Présidence de M. Jean-Pierre SCHOSTECK, président

M. Jean-Pierre Schosteck, président - Nous allons entendre maintenant Mme Dominique Fighiera-Casteux, présidente de la Fédération nationale des assesseurs près le tribunal pour enfants.

(Le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d’enquête et fait prêter serment.)

Madame, vous avez la parole.

Mme Dominique Fighiera-Casteux - Voici quel sera le plan de mon intervention : en introduction, je vous présenterai brièvement les assesseurs ; en première partie, je vous relaterai notre expérience auprès des tribunaux pour enfants et en particulier la mienne dans les établissements scolaires ; en deuxième partie, je formulerai quelques réflexions sur l’ordonnance de 1945 et en troisième partie, j’avancerai des propositions concrètes.

Les assesseurs des tribunaux pour enfants sont des échevins, des juges civils, ce ne sont pas des magistrats professionnels. Issus de la société civile, nous sommes choisis en fonction de l’intérêt que nous portons aux questions de l’enfance et nous représentons toutes les catégories professionnelles.

Je m’appuie sur une double expérience.

D’une part, je suis assesseur depuis douze ans, j’en suis à mon troisième mandat et j’ai collaboré à une réflexion menée au sein de la fédération avec mes collègues des autres tribunaux pour enfants. D’autre part, j’ai acquis une expérience personnelle en faisant pendant trois ans des conférences sur la justice des mineurs dans des lycées et des collèges et cette année, pour la première fois, dans des écoles primaires.

Dans 80 % des cas, ce sont les mineurs eux-mêmes qui sont victimes des infractions commises par les mineurs. Ils sont donc les mieux placés pour parler de la façon dont ils vivent cette poussée de la délinquance et pour nous dire ce qu’ils attendent de nous pour les protéger.

J’en viens à l’expérience que j’ai acquise auprès des tribunaux pour enfants.

La première question est celle de la montée de la violence que l’on ne peut nier dans les affaires qui occupent aujourd’hui les tribunaux pour enfants. Les assesseurs sont de plus en plus souvent confrontés à des audiences criminelles, c’est-à-dire à des crimes commis par des jeunes de moins de seize ans.

Pendant les dix premières années de ma fonction au tribunal pour enfants de Nice, je n’ai eu connaissance d’aucune audience criminelle. Depuis deux ans, nous en avons plusieurs par an. Mes collègues des autres régions sont dans le même cas. Aussi, en juin 2001, la fédération a envoyé à ses adhérents un questionnaire sur les audiences criminelles.

Les réponses ont été les suivantes. Il faut plus de solennité pour les audiences criminelles qui ne peuvent être glissées entre deux autres audiences. Une préparation est nécessaire pour les assesseurs. Il faut peut-être envisager une réunion avec le président du tribunal pour enfants, comme cela se fait pour les jurés dans les cours d’assises.

Cependant, le constat le plus terrible est l’âge moyen des victimes : treize ans pour les viols, quatorze ans pour les meurtres. Par exemple, au tribunal de Lille, le fait incriminé était un meurtre : le mineur au moment des faits était âgé de treize ans et demi, le jugement a été prononcé à quatorze ans et demi, la victime avait treize ans.

Ces audiences sont très lourdes pour les assesseurs qui, pour la plupart, ne sont pas juristes. Je tiens pour mes collègues une permanence téléphonique hebdomadaire. La majorité des appels portent sur ce sujet car, après de telles affaires, nous avons besoin de parler pour essayer d’évacuer notre stress. A part cette fédération, nous avons très peu de contacts entre nous.

Il a été question, dans le projet de réforme de l’ordonnance de 1945, présenté en 1990, de supprimer la cour d’assises des mineurs et de renvoyer tous les crimes devant une formation spéciale du tribunal pour enfants qui serait composée de deux juges des enfants et de trois assesseurs. Si ce changement devait voir le jour, il faudrait bien entendu prévoir une réforme du statut des assesseurs.

