I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis en application des résolutions 1401 (2002) et
1471 (2003) du Conseil de sécurité, respectivement datées du 28 mars 2002 et du
28 mars 2003, ainsi que de la résolution 57/113 A et B de l’Assemblée générale, en
date du 6 décembre 2002. Il couvre la période écoulée depuis le précédent rapport,
daté du 18 mars 2003 (A/57/762-S/2003/333)
. Au cours de cette période, le Conseil
a également entendu régulièrement des exposés sur la situation en Afghanistan (voir
S/PV.4750 et S/PV.4774).

II. Application de l’Accord de Bonn

A. Extension de l’autorité du Gouvernement

2. Au cours de la période considérée, l’Administration de transition afghane a
pris un certain nombre de mesures visant à étendre son autorité à l’ensemble du pays
et à poursuivre la réforme de l’administration civile. L’extension de l’autorité du
Gouvernement central a été entravée par la présence de fonctionnaires inefficaces,
indisciplinés et parfois corrompus à des postes administratifs aux échelons national,
provincial et des districts. Le Ministère de l’intérieur a réaffecté ou licencié un
certain nombre d’entre eux, en nommant à leur place des cadres qualifiés. Si
quelques titulaires de postes se sont activement opposés aux nouvelles nominations,
la volonté du Gouvernement s’impose progressivement. Cependant, il reste encore
beaucoup à faire pour que les fonctionnaires nouvellement nommés puissent exercer
librement leurs fonctions de représentants du Gouvernement central et, a fortiori,
pour que tous les fonctionnaires reconnaissent l’autorité de l’État.

3. Soucieux d’affirmer l’autorité de l’État dans les provinces, le Président Hamid
Karzai a convoqué à Kaboul, le 20 mai 2003, 10 gouverneurs de provinces et deux
commandants de régions, qu’il a mis en demeure de se conformer à une décision en
13 points du Conseil national de sécurité, en menaçant de démissionner s’ils ne
s’exécutaient pas. La décision portait notamment interdiction de recruter des
groupes militaires privés et d’engager des opérations militaires non autorisées,
réaffirmait l’interdiction de cumuler des postes militaires et civils et prononçait la
dissolution des organes et titres non officiels ainsi que des pouvoirs administratifs et
exécutifs qui y sont associés. Il s’agissait, pour le Conseil national de sécurité, de
faire entendre clairement qu’il appartenait à l’autorité centrale, et non aux structures
périphériques, de définir la politique nationale et que l’indiscipline ne serait pas
tolérée. Néanmoins, près de deux mois après la signature de la décision
susmentionnée, il reste encore à établir dans quelle mesure elle est respectée et si le
Gouvernement peut la faire appliquer.

4. Le Gouvernement a réussi dans une certaine mesure à faire appliquer le volet
de la décision du Conseil national de sécurité concernant le transfert des recettes
douanières et fiscales provinciales au trésor national. Dès l’adoption de la décision,
le Ministre des finances s’est rendu à la tête d’une délégation dans les villes
d’Herat, de Kandahar et de Mazar-e Charif et a envoyé des représentants à Jalalabad
afin d’y examiner l’état des finances et les pratiques comptables. À la mi-juillet, le
Ministère des finances avait obtenu le transfert de quelque 56 millions de dollars au
titre des droits de douane, ce montant ne représentant, selon les estimations, qu’une
fraction des sommes totales dues au Gouvernement central. Néanmoins, le
recouvrement de ces recettes permet à l’Administration de transition afghane de
payer les arriérés de traitement dus aux agents de l’État, y compris la police et
l’armée, et de mettre ainsi un frein à la corruption, à l’extorsion et à diverses
activités économiques parallèles. Dans le souci de mieux assurer le recouvrement
des recettes provinciales et leur transfert au Gouvernement, l’Administration
procède à l’affectation de nouveaux directeurs dans les bureaux de douane et aux
postes frontière. La perception des recettes provinciales devrait permettre au
Gouvernement de combler certains déficits financiers, de doter de ressources
financières des institutions centrales qui en ont cruellement besoin et d’assurer
progressivement son autosuffisance (voir A/57/762-S/2003/333, par. 2). Pour ce
faire, il devra cependant prendre de nouvelles mesures pour garantir la régularité des
paiements.

5. Le paiement des salaires influe directement sur la réforme de la fonction
publique à laquelle s’attèle le Gouvernement. Celui-ci devrait publier
prochainement un décret relatif à la restructuration des ministères, ainsi que des
directives sur l’avancement au mérite. La mesure s’inscrit dans le cadre d’une
politique qui vise, à terme, à assurer le recrutement de fonctionnaires qualifiés et la
restructuration des ministères. Il faut cependant noter que, faute d’un paiement
ponctuel des salaires, l’avancement au mérite n’aura guère de signification. Le
Groupe de travail sur le paiement des salaires, que le Ministère a mis en place en
juin 2003, devrait jouer un rôle constructif à cet égard. Outre une participation
active à la lutte contre la corruption, le Groupe devrait contribuer à relever le taux
de rétention des fonctionnaires et à renforcer la loyauté vis-à-vis du Gouvernement
central. La création, par un décret présidentiel daté du 11 juin 2003, de la
Commission indépendante chargée de la réforme de l’Administration et de la
fonction publique devrait également faciliter la nomination et la promotion des
fonctionnaires de l’État selon le critère du mérite. La Commission sera habilitée à
écarter les hauts fonctionnaires corrompus et ceux qui ne justifient pas d’un niveau
minimum d’instruction ou de qualification.

6. Sur le plan financier, l’Administration de transition afghane est tributaire de la
communauté internationale des donateurs pour la réalisation des objectifs fixés dans
le Budget de développement national. Pour l’exercice financier en cours, qui a
débuté en mars, le Gouvernement a sollicité une enveloppe de 2 milliards
200 millions de dollars (voir A/57/762-S/2003/333, par. 4). Lors de la réunion du
Forum stratégique de haut niveau, tenue à Bruxelles le 17 mars, les donateurs ont
trouvé ce montant trop élevé pour un budget de développement. Cependant, les
estimations établies conjointement par la Banque mondiale, la Banque asiatique de
développement et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)
en 2002 avaient fait apparaître des besoins en matière de reconstruction de l’ordre
de 13 à 19 milliards de dollars. À Bruxelles, les donateurs se sont engagés à verser
environ 2 milliards de dollars, d’où un déficit de 200 millions de dollars en partie
résorbé par le recouvrement des recettes intérieures. L’Administration de transition
a exhorté les gouvernements donateurs à honorer les engagements pris à Bruxelles
en augmentant le niveau de leurs contributions au Fonds d’affectation spéciale pour
la reconstruction de l’Afghanistan, qui est la principale structure par laquelle les
donateurs financent le budget de développement national. Pour l’exercice financier
en cours, le Gouvernement a sollicité pour ce Fonds une enveloppe de 600 millions
de dollars. À ce jour, les donateurs ont effectué des versements s’élevant à
182 millions de dollars. On attend des rentrées supplémentaires de quelque
221 millions de dollars, qui devraient porter le montant total des recettes
gouvernementales provenant du Fonds à seulement 403 millions de dollars.

