« Nous devons laisser les armes de destruction massive loin des mains des terroristes »

We must keep WMD out of terrorist hands
The Indepndant (Royaume-Uni)

[AUTEUR] [John R. Bolton] est sous-secrétaire d’État états-unien chargé du contrôle des armements. Il a été vice-président de l’American Enterprise Institute et membre des administrations Reagan et Bush père. Cette tribune est adaptée d’un discours prononcé devant le Bruges Group, un think tank anti-européen demandant le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, à Londres

[RESUME] Pour réduire les activités de prolifération des États voyous et pour éviter que des armes de destruction massive ne tombent dans les mains de terroristes, les États-Unis utilisent toute une série de méthodes diplomatiques en lien avec la communauté internationale. Surtout, nous surveillons les proliférateurs et tentons de les empêcher de s’approvisionner en produits sensibles et en technologies.
Là où nous ne pouvons pas convaincre un État de mettre un terme à son comportement proliférateur et là où nous ne pouvons pas empêcher les échanges de matériels sensibles, nous pouvons interdire leur transport. Cela implique une surveillance efficace. C’est pourquoi nous avons mis en place une nouvelle politique de contre-prolifération, annoncée le 31 mai par George W. Bush : la Proliferation Security Initiative. Les États-Unis et dix de leurs alliés (Australie, France, Allemagne, Italie, Japon, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Espagne et Royaume-Uni) vont travailler ensemble pour empêcher les transports de matières sensibles depuis et en direction des pays concernés par la prolifération.
Chacune de nos initiatives nous rapproche d’un monde plus sûr.

« Le "pouvoir d’influence" de l’Europe face à l’Iran »

Europe’s ’soft’ powers confront Iran
Jerusalem Post (Israël)

[AUTEUR] Amir Taheri est journaliste iranien et rédacteur en chef du journal français Politique Internationale. Il est expert du cabinet Benador Associates à New York.

[RESUME] L’Iran est en chemin pour se frayer un passage dans le club nucléaire d’ici deux ou trois ans grâce à la manœuvre diplomatique de l’Union européenne qui lui épargne une confrontation avec la communauté internationale.
L’Union européenne n’a obtenu qu’une vague promesse de suspension du programme nucléaire par les dirigeants iraniens. Cependant cet accord a plus été obtenu parce que Téhéran ne veut pas d’affrontement extérieur à l’approche de ses élections générales de mars 2004 que par une réelle volonté de se conformer aux règles du Traité de non-prolifération. L’establishment iranien compte en effet sur cette élection pour amorcer un plan de purge des éléments dit réformistes du régime et entame l’installation d’un système à la chinoise de répression intérieure et d’ouverture extérieure. En outre, la crise nucléaire pourrait rapprocher l’Union européenne des États-Unis. Téhéran préfère jouer l’Europe contre Washington, selon la vieille tactique khomeiniste. Or, le Prix Nobel de la Paix attribué à Shirin Ebadi a été interprété par Téhéran comme un signe que l’Union européenne est prête à aider l’opposition iranienne et à tenter de faire accepter à sa population l’éventualité d’un changement de régime en Iran.
Le bout de papier signé par l’Iran ne le dissuadera pas de se doter d’un arsenal nucléaire et les trois ministres des affaires étrangères européens le savent très bien, mais ils avaient tous une bonne raison de signer cet accord. Dominique de Villepin veut replacer la France dans la jeu politique moyen-oriental et tenter de prouver que la France peut réussir là où les États-Unis ont échoué, selon lui, en utilisant la force. Joschka Fisher reste aligné sur Paris et veut désamorcer une crise qui aurait isolé Paris et Berlin. Les deux ministres espèrent également un changement à la Maison Blanche en 2005. Jack Straw, pour sa part, sait bien que seule la force peut faire plier l’Iran mais, confronté à la plus grave crise du gouvernement de Tony Blair depuis 1997, il doit négocier pour éviter une scission au sein de l’équipe au pouvoir.
L’Iran sait tout cela et l’utilise. Il a investi 12 milliards de dollars depuis 1989 dans son programme nucléaire et il ne l’abandonnera pas.

« L’Arabie saoudite, prochain domino nucléaire »

L’Arabie saoudite, prochain domino nucléaire
Le Figaro (France)

[AUTEUR] Bruno Tertrais est maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), professeur à l’Institut d’Études Politiques de Paris et expert de Strenthening the Global Partnership. Il est ancien directeur de la commission des affaires civiles de l’OTAN, ancien expert pour le ministère de la défense français et il a été chercheur à la Rand Corporation.

