Conseil

M. Franco FRATTINI rappelle que la situation d’insécurité et les attentats en Irak sont devenus la grande préoccupation. La reconstruction est désormais passée au second plan ainsi que le retour aux libertés et à la démocratie. La lutte contre le terrorisme constitue une priorité pour la communauté internationale dans son ensemble. L’attentat dont l’ONU a été victime est typique à cet égard. Ce sont les ennemis de la liberté, de la démocratie et de la communauté internationale qui ont frappé. Le retour à la normale de l’Irak est l’intérêt de la communauté internationale dans son ensemble. Notre mobilisation à tous doit être de plus en plus grande. C’est un devoir d’unir et d’intensifier nos efforts afin de parvenir à une reconstruction physique et sociale de ce pays et il faut renforcer le mandat de l’ONU en ce sens. C’est d’ailleurs bien là l’intention de la Présidence italienne. Celle-ci accueille avec la plus grande faveur la résolution 1500 du Conseil de sécurité qui est un pas en avant en ce sens. Il faut garantir au peuple irakien un avenir et de la confiance. Il est nécessaire que la conférence des donateurs qui va s’ouvrir bientôt fasse preuve de générosité et de disponibilité à l’égard de ce pays. Nous devons nous engager à l’aider sans nous borner au problème de la seule sécurité et veiller à faire tout ce qui est nécessaire à la population en matière, par exemple, de transports, d’accès à l’eau, d’enseignement, etc… Le moteur de la coexistence à venir est là. Il faut parvenir à instaurer en Irak une culture de la démocratie.

Commission

M. Chris PATTEN commence son discours en rendant à son tour hommage à Sergio VIEIRA de MELLO et au personnel des Nations Unies. Il précise qu’il connaissait très bien M. Vieira pour avoir travaillé avec lui à diverses reprises. L’attentat du 19 août est une attaque effroyable pour ceux qui considèrent que la coopération internationale doit être soutenue par les Nations unies. M. PATTEN est dès lors ravi que le Conseil de Sécurité ait décidé de qualifier ces attaques de crimes de guerre. Il affirme que l’impact du travail de M. Vieira en Irak aurait été tangible d’ici deux mois. Cet attentat contre les Nations Unies est la preuve que les travaux de l’organisation internationale sont extrêmement importants. La stratégie des terroristes est de créer le chaos. M. PATTEN en veut pour preuve l’attentat contre la mosquée de Najaf.

Le Commissaire espère que le débat au Parlement enverra un message très clair. Il est temps d’oublier les désaccords du passé et de travailler ensemble pour un Irak prospère et démocratique. Certes, note M. PATTEN, ceux qui avaient émis des doutes lors du début de la crise ne penseront pas que les événements leur ont donné tort.

La question actuelle est de savoir comment participer à la reconstruction de l’Irak. Or, la sécurité est un élément fondamental. M. PATTEN rappelle que celle-ci n’est toujours pas assurée en Afghanistan. Le succès de la reconstruction présuppose que les engagements non militaires soient plus importants que les engagements militaires. Il faut un fort engagement politique et financier pour construire une société moderne et démocratique et cela passe par l’implication des Irakiens eux-mêmes.

Que fait la Commission face à la situation en Irak ? L’aide humanitaire est la première action de la Commission. M. PATTEN profite de cette occasion pour rendre hommage au travail continuel d’Echo, même pendant la crise. Ensuite, la Commission prépare une proposition pour une approche européenne de la reconstruction en Irak, conformément à la décision du Conseil européen de Thessalonique. Mais, dans son approche, la Commission demande que la reconstruction se fasse sous un parapluie multilatéral distinct de la coalition.

M. PATTEN rappelle également que pendant l’été, les fonctionnaires de la Commission ont fait partie de la mission d’évaluation organisée par la Banque mondiale et les Nations unies. La Conférence de Madrid, les 23 et 24 octobre prochains verra les bailleurs de fonds se réunir et préciser les modalités de leur action. Tous les membres du groupe ne veulent pas que le calendrier soit retardé par les événements à Bagdad même s’il est indéniable qu’ils auront une influence. La discussion doit porter sur la contribution spécifique de chacun. En ce qui concerne l’aspect budgétaire, M. PATTEN déclare avoir déjà pris des contacts initiaux avec les présidents des commissions parlementaires concernées pour évaluer les conséquences budgétaires de la crise irakienne sur le budget 2003-2004.

