Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Bonjour, Mesdames et Messieurs, je suis heureux de vous voir avant les fêtes. L’année a été dure. Je ne doute pas que vous ayez certainement beaucoup de questions à poser sur l’Iraq, mais avant de rentrer dans le vif du sujet, j’ai quelques observations à faire.
Tous, dirigeants politiques, diplomates et journalistes, nous nous sommes focalisés sur l’Iraq cette année. Nous n’avons pas prêté suffisamment d’attention aux nombreux autres défis auxquels nous sommes confrontés. Oui, l’Iraq est important pour l’avenir de la région et l’avenir du monde. Oui, il faut arrêter la propagation des armes de destruction massive. Oui, il faut combattre le terrorisme. Oui, nous sommes confrontés à de nouvelles menaces, à de nouveaux défis et il nous faut changer pour répondre à ces défis. C’est pourquoi j’ai désigné un groupe de haut niveau et c’est pourquoi je demande aux Etats Membres d’assumer la tâche de renouvellement des Nations Unies.
Mais il y a beaucoup d’autres problèmes importants aussi : la pauvreté, la faim, la maladie, l’analphabétisme. Tout cela risque d’affliger des milliards de personnes dans leur vie quotidienne. En 2004, le monde doit se focaliser sur ces défis là, avec une détermination renouvelée. Avant tout, il faut relancer la dynamique pour atteindre les Objectifs de développement du millénaire, sinon ces objectifs ne seront pas atteints dans une dizaine de pays, notamment les pays de l’Afrique sub-saharienne, les pays de l’Asie centrale et dans d’autres pays et régions pauvres. Et nous en pâtirons tous. Nous serons plus pauvres, nous serons moins à l’aise. Il faut atteindre l’objectif de 0,7% du PNB pour l’aide publique au développement. Il faut que les pays pauvres aient un accès juste et sans entrave au marché. Il faut alléger la dette énorme de tant de pays. Il faut que les personnes atteintes du VIH/sida puissent avoir accès aux traitements antirétroviraux d’ici 2005. Et il faut un Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme doté des financements nécessaires. Il faut augmenter l’investissement dans l’éducation, la santé, l’eau et l’assainissement. Il faut en faire plus pour donner aux femmes les moyens de se prendre en charge. Il faut combattre la corruption. Des promesses ont été faites dans ces domaines et dans d’autres encore.
En 2004, je ferai tout mon possible pour amener les dirigeants du monde à intensifier leurs efforts pour honorer les promesses qui ont été faites, et je vous demande de rendre compte de l’action de l’ONU et de donner, en 2004, une place de premier plan aux programmes de développement. Même dans le domaine de la paix et de la sécurité, il y a d’autres dossiers que l’Iraq qui exigent une attention urgente. Il faut avancer pour ramener la paix au Moyen-Orient. En Afghanistan, le travail n’est qu’à moitié fait, et il ne sera pas plus facile dans l’année à venir. Et beaucoup d’autres pays en Amérique latine et en Afrique ont besoin d’aide. En Afrique, 2003 a été une année importante. Et 2004 sera une année encore plus cruciale. L’ONU a besoin de plus de soutien pour les crises humanitaires oubliées, et pour nos opérations de maintien de la paix, nous aurons besoin de troupes et de financement. L’effort a été lancé par les dirigeants africains eux-mêmes, mais il doit être appuyé par nous tous.
Ayons les priorités qu’il faut en 2004. Faisons de 2004 une année de promesses tenues.
Je m’arrêterai ici pour répondre à vos questions.
Question (interprétation de l’anglais) : Je voudrais vous souhaiter la bienvenue, M. le Secrétaire général, au nom de l’Association des correspondants étrangers de l’ONU. Je voudrais poser une question sur l’Iraq. Dans les observations que vous avez faites au cours de la semaine, vous avez dit que le processus de transfert des responsabilités est un processus qui ne sera pas achevé en juin, car c’est un processus quelque peu complexe. Et vous avez également indiqué à l’Autorité provisoire qui avait demandé l’intervention de l’ONU, que vous étiez disposé à participer aux élections. Je souhaiterais en savoir un petit peu plus. Vous seriez donc impliqué mais dans quelle mesure et à quel niveau ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense que nous convenons tous que la mise en place d’un Gouvernement provisoire et un transfert de responsabilités aux Iraquiens est un élément urgent, et si nous souhaitons nous fixer juin comme date butoir, je pense que nous n’avons pas assez de temps pour organiser des élections justes et équitables étant donné la situation qui prévaut à l’heure actuelle en Iraq.
