Tel-Aviv, le 19 octobre 2003
À M. Amnon Dankner
Rédacteur en Chef
Maariv

Monsieur le Rédacteur en Chef

Sous le titre « Le collaborateur », vous avez jugé bon de mettre en cause à la fois l’attitude du Président de la République française et, d’une façon plus générale, mon pays, dans le cadre de la condamnation effectuée par l’Union européenne des propos antisémites inacceptables de M. Mahatir.

La déformation complète de la réalité des faits, les propos insultants que vous avez choisi d’utiliser m’amènent à vous faire de la façon la plus ferme la mise au point suivante que je vous prie de publier dans votre prochaine édition, au nom même du respect du droit de réponse :

La France s’est pleinement associée à la condamnation, lors du sommet européen, des propos inacceptables prononcés par le Premier ministre de Malaisie.
C’est parce qu’elle souhaitait que cette condamnation et celle de tous les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne prennent un relief particulier qu’elle a souhaité qu’une déclaration ad hoc soit effectuée par la présidence italienne de l’Union européenne. Ce qui a été fait immédiatement à l’issue du Conseil tenu vendredi dernier à Bruxelles.
La Présidence de la République française a rappelé aujourd’hui dimanche 19 octobre sa condamnation des propos de M. Mahatir.

Il est donc faux, mensonger, et par là même odieux et inacceptable de prétendre que le Président de la République française se serait opposé à la mise en cause des propos de M. Mahatir. Votre conscience professionnelle aurait du vous conduire à vérifier les faits et considérer avec plus d’attention la mise au point que cette ambassade avait fournie à votre quotidien dès vendredi soir.

S’agissant des accusations inadmissibles d’antisémitisme et de collaboration prononcées à l’encontre du Président de la République française et d’une « certaine France », selon vos propos, ma tentation première serait de ne pas vous répondre tant l’insulte est aussi révoltante que méprisable.

Je vous rappelle néanmoins, car vos propos pourraient porter sur des esprits moins bien informés, l’engagement personnel de l’auteur du discours du Vel’ d’Hiv de 1995, et du promoteur des recommandations de la commission Mattéoli et du souci d’une réparation aussi large que possible des errements monstrueux du régime de Vichy.

Je veux aussi rappeler au rédacteur en chef du second quotidien de ce pays la détermination affichée lors de la multiplication d’incidents à connotation antisémite auxquels il a été mis fin par une politique de fermeté sans concession ni tolérance.

Permettez-moi enfin de vous rappeler que l’antisémitisme, phénomène abject, a toujours vu se lever en face de lui dans mon pays ce mouvement du refus qui explique notamment que la France ait pu conserver les trois quarts de sa communauté juive malgré le drame inexpiable du nazisme et de la collaboration. Le père du philosophe Emmanuel Levinas rappelait au début du siècle « qu’un pays où l’on se déchire pour un petit capitaine juif est un pays où il faut aller ». Ce qu’il fit. Je vous engage moi-même à vous y rendre afin de tenter de renverser votre postulat - contraire aux jugements portés par tous les représentants de la communauté juive de mon pays - d’une France où se multiplieraient les agressions contre les juifs. Malgré vos insultes qui salissent l’image de la presse israélienne en France mais ne parviendront pas à ternir la relation entre la France et Israël, vous y serez reçu.

Michel Miraillet
Chargé d’Affaires de l’Ambassade de France à Tel Aviv