S’agissant de ma propre expérience au tribunal pour enfants, j’ai l’habitude de consigner mes audiences dans un cahier. Le matin ou la veille de l’audience, les assesseurs sont autorisés à consulter les dossiers qui seront présentés et je prends des notes. J’ai conservé tous mes cahiers et je peux donc vous présenter concrètement une audience de janvier 1990 et une audience de janvier 2002.

En dix ans, ces audiences ont considérablement évolué. En janvier 1990, sur cinq dossiers et sept jeunes prévenus, les infractions poursuivies étaient des vols de mobylettes. La peine maximale qui avait été prononcée était deux mois avec sursis pour vol en réunion ; six jeunes prévenus n’ont plus jamais fait parler d’eux.

En janvier 2002, sur dix -huit dossiers et vingt-cinq prévenus, il y avait deux détenus. Les faits poursuivis étaient les suivants : vol avec violence, extorsion de fonds avec séquestration, agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans et en réunion, violence sur éducatrice, dégradation de biens en réunion avec incendie et violence sur agent de la force publique. La peine la plus grave qui avait été prononcée était six mois fermes assortis de six mois de sursis avec mise à l’épreuve. Ces exemples parlent d’eux-mêmes. Il est trop tôt pour envisager l’avenir des vingt-cinq jeunes qui ont comparu en janvier 2002. Depuis, nous avons les CER qui permettent une rupture de trois mois avec le milieu, mais comme ces centres ne sont pas fermés, les risques de fugue persistent.

J’en viens à mon expérience auprès de ce qu’il est convenu d’appeler la « belle jeunesse ».

J’ai très vite compris que je verrai la plupart de ces élèves à la barre comme victimes et non comme auteurs decrimes : victimes de rackets dès la sixième, jolies adolescentes victimes de « tournantes ».

L’intérêt de ces contacts est de voir comment les jeunes vivent au quotidien cette justice des mineurs élaborée et appliquée par les adultes, comment ils ressentent la délinquance observée et expliquée par des adultes. Je ne donne pas une conférence magistrale, j’anime un débat à partir de l’actualité : un cas de racket dans un collège voisin, une émission de télévision. Ce sont les élèves qui orientent la discussion. Les mêmes remarques reviennent quelles que soient les classes : « Cela ne sert à rien de porter plainte. Dans le quartier, il y a des voleurs et des drogués, on les connaît mais personne ne fait rien. »

Les jeunes ne comprennent pas la sévérité en cas d’atteinte aux biens, par exemple pour les tags qu’ils trouvent beaux. En revanche, ils sont sévères quand il s’agit d’une atteinte aux personnes. La plupart d’entre eux seraient prêts à rétablir la peine de mort pour les assassinats d’enfants. Ils sont très sévères avec les mauvais parents. Ils ont peur des bandes, du racket, des vols avec violence et des viols. Les filles ne portent plus de jupes.

Dans une école primaire, une institutrice signale le comportement très violent d’un élève de CM1 dont le père est détenu et qui n’accepte pas que sa mère ait déjà un nouveau compagnon. Peut-on prévoir des mesures de prévention pour cet enfant ? Faut-il souligner, une fois de plus, l’importance des parents et de la scolarité comme premier facteur de la délinquance ?

Je vous ferai part maintenant du sentiment de mes collègues assesseurs sur l’ordonnance de 1945.

Les assesseurs sont très attachés à ce texte, il constitue d’ailleurs pour certains la première formation demandée. Contrairement à ce qui lui est reproché, il ne date pas puisqu’il a subi de nombreuses modifications, les dernières ayant été apportées par la loi du 15 juin 2000 sur l’audition du mineur.

L’assesseur n’intervient qu’au niveau du tribunal pour enfants pour les délits et les crimes commis par les moins de seize ans. A ce stade de la procédure, il peut apporter quelques remarques sur le fonctionnement des audiences : audiences surchargées qui comportent parfois vingt dossiers et plus, audiences trop féminisées avec parfois uniquement des femmes alors que nous avons affaire, la plupart du temps, à des jeunes en manque d’images paternelles, dysfonctionnement dans l’exécution des peines -les équipes de la PJJ sont débordées-, dysfonctionnement au niveau du SEAT -les rapports de personnalités arrivent parfois trop tard-, trop de jugements par défaut -de nombreux jeunes ne se présentent pas à l’audience, comment les obliger à comparaître, faut-il recourir au mandat d’amener ?-, pas assez de mesures de réparation, ni de travaux d’intérêt général, faute de postes.