En conclusion, M. PATTEN espère que des leçons seront tirées de la crise irakienne car elle a prouvé que l’Union est plus forte quand elle travaille de concert.

Groupes politiques

M. Elmar BROK (PPE-DE, D) considère qu’il faut parvenir à rétablir la paix en Irak et dans l’ensemble de la région et que nous devons tous y contribuer quelles qu’aient été les divergences de nos positions dans le passé. Manifestement, la fin de la guerre n’est pas suivie d’une pacification véritable. Les Américains n’y sont pas parvenus, c’est pourquoi le Président BUSH voudrait maintenant en passer par l’ONU. L’Europe et les Etats-Unis doivent définir des objectifs communs, ainsi que la marché à suivre et la répartition des tâches dans un but notamment humanitaire. Il faut parvenir à une meilleure efficacité en matière budgétaire. A cet égard, M BROK rend hommage à ECHO. Si on ne parvient pas à atteindre un tel objectif, ce sera une catastrophe, non seulement pour le Moyen-Orient, mais pour nous aussi. Par ailleurs, une même attitude devrait diriger notre ligne d’actions en ce qui concerne l’Afghanistan.

M. Enrique BARÓN CRESPO (PSE, E) présente ses condoléances aux collaborateurs de l’ONU et à leurs familles ainsi qu’à ceux du Parlement européen qui ont été touchés par le conflit. On est désormais devant une réalité, à savoir le terrorisme. Il faut reconsidérer tout ce qui s’est passé avant la guerre. Il ne faut pas envoyer plus de troupes en Irak, mais il faut se livrer à une véritable reconstruction de ce pays grâce à l’aide des irakiens eux-mêmes. Le multilatéralisme doit passer avant tout. La notion de guerre préventive doit être condamnée à tout prix. Il faut savoir comment, par notre engagement, nous pouvons agir ensemble. Les quatre pays européens qui sont membres permanents du Conseil de sécurité doivent agir de façon unanime et nous devons tous absolument jouer un grand rôle dans la résolution de cette crise. M. BARON CRESPO salue le rôle fondamental joué par ECHO mais que faire pour l’avenir ? Les Américains savent bien qu’ils ne resteront pas indéfiniment en Irak, et on ne peut pas laisser une chaîne de commandement aux seules mains des représentants d’un seul pays. Il faut remplacer la logique de l’occupation par la souveraineté des irakiens et par une véritable collaboration internationale qui ne ressemble pas à une position néo-coloniale. Il ne faudrait en aucun cas répartir le butin entre les puissances occupantes.

A son tour, M. Graham WATSON (ELDR, UK) rend hommage aux victimes de l’attentat de Bagdad. Constatant l’instabilité et la violence dans le pays, M. WATSON affirme qu’il est plus facile de remporter une guerre que de rétablir la paix. Il salue la perspective d’une résolution des Nations Unies pour rétablir un cadre multilatéral en Irak. Pour lui, "la coalition des volontaires" à l’origine de l’intervention militaire était une formule datant du XIX siècle et qui risquait de blesser certains pays. Il faut désormais un dispositif de crise pour guérir les blessures provoquées par l’intervention militaire et le rôle des Nations unis doit être central pour Ce faire. D’autre part, relève M. WATSON, devant la preuve de l’absence d’armes de destruction massive en Irak, la démarche de la coalition risque d’être de plus en plus contestée. Il faut désormais préparer la transition politique en Irak et M. WATSON espère que le calendrier électoral, avec une consultation à la fin de l’an prochain, pourrait être respecté. Il se réjouit également de la prochaine réunion des bailleurs de fonds.

"Plus le temps passe, moins il est agréable d’avoir raison", déclare Mme Pernille FRAHM (GUE/NGL, DK). Elle rappelle la mission en Irak de certains députés du Parlement européen en février dernier. A ce moment, les députés avaient pu constater que les inspections fonctionnaient. L’ONU était alors sur la bonne voie. Il était clair, alors qu’une intervention militaire de libération serait poursuivie par une occupation du territoire. Or, si les Irakiens étaient d’accord pour être débarrassés d’un dictateur, il était aussi clair qu’ils refuseraient l’occupation. Les attentats actuels montrent que la population irakienne considère que la présence de troupes étrangères sur son territoire est une occupation. Mme FRAHM rappelle également que son groupe avait déjà averti des tensions internes qui seraient déclenchées en Irak par une intervention militaire. Les manifestations lors de l’enterrement de l’imman Al Hakim prouvent qu’ils avaient raison. D’autre part, la guerre a affaibli la position des Nations unies. Mais les Etats-Unis doivent désormais reconnaître que 180.000 soldats ne suffisent pas pour reconstruire l’Irak et garantir la paix. Il faut l’intervention des Nations unies pour renforcer le droit international et le système multilatéral. Enfin, le groupe GUE/NGL propose de remettre le Prix Sakharov de cette année à Hans BLIX et Sergio Vieira de Melo.