Cela étant dit, le processus alternatif qui a été envisagé, un processus de sélection, un processus de création de groupes, doit être un processus qui implique tout le monde, un processus juste, un processus transparent, et il faut absolument que les Iraquiens ressentent ce processus comme étant le leur, et si cela est fait, le résultat de ce processus sera accepté, il sera crédible en Iraq et dans l’ensemble de la région. Et je pense qu’il s’agit d’une alternative viable, mais d’une alternative qui doit être gérée prudemment.
Question (interprétation de l’anglais) : Qu’en est-il de la date du 1er juillet ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais):Je pense qu’il ne peut pas y avoir d’élections équitables d’ici juin, mais pour ce qui est de l’autre processus que j’ai énoncé, s’il est bien géré, cela est tout à fait envisageable.
Question (interprétation de l’anglais) : M. le Secrétaire général, est-ce que l’ONU est prête à retourner en Iraq, et si oui, quelles sont les conditions qui doivent être remplies ? Ou est-ce que vous avez vraiment exclu la présence de l’ONU sur le terrain ? Et quand est-ce que vous allez prendre cette décision ? Quand allez-vous décider qu’il est temps que les circonstances permettent à l’ONU de retourner sur le terrain ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Nous retournerons en Iraq lorsque l’environnement sera beaucoup plus sûr, et je pense que le Conseil lui-même l’a reconnu. Le Conseil a indiqué qu’il faudra retourner en Iraq lorsque les circonstances le permettront. Et cela ne signifie pas que nous avons exclu la possibilité de nous rendre en Iraq pendant l’occupation. Cela ne signifie pas que nous allons revenir en Iraq uniquement après l’occupation. Je pense qu’il faut que les choses soient claires. L’ONU a toujours travaillé en Iraq, et en ce moment même, l’ONU est présente dans le pays. Il y a des fonctionnaires internationaux et des Iraquiens qui travaillent pour nous. C’est l’ONU et la Banque mondiale qui ont été en Iraq pendant l’occupation pour mener à bien des évaluations relatives au développement et aux besoins en matière de reconstruction. Et c’était d’ailleurs la base de la Conférence de Madrid. Ce qui est important donc, c’est la sécurité. La sécurité, c’est le maître mot.
Et j’ai également indiqué que pour nous, il y a deux phases qui doivent être prises en compte : la phase qui nous mènera jusqu’à la fin juin - d’ici là, la Coalition compte mettre en place un Gouvernement provisoire - et également une deuxième phase, après le 30 juin, moment où le Gouvernement de transition aura déjà pris ses fonctions. Et lorsque le Gouvernement de transition sera entré en fonction et demandera notre appui pour mener à bien les élections et inscrire les électeurs et pour que nous l’aidions dans le processus électoral, alors à ce moment-là, les choses seront beaucoup plus claires. Bien sûr, nous allons continuer à travailler dans le domaine de la reconstruction, de la réhabilitation et dans le domaine des droits de l’homme.
Mais moi, j’ai demandé qu’on me dise clairement ce que doit faire l’ONU d’ici le 30 juin et d’ici ce processus qui permettra la mise en place d’un Gouvernement de transition. Il y a accord entre la Coalition et l’Autorité provisoire, et je pense que cet accord a permis de savoir qui doit faire quoi. Mais on ne sait pas ce que devrait faire l’ONU. Et M. Talabani qui était Président de l’Autorité provisoire nous a demandé, a demandé à l’ONU, de jouer un rôle. Alors moi, j’ai demandé quel rôle l’ONU devrait jouer. Qui sera responsable de quoi ? Qui prendra les décisions ? Il faut absolument que le rôle de l’ONU soit clair afin d’éviter toute confusion.
Je me suis en outre entretenu avec M. Pachachi et avec le Ministre des affaires étrangères, qui était ici, et je me réjouirais de la visite d’une délégation du Conseil de gouvernement en janvier pour qu’elle discute et éclaircisse ces aspects, de même que j’apprécierais de connaître l’opinion de la Coalition. J’aimerais également que la Coalition nous dise ce qu’elle souhaite que nous fassions. Nous pourrions alors décider de la manière dont nous allons procéder, quand nous allons le faire et comment nous pourrions apporter cette aide. Notre demande d’éclaircissements n’implique pas notre volonté de rester neutres. C’est une question de fond.