7. À ce stade de la reconstruction de l’Afghanistan, il est essentiel que les
activités de développement se traduisent par une amélioration quantifiable des
conditions de vie de la population et renforcent la légitimité du Gouvernement
central. La poursuite du processus politique exige que l’on appuie résolument les
éléments extrabudgétaires que sont les commissions et l’élection nationale prévues
par l’Accord de Bonn, ainsi que le déminage, la réforme du secteur de la sécurité et
le désarmement, la démobilisation et la réinsertion. Ainsi, tout en ne relevant pas
des domaines d’intervention traditionnels des donateurs, le financement de la
formation de la police et de l’armée nationale afghane revêt une importance cruciale
pour l’instauration d’un climat de sécurité durable et la création d’un cadre propice
aux investissements. À cet égard, je prie instamment les États Membres d’honorer
leurs engagements de financement et d’apporter à l’Afghanistan une aide
supplémentaire dans les années à venir.

8. Les grands programmes économiques nationaux que j’ai décrits dans mon
dernier rapport (voir A/57/762-S/2003/333, par. 9) ont été mis en chantier et vont de
l’avant. La mise en route du Programme national de développement de proximité et
du Programme de solidarité nationale par le Ministère du réaménagement et du
développement des zones rurales devrait permettre au Gouvernement central de
répondre à certains besoins de reconstruction à l’échelon provincial et de marquer
davantage sa présence en dehors de Kaboul. Lancé en juin 2003, le Programme
national de développement de proximité permet, par le biais d’un processus de
planification géré par les départements provinciaux du Ministère, de recenser les
priorités de développement à l’échelon des districts. Sous le patronage des
gouverneurs des provinces, des ateliers de planification de quatre jours ont été
organisés dans 21 provinces. Les participants y ont défini les priorités de chaque
district provincial en matière d’aide. Le Programme a alloué à chaque province un
montant de 500 000 dollars, qui servira à financer au moins un projet prioritaire
dans chaque district, en 2003. Ces projets à forte intensité de travail intéresseront
essentiellement la santé, l’éducation, l’irrigation, les routes, le développement
communautaire et le retour des personnes déplacées. La priorité sera accordée aux
zones de pénurie alimentaire et d’éradication du pavot et aux régions de retour des
réfugiés.

9. Avec la participation du Programme des Nations Unies pour les établissements
humains (ONU-Habitat), partenaire d’exécution, le Programme de solidarité
nationale a été lancé dans les cinq provinces suivantes : Herat, Farah, Kandahar,
Bamyan et Parwan. Dans la perspective d’une extension de ses services, le
Ministère de la reconstruction et du développement des zones rurales a signé un
accord, le 26 juin, avec 16 organisations non gouvernementales chargées d’exécuter
le programme dans 27 provinces. Le programme encourage la bonne gouvernance
en prônant la démocratie et la transparence dans la prise de décisions
communautaire, l’affectation des ressources et la gestion des projets. Ces projets,
dont le financement est limité dans un premier temps, devraient, à terme, contribuer
à renforcer la confiance vis-à-vis du Gouvernement et à consolider la prise de
décisions participative à tous les niveaux.

10. Depuis mon dernier rapport, la phase pilote du projet de recensement prévu par
l’Accord de Bonn est arrivée à terme, tandis que la première phase du recensement
proprement dit, qui consistait à actualiser les cartes et à procéder au dénombrement
préliminaire de la population, a été menée à bien dans les provinces de Parwan,
Kapisa et Logar, sous la direction de l’Office national de statistique et avec le
concours du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) (voir A/57/762-
S/2003/333, par. 5). La deuxième phase débutera à la conclusion de la première
phase, prévue pour le début de 2004. Cette deuxième phase, à savoir le recensement
national de la population, fournira d’importantes données démographiques et
socioéconomiques nécessaires à la planification et au développement. Compte tenu
de l’échéance très rapprochée des élections, les données du recensement ne seront
pas disponibles avant les inscriptions sur les listes électorales.

B. Réforme constitutionnelle

11. La Commission constitutionnelle a été officiellement mise en place le 26 avril
2003. Cet organe de 35 membres comprend deux femmes et est représentatif de la
diversité régionale, ethnique, professionnelle et religieuse de la population afghane.
Le Comité de rédaction de la Commission a soumis à cette dernière un projet
préliminaire de la Constitution. Avec l’appui technique de la Mission d’assistance
des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et du PNUD, la Commission a établi
un secrétariat à Kaboul et huit bureaux régionaux dans le reste du pays ainsi qu’un
bureau au Pakistan et un autre en République islamique d’Iran, afin de faciliter
l’information du public et les consultations censées faire connaître les vues et les
recommandations du plus grand nombre possible d’Afghans. Les consultations
publiques ont commencé dans les 32 provinces le 6 juin, après environ un mois de
campagne de sensibilisation. À mi-chemin du processus de consultation, la MANUA
a relevé notamment les tendances préliminaires suivantes : une volonté affirmée de
voir la Constitution adhérer à des principes islamiques ; un appui massif en faveur
d’un gouvernement disposant de ressources et de pouvoirs suffisants pour faire
respecter le régime de droit et défendre les droits de l’homme ; et un consensus
autour du principe d’une scolarisation gratuite et obligatoire jusqu’à la sixième
année pour les garçons et pour les filles. Des différences régionales sont apparues,
notamment en ce qui concerne la structure de l’État. Certains, dans le nord -
particulièrement les Ouzbeks -, se prononcent en faveur du fédéralisme, tandis
qu’ailleurs dans le pays, on souscrit à un gouvernement central fort. Dans le sud-est
et le sud, on soutient aussi assez résolument le rétablissement d’une monarchie
constitutionnelle. La Commission devrait livrer une analyse définitive des
consultations à leur conclusion prévue pour le 31 juillet 2003.