M. Daniel COHN-BENDIT (Verts/ALE, F) observe d’abord qu’un certain nombre de collaborateurs de l’ONU étaient des gens bien connus des députés européens. Il salue leur mémoire, en particulier celle de Jean-Sélim Kanaan. En ce qui concerne le problème de l’Irak proprement dit, M. COHN-BENDIT estime que la question n’est pas de savoir qui il faut condamner ou pas condamner. Personne n’a à gagner à ce genre de jeu et il ne s’agit pas de faire porter aux américains quelque responsabilité que ce soit dans la situation actuelle. La vérité est qu’il fallait se débarrasser de Sadam Hussein d’une manière quelconque et que l’Europe ne savait pas comment faire, l’ONU non plus. Il faut aider les Etats-Unis et la Grande-Bretagne à rétablir la paix et malheureusement cela coûte trop cher et c’est là tout le problème. Il faut absolument aider ces deux pays. L’ONU elle-même ne parviendra pas à un résultat par un simple coup de baguette magique. L’Irak est un pays bouleversé. Il fallait peut-être effectivement l’occuper pour battre une dictature mais il faut maintenant rétablir la confiance et unir nos efforts, en particulier, il serait bon de réunir une conférence sur la stabilité dans la région en y faisant participer notamment l’Iran et un certain nombre d’autres pays et en permettant aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne de revenir au sein de l’ONU dans des conditions normales. Ce ne sont certainement pas les élections prévues en Irak l’an prochain qui apporteront une solution suffisante au problème.

M. Gerard COLLINS (UEN, IRL) se révèle très préoccupé par la situation actuelle. L’armée américaine n’a pas gagné la paix. Manifestement, sabotages et attentats se multiplient. Les autorités actuelles n’exercent pas un contrôle réel sur la population qui continue à accuser la coalition de tout ce qu’elle doit endurer. L’Irak doit revenir au sein de la Communauté internationale avec un gouvernement indigène. Cela ne sera possible que sous les auspices des Nations unies qui demeurent l’institution représentative de la Communauté internationale dans son ensemble. Il ne faudrait pas compter sur les armées qui sont sur place pour gérer la vie quotidienne de ces pays au jour le jour. Il faut absolument être cohérent et il faut impliquer l’ONU de manière centralisée dans la reconstruction de ce pays.

Que peuvent faire les institutions européennes pour alléger les souffrances du peuple irakien ? se demande M. Bastiaan BELDER (EDD, NL). Le Conseil peut favoriser la transition politique en reconnaissant le prochain gouvernement ou débloquer des fonds. La Commission européenne peut également apporter une aide. M. BELDER pense que le Ministre irakien des affaires étrangères pourrait être invité à Strasbourg ou à Bruxelles pour informer les autorités européennes de la situation dans le pays. Cela montrerait l’engagement de l’UE pour le peuple irakien et mettrait fin aux dissonances transatlantiques.

Députés

M. Philippe MORILLON (PPE-DE, F) regrette que les "prophètes de malheur" dont il faisait partie, comme Mme FRAHM, au moment de l’intervention en Irak, semblent avoir eu raison. Les attentats en Irak font disparaître les frêles espoirs d’une accalmie permettant la légitimation progressive des autorités mises en place par la coalition, ainsi que la perspective d’un transfert des responsabilités qui reposent actuellement sur la coalition. Pour M. MORILLON, il ne suffira pas de s’emparer de Saddam HUSSEIN pour mettre fin au chaos qu’il a tout intérêt à entretenir. D’autres sont décidés à amplifier cette situation, que ce soient les "fous de Dieu" prêts à mourir pour combattre les Etats-Unis, l’Iran, toujours intéressé par la situation chez son voisin ou le peuple irakien lui-même qui considère l’occupation du pays comme inacceptable. La communauté internationale doit donc légitimer son action par le vote d’une nouvelle résolution du Conseil de Sécurité qui confie aux Nations unies le soin de remettre en ordre le pays et de préparer la transition vers un gouvernement irakien légitime. M. MORILLON se réjouit que ce soit l’objectif de la Présidence en exercice du Conseil et que les dernières positions américaines connues semblent également aller dans ce sens.