Question (interprétation de l’anglais) : En fonction des discussions initiales que vous avez eues, pouvez-nous dire quel rôle pourrait jouer l’Organisation des Nations Unies dans le cadre du Tribunal qui sera mis en place pour juger Saddam Hussein et que pensez-vous du procès d’un président élu - même si ces élections étaient frauduleuses - par un autre organe que la Cour pénale internationale ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Personne ne nous a contactés s’agissant du procès de Saddam Hussein, ni la Coalition, ni le Conseil de gouvernement. J’ai fait savoir que quel que soit le tribunal mis en place, celui-ci devra être transparent et respecter les normes internationales. Je ne sais donc pas exactement ce qu’il va se passer et si nous allons être contactés mais cela n’a pas encore été fait.
Vous avez également souhaité savoir si Saddam Hussein ne devait pas être jugé par la CPI ; la CPI a un mandat pour le futur et la plupart des crimes dont on accuse Saddam Hussein ont été commis avant la mise en place de la CPI. Les juristes devront évidemment se prononcer sur cette question mais je ne pense pas que la CPI serait habilitée à juger des crimes commis avant sa création.
Question (interprétation de l’anglais) : Vous avez dit en début d’année que des événements ont remis en cause la sécurité mondiale et nous présumons que vous pensiez en particulier à la question iraquienne. Je sais que vous avez mis en place une commission pour étudier la question mais nous souhaiterions en savoir un peu plus aujourd’hui. Comment le Secrétaire général pourrait-il rétablir la sécurité collective ? Votre rôle est-il de prendre position et de dire clairement ce que peut faire l’Organisation ou d’attendre que l’on vous dise quoi faire ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Vous me demandez si je vais être Secrétaire ou général : je serai les deux. En fait, il me semble que vous avez pu constater que je n’attends pas simplement que l’on me dise ce que je dois faire. J’ai pris des initiatives ; j’ai essayé de faire en sorte que tous les Etats Membres travaillent ensemble ; j’ai essayé de travailler avec les Etats Membres afin de trouver des manières d’améliorer notre Organisation pour la rendre plus efficace et pour mettre en place toute une législation internationale. Ce groupe d’experts ne devra pas simplement traiter de la structure et du processus suivi par l’Organisation des Nations Unies. Il devra également parler de la manière dont la communauté internationale devra coopérer et s’organiser pour assurer le maintien de la paix et de la sécurité. Ce groupe pousse au développement du droit international qui permettra de discuter des conditions autorisant la guerre préventive ; quelles en sont les règles et qui peut l’approuver ? Quand une intervention humanitaire est-elle légitime ? J’espère qu’on pourra se baser sur ma propre déclaration de 1999 et sur le rapport canadien intitulé "La responsabilité de protéger". Je joue donc les deux rôles : j’essaie d’insuffler de l’énergie aux Etats Membres, d’énoncer des idées et de montrer la direction à suivre pour améliorer l’Organisation. J’espère que j’ai répondu à votre question.
Question (interprétation de l’anglais) : Lors de mon entretien avec le Ministre des affaires étrangères iraquien hier, il m’a dit qu’il vous avait invité à vous rendre en Iraq. Je présume que vous ne le ferez pas alors que le pays est sous occupation ou pensez-vous y aller et évaluer personnellement la situation ? Deuxièmement, vous avez fait indirectement part de vos préoccupations ou critiqué les pratiques de la Coalition dans votre rapport ; vous avez dit craindre que ces pratiques ne respectent pas totalement le droit humanitaire international. Etes-vous allé plus loin ? Avez-vous reçu des assurances sur le fait qu’il n’y avait pas de violations du droit international humanitaire ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je voudrais commencer par répondre à la deuxième partie de la question. Il me semble que j’ai rappelé à tout le monde la nécessité de respecter le droit humanitaire international. Mais il y a également un problème pratique : nous devons absolument faire en sorte que la population locale ne soit pas dégoûtée et n’appuie pas la résistance et nous devons veiller à ce que cette population soit bien traitée conformément aux normes internationales.
