Contrairement à ce qu’on affirme, il y a une liberté de la presse en Russie et de nombreuses opinions différentes peuvent s’exprimer. Cela est en tout cas bien plus possible que lorsque les oligarques dirigeaient les médias. Nous refusons le retour à la dictature de l’État que les Russes ont subis trop longtemps, mais nous refusons également celle des oligarques.
J’ai protesté quand Mikhail Khodorkovsky a été arrêté car j’estimais qu’il fallait d’abord une décision du tribunal pour le placer en détention préventive. Je pense que le parquet devra justifier de cette décision. Khodorkovsky, au moment de son arrestation, voulait faire élire ses candidats à la Douma en leur achetant des places sur les listes du Parti communiste comme sur ceux des partis de droite. Ce n’est pas Vladimir Poutine qui l’a fait arrêter, c’est le parquet. Le président ne peut pas plus qu’en France appeler le procureur pour faire arrêter quelqu’un. L’Occident craint que cette arrestation n’entraîne la remise en cause des privatisations, mais cela n’arrivera pas, il s’agit simplement d’actions contre ceux qui ont commis des crimes et des délits pendant ces privatisations.
Aujourd’hui, en Tchétchénie, la situation s’améliore et la population soutient le président Kadyrov. Nous pensons qu’en Israël, il doit y avoir un dialogue avec les Palestiniens car il existe des personnes avec qui discuter. En Tchétchénie par contre, les chefs de guerres ne sont pas prêts à négocier. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas aux thèses de Huntington de choc des civilisations et il ne faut pas confondre terrorisme et islam.
Aujourd’hui, dans le monde, les États-Unis sont les plus forts, mais il n’y a pas d’hégémonie ou de monde unipolaire. C’est un monde multipolaire que se forme et il est la clé de la stabilité.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Nous refusons la dictature des oligarques », Evgueni Primakov, Le Figaro, 6 décembre 2003. Ce texte est adapté d’une interview.