M.. Paul COUTEAUX (EDD, F) souligne que l’histoire, la plupart du temps, a besoin de temps pour juger des décisions politiques et de leur bien-fondé mais dans le cas précis de l’attaque et de l’occupation de l’Irak, il n’en guère fallu et manifestement les options prises par M. Bush au nom des Etats-Unis et par son homologue au nom de la Grande-Bretagne , reposent sur un double mensonge. Le premier de ces mensonges est le prétexte d’avoir voulu attaquer l’Irak sous le couvert de détruire des armes de destruction massive. Le second mensonge est l’idée d’avoir voulu éradiquer l’intégrisme en Irak alors que bien au contraire, on a l’impression que la politique pratiquée n’a fait que l’instaurer d’une manière particulièrement efficace. Est-ce que "l’Empire" va longtemps continuer à jouer à ce jeu extrêmement dangereux qui consiste à jouer avec l’intégrisme ? Certains membres du Parlement ont malheureusement trop longtemps été eux aussi complices, volontairement ou non, d’une telle attitude.

M. Dominique SOUCHET (NI, F) rappelle que les autorités françaises ont en ce moment beaucoup à la bouche les mots de "souveraineté" et d’"indépendance", termes non pas d’ailleurs utilisés à l’égard de la France mais à l’égard de l’Irak. Or, on est, en fait, confronté simplement aux effets mécaniques de l’occupation militaire, celle-ci a engendré le terrorisme et une collaboration évidente entre les "Djihadistes", les intégristes et même les militants de l’ancien parti Bass. Cette collaboration et le terrorisme dureront tout le temps de l’occupation et ce ne sera pas la simple couverture "onusienne" qui fera quelque chose pour changer une telle situation. Il n’y a qu’une seule solution. Il faut restaurer la souveraineté de l’Irak sous la responsabilité d’un gouvernement irakien.

Conseil

M. Franco FRATTINI reprend la parole. Il insiste sur le fait qu’il est absolument indispensable de trouver un nouveau leadership irakien et que ce devrait être là le rôle de l’ONU et par suite celui de l’Europe. Il faut faire preuve d’un esprit de décision ferme et clair, ce qui ne fut manifestement pas le cas dans les semaines qui ont précédé la guerre en Irak. Il faut rapprocher la réalité d’un rêve, à savoir celui de voir l’Europe occuper en tant que telle un siège à l’ONU. Il ne faut pas non plus oublier qu’adopter, en Europe, une position unitaire est absolument indispensable pour parvenir à une cohésion atlantique Europe-Etats-Unis dans son ensemble ce qui manifestement a également manqué au cours de l’ensemble de cette crise.

Commission

En conclusion du débat, M. Chris PATTEN se déclare ravi du soutien apporté par le Parlement au travail d’ECHO en Irak. Suite aux interventions, M. PATTEN décide de revenir sur certains points. Il déclare que la reconstruction en Irak demandera beaucoup de courage et de professionnalisme et que l’ONU devra y tenir le rôle principal. Il souligne, en accord avec M. COHN-BENDIT, la dimension régionale de la crise, touchant le Moyen-Orient comme l’Asie. En ce qui concerne la reconstruction politique, M. PATTEN déclare que la démocratie doit être construite, par le biais d’élections, à tous les niveaux de la société. Ainsi, le pluralisme pourra être instauré en Irak. Ce cadre politique est fondamental. En effet, lors de la Conférence de Madrid, le problème principal ne sera pas le contenu de la boîte de collecte mais d’avoir une bonne évaluation des besoins de l’Irak. Les bailleurs de fonds devront se mettre d’accord sur les conditions auxquelles les contributions seront efficaces.

M. PATTEN relève trois conditions. La première est la mise en place d’un trust international indépendant du fonds de reconstruction créé par la coalition, même si les deux devront travailler en étroite coopération. La deuxième est la garantie de la sécurité. Il est en effet impossible de développer une société, de mettre en place la démocratie et la pluralisme sous les bombes. Enfin, l’autorité devra être remise au plus vite aux Irakiens.

C’est là le début d’un long chemin semé d’embûches, affirme M. PATTEN, il faut donc commencer le plus possible.

Source : Parlement européen