Pour ce qui est d’une éventuelle visite en Iraq, il est vrai que le Ministre des affaires étrangères m’a invité à me rendre en Iraq mais je suis sûr qu’il vous a également dit que je ne lui avais pas donné de réponse. Permettez-moi de dire que je n’exclus pas une possible visite dans la région l’année prochaine. Cela fait longtemps que je ne me suis pas rendu dans la région et, lors de mes discussions avec les dirigeants et les Ministres des affaires étrangères de la région, nous sommes tous tombés d’accord sur le fait qu’il était grand temps que je me rende dans la région. Je ne sais pas encore si je vais me rendre en Iraq
lors de ce voyage. Je pense que ma décision dépendra de ce qui se passe sur le terrain, de la situation en matière de sécurité et de ce que fait l’Organisation des Nations Unies sur le terrain pour que je me rende sur place pour discuter au moment qui me semble le plus opportun avec les dirigeants iraquiens.
Question (interprétation de l’anglais) : Je voudrais revenir sur les questions concernant l’Ayatollah Ali Sistani. Il semblerait qu’il essaie de vous envoyer un message et qu’il vous demande de jouer un rôle de médiateur en matière d’élections avant la formation du Gouvernement provisoire. Vous avez dit que cela n’était pas possible mais pouvez-vous décrire si-
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je n’ai pas du tout exclu cette possibilité. Je ne pense pas qu’on puisse dire que j’ai exclu la participation de l’Organisation des Nations Unies avant la mise en place d’un Gouvernement provisoire. J’ai juste dit qu’il fallait indiquer clairement ce que devait faire l’Organisation des Nations Unies avant la fin juin, avant la mise en place d’un Gouvernement provisoire.
Question (interprétation de l’anglais) : Je voulais juste savoir si vous étiez disposé à jouer un rôle d’intermédiaire entre Sistani et les autres membres du Conseil de gouvernement ; est-ce que vous avez des contacts directs ou indirects avec Sistani ? Pensez-vous que l’Organisation des Nations Unies pourrait user de ses bons offices ? Pour ce qui est de la clarté, c’est un petit peu la question de la poule et de l’œuf : vous avez dit que vous aviez besoin que les choses soient claires, que vous aviez besoin d’instructions précises -
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je n’ai pas parlé d’instructions. J’ai parlé de clarté en ce qui concerne le rôle de l’Organisation des Nations Unies.
Question (interprétation de l’anglais) : Oui. Et le Ministre des affaires étrangères vous a invité à envisager ce que ce rôle pourrait être. On a l’impression que le Conseil de gouvernement et M. Bremer ne souhaitent pas vraiment la participation de l’Organisation des Nations Unies et vous êtes préoccupé par le fait que vous allez être attiré dans une situation où vous n’avez pas vraiment de rôle.
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : J’ai déjà indiqué que j’avais suggéré que nous réunissions tous ensemble avec la Coalition et le Conseil de gouvernement. Dans mes discussions avec le Conseil de gouvernement, j’avais suggéré la tenue d’une réunion vers le 15 janvier et j’espère que nous serons en mesure de clarifier le rôle que pourrait jouer l’Organisation des Nations Unies et ce qu’on attend de nous. Il nous appartiendrait de décider si cela peut être fait ou pas. Ce débat ne peut à l’évidence pas se tenir uniquement avec le Conseil de gouvernement ; la Coalition, qui est la puissance occupante, doit nous faire part de son point de vue. Il s’agirait donc d’un dialogue à trois. Une fois que nous en serons là, j’arrêterai une décision et je verrai si l’Organisation des Nations Unies peut jouer le rôle envisagé, dans quelles circonstances et de quelle manière.
En ce qui concerne nos contacts avec l’Ayatollah Sistani, nous avons effectivement eu des contacts avec lui. Comme vous le savez, Sergio et Salami Hassan ont pu le rencontrer et nous avons également des contacts indirects avec son équipe. Mais je pense que la question qui se pose n’est pas de savoir si nous pouvons jouer un rôle de médiateur. Ce qui est important, c’est la clarté ; nous souhaitons savoir exactement ce que l’on veut obtenir, comment y parvenir et quel système sera mis en place. Sera-t-il inclusif, transparent et équitable ? A ce moment-là, nous déciderons de notre rôle et de nos activités s’agissant de toutes les parties iraquiennes, y compris l’Ayatollah Sistani.
Question (interprétation de l’anglais) : S’agissant de la dernière question : craignez vous que —
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Bien sûr que j’ai mes doutes quant à leur désir de nous voir intervenir. La question a été posée avec l’accord du 15 novembre, qui ne disait rien sur l’ONU. On s’est demandé s’il s’agissait d’une omission ou d’un message. C’est quelque chose que nous devrons tirer au clair lorsque nous nous réunirons.