12. Les conditions de sécurité qui prévalent dans le pays ont constamment pesé
dans l’organisation des consultations publiques et la planification de la Loya Jirga
constitutionnelle. La MANUA et la Commission constitutionnelle sont convenues de
la présence d’observateurs des Nations Unies, y compris le personnel électoral de la
MANUA, lors des consultations, afin de renforcer le sentiment de sécurité chez les
participants, ainsi que la transparence et la légitimité du processus. En outre,
50 agents du Ministère de l’intérieur ont été affectés aux équipes de la Commission.
Le processus de consultation a été revu et amélioré afin d’encourager la tenue de
débats publics constructifs avant la publication du projet de Constitution en
septembre 2003 et d’éviter autant que possible que certains n’essaient d’influencer
injustement l’issue des discussions. Il est arrivé que des participants se sentent
obligés de s’exprimer dans le sens indiqué par les autorités locales mais, jusque-là,
on n’a signalé aucun cas flagrant d’intimidation ou de violence politique en rapport
avec les consultations. Du fait des préoccupations liées aux conditions de sécurité,
les consultations se sont déroulées uniquement dans les 32 capitales provinciales.

13. Le Président Karzai devrait bientôt publier un décret de convocation de la
Loya Jirga constitutionnelle, appelée à se réunir en octobre sous la supervision du
secrétariat de la Commission constitutionnelle. Le décret précisera le règlement
intérieur, notamment les critères de composition, d’élection et de sélection des
délégués, ainsi que les dispositions relatives à leur sécurité.

Processus électoral

14. L’organisation des élections nationales prévues par l’Accord de Bonn
constituera la plus grande opération à caractère politique jamais entreprise en
Afghanistan, les dispositions nécessaires étant prises pour toucher quelque
10 millions d’électeurs. L’échéance de juin 2004 fixée par l’Accord de Bonn est
extrêmement proche et donne lieu à des complications liées à l’environnement
culturel, géographique et politique et aux conditions de sécurité dans lesquelles
l’élection doit se dérouler ; trop de zones sont actuellement inaccessibles en raison
du manque de sécurité. En hiver, une bonne partie du pays est inaccessible. Il faut
aussi veiller à ce que les nomades et les réfugiés qui rentrent chez eux puissent
s’inscrire sur les listes électorales. En outre, une décision doit être prise au sujet des
nombreux réfugiés qui se trouvent toujours au Pakistan et en République islamique
d’Iran. La fin de l’été devrait voir le lancement d’une grande campagne de
sensibilisation, qui permettra d’informer les Afghans de l’importance des élections,
des critères de participation au scrutin et de leurs droits au regard du processus
d’inscription. Dans le souci de favoriser la participation des femmes à ce processus
politique, particulièrement dans les zones rurales, et notamment d’assurer leur
inscription sur les listes, il est prévu de faire appel à des modalités culturellement
adaptées, telles que le recours à des femmes pour enregistrer les inscriptions et à des
installations séparées.

15. Le 16 mai 2003, des crédits additionnels de 12 328 000 dollars ont été
approuvés pour la période se terminant le 31 décembre 2003, au titre de la formation
du Groupe des élections au sein de la MANUA. Le recrutement des consultants et
du personnel électoral essentiel est en cours ; les premiers agents électoraux
régionaux, chargés de recueillir des informations destinées à l’optimisation du plan
d’inscription des électeurs, ont été affectés. À la mi-août, le Groupe des élections
devrait comprendre 39 volontaires internationaux, 112 volontaires nationaux et
32 Volontaires des Nations Unies, qui seront affectés dans huit régions pour y
procéder à l’inscription des électeurs. Une proposition relative au projet
d’organisation des élections, assortie des coûts à imputer aux contributions
volontaires, a été mise au point le 10 juin 2003 avant d’être soumise aux donateurs.
Le budget du processus d’inscription envisagé, qui devrait se dérouler d’août 2003 à
avril 2004, est estimé à 122 millions de dollars, compte étant tenu de l’évolution des
conditions de sécurité et du calendrier de tenue de l’élection.

16. La planification logistique et la budgétisation de l’élection ont été établies en
partant de l’hypothèse que l’ONU prendrait en charge le processus d’inscription sur
les listes électorales. Toutefois, à l’issue d’échanges avec la MANUA,
l’Administration de transition afghane a indiqué qu’avant la fin du mois d’août elle
mettrait en place une commission électorale afghane intérimaire. La Commission
intérimaire siègera au sein d’un organe mixte d’administration des élections, avec
des homologues des Nations Unies, et assumera l’essentiel des responsabilités en
matière d’organisation et de tenue des élections, grâce à un important effectif
national chargé de l’inscription des électeurs. Cette option permettra de réduire la
dépendance vis-à-vis de l’ONU, de renforcer la viabilité de l’institution électorale et
de limiter l’enveloppe budgétaire consacrée au processus électoral.

17. Au cours des semaines à venir, le Président Karzai devrait promulguer la
nouvelle loi sur les partis politiques, autre important préalable à l’élection. La loi
réaffirme le droit de tous les citoyens afghans à participer à des regroupements non
armés et à former des partis politiques répondant à des normes minima de
composition et respectant les principes de la non-violence et de l’indépendance vis-à-
vis des factions militaires. La loi délègue la supervision du processus
d’enregistrement des partis au Ministère de la justice.

18. En définitive, le respect du calendrier de l’élection et la mise en place de
conditions de sécurité propices à la tenue d’un scrutin libre et juste supposent un
partage des responsabilités entre le Gouvernement, l’ONU et la communauté
internationale. Il existe en Afghanistan une petite minorité hostile à la paix et au
gouvernement actuel, qui pourrait tenter d’entraver le processus électoral. La
sécurité revêt donc une importance cruciale, qu’il s’agisse de la sûreté du personnel
électoral ou de la faculté de participer librement au scrutin. L’impossibilité
d’accéder ne serait-ce qu’à quelques districts clefs, comme c’est le cas actuellement,
compromettrait l’ensemble du processus.