Les assesseurs ont demandé l’accès au dossier d’action éducative pour avoir une meilleure connaissance du dossier pénal. Ils ne sont pas informés en retour des décisions prises. Le tribunal pour enfants est rarement saisi d’un incident en liberté surveillée ou d’une révocation du sursis.

Par ailleurs, il serait intéressant d’user plus souvent de la possibilité de demander au mineur de sortir quand l’exposé de sa vie familiale est trop éprouvant. Nous avons parfois des mineurs qui reviennent régulièrement devant le tribunal. Le jeune entend pour la dixième fois qu’il a été placé dès sa naissance, que ses parents ne se sont jamais occupés de lui ou, par exemple, que sa mère a contracté le sida en faisant le trottoir, que son père est alcoolique et bat tous ses enfants. C’est très dur pour le jeune et il est très difficile, dans ces conditions, de se construire une personnalité. Il faut demander à la défense de ne pas trop en rajouter dans ce registre pour influencer le tribunal.

J’en viens enfin à nos propositions.

Il convient de ne pas négliger l’apport de la criminologie dans l’étude de la délinquance des mineurs. Raymond Gassin, l’éminent criminologue, a distingué deux catégories de mineurs délinquants : le délinquant ordinaire et le super-délinquant ou prédateur violent qui apparaît depuis quelques années.

Pour le délinquant ordinaire, l’adolescent en crise qui attire l’attention en faisant un faux pas parce qu’il est en souffrance, l’ordonnance de 1945 est parfaitement adaptée. Elle permet de comprendre le geste qui restera dans la plupart des cas un geste isolé : 70 % des primo délinquants ne récidivent pas.

Les incivilités, à notre avis, ne doivent pas rester impunies mais on pourrait les sortir du droit pénal. Cela désengorgerait les tribunaux où les magistrats pourraient consacrer leur temps à des infractions plus graves. On pourrait imaginer des réparations civiles en faisant appel à des juges civils, pourquoi pas les assesseurs des tribunaux pour enfants ? Ils seraient placés sous l’autorité du maire, premier magistrat de la commune et au coeur même de la vie de la cité, l’essentiel étant de marquer un coup d’arrêt, de faire comprendre la faute et de susciter le respect de la victime et l’implication directe des parents. Je pense, par exemple, à des pétards dans une boîte à lettres ou à des tags sur l’hôtel de ville.

Pour les autres délits commis par ces délinquants ordinaires : le vol à l’arraché sur des personnes âgées ou le racket sur les plus jeunes, qui sont les délits les plus odieux parce qu’ils sont une preuve de lâcheté ou de bêtise, on pourrait appliquer de façon plus sévère l’ordonnance de 1945. Je fais référence à l’article 22 qui permet l’exécution immédiate de la sanction.

Il y a deux ans, au tribunal pour enfants de Nice, nous avons appliqué cet article 22 lors d’un cas de racket dans un établissement scolaire. Il fallait marquer un coup d’arrêt. Quand nous avons été sûrs d’avoir repéré les deux racketteurs qui s’étaient attaqués à un enfant de sixième, nous avons prononcé à leur encontre une peine d’emprisonnement ferme avec exécution immédiate et détention à la barre. Le parquet, les avocats, la famille ont poussé de grands cris, mais la Cour de cassation a confirmé la possibilité pour un tribunal pour enfants de prononcer l’exécution immédiate de la sanction. Le racket a instantanément cessé dans l’établissement. La notion d’exemple est importante chez les jeunes.

J’en viens aux super-délinquants ou prédateurs violents.

