastes questions ! Je n’y apporterai que des réponses que je veux humbles et cadrées uniquement sur les inspections que nous avons pu mener.

En premier lieu, s’agissant des relations entre les magistrats et le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, force est de constater une dégradation au cours de ces dernières années. A cet égard, il convient de distinguer les relations entre, d’une part, les magistrats et les services du secteur public et, d’autre part, les magistrats et les directeurs territoriaux.

Dans le domaine de la prise en charge des mineurs, les magistrats tiennent clairement des propos très durs à l’égard de la capacité de la protection judiciaire de la jeunesse à prendre en charge les mineurs qui lui sont confiés. Ils stigmatisent des refus de prise en charge de la part d’établissements en sous-effectif ou en crise régulière, des listes d’attente et des délais trop longs de prise en charge. C’est l’incapacité de prendre toute mesure qui est mise en cause.

En revanche, dans le domaine de l’application des politiques publiques, les relations avec les directeurs territoriaux sont meilleures. L’appréciation que portent les magistrats sur les directeurs territoriaux dans leur rôle de mise en oeuvre de politiques publiques est plutôt positive.

Réciproquement, les services de la protection judiciaire de la jeunesse émettent également des critiques assez sévères à l’encontre des magistrats. Nos services considèrent qu’un certain nombre de magistrats prennent des positions qui sont de nature à casser techniquement le travail éducatif, notamment dans les cas de mineurs confiés sans audience, de services qui ne sont pas entendus par les juges, de décisions en matière de contrôle judiciaire, ou de sursis avec mise à l’épreuve, qui vont à l’encontre des textes. Alors que l’éducateur a mené tout un travail sur le mineur en lui disant : « Si tu ne respectes pas le contrôle judiciaire, tu risques de te retrouver en détention », le magistrat déclare au moment de l’audience qu’il décide de ne pas révoquer le contrôle judiciaire. Il en résulte une incohérence complète. S’il s’agissait d’adultes, cela me dérangerait moins. Ce qui me crée une difficulté dans ce genre de relation, quelle que soit la responsabilité des uns et des autres, c’est que cette incohérence suscite l’incompréhension du mineur et entraîne rapidement une toute puissance de l’adolescent qui a remarqué les failles et s’y engouffre aussitôt. Tous les conflits de ce type aboutissent à un espace de toute puissance des adolescents, ce qui est extrêmement préjudiciable.

Il ne s’agit pas d’une situation de conflit généralisé. Néanmoins, elle est préoccupante. Dans certains services, les critiques sont parfois très violentes. Je n’oublie pas cependant, et je pense que mes collègues magistrats le savent, que bon nombre de mineurs qui arrivent dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse ont effectué de multiples passages dans d’autres services qui ne font pas l’objet des mêmes critiques. Sans doute la dimension des représentants de l’Etat des services de la protection judiciaire de la jeunesse facilite la critique.

L’analyse que nous en faisons est la suivante : il y a une dimension institutionnelle et historique extrêmement importante. A l’origine, il a fallu créer la protection judiciaire de la jeunesse en la détachant de son ancienne appartenance à l’administration pénitentiaire. Les juges pour enfant ont dû se créer une identité au sein d’un corps où l’on disait « justice des mineurs, justice mineure ». Cet état d’esprit a duré extrêmement longtemps.

Obligatoirement, les magistrats et les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse ont en quelque sorte fusionné. A l’époque, un juge disait « mon délégué à la liberté surveillée » et le délégué à la liberté surveillée disait « mon juge ». Le juge notait le délégué à la liberté surveillée.

Progressivement, la protection judiciaire de la jeunesse s’est constituée comme une administration avec des politiques publiques et des axes prioritaires. Les parquets sont intervenus et ont occupé une place extrêmement importante auprès de la protection judiciaire de la jeunesse, s’agissant en particulier de ce qu’on a appelé la troisième voie et du traitement en temps réel qui a monopolisé une grande part de l’action des SEAT.

Lors de l’émergence des politiques publiques, les juges des enfants sont limités à une activité juridictionnelle, alors que la protection judiciaire de la jeunesse recevait des instructions pour s’investir dans les politiques publiques. Les magistrats pour enfants étaient extrêmement réticents, comme tous les magistrats du siège d’ailleurs, à s’impliquer dans ces politiques publiques, au nom de leur indépendance, ce qui peut s’entendre d’ailleurs. Le parquet, lui, investissait massivement dans ce domaine. Les champs d’intervention se sont trouvés complètement déplacés. C’est sans doute pourquoi les parquets se montrent moins critiques à l’égard des services de la protection judiciaire de la jeunesse que ne le sont les magistrats du siège.

La protection judiciaire de la jeunesse a dû appliquer des programmes politiques. Il ne faut pas se dissimuler l’importance de cet élément du débat. Les magistrats ne se sentent pas tenus par des orientations politiques, qui en elles-mêmes sont légitimes. En revanche, la protection judiciaire de la jeunesse se doit d’appliquer ces orientations parce qu’elle est une administration. Il y a là deux logiques qui, au premier abord, ne peuvent pas cohabiter. Cependant, il va falloir qu’elles s’articulent. C’est la nouvelle dimension de la protection judiciaire de la jeunesse. Le fait que la protection judiciaire de la jeunesse soit au centre des débats politiques et des décisions politiques, le fait que ce soit un conseil de sécurité intérieure qui ait décidé de la création de nouvelles structures au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, tout cela est éminemment nouveau.