Réforme du secteur judiciaire

19. Le rétablissement du régime de droit en Afghanistan est essentiel au bon
déroulement du processus de paix. Sans une réforme des institutions judiciaires, le
cadre juridique propice au règlement des différends ne pourra pas s’ancrer
durablement ; les auteurs d’infractions qui détiennent des armes continueront de
jouir de l’impunité, les citoyens seront privés de justice et la confiance des
investisseurs internationaux ne se rétablira pas. La réforme du secteur judiciaire ne
s’est pas effectuée sans mal. Dans un pays où la loi du fusil règne en maître depuis
plus de deux décennies, le secteur judiciaire, qui a probablement été plus ébranlé
que toute autre structure de l’État, ne se reconstituera que lentement. Pour mieux
définir les orientations, il faudra, d’une part, préciser les attributions de la
Commission de la réforme judiciaire et, d’autre part, conférer aux institutions
judiciaires permanentes un rôle plus important dans le processus de prise de
décisions. La Loya Jirga, qui doit se réunir en octobre 2003, devrait prendre toutes
les dispositions utiles concernant le secteur judiciaire et particulièrement le
ministère public.

20. La Commission de la réforme judiciaire a toutefois accompli des progrès dans
les domaines de la remise en état de l’infrastructure et de la formation. Elle a ainsi
achevé, le 1er juin 2003, une enquête sur le secteur judiciaire dans 10 provinces
(Baghlan, Bamyan Gardez, Herat, Jalalabad, Kaboul, Kandahar, Kunduz, Mazar-e
Charif et Takhar), qui fournira les éléments nécessaires à la définition des priorités
en matière de planification et de réhabilitation. Trois programmes de formation sont
actuellement proposés aux juges, aux procureurs, aux avocats et aux juristes. Les
participants à ces programmes y étudient le droit comparé, le Code civil et le Code
pénal, les codes de procédure civile et pénale, les traditions nationales, les normes
internationales et les droits de l’homme. La révision des textes a été engagée dans
les domaines du droit pénal, du code de procédure pénale et de l’administration des
institutions judiciaires. À Kaboul, la remise en état de l’infrastructure judiciaire de
l’État a été entreprise avec le concours de l’Italie, nation chef de file pour la réforme
judiciaire, et des États-Unis d’Amérique. Dans le contexte de la transition fragile
que l’Afghanistan a entamée sur le chemin de la paix, la réforme du secteur
judiciaire ne peut être dissociée de la sécurité - et donc d’une réforme concomitante
touchant l’armée, la police et le système pénitentiaire - ou du désarmement, de la
démobilisation et de la réinsertion.

III. Questions de sécurité

A. Situation d’ensemble

21. De manière générale, la sécurité en Afghanistan demeure fragile et on observe
des signes de détérioration dans de nombreuses régions. Pendant la période
considérée, les tensions locales entre factions rivales au nord du pays ont pris un
tour tragique. Aux mois de juin et juillet derniers, des affrontements ont éclaté à
plusieurs reprises entre les forces du Junbish du général Abdulrashid Dostum et
celles du Jamiat d’Ustad Atta Mohammed, dans les provinces de Balkh, Samangan
et Sari Pul, amenant les responsables respectifs de ces deux factions à intervenir
directement. Le déclenchement des hostilités entre les factions du Wahdat-Mohaqiq
et du Jamiat, le 16 mai, à Mazar-e Charif, a eu un impact plus direct sur les
organismes des Nations Unies. Le conflit s’est en effet soldé par la mort du
représentant du gouvernement local chargé de coordonner les questions de sécurité
avec les Nations Unies et de l’un des chefs de la police et a conduit à la suspension
des activités de l’Organisation des Nations Unies dans la ville pendant quatre jours.
L’application des accords de cessez-le-feu conclus à Mazar-e Charif et à Maymana,
dans la province de Faryab, sous l’égide de la Commission de sécurité mixte pour le
nord et de la MANUA, a été grandement facilitée par le déploiement d’agents de
police venus de Kaboul. Il n’y a néanmoins pas de solution évidente aux tensions
entre factions qui déchirent le nord du pays, même si l’intervention personnelle des
factions du Jamiat et du Junbish, lors du conflit qui a éclaté dans la province de
Sari-Pul à la fin du mois de juin, constitue un signe encourageant.

22. Le Gouverneur d’Herat a répété à maintes reprises qu’il était hostile à toute
tentative du gouvernement central d’étendre son autorité et a réprimé
systématiquement toute forme d’opposition politique, ce qui est symptomatique des
difficultés rencontrées par le gouvernement central dans ses relations avec les
gouverneurs et les responsables locaux. Le 23 juin 2003, deux soldats américains de
la coalition ont été tués et quatre autres blessés lors d’un premier accrochage avec
les forces militaires afghanes loyales à Ismael Khan. Ces attaques sont survenues
dans un climat de tension entre les forces loyales à Ismael Khan et celles
d’Amanullah Khan. La tentative d’assassinat, au début du mois de juin, d’Aziz
Ludin, nommé Gouverneur d’Herat par le gouvernement central, ne laisse d’être
préoccupante. Il est crucial que le gouvernement central fasse répondre de leurs
actes les auteurs de cet incident, faute de quoi toute tentative future visant à étendre
et à consolider son autorité pourrait être condamnée à l’échec.

23. Le long des frontières septentrionale et orientale de l’Afghanistan, des
terroristes réputés proches des Taliban, d’Al-Qaida et d’Hekmatyar ont intensifié
leurs activités. Ces derniers mois, les forces de la coalition et de l’Armée nationale
afghane (ANA) opérant dans la région se sont heurtées à plusieurs reprises à des
groupes armés hostiles au Gouvernement. Les forces militaires américaines et
afghanes ont essuyé plusieurs attaques à la roquette dans les provinces de Khost et
Paktya. La Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) a subi, le 7 juin
2003, l’attaque la plus mortelle qu’elle ait connue au cours de ses 18 mois
d’activité : un attentat-suicide à la voiture piégée a été perpétré contre un bus
transportant des soldats allemands de la FIAS, provoquant la mort de quatre soldats
et d’un passant et blessant 29 autres personnes.