[RESUME] Une crise nucléaire peut en cacher une autre et le prochain domino nucléaire pourrait bien être l’Arabie saoudite.
Après des mois de déni et d’hésitation, les Américains se sont enfin rendus à la réalité : l’Arabie saoudite est au cœur du problème terroriste global. Washington a dépoussiéré ses vieux plans de capture des champs de pétrole datant du premier choc pétrolier des années 70. On parle désormais de démembrement du royaume, voir de retour de la souveraineté hachémite sur les lieux saints de l’Islam au Pentagone et dans les think tank. Malgré les discours rassurants des officiels américains, on sait que les jours de la vieille alliance américano-saoudienne sont comptés. Les forces américaines se sont retirées après la chute de Bagdad laissant l’Arabie saoudite face à, de l’autre côté du Golfe, un Iran qui a accéléré son programme nucléaire. Vu la faiblesse traditionnelle de l’armée saoudienne afin qu’elle ne soit pas l’instrument d’un coup d’État, l’Arabie saoudite va devoir considérer l’option nucléaire.
Or, l’Arabie saoudite a contribué financièrement à deux programmes nucléaires dans les années 80 : le programme irakien (dont elle espérait partager les résultats, mais qui a été interrompu en 1991) et le programme pakistanais (pays qui entretient un partenariat militaire avec Riyad et qui a su jouer habillement de la rhétorique de la « bombe islamique »). Les saoudiens vont donc demander l’encaissement des dividendes du financement de ce dernier programme.
Selon l’agence UPI, la relance de la coopération nucléaire a été décidée lors de la visite du Prince Abdallah au Pakistan à la mi-octobre. Elle pourrait prendre trois formes différentes :
 Le placement de l’Arabie saoudite sous le parapluie atomique pakistanais après qu’Islamabad ait développé la portée de ses missiles balistiques.
 L’acquisition d’armes nucléaires pakistanaises par le royaume.
 L’installation de missiles pakistanais en Arabie saoudite tout en restant sous le contrôle d’Islamabad.
Cette dernière option a l’avantage de ne pas aller à l’encontre du Traité de non-prolifération et offre au Pakistan la possibilité d’échapper à une saisie de son matériel par les États-Unis ou bien de conserver une possibilité de riposte en cas d’attaque nucléaire de l’Inde. Cette option est donc un jeu « gagnant-gagnant » pour les deux pays, mais représente un danger pour le monde si le royaume tombait sous le contrôle d’islamistes affiliés à Al-Qaïda.

« La route vers un nouvel Occident passe par Jérusalem »

The road to a new West goes through Jerusalem
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Dominique Moïsi est conseiller spécial de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) est un membre européen de la Commission Trilatérale. Cette tribune est adaptée d’un discours tenu lors de la réunion de cette commission à Porto.

[RESUME] L’Occident tel que nous le connaissons est en train de disparaître en raison des profondes divisions transatlantiques. Avec la chute du mur de Berlin, nous avons eu moins d’intérêts en commun et depuis le 11 septembre, nos émotions sont moins semblables.
Bien que nous partagions toujours des valeurs communes, chaque partie à l’impression que l’autre est de plus en plus différente. La crise va plus loin que la guerre en Irak et nos sociétés s’éloignent pour des raisons culturelles et démographiques. Bien que les relations économiques transatlantiques atteignent un milliard de dollars par jour, cela ne semble pas rentrer en ligne de compte pour les géopoliticiens américains. De leur côté, dans leur quête identitaire, les Européens développent un nouvel anti-américanisme basé non plus sur ce qu’ils font, mais sur ce qu’ils sont et tentent de créer un « meilleur Occident ».
Nous avons pourtant besoin les uns des autres. Les États-Unis ont besoin de l’Europe pour des questions diplomatiques dans le monde, mais surtout pour se protéger de leurs démons intérieurs : le néo-isolationisme, le narcisisme et l’ignorance arrogante. Pour être vraiment internationaliste d’une façon constructive, les États-Unis ont besoin de l’Europe. De son côté, l’Europe ne peut pas se séparer des États-Unis sans divorcer d’une partie d’elle-même. Il faut un Occident uni, un Occident qui prouvera aux pays du Sud que le « Nord » n’est pas la partie égoïste du monde, mais un messager généreux en faveur de la démocratie et du respect de la loi. On ne peut pas compter sur la Chine pour se sentir responsable de l’Afrique. Un Occident uni est le meilleur moyen d’éviter que les États-Unis ne deviennent une nouvelle Prusse, mais sans Bismarck pour la guider, et l’Union européenne une grosse Suisse.
Le Moyen-Orient qui nous a divisé peut nous rassembler. Il faut que les États-Unis et l’Europe s’attaquent au suicidaire conflit israélo-palestinien, conflit au centre des relations internationales, en soutenant l’initiative de Genève des Israéliens et Palestiniens modérés. La défense de ce plan de paix peut passer par l’installation d’une force occidentale de maintien de la paix à Jérusalem.