De 1958 à 1990, la protection judiciaire de la jeunesse n’avait quasiment pas d’orientation politique autre que celle qui était fixée par sa direction ou par le ministère de la justice. La préoccupation politique à l’égard de la prise en charge des mineurs n’était pas aussi forte qu’aujourd’hui. Maintenant, des glissements se sont produits et certains magistrats reprochent à la protection judiciaire de la jeunesse de ne pas résister à tel ou tel type de demande en matière de répression. La protection judiciaire de la jeunesse n’a pas à résister ou à ne pas résister. Elle a la possibilité d’argumenter et de débattre dans la phase préalable à la mise en oeuvre, mais une fois que la décision politique est prise, la protection judiciaire de la jeunesse est tenue de l’appliquer. Le rôle des magistrats est de faire appliquer les textes votés, c’est-à-dire la loi. La rencontre de ces deux logiques différentes provoque un certain nombre de conflits.

Un dernier élément contribue à instaurer une situation conflictuelle, qui n’est pas propre au secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse : il s’agit de l’urgence dans laquelle les professionnels sont appelés à travailler. Je veux alerter sur ce problème.

En effet, le travail des magistrats pour enfants, des parquetiers de mineurs et des services prenant en charge des mineurs est dominé par la notion d’immédiat. L’urgence domine. On a le sentiment qu’aujourd’hui la réponse prévaut sur le contenu de la réponse et que le bon professionnel est celui qui répond. A la limite, au regard de l’opinion, ce qu’il répond importe moins que le fait qu’il ait répondu. Ce phénomène est assez grave de mon point de vue, parce qu’il tend à figer la pensée et à disqualifier l’action même d’éduquer. Chacun sait que l’éducation, ne serait-ce que celle de nos propres enfants, n’est pas une action immédiate. L’action éducative demande du temps, de la répétition, de la présence et ne peut s’inscrire dans l’immédiateté.

Une décision qui est prise aujourd’hui à l’égard d’un délinquant ne va pas le changer demain en un jeune insérédans la société et ayant intégré toutes les valeurs de la République. Il va falloir du temps pour atteindre ce résultat. Bien entendu, la rapidité de la réponse sur les plans technique et pédagogique est essentielle pour un adolescent délinquant, mais elle ne doit pas nuire à un travail à plus long terme.

Or un certain nombre de professionnels voient leur action éducative au sens classique du terme disqualifiée au profit d’une réponse sans cesse plus rapide et privilégiant le spectaculaire par rapport au fond. Il s’agit moins de répondre au mineur que de faire face à une demande extérieure qui est tout aussi légitime. Quand le juge applique la loi au nom du peuple français, il doit tenir compte de ce contexte.

M. le président - Votre réflexion rejoint la question suivante que je me pose au fil des travaux de la commission d’enquête : quelle est la validité des stages de trois mois dans les centres éducatifs renforcés ?

M. Damien Mulliez - Paradoxalement, je considère que le centre éducatif renforcé est la meilleure réponse qui existe aujourd’hui, parce qu’il garantit d’une durée effective de prise en charge. Même si elle n’est que de trois mois, elle est effective, à présence quasi constante et dans des activités partagées. C’est une condition qui me paraît essentielle et incontournable dans le cadre de l’éducation d’un adolescent. Cette condition n’est pas remplie dans le fonctionnement d’un établissement classique d’hébergement à plus long terme, voire de plusieurs années, où l’organisation du temps des professionnels repose sur le fractionnement plutôt que sur la continuité.

La prise en charge de trois mois dans le cadre des centres éducatifs renforcés a été pensée également comme une période de recadrage pour permettre au délinquant de réintégrer ensuite des prises en charge plus classiques. Mais c’est là où nous rencontrons une difficulté. En effet, au terme de la période de trois mois, plus personne ne veut prendre en charge les jeunes issus de ces stages.

A cet égard, il y a lieu de s’interroger sur l’organisation du travail social aujourd’hui et sur le positionnement des professionnels. Ceux qui refusent de recevoir ces mineurs agissent comme s’ils pensaient que de toute façon ces adolescents ne peuvent pas changer, comme s’ils ne croyaient plus à la capacité de changer la trajectoire d’un jeune délinquant. Cette attitude touche la totalité des services qui travaillent aujourd’hui dans ce domaine, au-delà de la protection judiciaire de la jeunesse.

Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos : pourquoi les services du secteur associatif ont-ils les mêmes difficultés que nous à recruter des professionnels qualifiés ? Certains conseils généraux vont même jusqu’à offrir des bourses d’études à certains éducateurs contre l’engagement de ces derniers de venir travailler dans leur service comme éducateurs spécialisés. En réalité, les éducateurs spécialisés privilégient le secteur du handicap, des instituts de rééducation. Ils ne s’orientent plus facilement vers des maisons d’enfants à caractère social ou des établissements hébergeant des adolescents, en raison de l’image inquiétante de violence qui est attachée à ces établissements, rendant tout travail impossible.

