Permettez-moi tout d’abord de dire à quel point je suis heureux d’être au Royaume de Bahreïn, et de découvrir un pays ami dont j’ai pu apprécier la proximité avec la France. J’ai été très sensible à l’accueil et à la chaleur des entretiens qui m’ont été réservés.

Les entretiens que j’ai pu avoir ce matin avec Cheikh Mohammed bin Moubarak Al-Khalifa ont été particulièrement fructueux et constructifs, marqués par le même souci du dialogue à un moment très important, à un moment stratégique pour l’ensemble de cette région. Il s’agit de se tourner résolument vers l’avenir pour travailler dans l’objectif de davantage de paix et de stabilité, ce qui implique que nous soyons en permanence en initiative.

Vous le savez, ma visite au Bahreïn constitue la dernière étape de ma tournée dans le Golfe. Nous entretenons avec l’ensemble des pays de la région un véritable partenariat, basé sur des convergences d’analyses et d’intérêts, qu’il s’agisse des questions de sécurité, cela a été évoqué tout à l’heure, qu’il s’agisse des aspects énergétiques. Ce partenariat sort renforcé des multiples rencontres que j’ai eues au cours de l’ensemble de ce déplacement. Mais j’ai pu vérifier que les attentes vis à vis de notre pays étaient nombreuses. Elles dépassaient, bien sûr, le cadre de notre coopération traditionnelle. Nous voulons renforcer davantage notre dialogue politique sur les principaux enjeux de la région et nous ouvrir à l’ensemble des domaines où, d’ores et déjà, nos entreprises et notre pays sont particulièrement actifs qu’il s’agisse du domaine économique et commercial ou culturel.

L’enjeu de l’Irak, est évidemment essentiel pour nous tous. Notre action s’inscrit dans le cadre de la résolution 1511 du Conseil de sécurité ainsi que de l’accord du 15 novembre. Il s’agit de tout faire pour que l’Irak puisse retrouver sa pleine souveraineté à la date qui a été fixée du 30 juin, et la France, vous le savez, est mobilisée pour cela. Les Nations unies dans notre esprit, ont un rôle important à jouer. Nous sommes convaincus qu’il faut préparer le mieux possible cette échéance. Un certain nombre d’étapes sont d’ores et déjà prévues, qu’il s’agisse de la loi constitutionnelle, qu’il s’agisse de la formation d’une assemblée consultative puis de la formation d’un gouvernement provisoire. Le chemin sera ouvert alors pour une convention sur la Constitution et des élections générales avant la fin 2005. Dans ce contexte, nous pensons qu’il est opportun, d’ores et déjà, de réfléchir à une conférence internationale sous l’égide des Nations unies qui pourrait se tenir après le retour à la pleine souveraineté de l’Irak, et permettrait véritablement de légitimer l’ensemble de ce processus. Une attention particulière devrait être donnée à l’architecture de sécurité dans la région. Il faut traiter le problème de la stabilisation des frontières, ainsi que les questions de terrorisme et la mobilisation face à ce fléau. Il faut traiter également les questions de prolifération. Autant d’enjeux qui justifient que la communauté internationale tout entière soit mobilisée.

Sur le Processus de paix, Cheikh Mohammed bin Moubarak Al-Khalifa l’a parfaitement dit, et je suis tout à fait d’accord avec son analyse, il y a urgence.

Nous devons nous mobiliser. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle qui ne peut conduire qu’à plus de violence et de terrorisme. Il faut relancer la Feuille de route et nous voulons nous mobiliser, avec l’ensemble de nos partenaires européens, pour faire en sorte que ce Processus de paix puisse se développer avec aujourd’hui la nouvelle perspective offerte par les accords de Genève. Il est important de valoriser l’ensemble des mécanismes qui peuvent nous permettre d’enclencher un nouveau cycle. Je pense en particulier à l’élargissement du comité de supervision, je pense à l’idée de conférence internationale qui fait partie intégrante de la Feuille de route, je pense à l’idée d’une force internationale dans la région. Nous ne pouvons pas aujourd’hui abandonner cette perspective qui a constitué la clé de la solidarité internationale, le véritable objectif de la communauté internationale, c’est à dire la création d’un Etat palestinien vivant en paix et en sécurité avec Israël - la date de création fixée par la Feuille de route est 2005. Toutes les autres solutions ne peuvent conduire qu’à davantage d’incompréhension, d’humiliation et de ressentiment. Il est donc essentiel de continuer à œuvrer dans ce sens.

Nous avons fait ensemble le constat commun de l’excellence de nos relations bilatérales. En témoignent les récentes visites de hauts responsables français dans le Royaume de Bahreïn : en l’espace d’un an, le Royaume a ainsi accueilli le Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, Renaud Muselier, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, ainsi que le secrétaire d’Etat aux Transports, Dominique Bussereau.