24. Depuis trois mois, les attaques contre les organismes d’assistance sont de plus
en plus nombreuses et mettent en danger le personnel international et national. En
mars, un expatrié du Comité international de la Croix-Rouge a été assassiné dans la
province d’Uruzgan. Il s’agissait du premier meurtre d’un étranger travaillant pour
un organisme d’assistance en Afghanistan depuis 1998. Le même mois, des
individus armés ont tué un ressortissant italien dans la province de Zabul. Plusieurs
véhicules et locaux de l’Organisation des Nations Unies et d’organisations non
gouvernementales ont été la cible de tirs isolés et d’attaques à la grenade. Pendant la
période considérée, après une série d’attaques mortelles contre des démineurs
afghans, le Centre de coordination de la lutte antimines des Nations Unies en
Afghanistan a dû suspendre toutes ses activités de déminage dans 10 provinces :
Gardez, le sud de Ghazni, Helmand, Kandahar (en zone périurbaine de la ville de
Kandahar), Khost, Nimroz, Paktika, Paktya, Uruzgan et Zabul. À l’heure actuelle,
60 des 165 districts du sud et du sud-est du pays sont considérés comme des zones
de risque moyen à élevé. Il s’agit pour la plupart de districts frontaliers. Face à cette
situation, l’Organisation des Nations Unies a dû imposer de sévères restrictions aux
déplacements par route dans une bonne partie de la région. Dans la ville de
Kandahar et ses environs immédiats, l’Organisation des Nations Unies a pu
poursuivre ses opérations sans restrictions majeures. Cependant, dans de larges
zones au sud, le personnel de l’Organisation doit opérer avec une escorte armée
fournie par les autorités afghanes. L’Organisation fait tout son possible pour
continuer ses activités dans ces régions, mais les précautions de sécurité limitent la
capacité de la communauté internationale d’exécuter les programmes et de soutenir
le processus de paix. De fait, il semble bien que l’objectif des attaques soit d’amener
la communauté internationale à battre en retraite et ainsi de déstabiliser le
Gouvernement.

B. Réforme du secteur de la sécurité et conséquences
de l’insécurité

25. Comme mon Représentant spécial l’a indiqué dans l’exposé qu’il a présenté
devant le Conseil de sécurité au mois de mai, le manque de sécurité demeure le
problème le plus grave auquel se heurte le Processus de Bonn. L’instauration de la
sécurité en Afghanistan est la condition sine qua non du bon déroulement des
élections, du succès des efforts de reconstruction et de développement et de
l’établissement de l’état de droit. Le climat de danger actuel compromet
sérieusement le processus de paix. À terme, il appartient aux institutions nationales
de faire face aux besoins de l’Afghanistan en matière de sécurité, mais pour l’heure,
il est crucial que l’assistance à la sécurité de la communauté internationale ne se
limite pas à Kaboul.

Désarmement, démobilisation et réinsertion des ex-combattants

26. La mise en place des institutions chargées de la sécurité, notamment d’une
armée et d’une police nationales efficaces, dépend du succès des opérations de
désarmement, de démobilisation et de réinsertion. Dans le cadre du programme
Nouveau départ pour l’Afghanistan, les combattants des différentes factions
politiques doivent remettre leurs armes au gouvernement central, sous l’autorité du
Ministère de la défense. Un décret présidentiel doit être promulgué à cet effet.
Cependant, étant donné le climat actuel, il est peu probable que les groupes armés
acceptent de s’en remettre, pour leur sécurité, à une institution gouvernementale
dont ils considèrent qu’elle ne défend pas les intérêts de la nation, mais ceux de
certaines factions.

27. Le lancement du programme de désarmement, initialement prévu pour le
1er juillet 2003, a donc été reporté en attendant l’application d’un ensemble de
réformes au sein du Ministère de la défense. Ces mesures, qui visent à instaurer un
climat de confiance, concernent notamment la restructuration de la direction du
Ministère et la nomination à des postes clefs de personnes censées représenter la
diversité politique, régionale et ethnique du pays, la sélection des officiers
supérieurs du Corps central, la mise en place d’un système de recrutement dans
l’armée nationale qui soit ouvert à tous les citoyens afghans remplissant les
conditions requises et la mise au point d’un système de sélection des officiers fondé
sur le mérite. Ces mesures devraient conférer un caractère davantage représentatif
au Ministère de la défense et faciliter l’application des réformes annoncées dans le
décret présidentiel du 1er décembre 2002. Il est essentiel qu’elles soient mises en
oeuvre sans plus tarder pour garantir l’efficacité du programme de désarmement
élaboré par l’Administration de transition afghane, le Gouvernement japonais et la
MANUA.

28. La première phase du programme de désarmement, de démobilisation et de
réinsertion consiste en un projet pilote visant à désarmer un millier d’ex-combattants
dans chacune des six localités suivantes : Bamyan, Gardez, Kaboul,
Kandahar, Kunduz et Mazar-e Charif. Les enseignements qui auront ainsi été tirés
de la phase pilote seront mis à profit pour la phase principale du programme
Nouveau départ pour l’Afghanistan, à savoir le désarmement des 94 000 autres ex-combattants,
qui commencera le plus tôt possible. Les bureaux régionaux du
programme appuieront le processus de désarmement. Les préparatifs sont déjà en
cours à Bamyan, Gardez, Kandahar et Kunduz.

Armée nationale afghane

29. Sous la supervision des États-Unis d’Amérique, neuf bataillons de l’Armée
nationale afghane, comptant 6 500 soldats au total, ont été constitués. À terme, les
forces afghanes devraient compter 70 000 hommes. Le Corps central a déployé six
bataillons d’infanterie des deux brigades d’infanterie et un bataillon d’infanterie de
la brigade d’intervention rapide, qu’il est prévu de transformer en une brigade
aéromobile. La formation de base du bataillon mécanisé de la brigade d’intervention
rapide s’est achevée au début du mois de juin 2003. Même si les brigades ne sont
pas encore opérationnelles, des activités de formation sont en cours pour que la
première brigade d’infanterie soit prête d’ici à octobre 2003, afin d’assurer la
sécurité lors de la Loya Jirga constitutionnelle. Les premiers déploiements d’unités
de l’Armée nationale afghane ont créé une impression favorable chez les Afghans,
qui ont pu constater la discipline et le professionnalisme des soldats de la nouvelle
armée.

