L’Afghanistan fait un grand pas en avant

La loya jirga (assemblée traditionnelle) constitutionnelle qui s’est
achevée dimanche à Kaboul a été un pas de géant du peuple afghan sur
la voie de la démocratie. Les Afghans ont saisi la chance que leur
offraient les Etats-Unis et leurs partenaires internationaux de jeter
les fondations d’institutions démocratiques et de créer le cadre
indispensable à la tenue d’élections nationales en 2004.

Les Afghans ont manifesté leur remarquable engagement envers la
démocratie de deux manières. Ils ont défié les ennemis du progrès, à
savoir les derniers éléments des extrémistes talibans et des forces
d’Al-Qaïda, en participant à l’élection des délégués qui siégeraient à
la loya jirga. Les extrémistes ont essayé d’intimider les candidats et
les électeurs. Ils ont échoué.

Les femmes, en particulier, ne se sont pas laissé intimider. Il y a eu
un renversement hautement symbolique de la situation lorsque le stade
de football de Kaboul - dont les talibans se servaient, il y a moins
de trois ans, pour exécuter en public des femmes accusées d’adultère -
a été utilisé par des milliers de femmes pour choisir leurs
représentantes à la loya jirga. Cent deux des délégués à cette
assemblée constitutionnelle étaient des femmes, soit 20 % du total.

Deuxièmement, les Afghans ont surmonté leur passé. Au lieu de compter
sur la puissance des armes, ils ont choisi la procédure démocratique
souvent difficile et parfois tortueuse qui consiste à débattre, à
écouter et à trouver des compromis. Ils ont fait confiance au pouvoir
des mots en délibérant librement de questions importantes. Ils ont
utilisé les journaux, les stations de radio, les salons de thé, les
écoles, les universités, les mosquées, et même Internet, comme des
forums où ils ont discuté de questions fondamentales tels que le
système de gouvernement, le rôle de la religion, les droits de
l’homme, et tout particulièrement le rôle de la femme. En outre, dans
un pays comprenant plus d’une douzaine de groupes ethniques divers,
ils n’ont pas hésité à aborder des dossiers très controversés tels que
les langues officielles et les relations entre le centre et les
provinces. Un débat d’une telle envergure est sans précédent dans la
longue l’histoire de l’Afghanistan.

Le désir de réussite des Afghans leur a permis de surmonter les
risques d’échec. Au milieu des débats les plus houleux, les délégués
et le peuple afghan sont demeurés imperturbablement résolus à
déboucher sur une solution rationnelle. Les tentatives des chefs de
guerre et des fondamentalistes religieux de faire dérailler le
processus ont été déjouées. Les femmes et les minorités ont joué un
rôle clé. Lorsqu’une courageuse jeune femme a dénoncé certains des
délégués pour leur rôle dans la destruction de l’Afghanistan dans les
années 90, le président de l’assemblée a commencé par essayer de la
faire expulser. Les autres délégués l’ont forcé à y renoncer, et
Malalai Joya a refusé de se laisser intimider et a continué de jouer
un rôle actif dans son comité de travail. A la fin de la loya jirga,
trois femmes faisaient partie d’une équipe dirigeante de sept membres
et plusieurs autres avaient acquis des positions influentes au sein de
divers comités. Lorsque les divisions ethniques et régionales ont été
sur le point de créer des ruptures lors de débats sur les langues
officielles, par exemple, les délégués ont décidé de trouver l’unité
dans la diversité en rendant toutes les langues officielles
lorsqu’elles sont parlées par la majorité. Cela est sans précédent en
Afghanistan et dans la région. Sous les yeux du peuple afghan et du
monde, des Hazaras, des Pachtouns, des Tadjiks, des Turkmènes, des
Ouzbeks et d’autres ont adopté l’une des constitutions les plus
éclairées du monde islamique.

La Constitution afghane crée un régime présidentiel doté d’un
parlement fort et d’un appareil judiciaire indépendant. Le document
définitif prévoit une structure administrative centralisée qui reflète
la conviction des délégués selon laquelle des années de guerre et de
destruction des institutions nationales ont bien trop affaibli le
gouvernement central. Les délégués ont renforcé le parlement en
déterminant la politique générale de l’Etat et en exigeant la
confirmation des principales nominations présidentielles, notamment
celles des chefs de la banque centrale et du service national de
renseignement.

La Constitution afghane prévoit également un engagement parallèle
envers l’islam et les droits de l’homme. Tout en reconnaissant l’islam
comme religion d’Etat, elle accorde une vaste liberté religieuse qui
permet aux citoyens se réclamant d’autres confessions de pratiquer
leur religion et d’observer leurs rites religieux. La loya jirga a
augmenté le nombre de femmes au parlement - deux députées par province
en moyenne - et stipule explicitement : "Les citoyens de l’Afghanistan
 qu’ils soient hommes ou femmes- ont les mêmes droits et les mêmes
devoirs au regard de la loi." L’acceptation du principe de l’égalité
entre les hommes et les femmes constitue un changement révolutionnaire
des rôles que les femmes seront en mesure d’assumer au sein du
gouvernement et de la société.

Depuis la conférence de Bonn qui a mis le pays sur le bon chemin, les
Nations unies ont joué un rôle vital dans l’établissement des
institutions politiques afghanes. Le représentant spécial du
secrétaire général, M. Lakhdar Brahimi, notamment, a joué un rôle clé
en aidant les délégués à la loya jirga à surmonter leurs divergences
et à atteindre leurs objectifs.

L’Afghanistan doit cependant surmonter encore de nombreuses
difficultés : mettre en oeuvre cette Constitution, éliminer les
derniers extrémistes et les terroristes, désarmer les milices,
renforcer les institutions nationales, éliminer la production de
drogues, et aider les Afghans les plus pauvres à profiter de ces
nouvelles possibilités. Après vingt années de souffrance, la plupart
des Afghans souhaitent que leur pays réussisse. En adoptant une bonne
constitution par le truchement d’un processus ordonné et transparent,
les Afghans ont franchi un obstacle majeur.

Ils ont aussi envoyé un message convaincant au monde, à savoir que les
Etats-Unis, en soutenant le développement de leur pays, investissent
dans le succès. Les Américains peuvent être fiers du rôle qu’ils ont
joué à la tête des démarches multilatérales visant à soutenir la
démocratisation de l’Afghanistan. Le renversement du régime des
talibans et la présence stabilisatrice de la coalition et des troupes
de la Force internationale d’assistance et de sécurité déployée par
l’OTAN ont permis au progrès politique de prendre racine. La décision
qu’a prise le président Bush d’augmenter l’aide à l’Afghanistan - qui
atteindra vraisemblablement 2 milliards de dollars durant l’année
budgétaire 2004 - accélérera la reconstruction de l’armée, de la
police, de l’infrastructure économique, des écoles et du système
médical du pays.

Notre tâche en Afghanistan est encore inachevée. Il faudra plusieurs
années et un engagement soutenu de ressources considérables par les
Etats-Unis et la communauté internationale pour que ce pays relève la
tête. Etant donné l’importance des enjeux, nous devons rester engagés
aussi longtemps qu’il le faudra pour garantir le succès.

Traduction officielle du département d’État