La France se réjouit de la visite prochaine du Premier ministre Cheikh Khalifa bin Salman Al-Khalifa qui va constituer une étape importante dans le développement de nos relations. La France, vous le savez, est prête à apporter tout son concours au formidable élan de développement du Royaume de Bahreïn que j’ai pu constater aujourd’hui. Je me félicite du développement de nos échanges dans le domaine de l’économie où ALSTOM a remporté, vous le savez, en juillet 2003 un contrat avec ALBA, pour la fourniture d’une centrale électrique et qui doit accompagner le développement de cette centrale. Egalement, dans le développement de nos échanges dans le domaine de la coopération culturelle, scientifique et technique, je voudrais rappeler en particulier que la France, à travers la mission archéologique présente au Royaume de Bahreïn depuis 1977, participe à la redécouverte de l’ancienne civilisation de Dilmoun qui a donné lieu à une grande exposition à l’Institut du monde arabe.

Enfin, j’ai eu le plaisir d’inaugurer tout à l’heure les nouveaux locaux de l’école française de Bahreïn qui a bénéficié de l’aide généreuse des autorités bahreïniennes et qui permet d’assurer dans le Royaume un enseignement français de qualité. Je tiens ici solennellement à les remercier.

Q - Vous avez parlé d’une nouvelle architecture de sécurité dans la région, à Koweït également, vous avez parlé d’un système régional de sécurité. Est-ce que vous pourriez nous décrire les grandes lignes de ce système, quels pays va-t-il englober, et est-ce qu’il y a des points de convergence ou de divergence avec la vision américaine à ce sujet ?

R Vous savez, quand il s’agit de sécurité, bien évidemment cela suppose que nous travaillions tous ensemble et l’idée de la France, c’est de réfléchir à une conférence qui pourrait être organisée par les Nations unies et qui rassemblerait bien sûr l’ensemble des Etats de la région et les principaux participants de la communauté internationale. L’idée c’est, au lendemain d’un processus qui aura conduit au retour à la pleine souveraineté de l’Irak, de faire en sorte que l’insertion de ce pays dans la communauté régionale puisse se faire dans les meilleures conditions. Tout d’abord, le recul de l’histoire : nous avons été instruits au fil de cette histoire, par les difficultés successives qui n’ont pas manqué de nous interpeller. La sécurité est aujourd’hui une nécessité globale, et j’ai évoqué tout à l’heure la dimension du terrorisme. C’est une préoccupation commune et nous nous réjouissons du fait que, lors de la dernière conférence du Conseil de coopération des Etats du Golfe qui s’est tenue au Koweït, l’idée de créer une charte contre le terrorisme ait été évoquée. Je crois que ce genre d’initiative est salutaire. L’inscrire et solenniser cette mobilisation dans le cadre d’une conférence me paraîtrait utile, de la même façon en ce qui concerne les armes de prolifération, de la même façon en ce qui concerne le respect et la stabilisation des frontières. Nous sommes tous convaincus que la stabilité passe par le respect de principes et de règles communs. Je crois qu’à ce moment précis, c’est-à-dire au retour de la souveraineté de l’Irak, il est important que l’ensemble des pays de la région puisse avancer dans le même sens. J’ai été très frappé, dans chacun des Etats du Golfe que j’ai visités, de la volonté de travailler ensemble, d’un effort collectif et de se tourner vers l’avenir, de mettre au cœur de l’effort collectif les questions d’éducation et de culture. Je crois que cela va dans le bon sens. Cette région a un véritable capital économique, technologique et humain mais aussi un capital culturel très important. Le fait de se réunir, de travailler ensemble, de définir une volonté commune est, je crois, un formidable exemple qui peut être donné. Vous le voyez tous aujourd’hui, cette région est un petit peu le centre du monde, nous sommes les yeux tournés vers elle, désireux d’appuyer nos efforts les uns et les autres pour reconstruire, assurer la stabilité de l’Irak et de l’ensemble régional. C’est dire qu’une partie importante du destin du monde se joue aujourd’hui, ici, dans cette région du Golfe et c’est donc tout à fait naturel que nous songions à ce qu’une conférence internationale puisse marquer l’effort collectif de cette communauté en direction de cette région.

Vous le voyez c’est un effort collectif, c’est l’intérêt de tous et nous voulons bien sûr travailler la main dans la main avec nos amis américains.

Q - Je voudrais compléter la question que vient de poser mon collègue sur la sécurité dans la région. Pourquoi est-ce que la France s’occupe, enfin, de cette région des pays du Golfe, bien que les relations avec les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ne soient pas comparables à celles qui existent entre les pays du CCG et le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Est-ce que cela est dû à la chute du régime irakien ? Nous savons tous que la France avait des investissements très importants en Irak, alors que les investissements français dans les pays du Golfe ne pouvaient pas être comparés aux investissements américains ou britanniques dans cette région. Et ma question précise est la suivante : est-ce que ce sont les circonstances internationales qui ont dicté à la France de renforcer ses relations avec les pays du Golfe afin de jouer un rôle stratégique dans cette région, tant sur le plan économique et culturel, comparable au rôle qu’elle joue en Afrique du nord où l’on connaît très bien le rôle et l’influence de la France ? Et pourquoi, dans le cadre de votre tournée vous ne passez pas en Arabie Saoudite ?

