Noah Feldman, le jeune conseiller juridique de la Coalition en Irak, présente dans le New York Times les projets de constitution pour l’Afghanistan et l’Irak. Arguant qu’il n’est pas possible de séculariser brutalement l’ex-émirat des Talibans, il vante le nouveau système : l’Afghanistan sera une république islamique où la Cour constitutionnelle veillera à la conformité du droit positif au regard de la Charia, mais le pays n’en sera pas moins une démocratie et un État de droit. De même, poursuit-il, il ne faut pas imposer de sécularisation en Irak, où il convient d’établir une autre république islamique démocratique.
On observera que l’abrogation de la Charia -version talibane- avait été présentée, il y a deux ans, par l’administration Bush, comme un des objectifs de la guerre en Afghanistan. Or, la même Charia est aujourd’hui consacrée au rang de principe constitutionnel suprême, garant de la stabilité du pays. Par ailleurs on s’étonnera de l’extension du « modèle afghan » à l’Irak, tant il est vrai que l’Irak du Ba’as était fondamentalement non pas un État islamique comme l’Afghanistan, ni même un État séculier comme les États-Unis, mais laïque comme la Turquie. Dès lors, la création d’une république islamique et démocratique en Irak répond en réalité à un objectif étranger à l’histoire du pays : le projet états-unien de remodelage du Proche-Orient.

Deux dirigeants israéliens, un travailliste et un likoudnik, analysent les chances de paix en Palestine. Selon une rhétorique bien huilée, ils affirment souhaiter la paix et imputent la guerre à la fois à leurs adversaires palestiniens et à leurs rivaux israéliens, avant de refuser toute solution immédiate au conflit. Ainsi, dans l’International Herald Tribune l’ancien ministre travailliste Shlomo Ben-Ami se prononce en faveur de la proposition russe de relance de la Feuille de route par le Conseil de sécurité. Il affirme que tout plan de paix passe par les « quatre paramètres de Clinton » et prend soin de renvoyer les responsabilité de la situation actuelle sur Arafat et Sharon pour mieux dénigrer l’Accord de Genève. Du côté likoudnik, dans le Washington Times, Gideon Meir, directeur général adjoint du ministère des Affaires étrangères, accueille favorablement le nouveau gouvernement Qoreï, tout en laissant entendre que sa bonne volonté ne suffira pas, vu la main-mise et l’autoritarisme d’Arafat.
Le cardinal Roger Etchegarray, président émérite du Conseil pontifical Justice et Paix, rapporte dans Le Figaro l’ordination d’un évêque auxiliaire de rite hébraïque auprès du patriarche latin de Jérusalem. En fait, directement sollicité par l’État hébreu, le Saint-Siège entendait par ce geste manifester qu’il ne privilégie aucun camp sur l’autre. Cependant, Son Éminence a découvert au cours de son voyage en Palestine la réalité de la « clôture » en construction et en a manifestement conclu que le Saint-Siège était bien le seul à faire des concessions.

Mvemba Phezo Dizolele plaide dans l’International Herald Tribune pour que les États-Unis soutiennent les efforts du président Joseph Kabila pour rétablir la paix en République démocratique du Congo. Cependant, l’auteur étant lui-même un diplomate du département d’État sa sollicitation d’une aide à venir ressemble plutôt à la justification d’une politique déjà décidée. Son point de vue doit aussi être placé dans le contexte de la publication par l’ONU de deux rapports déroutants : le premier, rédigé sous la présidence de Mahmoud Kassem, établit le rôle de grandes sociétés privées dans l’organisation des conflits congolais qui ont coûté la vie à plus de 3 millions de personnes ; le second, rédigé par la rapporteuse spéciale Iula Motoc, dresse le bilan effrayant des violations des Droits de l’homme par les belligérants.
L’ancien président bolivien Gonzalo Sanchez de Lozada, en exil, sinon en fuite, depuis le 17 octobre aux États-Unis, dénonce dans le Washington Post la bêtise de son peuple qui a refusé ses réformes libérales et lui a préféré un leader populiste paysan. Selon lui, la Bolivie se dirige vers un chaos à l’afghane, exemple qui induit une nécessaire intervention militaire du Pentagone pour rétablir la démocratie et l’auteur comme président.

Maître Philip Allen Lacorava, prestigieux avocat new-yorkais, regrette dans le Washington Post avoir soutenu, il y a un an, le principe des commissions militaires pour juger les personnes suspectées de terrorisme par le département US de la Justice. Ayant constaté leur incapacité à conduire des procès impartiaux, il en demande aujourd’hui l’abrogation. Un point de vue courageux qui illustre l’évolution des milieux intellectuels états-uniens, mais qui préfère se livrer à une autocritique plutôt que de remettre en cause les fondements du Patriot Act.

Enfin l’ancien secrétaire d’État britannique Douglas Hurd constate dans The Independent que la doctrine de la « guerre préventive » ayant fait long feu, on en revient à la théorie de « l’ingérence humanitaire » qui était préalablement à la mode. Cependant ces deux idéologie doivent être pareillement rejetées par défaut de légitimité. Seule l’ONU, même imparfaite, peut s’arroger le droit de légitimer la guerre.