Les faits pris dans l’actualité ne manquent pas pour démontrer que ces mineurs présentent un réel danger pour la société et notamment pour les autres mineurs qu’il convient de protéger. Je citerai : les vols à la portière commis par des bandes organisées et toujours avec violence -à la différence des vols à l’arraché et du racket les gains sont très importants- les viols collectifs souvent accompagnés d’actes de barbarie, les trafics de drogue organisés en réseaux. Les bandes peuvent être très agressives envers les autres jeunes. Il existe également des bandes anti-institutions et nous avons même entendu parler d’une bande anti-flics.

Par ailleurs, où classer les cas psychiatriques ? Il est nécessaire d’avoir des structures alliant la médecine et la protection judiciaire de la jeunesse.

Pour ces prédateurs violents, les mesures éducatives paraissent inadaptées et une réforme de quelques articles de l’ordonnance de 1945 serait possible. Par exemple, à l’article 20-2, nous proposons qu’entre seize et dix-huit ans, le mineur poursuivi pour un crime commis à l’encontre d’un mineur de moins de quinze ans soit condamné comme majeur et non, à titre exceptionnel, comme c’est le cas. En effet, le tribunal pour enfants et la cour d’assises ont la possibilité d’écarter l’excuse de minorité. Elle pourrait être appliquée d’office dès qu’il s’agit d’un crime commis à l’encontre d’un mineur de moins de quinze ans.

S’agissant de l’article 131-31 du code pénal, il est vrai que l’on pratique déjà l’interdiction de séjour pour certains mineurs, mais par l’intermédiaire du sursis avec mise à l’épreuve ou l’interdiction de fréquenter certains lieux. Nous pensons que l’application de l’interdiction de séjour, en tant que mesure complémentaire, renforcerait ces dispositions. Si le sursis avec mise à l’épreuve n’est pas respecté, il entraîne rarement la révocation de la mesure, sauf si le mineur commet une autre infraction provoquant une nouvelle parution. Par conséquent, l’application de la mesure complémentaire d’interdiction de séjour permettrait de donner plus de poids à la sanction.

En conclusion, je dirai que les assesseurs, représentants de la société civile et soumis à la pression de l’actualité, ne jugent pas le jour de l’audience un phénomène de société, une bande de prédateurs violents mais souvent un jeune seul avec son histoire. Il s’agit parfois d’une telle misère morale, physique et intellectuelle que juger devient très difficile. Heureusement, il y a la collégialité.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur - Comment devient-on assesseur ? Vous dispense-t-on une formation et si oui, est-elle adaptée et efficace ?

Mme Dominique Fighiera-Casteux - A l’inverse des jurés auxquels on nous assimile souvent, nous sommes volontaires. Nous présentons notre candidature au président du tribunal de grande instance de notre lieu de domicile qui transmet le dossier à la cour d’appel. Nous sommes ensuite nommés par arrêté du garde des sceaux pour un mandat de quatre ans renouvelable.

Au départ, on pensait qu’il n’était pas nécessaire de donner une formation aux assesseurs. Or, depuis la multiplication des audiences criminelles, nombre de nos collègues qui n’ont pas de formation juridique en demandent une et, depuis quatre ans, grâce à la fédération et au soutien du ministère, l’Ecole nationale de la magistrature nous dispense une formation à raison d’une session par an. Cette formation se fait par région. Par exemple, dans le grand Sud, on regroupe plusieurs tribunaux et la session a lieu à la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

M. le rapporteur - N’êtes-vous pas tentés trop souvent de suivre les juges professionnels ?

Mme Dominique Fighiera-Casteux - S’agissant des questions de procédure, les assesseurs qui n’ont pas de connaissances juridiques sont encadrés par le magistrat présidant l’audience, mais pendant le délibéré, nous avons trois voix égales et nous pouvons donner un avis comme les jurés.

M. le rapporteur - Quelles seraient, selon vous, les mesures à prendre en priorité pour améliorer la justice des mineurs ?

Mme Dominique Fighiera-Casteux - Nous constatons aujourd’hui que nous avons affaire à deux catégories de mineurs délinquants.

