Mercredi commence la visite de trois jours d’I. S. Ivanov, chef de la diplomatie russe, dans les Balkans. Il visitera Belgrade, Saraevo, Ljubljana. S. S. Rasov, adjoint au ministre des Affaires étrangères, a tenté d’éclairer pour l’analyste de Izvestia, Svetlana Babaeva, la nature des intérêts de la Russie dans les Balkans, si elle allait s’en dégager ou y rester, et si la Russie est en mesure d’influer sur la situation dans cette région.
Nous venons dans les Balkans sous une autre forme
Question : Qu’attendons-nous de cette visite dans les Balkans, si la Russie ne parvient pas à formuler définitivement ses intérêts dans cette région ?
Réponse : Pourquoi pensez-vous que nous ne pouvons pas formuler nos intérêts dans les Balkans ? A mon avis, ils sont assez évidents. Avant tout, nous avons intérêt à la stabilité de la région, dans la mesure où plusieurs fois dans l’histoire, comme vous le savez, les Balkans ont joué le rôle de " poudrière " et sont devenus le détonateur d’événements tragiques qui se sont répercutés sur d’autres régions. C’est pourquoi nous avons participé, participons et continuerons de participer à la régulation des conflits qui s’y produisent.
En ce qui concerne la Bosnie-Hertzégovine, il s’agit de renforcer le processus de Dayton, en ce qui concerne le Kosovo, c’est de se conformer à la résolution n° 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU et un travail actif dans le Groupe de contact.
A propos, la semaine dernière, une réunion de ce groupe a eu lieu à Moscou. Le représentant spécial de l’ONU, récemment nommé au Kosovo, Harry Holkery, y est venu. Moscou a été sa première destination internationale après sa nomination, ce qui en soi démontre l’importance de la Russie dans le processus de paix. Il a eu un entretien avec Igor Ivanov, ministre des Affaires étrangères, et M. Holkery l’a confirmé : sans la Russie, le processus de paix au Kosovo serait impossible. A propos, tous les participants à la réunion, c’est-à-dire les représentants des USA, de la Grande Bretagne, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, et les représentants de l’Union européenne, ont exprimé des vues pratiquement identiques sur le développement de la situation au Kosovo et proposé des mesures concertées.
De plus, je veux le souligner : il y a un an, le gouvernement a mis au point, et le président a adopté, un plan de travail concret avec chacun des États de l’espace post-yougoslave. C’est un document qui fait autorité, et il contient le détail de nos actions présentes et futures en ce qui concerne chacun des États dans les domaines politique, économique, humanitaire, militaire, et autres. La visite du ministre à Sarajevo, Belgrade et Ljubljana s’inscrit dans la mise en pratique de ces intérêts.
Question : Mais nous avions l’intention de quitter la région.
Réponse : Vous voulez parler du retrait de nos soldats du Kosovo et de la Bosnie ?
Question : Pas uniquement. Dans ce contexte, on a entendu beaucoup d’allusions, qui disaient que les Balkans ne se trouvent pas dans la zone des intérêts directs de la Russie, que nous sommes plus préoccupés par nos propres frontières sud et par les États frontaliers, et que l’uUE et l’OTAN n’ont qu’à s’occuper de l’espace post-yougoslave.
Réponse : De telles allusions ne sont pas venues du ministère des Affaires étrangères. La Russie a bien entendu une gradation de ses priorités en politique étrangère. La Russie est une grande puissance mondiale, et ses intérêts, qu’ils soient grands, moyens ou petits, sont partout. Bien entendu, il y a les voisins immédiats, les pays de la CEI. Il y a la problématique des relations avec les USA, l’Union européenne, la Chine, etc. Dans ce contexte, les Balkans ne sont peut-être pas la priorité numéro un, à laquelle on pense jour et nuit.
Mais vous vous trompez si en parlant de sortie, vous évoquez le rapatriement de nos soldats, qui sont au nombre de 650 au Kosovo et 220 en Bosnie. Le rapatriement s’est fait, parce que le centre de gravité dans le processus de régulation là-bas se déplace progressivement de sa composante militaire vers sa composante civile, politique (à ce propos, 105 personnes du ministère de l’intérieur se trouvent toujours en mission au Kosovo). De plus, il y a une diminution généralisée de la présence militaire dans ces pays. Au Kosovo, on avait il y a encore quelques années 45 000 hommes, contre 23 000 aujourd’hui, et par conséquent la réduction de notre présence correspond à la tendance générale. Le rapatriement du contingent russe s’est effectué en coordination avec nos partenaires et n’a pas mis en danger la coopération militaire quelle qu’elle soit.
Question : Mais la situation là-bas a recommencé à se détériorer ces derniers mois. Et en ce qui concerne la composante russe, savez-vous que l’on cherche sur beaucoup de plan à " remettre en place " la Russie, comme d’ailleurs on le fait avec les représentants d’autres pays non-membres de l’UE ? Et nous parlons de notre participation active…
Réponse : Je ne suis pas d’accord avec la seconde partie de votre affirmation. Nous travaillons activement dans l’administration du Haut-représentant en Bosnie, avec le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Kosovo. Par exemple, le conseiller aux questions politiques de M. Holkery est un citoyen russe, qui appartient au ministère des Affaires étrangères ; l’adjoint de M. Eshdown à Sarajevo, aussi.
En ce qui concerne la dégradation de la situation. Cette situation n’a jamais été si calme, qu’on puisse dire avec soulagement : le pire est passé. D’un autre côté, tout dépend de ce que l’on veut comparer. Il y a cinq ans de cela, les canons tonnaient dans les Balkans et le sang coulait à flots. La situation est différente aujourd’hui. Oui, au Kosovo ont eu lieu des cas d’assassinat de représentants de la minorité serbe, et l’armée nationale albanaise a repris ses activités. Mais je vous assure : la présence de nos militaires à l’aéroport de Slatina n’aurait pas pu empêcher ces forfaits.
Les dirigeants albanais du Kosovo s’expriment en faveur d’un règlement le plus rapide possible de la question du statut de la région autonome. Si l’on nomme les choses par leur nom, il s’agit pour eux d’obtenir leur indépendance. En ce qui concerne les dirigeants de la Serbie et du Montenegro, des déclarations assez claires sont venues récemment de Skupchina : le Kosovo fait partie de la Serbie et du Montenegro. L’échange de déclarations a échauffé les esprits. La communauté internationale, et cela s’est discuté lors de la réunion du groupe de contact à Moscou, a réagi sans ambiguité : il faut d’abord stabiliser la situation, renforcer la sécurité, et réunir les conditions pour permettre le retour des réfugiés...
Question : Des idées tout à fait neuves...
Réponse : Il ne faut pas chercher la révolution à chaque pas. Dans le cas présent, il est important justement qu’il y ait une Évolution, un progrès allant dans une direction concrète pour remettre sur les rails la vie dans la région. Cela n’aurait aucun sens de conduire des discussions sur le statut du Kosovo aujourd’hui. Et autre chose. La communauté internationale s’exprime en faveur de la mise en place d’un dialogue direct entre Belgrade et Pristina. En principe les dirigeants serbes et monténégrins, de même que les Kosovars, ont déclaré que de telles négociations étaient possibles. Le devoir de la communauté internationale est d’accompagner ce processus. C’est dans cette optique, notamment, que va fonctionner la visite du ministre dans les Balkans.
Cela en ce qui concerne votre thèse selon laquelle nous quitterions la région. Nous continuons d’y être présents, mais sous d’autres formes.
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