Réforme de la police et du système pénitentiaire

30. Le 6 avril 2003, le Président Karzai a publié un décret présidentiel relatif à la
restructuration du Ministère de l’intérieur et à la création d’une police nationale
composée de 50 000 agents de police et 12 000 gardes frontière. Cette
réorganisation entraîne la séparation de l’administration provinciale du Ministère et
de la police, l’établissement d’une chaîne hiérarchique claire, jusqu’au niveau du
district, pour toutes les forces de police, et un renforcement des compétences de la
police, sous la supervision du Ministère de l’intérieur. Le Ministère de l’intérieur a
conçu un ambitieux programme sur cinq ans en vue de la création d’un service de
police national. À la fin du mois, au terme d’une année de formation dans le cadre
du programme allemand de soutien à la police, un premier groupe de soldats
recevront le grade de sous-officier. En complément de cette initiative allemande, les
États-Unis ont lancé, le 18 mai, un programme de formation d’instructeurs à Kaboul
à l’intention de 100 policiers afghans qui seront déployés dans les provinces pour y
animer des stages de formation de deux mois. À Kaboul, par ailleurs, 200 agents de
police ont pu suivre un stage intermédiaire de deux semaines à partir du 28 juin. Le
PNUD contribue depuis un an au paiement des salaires des agents de police par
l’intermédiaire du Fonds d’affectation spéciale pour l’ordre public, approvisionné
par le Fonds d’affectation spéciale pour la reconstruction de l’Afghanistan et par des
donateurs. Les ressources font cruellement défaut et il est urgent que les donateurs
versent des contributions au Fonds d’affectation spéciale pour l’ordre public. Ainsi,
alors que 120 millions de dollars ont été demandés, les promesses de dons ne
représentent que 40 millions de dollars. Le montant effectivement versé est encore
bien inférieur. Pourtant, sans ces ressources, il est impossible de fournir le matériel
de base et de payer les salaires. Dans ces conditions, la capacité de la police de
mener à bien sa tâche se voit limitée, ce qui favorise la corruption.

31. Le 30 avril 2003, le Ministère de l’intérieur a créé en son sein un département
autonome des droits de l’homme. Des structures analogues seront mises en place
dans tous les services provinciaux de la police afin d’y surveiller le respect des
droits de l’homme au sein de la police nationale et de se pencher sur les abus
signalés. La Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan
soutient le nouveau département en mettant temporairement du personnel à sa
disposition et en organisant des ateliers sur les droits de l’homme à l’intention des
membres de la police.

32. Le 31 mars, le Président Karzai a publié un décret en vertu duquel la
responsabilité des services carcéraux, jusqu’alors assumée par le Ministère de
l’intérieur, devait être transférée au Ministère de la justice dans un délai de trois
mois. Ce processus est en cours, mais plusieurs problèmes ayant trait au transfert
des fonds et des avoirs n’ont toujours pas été réglés. La situation devrait évoluer
plus rapidement grâce à l’accord conclu le 17 mai entre le Ministère de la justice et
l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur le lancement
d’un programme de deux ans pour la réforme du système pénitentiaire en
Afghanistan.

Lutte contre les stupéfiants

33. À sa 4774e séance, le 17 juin 2003, le Conseil de sécurité a examiné la menace
constituée par le trafic illicite de drogues en provenance d’Afghanistan et formulé
plusieurs propositions portant sur l’amélioration de la situation sur le plan de la
sécurité et la réforme du secteur de la sécurité, l’offre d’une assistance financière et
technique continue, la promotion d’un respect mutuel entre l’Afghanistan et les pays
voisins, l’adoption, à l’échelle internationale, d’une approche globale pour lutter
contre les drogues illicites, et en particulier la coopération entre les pays touchés, et
la coordination de toutes les activités de lutte contre les stupéfiants en Afghanistan
par l’entremise de la nation chef de file. Les activités spécifiques que mènent
l’Organisation des Nations Unies et ses États Membres en faveur de la sécurité et de
la reconstruction, notamment le désarmement, la réforme du secteur de la sécurité et
la mise en place des équipes provinciales de reconstruction, ainsi que la promotion
de relations internationales harmonieuses, font l’objet de développements séparés
dans le présent rapport.

34. Pendant la période considérée, le Gouvernement a pris plusieurs mesures pour
lutter contre les stupéfiants illicites. En mai 2003, le Président Karzai a approuvé la
Stratégie nationale de lutte contre les stupéfiants formulée par la Direction de la
lutte contre les stupéfiants, l’organisme gouvernemental de référence, avec l’aide du
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, pays chef de file dans la
lutte contre les stupéfiants, et de l’ONUDC. La Direction de la lutte contre les
stupéfiants collabore étroitement avec les administrations provinciales dans le cadre
de la campagne gouvernementale d’éradication de la culture du pavot à opium. Les
efforts déployés pour éliminer les cultures ont eu des effets notables dans les
provinces d’Helmand, de Kandahar, de Nangarhar et d’Uruzgan, qui comptent parmi
les principales zones de culture. La Conférence ministérielle sur les routes de la
drogue de l’Asie centrale à l’Europe, qui s’est tenue en mai 2003, a donné un
nouveau souffle aux efforts de coordination des pays touchés par les drogues en
provenance d’Afghanistan. Dans ses conclusions finales, la présidence a encouragé
tous les pays à adopter des stratégies nationales pour réduire l’offre et la demande et
à désigner un seul organisme chef de file pour coordonner la politique nationale
dans ce domaine.

Équipes provinciales de reconstruction

35. La MANUA travaille en étroite collaboration avec les équipes provinciales de
reconstruction mises en place à l’extérieur de Kaboul par la coalition dirigée par les
États-Unis. Ces équipes peuvent contribuer de manière significative à l’amélioration
de la sécurité en offrant leurs bons offices, en établissant un climat de confiance, en
aidant le Gouvernement à étendre son autorité et en préparant le terrain pour ce qui
est de la formation et de la mise en place des nouvelles institutions nationales
chargées de la sécurité. Le déploiement rapide d’unités de l’Armée nationale
afghane à Bamyan et Gardez a bien montré le rôle positif que peuvent jouer les
équipes provinciales de reconstruction en familiarisant les forces avec le concept
d’action civique et en contribuant ainsi à l’amélioration de la sécurité. On s’emploie
par ailleurs à appliquer divers programmes de bonne gouvernance tels que, par
exemple, la nomination de nouveaux administrateurs civils, la réforme de l’armée,
la formation de la police et des mesures d’appui au pouvoir judiciaire. Toutefois,
sous leur configuration actuelle, les équipes provinciales de reconstruction ne
peuvent satisfaire pleinement les besoins de l’Afghanistan en matière de sécurité.

36. Plusieurs États se sont engagés à déployer de nouvelles équipes provinciales
de reconstruction ou ont manifesté leur intérêt à ce sujet. Au mois de juillet dernier,
le Royaume-Uni a constitué à Mazar-e Charif une équipe qui met l’accent sur la
réforme du secteur de la sécurité, ce qui devrait contribuer à la stabilisation de la
situation au nord du pays. La Nouvelle-Zélande a annoncé son intention de succéder
aux États-Unis à la tête de l’équipe de Bamyan. L’Allemagne a par ailleurs
récemment accompli une mission de reconnaissance pour étudier la possibilité de
déployer une équipe à Herat. Compte tenu de ces différents projets de déploiement,
les États-Unis envisagent quant à eux d’envoyer des équipes à Jalalabad et
Kandahar.