Question (interprétation de l’anglais) : Concernant le tribunal, qu’attendez-vous de la part du Gouvernement provisoire ? La peine capitale devrait-elle être envisagée ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Au stade actuel des choses, je ne veux pas rentrer trop avant dans ce débat. Les positions ne sont pas encore claires quant à la marche à suivre. Toutefois, j’ai bien dit qu’il fallait respecter les normes internationales. Cela dit, j’attendrai d’en savoir davantage sur les intentions avant d’en dire plus.
Question (interprétation de l’anglais) : Au sujet de l’Iraq, d’après des interviews du Président Bush, il semble que le Gouvernement américain considère que les armes de destruction massive sont un faux problème. L’ONU se soucie-t-elle toujours de la présence d’armes de destruction massive en Iraq ? Comment l’ONU traitera-t-elle plus tard cette question ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : C’est au Conseil de sécurité d’en décider. Je sais que les membres du Conseil s’en préoccupent. Il faudra trouver un moyen de traiter ce problème et de clore le dossier. Au Siège, il y a encore des inspecteurs qui mettent la dernière main à leur travail. S’ils ont besoin de conduire des missions supplémentaires, je suis sûr qu’ils le feront. Mais il faut que le Conseil de sécurité prenne une décision à ce sujet, et je crois qu’il le fera au début de l’année prochaine.
Question (interprétation de l’anglais) : Une question concernant votre observation sur la réunion du 15 janvier. Avez-vous eu confirmation du Conseil de gouvernement et de la Coalition qu’ils assisteront à la réunion ? L’année ayant été très difficile pour les Nations Unies, pour les relations entre l’ONU et les Etats-Unis en particulier, que peut-on attendre pour l’année à venir ? Comment envisagez-vous les relations entre l’ONU et les Etats-Unis, surtout dans le contexte des actions multilatérales en opposition aux actions unilatérales ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Concernant la première question, je suis sûr que le Conseil de gouvernement et la délégation de ce Conseil assisteront à la réunion. S’agissant de la Coalition, nous venons à peine d’entamer les consultations préliminaires. Aucune date n’a encore été fixée, pas plus qu’on ne s’est entendu sur la composition de la délégation. Mais il est dans l’intérêt de chacun que nous nous rencontrions pour tirer les choses au clair au lieu de faire des déclarations via la presse. Je sais que la presse est importante, mais il est bon de se rencontrer face à face.
Concernant la question des relations ONU/Etats-Unis, vous avez raison, l’année a été difficile. De grandes divisions ont régné entre les Etats Membres. J’espère que, l’année prochaine, nous trouverons un moyen de régler ces dissensions. D’abord, je suis heureux d’annoncer que tous les Etats Membres ont appuyé l’idée d’un Groupe d’experts, qui examinera certaines des questions qui ont divisé les Etats Membres. Ce groupe est composé de grandes figures, dont un Américain, M. Brent Scowcroft. J’espère que le rapport de ce Groupe d’experts nous donnera l’occasion de prendre un peu de recul et de réfléchir en toute sérénité à la façon dont nous pouvons mettre en place un système, ou bien adapter le système existant et les structures de paix et de sécurité pour faire face aux types de problèmes que nous avons rencontrés en Iraq.
Des efforts sont actuellement déployés pour aplanir les divergences. J’étais en Europe la semaine dernière, où j’ai rencontré un grand nombre de dirigeants. J’ai noté qu’il y a de nombreux contacts de part et d’autre de l’Atlantique. M. Baker se trouve actuellement en Europe, je lui ai parlé après sa visite en France, alors qu’il se rendait en Allemagne. Tous ces efforts seront positifs et conduiront à un " dégel ", si je puis dire.
L’année prochaine verra sans doute une amélioration des relations. Si nous admettons tous que la stabilisation de l’Iraq relève de la responsabilité de tous et que nous devons tous nous y atteler, nous aurons une chance de coopérer de façon constructive et de laisser derrière nous le passé. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas tirer les leçons du passé. Je suis sûr qu’à l’avenir, il faudra essayer d’éviter ce genre de problèmes.