L’ordonnance est tout à fait adaptée en ce qui concerne les délinquants ordinaires. Même s’ils commettent un acte grave, ils sont « rééducables ». Cela ne signifie pas qu’il faut écarter toute sanction. Souvent, le jeune qui a passé un mois en détention nous dit : « J’ai compris, je ne veux plus retourner en prison ». Parfois, heureusement, des mesures éducatives, un placement, un travail d’intérêt général va lui faire comprendre qu’il doit avoir des règles de vie, comme se lever le matin.

En revanche, pour les délinquants persistants, il faudra trouver d’autres mesures, notamment pour protéger les autres. Il n’est pas normal que des jeunes filles de seize ou dix-sept ans répondent lors d’un questionnaire que leur première peur, c’est le viol. Il faut protéger ces filles et ces garçons qui ont envie de sortir, de s’amuser et qui sont terrorisés par des bandes violentes.

Il convient également de protéger nos institutions. Il n’y a pas de raison que les policiers se fassent « caillasser » et que les enseignants se fassent insulter. Nous formulons des propositions, le législateur doit prendre des mesures.

M. le rapporteur - La justice qui est rendue vous paraît-elle bien comprise par les jeunes ou bien ont-ils des difficultés à comprendre les sanctions qui sont prononcées contre eux ?

Mme Dominique Fighiera-Casteux - J’ai conservé un petit dessin qui me semble significatif. On y voit le président du tribunal demander au jeune : « Qu’as-tu à dire pour ta défense ? » et celui-ci lui répondre :« Rien, c’est bien fait ! » Quand on en est là, c’est déjà presque gagné. Le prévenu accepte la sanction, il a compris.

D’ailleurs, les jeunes comprennent très tôt, je le vois dans les établissements scolaires. J’ai été émerveillée par les questions que posent des petits de CM1. Ils comprennent très bien ce qu’il faut faire et ne pas faire. Ils ont déjà la notion du bien et du mal. Quand le jeune dit : « c’est bien fait », accepte sa punition, je peux dire que la partie est gagnée. En revanche, quand on a affaire aux « prédateurs violents », je ne sais pas ce qu’il faut faire.

Tout à l’heure, j’entendais M. le Vice-Président de l’association des maires parler de la prévention. Depuis 1981, on a mis en place plusieurs contrats de prévention. La prévention est adaptée aux jeunes délinquants ordinaires. Cependant, si vous proposez à une bande de jeunes qui gagne 5000 à 6000 francs par jour en pratiquant le vol à l’arraché, comme cela se fait dans le midi, d’aller jouer à la « baballe », je ne crois pas que cela soit adapté.

M. Patrice Gélard - Je connais bien votre fonction, madame, parce que ma femme a été pendant dix ans assesseur au tribunal pour enfants. Elle est désolée de ne plus l’être parce qu’elle a été élue conseiller municipal ; il est peut-être dommage de perdre ses fonctions dans ces cas-là.

Je regrette également que les hommes soient peu nombreux parmi les assesseurs. Il est fréquent que le président, les deux assesseurs, l’avocat et le procureur du tribunal pour enfants soient des femmes.

Mme Dominique Fighiera-Casteux - Tout à fait !

M. Patrice Gélard - Que peut-on faire pour améliorer le recrutement masculin ? C’est pourtant une fonction magnifique, que je trouve tout à fait remarquable.

J’émets un doute sur la formation que vous souhaitez. Justement, la « naïveté » juridique des assesseurs me paraît nécessaire. Ils apportent l’élément d’équité, la procédure étant l’affaire du président. Si on les forme trop, on va en faire des juristes ; ils vont devenir des éléments professionnels. Or je ne crois pas que ce soit souhaitable.

En revanche, la création de vos associations me semble très importante. C’est en leur sein -au Havre, l’association a justement été créée par ma femme voilà deux ans- à l’occasion des congrès et des réunions périodiques que vous organisez avec les tribunaux voisins que peut se donner la formation nécessaire, plutôt que par la cour d’appel.