C. La Force internationale d’assistance à la sécurité
sous le commandement de l’OTAN

37. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a annoncé le 16 avril
2003 qu’elle prendrait le commandement de la FIAS à la suite de l’Allemagne et des
Pays-Bas au mois d’août 2003. Cette décision répond à la demande de plusieurs
États participant à la FIAS. Le commandement de l’OTAN devrait constituer un
facteur de stabilité pour la Force, dans la mesure où il ne sera plus nécessaire de
trouver un nouveau pays chef de file tous les six mois. L’OTAN a tenu plusieurs
réunions constructives avec l’ONU afin de préparer ce passage du témoin, qui doit
avoir lieu le 11 août 2003. La FIAS continuera d’opérer dans le cadre du mandat qui
lui a été confié par le Conseil de sécurité dans ses résolutions 1386 (2001), 1413
(2002) et 1444 (2002). L’insécurité est une véritable menace pour le Processus de
Bonn et il est donc essentiel que l’aide de la communauté internationale permette
d’assurer la sécurité également en dehors de Kaboul, ce qui comblera le vide
sécuritaire dans les régions. Il ne s’agit pas de procéder à l’imposition de la paix à
l’échelle du pays tout entier, mais plutôt d’accomplir dans les principales villes des
déploiements stratégiques suffisants pour permettre le bon déroulement des
processus politiques de Bonn, l’extension de l’autorité gouvernementale et
l’instauration plus rapide des structures nationales qui permettront de faire régner la
sécurité.

D. Relations internationales

38. Face à de possibles infiltrations sur le territoire de forces opposées à
l’Administration de transition et dans le souci d’apaiser les tensions fortes qui
règnent généralement entre l’Afghanistan et le Pakistan, le Président Karzai a
rencontré le Président Musharraf les 22 et 23 avril 2003. Le 17 juin, l’Afghanistan,
le Pakistan et les États-Unis ont créé une commission chargée de déterminer
l’origine des attaques transfrontières et de trouver des solutions acceptables pour les
deux parties. Le rythme des patrouilles s’est intensifié des deux côtés de la frontière.
À cet égard, il faut encourager les deux pays à trouver des solutions communes à
leurs problèmes communs. Au début du mois de juillet, des déclarations de
responsables afghans et pakistanais se sont soldées par un accroissement des
tensions et un regain d’inquiétude. Le 8 juillet, les bâtiments de l’ambassade du
Pakistan à Kaboul ont été gravement endommagés à la suite d’une manifestation. La
seule issue à ces problèmes consiste à ce que les deux parties s’efforcent de se
rapprocher et de resserrer les liens qui les unissent. L’amélioration des relations de
l’Afghanistan avec le Pakistan et, en fait, avec tous ses autres voisins devrait avoir
un impact positif non seulement sur la sécurité régionale, mais aussi sur
l’intégration économique régionale. À cet égard, il faut saluer les efforts déployés
par les États signataires de la Déclaration de Kaboul sur les relations de bon
voisinage (voir S/2002/1416, annexe) et encourager le lancement de nouvelles
initiatives diplomatiques et économiques.

E. Questions relatives aux droits de l’homme

Situation générale dans le domaine des droits de l’homme

39. La situation des droits de l’homme demeure extrêmement préoccupante en
Afghanistan. L’absence d’un régime de droit facilite les abus de pouvoir, dont se
rendent généralement coupables les chefs locaux et les factions, tandis que les taxes
illégales et les extorsions, les déplacements forcés, les enlèvements, les viols, les
détentions arbitraires et autres violations des droits de l’homme sont monnaie
courante. La situation des femmes laisse toujours à désirer. Faute d’un appareil
judiciaire et d’institutions de maintien de l’ordre dotés de ressources suffisantes et
d’un personnel convenablement formé, les victimes n’ont aucun recours légal et les
coupables peuvent agir en toute impunité. Pour protéger et promouvoir les droits de
tous les Afghans, il est indispensable de renforcer les capacités des institutions
nationales de défense des droits de l’homme et surtout d’améliorer la sécurité sur
l’ensemble du territoire.

40. La possibilité pour les citoyens de débattre ouvertement est la condition même
de l’émergence d’un gouvernement pluraliste et revêt une importance toute
particulière à la veille du processus de consultation constitutionnelle et des
élections. Signe positif, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la
presse, le Président a créé une commission chargée de la protection des journalistes.
Néanmoins, les journalistes ont continué de subir des menaces et des tentatives
d’intimidation pendant la période considérée, en particulier à Herat, où le
gouvernement local semble décidé à museler toute forme d’opposition, mais aussi à
Kaboul et à Mazar-e Charif. Le 17 Juin 2003, la Cour suprême a ordonné la
fermeture de l’hebdomadaire afghan Aftab et l’arrestation du rédacteur en chef et du
rédacteur en chef adjoint pour diffamation de l’islam. Une modification de la loi
relative à la presse afghane s’impose, en particulier pour ménager un espace
d’expression politique dans le contexte de la campagne électorale de l’année
prochaine. La mainmise de l’État sur la radio et la télévision devra également être
corrigée de manière à ce que les partis politiques indépendants puissent s’exprimer
sur les ondes.

La Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan

41. Le 18 mai 2003, la Commission indépendante des droits de l’homme en
Afghanistan est venue à bout de son projet d’expansion à l’intérieur du pays. Sept
antennes sont désormais pleinement opérationnelles. Grâce à ces bureaux, la
Commission pourra mieux suivre la situation des droits de l’homme dans le pays
dans le cadre du processus de consultation constitutionnelle et des premiers
préparatifs pour les élections de l’année prochaine. Le personnel de la Commission
entretient de bonnes relations de travail avec celui des bureaux de zones de la
MANUA. Des activités conjointes de suivi et d’enquête sur les violations des droits
de l’homme sont menées dans toutes les régions, ainsi que des activités
d’information et de sensibilisation.