Question (interprétation de l’anglais) : Une question sur l’Afghanistan et les problèmes de sécurité. Dans un entretien, votre Envoyé a déclaré que si les conditions ne sont pas favorables, l’ONU partira. Etes-vous d’accord avec cette déclaration ? Est-ce votre position ? Que dites-vous aux pays présents ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : M. Brahimi est un homme d’expérience, qui ne parle pas à la légère. Il est sur le terrain depuis plusieurs années. Il est impliqué dans le processus depuis une date antérieure à Bonn. Il assiste à l’évolution de la situation sur le terrain. Comme on l’a dit pour l’Iraq, la sécurité est le maître mot. Sans sécurité, il ne saurait y avoir de reconstruction efficace. Sans sécurité, il est impossible de se rendre dans le pays, de s’y déplacer, d’organiser des élections. Sans sécurité, les candidats ne peuvent pas non plus se déplacer pour leur campagne. M. Brahimi a donc soulevé une grave question.
Cela fait longtemps que nous demandons l’aide des pays, sous la forme de ressources ou de troupes, pour améliorer la sécurité et étendre la présence internationale au-delà de Kaboul, ainsi que pour exercer un certain contrôle sur les chefs de guerre, afin de les calmer et de façon que nous puissions travailler dans un environnement relativement calme, même si des problèmes de sécurité demeurent.
Il a donc tiré la sonnette d’alarme. Il faut régler le problème de la sécurité, sinon nous risquons de perdre l’Afghanistan. Son attitude est légitime et j’invite les Etats Membres à prêter l’oreille et à nous aider à améliorer la sécurité en Afghanistan, pour que nous puissions y poursuivre notre mission. C’est dans cet esprit que je partage l’analyse de M. Brahimi.
Question (interprétation de l’anglais) : Désolé de revenir sur l’Iraq et la capture de Saddam Hussein. La capture de Saddam Hussein a été saluée par beaucoup dans le monde, y compris dans le monde arabe et dans le monde musulman. Mais la façon dont cette capture a été présentée à la télévision américaine a suscité de la consternation et un sentiment d’humiliation dans le monde musulman. Avez-vous des inquiétudes quant aux répercussions de ces images sur les relations futures entre les Etats-Unis et le monde musulman ? Plus concrètement, ces images posent-elles, à votre avis, problème du point de vue du droit international ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Le droit international exige que quiconque est arrêté dans une situation de guerre soit traité humainement. De hauts responsables de l’administration américaine ont donné l’assurance que Saddam Hussein sera traité humainement, à l’instar de toutes les autres personnes en captivité. Ils auront droit à un traitement humain. Les images dont vous parlez, je le sais, ont perturbé beaucoup de personnes, y compris au Vatican. J’espère que cela ne va pas se répéter. Aucune image n’a été diffusée depuis le week-end.
Je comprends la réaction dans le monde arabe que vous avez décrite. J’espère que cela ne va pas exacerber les relations entre l’Occident et l’Islam. Le procès prévu, s’il est bien conduit et s’il est perçu comme juste et loyal, permettra d’atténuer grandement ces préoccupations.
Question : Vous avez dit que l’année dernière, enfin cette année, la crise iraquienne a légèrement occulté les autres problèmes auxquels l’ONU est confrontée. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que finalement l’ONU s’est laissée entraîner dans cette crise au détriment d’autres problèmes et que comptez-vous faire au cours de la nouvelle année pour remédier à ce problème ?
Le Secrétaire général : Ce n’est pas si simple que cela. Ce n’est pas l’ONU qui s’est laissée entraîner, ce sont les Etats Membres qui ont peut-être oublié d’autres problèmes. Tout le monde était très occupé par l’Iraq. J’espère que l’année prochaine, je vais personnellement continuer à pousser la question du développement, la lutte contre le sida, la question de la gouvernance et de la justice. Je crois qu’on encouragera les autres chefs d’Etat à se concentrer sur ce genre de problèmes car l’Iraq est important, mais le monde est beaucoup plus grand que l’Iraq.