R - Les relations entre la France et les Etats du Golfe sont des relations anciennes, des relations d’amitié et je ne voudrais pas vous démentir, mais il se trouve que nous sommes l’un des partenaires économiques importants de l’ensemble de cette région, parmi les premiers partenaires et, nous-mêmes, le premier partenaire d’un certain nombre des Etats du Golfe. C’est dire à quel point nous sommes concernés, sensibilisés et soucieux de développer ces relations dans tous les domaines et pas uniquement dans les domaines traditionnels que sont ceux du pétrole et de la défense. Et d’ailleurs ce qui m’a frappé, c’est de voir à quel point il y avait aujourd’hui dans les relations de la France avec ces Etats une très grande diversité de secteurs et d’activités. Notre intérêt pour cette région stratégique, je l’ai dit, est ancien. Il est évident que la chute du régime de Saddam Hussein ouvre une nouvelle étape, mais nous sommes tous conscients et convaincus de l’importance de la stabilité de cette région pour, non seulement, chacun des Etats de la région, mais plus largement pour la communauté internationale. Et c’est le désir de la France - nous avons toujours été guidés par ce désir - d’apporter sa contribution en fonction de nos principes qui sont connus et, je crois, largement partagés sur la scène internationale, principes de tolérance, de respect du droit, conviction que la sécurité et la responsabilité collectives sont les meilleurs moyens d’assurer la sécurité et le développement. C’est dans ce sens que nous sommes mobilisés en liaison avec l’ensemble de nos partenaires, c’est dans ce sens que nous œuvrons depuis la fin de la guerre puisque nous avons contribué à faire en sorte que l’ensemble des résolutions des Nations unies sur l’Irak soit adopté à l’unanimité et nous sommes heureux de voir, aujourd’hui, cette communauté internationale se retrouver dans cette nouvelle étape. Il reste beaucoup de chemin à faire et il faudra à la communauté internationale beaucoup de patience, beaucoup de détermination pour réussir chacune des étapes. J’ai mentionné celle du 30 juin cette année qui conduira à la pleine souveraineté de l’Irak, mais encore faudra-t-il réussir les étapes qui suivront et en particulier les élections générales qui devront se dérouler à la fin 2005. Donc, vous voyez qu’il faudra beaucoup d’énergie. Nous ne sommes pas ici dans un esprit de rivalité ou de concurrence, nous sommes ici parce que véritablement je l’ai dit, il y a un enjeu pour la planète, il y a un enjeu de stabilité, de développement. Il y a un enjeu pour définir la meilleure compréhension et le meilleur dialogue possibles entre les cultures. Vous le savez c’est un combat que livre la France depuis très longtemps.

Je suis allé à plusieurs reprises au cours des derniers mois en Arabie Saoudite. J’ai eu le plaisir de pouvoir m’entretenir avec mon homologue le ministre des Affaires étrangères, le Prince Saoud Al-Faysal Bin Abdulaziz Al-Saoud, et les relations entre la France et l’Arabie Saoudite sont des relations très régulières et très fréquentes. J’aurai l’occasion de le rencontrer très prochainement à Paris et bien sûr, de revenir en Arabie Saoudite au cours des prochains mois.

Q - L’Union européenne et la France, en particulier, ont des négociations avec l’Iran afin de créer une sorte de marché ouvert, une sorte de marché libre. Je voudrais vous demander, est-ce que l’interdiction faite aux candidats réformateurs de se présenter aux prochaines élections va avoir des conséquences sur les négociations en cours ?

R - Vous avez raison, nous sommes engagés dans un processus de dialogue, nous allons essayer de trouver des solutions à la très difficile question de la prolifération et nous avons initié avec mes collègues allemand et britannique un dialogue très important dans ce domaine qui a permis d’obtenir l’engagement de l’Iran à respecter l’ensemble des obligations internationales dans le cadre de l’Agence internationale de l’Energie atomique. Nous voulons aller plus loin et le dialogue avec les autorités iraniennes continue. Je recevrai demain à Paris le Dr Rohani et nous poursuivrons donc dans cette direction. Bien évidemment, s’agissant des exigences d’ouverture de l’ensemble de ces pays, en particulier l’Iran, vous venez d’évoquer la situation des réformateurs. Nous souhaitons que l’ensemble de ces questions puisse se régler par le dialogue et que les prochaines élections qui vont se dérouler en Iran puissent être des élections libres. Il paraît tout à fait essentiel, dans le cadre des relations de confiance que nous voulons entretenir avec ce pays, que les choses puissent se dérouler ainsi et j’aurai l’occasion de le dire directement demain au Dr Rohani.