Mme Dominique Fighiera-Casteux - Vous avez parfaitement raison. Je peux vous indiquer que l’incompatibilité électorale a été supprimée ; votre épouse peut donc à nouveau postuler.

M. Patrice Gélard - Je vais le lui annoncer ce soir, elle sera enchantée !

Mme Dominique Fighiera-Casteux - Je déplore que la justice des mineurs soit bien souvent uniquement une affaire de femmes. Lorsque les fonctions de greffier, de substitut des mineurs, d’assesseur, de président et d’avocat sont occupées par des femmes, c’est déplorable parce qu’en face se trouvent ces jeunes...

M. Patrice Gélard - De un mètre quatre-vingts !

Mme Dominique Fighiera-Casteux - Tout à fait ! Un jour, par hasard, deux de mes collègues assesseurs se sont trouvés dans un tribunal composé uniquement d’hommes. Ils ont remarqué une grande différence dans la tenue de l’audience. Vous le savez, tous les tribunaux pour enfants connaissent un noyau dur d’enfants qui deviennent délinquants vers 14 ans et qui sont régulièrement poursuivis jusqu’à l’âge de 18 ans. Ces jeunes, se trouvant en face d’un tribunal uniquement masculin, n’ont pas eu la même attitude.

Cependant, pour ce qui est des assesseurs, la parité est respectée.

M. Patrice Gélard - Mais ils sont moins disponibles.

Mme Dominique Fighiera-Casteux - C’est le problème des assesseurs puisque ce ne sont pas des juges professionnels. Ce sont souvent les retraités ou les mères de famille qui sont disponibles. Il faut dire que les mères apportent beaucoup, elles sont d’un grand secours ; elles ont un jugement, une vue de la délinquance et de la justice des mineurs tout à fait enrichissants. Il faut aussi l’éventail le plus large possible de professionnels. Pendant un certain temps, il y avait une majorité d’enseignants, mais ils n’ont peut-être plus envie, avec la charge très lourde qui est la leur, de se retrouver devant des jeunes le mercredi quand ils sont en congé. Mais la parité est tout à fait respectée, il y a même un peu plus d’hommes.

M. Patrice Gélard - Mais pas forcément dans les formations de jugement.

Mme Dominique Fighiera-Casteux - C’est vrai ! Avant, le tribunal pour enfants tenait une audience par semaine. En ce moment, en raison des audiences supplémentaires, il est fait appel aux assesseurs disponibles, c’est-à-dire aux mères au foyer et aux retraités.

Je voudrais enfin appeler votre attention sur un sujet qui touche la délinquance des mineurs, même s’il s’agit d’une délinquance subie : je veux parler de la mendicité pratiquée avec des bébés et des enfants en bas âge, qui est particulièrement odieuse.

M. Jean-Jacques Hyest, vice-président - En effet !

Mme Dominique Fighiera-Casteux - Le nouveau code pénal a supprimé le délit de mendicité, la force publique se trouve donc dépourvue. En revanche, il a ajouté le délit de mise en danger d’autrui. Or on peut affirmer, des médecins pourraient le faire, que ces enfants sont en danger.

Ils sont morveux et leurs yeux coulent, signes d’allergies. Ils ne peuvent pas rester au niveau des pots d’échappement toute la journée sans conséquences. Je viens de voir un bébé sur le Boulevard Saint-Michel, il semblait mort ! Ces enfants sont drogués : vous ne connaissez pas d’enfant qui reste assis pendant trois heures sans bouger. Quand ils sont un peu plus grands, âgés de deux à trois ans, ils sont assis sur le trottoir et il peut se produire une déformation du squelette. En outre, essayez de repérer les fausses mères ! C’est toujours la même femme mais le bébé change. Tous les matins, ils sont distribués !

S’il est un domaine où le maire doit prendre un arrêté de santé publique, c’est bien celui-là, en attendant une loi.

Je vous prie de m’excuser d’avoir abordé cette question qui est un peu en dehors du sujet, mais il s’agit d’une violence inadmissible faite aux enfants.

M. le président - Vous avez très bien fait, madame, nous vous remercions.


Source : Sénat français