« Des renseignements imparfaits »

Less than perfect intelligence
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Roger D. Carstens est major dans les forces spéciales états-uniennes. Il est membre du Council for Emerging National Security Affairs, un think tank créé en 1999 et composé de nombreux anciens responsables des questions de sécurité dans le gouvernement américain.

[RESUME] La semaine dernière, le Washington Post a révélé que la Commission sénatoriale du renseignement était en train de rédiger un rapport hautement critique sur les renseignements utilisés par le président George W. Bush pour décider le pays à entrer en guerre contre l’Irak. Cela a entraîné une nouvelle frénésie d’accusations contre la Maison Blanche, qui aurait trompé le public en faisant un dossier en faveur de la guerre.
Pour ceux qui sont familiers des stratégies de prises de décision, le rapport sénatorial ne contient pas de surprises. Tous les dirigeants savent depuis des milliers d’années que toute décision est prise sans information complète et que certaines des informations disponibles sont imparfaites. Von Clausewitz l’écrivait déjà il y a 175 ans. Les renseignements sûrs à 100 % n’existent pas et n’existeront jamais, quoi que certains en disent. Il faut donc attendre d’un dirigeant qu’il prenne des décisions en fonction des probabilités.
Or, avant la guerre, compte tenu des renseignements obtenus et du rapport de Bill Clinton en 1998, le président, et le monde entier, pensaient que Saddam Hussein détenait des armes de destruction massive ou essayait d’en obtenir et que ces intentions n’étaient pas favorables aux États-Unis et à leurs alliés. En fonction de ces informations, le président a pris la meilleure des décisions possibles. C’est tout ce que les citoyens peuvent espérer.

« Pour un sursaut ivoirien »

Pour un sursaut ivoirien
Le Monde (France)

[AUTEUR] Ibrahim Coulibaly, sergent déserteur de l’armée ivoirienne, est le chef militaire de la rébellion contre le régime du président Gbago. Figure du coup d’État de 1999 ayant amené au pouvoir le général Gueï, il a été récemment arrêté en France par la DST pour avoir recruté des mercenaires, puis remis en liberté.

[RESUME] J’ai mal pour la Côte d’Ivoire et j’ai peine à croire qu’un journaliste a été tué pour avoir fait son travail. Le deuil que porte la Côte d’Ivoire, ce n’est pas seulement celui de Jean Hélène, c’est aussi celui de la démocratie. Depuis le début de l’insurrection, jamais une mort n’avait suscité autant d’émotion. Pourtant, d’après Jean Hélène, que j’avais rencontré à Paris deux jours avant son départ pour la Côte d’Ivoire, des gens disparaissent tous les jours à Abidjan et la population n’ose pas parler à la police ou à un journaliste de RFI. D’autant que cette radio est accusée par le pouvoir de soutenir l’ancienne rébellion.
La démocratie se meurt en Côte d’Ivoire car les citoyens craignent de parler et parce que ceux qui le font son assassinés. Je souhaite donc que cette mort suscite un sursaut national et international. Il faut aller au-delà des mots avec le régime Gbagbo. Il est responsable de la mort de Jean Hélène, au minimum politiquement en raison de la haine de l’« Autre » que distille les médias pro-présidentiels en violation des accords de Marcoussis stipulant la fin de tout appel à la haine. Faute de moyens, Guillaume Soro, le ministre de la communication issu de l’ancienne rébellion, n’a pas pu entamer la réforme de la Radio Télévision Ivoirienne sous contrôle présidentiel. Les journaux pro-Gbagbo continuent leur propagande tandis que les journaux d’opposition sont la cibles de milices et que le pouvoir interdit toute manifestation publique ou veut fermer les « grains », les cafés où on discute politique.
Il faut lutter contre cet effondrement de la démocratie. C’est vrai, les Forces nouvelles ont utilisé la violence pour renverser l’ordre constitutionnel. Toutefois, nous n’avons pas utilisé la violence de gaieté de cœur et nous l’avons fait pour dénoncer la perversion de la constitution après l’inscription du concept d’ « ivoirité ». Gbagbo ne veut pas appliquer les accords de Marcoussis et trouve prétexte à les refuser en exigeant d’abord un désarmement des rebelles. Il faut que la France et l’ONU s’impliquent en constituant une force d’interposition et en faisant passer la Côte d’Ivoire sous contrôle de l’ONU pour appliquer les accords. Les rebelles désarmeront à ce moment-là.