Que nous rapportent les centres éducatifs renforcés ? Ce sont précisément les stages qui y sont effectués quidevraient nous inciter à entamer une réflexion sur la manière d’organiser nos services. Qu’est-ce qui fait que les CER fonctionnent ? Leur fonctionnement s’appuie sur un projet. Des professionnels se voient assigner des objectifs dans le cadre d’un cahier des charges, mais ils disposent d’une autonomie pour déterminer les moyens de les atteindre. Ils sont d’abord chargés d’élaborer un projet qui doit être validé par un comité de pilotage. Ensuite, ils ont une certaine marge de manoeuvre pour recruter les personnels, en fonction non pas d’un profil ou de parcours types, mais des objectifs, du projet et des jeunes qui sont accueillis.

Dans le secteur public, les conditions de recrutement ne nous permettent pas de travailler sur ce modèle-là. Les discussions internes à la protection judiciaire de la jeunesse évoquent régulièrement les notions d’expérimentation et de projet. En effet, si l’on veut demander à des professionnels de remplir une mission extrêmement complexe, mais pas impossible, qui consiste à la fois à garantir la paix publique et à permettre à des adolescents impliqués dans des circuits délinquants depuis des années de retrouver les repères qui leur manquent, il importe de valoriser ces personnels, de leur donner une marge d’autonomie. Plus on détermine ce qu’ils doivent faire et comment ils doivent le faire, plus on contribue à les discréditer.

S’agissant des moyens financiers, je m’exprimerai en me référant aux inspections qui sont effectuées actuellement et en précisant que mon point de vue se trouve limité par la connaissance que j’ai du terrain.

Ces dernières années, la protection judiciaire de la jeunesse a connu une augmentation considérable de ses moyens. C’est là une avancée qui, sans aucun doute, doit se poursuivre, compte tenu de l’importance de la commande publique.

Cela étant, au regard des constats, la question des moyens telle qu’elle est posée me paraît moins prioritaire que la nécessité de définir les finalités et les objectifs que l’on se donne, afin de ne pas reproduire le schéma selon lequel on reste en l’état et on réclame de plus en plus de moyens. Redéfinir les finalités, retravailler sur des projets, tel est le sens du projet de conférence unique de programmation et de la loi organique du 1er août 2001 qui a introduit l’obligation de travailler sur des objectifs. Ainsi, la reconduction des moyens ne sera plus quasi automatique, mais fondée sur l’évaluation des résultats, des programmes et des objectifs. Cette logique est incontournable dans le secteur de la protection judiciaire de la jeunesse, comme dans l’ensemble de l’administration et dans l’Etat. C’est, à mes yeux, un point central de la réforme de l’Etat

Il s’ensuivra pour nos services une obligation de transparence. C’est un fait nouveau. Jusque là, les services éducatifs ne donnaient pas d’information sur ce qu’ils faisaient puisque personne ne le demandait. Aujourd’hui, ils font l’objet d’une demande très forte à cet égard et ils vont devoir trouver des outils pour y répondre.

Sur la question du profil des personnels, j’ai constaté que les nombreux jeunes professionnels que je côtoie n’ont pas un potentiel inférieur au mien ou à ceux de mes collègues en début de carrière au même âge. Il n’y a pas une génération qui serait perdue et des anciens qui auraient tout le savoir. Il n’y a pas un profil intemporel du bon éducateur. Les éducateurs d’aujourd’hui véhiculent les valeurs de la génération à laquelle ils appartiennent. A la question de savoir s’ils sont moins bons ou moins motivés, je réponds qu’une étude effectuée en 1996 montre que les jeunes éducateurs sont tous motivés et appartiennent à peu près au même type de milieu que les éducateurs des générations précédentes. Ils se situent donc sensiblement dans le même schéma.

Il convient plutôt de s’interroger sur l’évolution du contexte social. Il est indéniable qu’aujourd’hui, on n’éduque pas les adolescents de la même façon qu’autrefois. Ce ne sont pas les mêmes adolescents. Ils n’ont pas les mêmes références. Leur environnement social est différent.

Il appartient sans doute aux instances hiérarchiques de définir les finalités : quelles compétences, quelle technicité, quelle qualification attend-on des professionnels dans le travail social ? Ne convient-il pas de passer d’une définition traditionnelle de l’éducateur largement fondée sur l’expérience à la définition d’un professionnel correspondant à une articulation juste entre l’expérience et la qualification ? Telle est la question centrale aujourd’hui.

M. le président - Je vous remercie de vos explications très utiles qui nous ont permis d’aborder l’essentiel.

M. Damien Mulliez - Pensant que je n’aurais pas le temps de traiter tous les points, je me suis permis de vous laisser un texte contenant les propositions.

M. le président - Je vous en remercie infiniment.


Source : Sénat français