Question (interprétation de l’anglais) : Les dirigeants du Conseil de coopération du Golfe se réunissent ce week-end au Koweït pour un sommet. Ce sera leur première rencontre après la chute du régime de Saddam Hussein. Avez-vous un message à leur adresser ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : C’est une réunion importante qui survient à un moment crucial, après le changement de régime en Iraq et l’arrestation de Saddam Hussein. J’espère qu’ils regarderont vers l’avenir et examineront la façon dont ils peuvent édifier une région stable, sûre et pacifique et coopérer avec leurs voisins. Ce qui est nécessaire dans la région, me semble-t-il, c’est que chaque pays s’ouvre aux autres et travaille avec ses voisins de manière constructive. Il y a eu beaucoup de suspicion dans la région. Le moment est venu d’en finir et de trouver un moyen de faire converger les efforts, pas seulement dans le domaine économique et social, mais aussi dans le domaine de la paix et de la sécurité et de voir peut-être comment ils peuvent collectivement traiter la question des armements et commencer à réfléchir à une zone exempte d’armes nucléaires. D’autres régions l’ont fait. En fait, dans la résolution 687 (1991) du Conseil de sécurité, il y avait un paragraphe qui traitait de cette question de la sécurité. J’espère qu’ils seront prêts à aborder ces questions maintenant.
Question (interprétation de l’anglais) : Monsieur le Secrétaire général, on a parlé de charniers qui ont été découverts en Iraq avec des restes de Koweïtiens. Vous avez dit que la plupart, voire la totalité de ces Koweïtiens, sont sans doute morts. Si ce fait avait été connu déjà au printemps dernier, est-ce que cela aurait affecté le soutien dont a bénéficié l’invasion conduite par les États-Unis en Iraq ?
LeSecrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je ne suis pas sûr. Franchement, le débat s’est plus ou moins focalisé sur les armes de destruction massive. Les Koweïtiens disparus n’ont jamais constitué un élément important de ce débat. Cela a été un élément dans les débats au Conseil de sécurité. J’avais un représentant, Vorontsov, qui travaillait sur ce dossier, mais si les faits avaient été connus, je doute que cela aurait influencé la dynamique des débats au Conseil.
Question (interprétation de l’anglais) : À part l’Iraq, l’Afghanistan et Chypre, selon vous, quelles seront les principales questions que vous aurez à aborder en 2004 en ce qui concerne l’ONU ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Vous avez oublié la crise au Moyen-Orient qui est une question particulièrement importante pour la région. Je voudrais vraiment l’année prochaine que l’on se concentre sur la lutte contre le VIH/sida car il s’agit d’une épidémie qui tue 8 000 personnes par jour. En évoquant les préoccupations à l’égard des armes de destruction massive, nous voudrions nous assurer absolument que ces armes ne tombent pas aux mains de terroristes. Nous sommes préoccupés car ces armes peuvent servir à tuer des milliers de personnes, ce que nous voudrions éviter. Mais il faut se rappeler que 8 000 personnes meurent chaque jour. Que faisons-nous pour ces personnes qui se trouvent en Afrique subsaharienne ou par exemple en Zambie, au Zimbabwe ? Le sida est une arme de destruction massive. Que fait le monde pour lutter contre cette arme ? Je voudrais également que l’on se concentre sur la réduction de la pauvreté, sur les questions de gouvernance et de corruption. Il s’agit de questions fondamentales, qui sont au cœur de toute société soucieuse de parvenir au développement. Je pense qu’il s’agit là de questions fondamentales.
Question (interprétation de l’anglais) : Les États-Unis d’Amérique ont beaucoup parlé de la démobilisation au Libéria. Une situation particulièrement difficile prévaut à l’heure actuelle au Libéria. Que proposez-vous pour sortir de cette situation difficile ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Nous avons effectivement connu un petit revers au Libéria. Nous avons entamé un processus de démobilisation et nous nous sommes rendu compte que le nombre de personnes à démobiliser sur le terrain était beaucoup plus important que prévu. On s’attend à avoir des effectifs au nombre de 15 000. Nous en avons la moitié à présent et j’espère que d’ici mars, la force sera pleinement déployée et que nous aurons 15 000 personnes et que nous disposerons ainsi de plus grandes capacités pour traiter du problème. Je pense que le fait qu’autant de jeunes souhaitent remettre leurs armes montre que le système est débordé et que les jeunes sont fatigués de la guerre et ils veulent qu’elle se termine. Ils souhaitent abandonner leurs armes et se livrer à d’autres types d’activités plus productives pour gagner leur vie. Alors, si nous pouvons obtenir toutes les troupes sur le terrain et reprendre ce processus de désarmement, je suis sûr qu’il ira de l’avant. Je ne pense pas qu’il ne faut pas juger trop rapidement de la situation.
Je souhaite faire une autre observation. Il s’agit d’une question qui sera très importante. Je pense que Jean-Marie Guéhenno vous en parlé, il en a parlé à d’autres journalistes à ce sujet. Nous avons tous un manque d’effectifs : la Coalition a besoin de troupes pour l’Iraq, et cette demande en vue d’effectifs continuera surtout après la fin de l’occupation, lorsqu’un effort international se mettra en place. Ils s’adresseront à ce moment là aux mêmes pays que je sollicite moi-même pour avoir des contingents de maintien de la paix pour le Libéria, pour la Côte d’Ivoire, pour le Congo, peut-être même pour le Soudan ou le Burundi. Il y aura donc effectivement un véritable problème pour trouver des contingents. J’espère que les gouvernements qui disposent de moyens et de ressources nous aideront à gérer ces crises, parce qu’il ne faudra pas après accuser l’ONU d’échec car l’ONU n’est forte que si les pays nous aident, l’ONU n’est forte que si nous disposons de ressources nous permettant de nous acquitter de notre mandat.
Question (interprétation de l’anglais) : M. le Secrétaire général, dans votre déclaration récente, vous n’avez pas tenu compte du fait que 13 millions de Cachemiris souffraient sous le joug indien. Votre rôle, en tant que Secrétaire général, est de faire appliquer les résolutions du Conseil de sécurité, alors pourquoi ne jouez-vous pas votre rôle de bons offices et pourquoi ne faites-vous pas en sorte que les résolutions relatives au Cachemire soient appliquées ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je voudrais commencer par dire que je suis encouragé par le dégel dans les relations entre l’Inde et le Pakistan et je suis encouragé de voir que les deux pays sont prêts à prendre des mesures importantes afin d’améliorer leurs relations bilatérales et de trouver une solution aux problèmes en suspens. J’espère que cette détermination de la part des deux pays continuera. Ce n’est que par le biais d’un engagement soutenu et en démontrant une certaine souplesse et une certaine créativité que l’on pourra résoudre cette question en fin de compte. Je suis très satisfait des initiatives prises récemment par l’Inde et par le Pakistan et je félicite les Présidents Moucharraf et Vajpai de l’esprit d’initiative dont ils ont fait preuve. Ils ont mon plein appui.
Question (interprétation de l’anglais) : Ceux qui critiquent l’ONU disent toujours que les commissions comme les droits de l’homme étaient présidés par des pays comme la Libye, certains militants des droits de l’homme ont souhaité que des critères soient mis en place avant de devenir membres de la Commission des droits de l’homme. Que pensez-vous de cette proposition ?
Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je sais que la Commission des droits de l’homme a eu plusieurs problèmes, mais nous devons nous rappeler que la présidence est choisie par les États Membres, ce sont eux qui choisissent le Président de la Commission et non pas le Secrétaire général. Sergio Vieira de Mello, qui était responsable du Haut Commissariat, avait envisagé justement des réformes afin que le processus soit beaucoup plus transparent. Je pense que le successeur de Sergio Vieira de Mello poursuivra ces réformes. Il faudra bien sûr mettre en place un dialogue. Nous devons encourager les Etats Membres à nouer un véritable dialogue. Il faut essayer de trouver une manière d’améliorer les travaux de la Commission des droits de l’homme, ainsi que les travaux de certains comités de cette Commission.
Quant à savoir si l’on va mettre en place des critères pour sélectionner ceux qui dirigeront cette Commission, c’est quelque chose que je serais enclin à encourager mais je pense que l’on ne peut pas se limiter à parler de critères que pour cette Commission. Dans d’autres commissions également il faudrait faire en sorte que ceux qui dirigent ces commissions soient des personnes compétentes prêtes à jouer leur rôle. Et je suis d’accord avec vous effectivement, il y a une tendance à politiser le travail de la Commission des droits de l’homme, il y a une tendance de la part de certains gouvernements à considérer cette Commission comme étant un instrument pour les mettre dans l’embarras. Ils se regroupent quelquefois pour veiller à ce que cela ne se produise pas mais vraiment je souhaiterais que l’on s’éloigne de cette tendance à se regrouper pour se protéger et pour veiller à ne pas être critiqué par la Commission, et qu’on la regarde du point de vue de l’état de droit et de l’individu.
Est-ce que nous réussirons ? C’est une question difficile mais comme je l’ai dit tout à l’heure nous avons entamé un processus, un processus lancé par Sergio Vieira de Mello, qui je l’espère continuera.
Je vous remercie.
Source : ONU SG/SM/9088
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