42. Créé dans le cadre du processus de consultation sur le budget de
développement national et présidé par la Commission indépendante des droits de
l’homme en Afghanistan, le Groupe consultatif sur les droits de l’homme organise
des réunions mensuelles à l’occasion desquelles les représentants de
l’Administration de transition, de la communauté des donateurs, de l’Organisation
des Nations Unies et des organisations non gouvernementales peuvent examiner
ensemble les questions relatives aux droits de l’homme et coordonner leurs activités.
Les membres du Groupe consultatif ont établi des critères pour la prise en compte
des questions relatives aux droits de l’homme dans les différents ministères, formulé
des recommandations quant à la mise en place d’un mécanisme de définition des
responsabilités au sein de la police et examiné les questions relatives à la protection
des personnes déplacées et des réfugiés. Le Groupe accueille par ailleurs des débats
sur les moyens de faire en sorte que les consultations constitutionnelles se déroulent
dans un environnement exempt de toute tentative d’intimidation.

F. Questions liées à la situation des femmes

43. Les femmes sont pleinement conscientes qu’il est essentiel qu’elles participent
aux processus politiques à venir dans le cadre de la Loya Jirga constitutionnelle et
des élections nationales. Le Ministère de la condition de la femme, le Ministère
d’État, les organisations non gouvernementales de femmes et les militants des droits
de la femme se sont réunis à plusieurs reprises en vue d’assurer la contribution et la
participation des femmes à ces processus. Le Ministère de la condition de la femme
et UNIFEM ont organisé des ateliers et des réunions sur les femmes et la réforme
juridique. La MANUA a par ailleurs tenu une série de réunions sur le rôle des
femmes dans les processus de réforme constitutionnelle et juridique. La MANUA et
UNIFEM ont également collaboré avec le Groupe juridique afghan des droits de
l’homme à l’organisation d’une conférence sur les droits des femmes, le droit et la
justice, à laquelle ont participé des juges et des défenseurs des droits de la femme
venus d’Inde, d’Indonésie, de Malaisie et du Pakistan, ainsi que des représentants de
la Loya Jirga, des avocates et des juges afghanes et des membres des médias et de la
société civile.

44. La nécessité d’assurer la participation des femmes a été prise en compte lors
de la conception du processus de sélection/élection de la Loya Jirga
constitutionnelle. Les femmes sont correctement représentées dans la Commission et
le secrétariat. Des réunions se sont tenues entre ces deux organes, le Ministère de la
condition de la femme et des représentantes des femmes, notamment de la Loya
Jirga d’urgence, pour examiner les besoins des femmes et leurs préoccupations dans
le cadre de ce processus. Les représentantes des femmes dans la Loya Jirga
d’urgence ont également créé une choura pour faire valoir les préoccupations des
femmes dans le cadre du processus politique et de la reconstruction. Les
organisations et réseaux de femmes ont participé activement aux activités
d’éducation civique sur le processus de la Loya Jirga en Afghanistan.

45. La ratification par l’Afghanistan de la Convention sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 4 avril 2003, a donné un
nouvel élan à la défense des droits fondamentaux de la femme et à la promotion de
leur participation aux futurs processus politiques sur un pied d’égalité avec les
hommes.

IV. Secours, relèvement et reconstruction

A. Réfugiés et personnes déplacées

46. Le nombre des rapatriements a nettement diminué cette année selon le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) mais connaît depuis le
premier trimestre 2003 une augmentation rapide qui annonce le début des
rapatriements de l’été. À la fin du mois de juin, le nombre des rapatriés était
supérieur à 250 000, et du début de l’année jusqu’à ce jour, plus de 173 000 Afghans
ont reçu une assistance au titre de leur rapatriement. Au début de juin, le nombre
total des personnes qui avaient été rapatriées depuis le début des rapatriements en
2002 dépassait les 2 millions.

47. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et
l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont aidé 30 000 personnes
déplacées à retourner dans leur lieu d’origine, mais les 300 000 personnes déplacées
se trouvant encore dans les camps et les zones d’installation de réfugiés,
principalement à Helmand et à Kandahar, n’ont pu rentrer chez elles en raison de la
persistance de la sécheresse et de l’insécurité.

48. Le 16 juin 2003, l’Afghanistan, la République islamique d’Iran et le HCR ont
signé un accord commun touchant le rapatriement librement consenti des réfugiés
afghans, qui fait suite à l’accord de rapatriement signé à Genève en 2002 et prévoit
le rapatriement graduel d’un million d’Afghans à partir de la République islamique
d’Iran au cours des deux années à venir. Cet accord et un accord analogue signé
avec le Pakistan fournissent à l’Afghanistan et aux principaux pays d’accueil un
cadre général sur lequel ils pourront s’appuyer pour procéder au rapatriement
librement consenti et graduel des réfugiés au cours des deux ou trois prochaines
années.

B. Santé et nutrition

49. Le 20 mai 2003, l’Afghanistan a observé une journée nationale d’unité pour
les enfants, pour faire connaître les résultats qu’il a obtenus ces 18 derniers mois en
matière de santé et d’éducation des enfants. Cette journée coïncidait avec le
lancement de la campagne d’enregistrement de la naissance des enfants de moins de
1 an par le Ministère de l’intérieur, qui bénéficiait à ce titre de l’appui du Ministère
de la santé et de l’UNICEF, et avec les journées nationales de vaccination, qui se
sont échelonnées du 20 au 22 mai. Le but immédiat de l’enregistrement des
naissances était de recueillir, sur 230 000 des quelque un million d’enfants de moins
de 1 an, que le programme doit plus tard toucher, les informations de base
permettant de les faire vacciner et de les scolariser à l’âge qui convient, de faire
valoir leurs droits aux services de base et de les protéger d’une adoption illégale ou
de la traite.

50. Les journées nationales de vaccination ont donné de très bons résultats. Le
pourcentage d’enfants vaccinés contre la rougeole a été de 94 % dans tout le pays et
le pourcentage de femmes en âge de procréer vaccinées contre le tétanos de 95 %.
Le personnel chargé de la vaccination contre le tétanos était constitué à plus de
80 % par des femmes, dont certaines étaient analphabètes. Depuis la dernière série
de vaccinations contre la poliomyélite, en décembre 2002 (voir A/57/762-S/
2003/333, par. 54), aucun cas confirmé de poliomyélite n’a été signalé.

51. La grande majorité de la population rurale ne bénéficie toujours pas de
services de santé, même minimaux. Le Ministère de la santé s’emploie
prioritairement à lui ouvrir l’accès à des soins de santé primaires d’ici à la fin de
2003, dans le cadre d’un programme de prestations de santé de base appuyé par la
Banque mondiale, l’USAID, la Communauté européenne et l’UNICEF. Les
organisations non gouvernementales ont commencé à lui présenter des propositions
novatrices tendant à ce que des services de santé de base soient dispensés jusque
dans les provinces reculées. Afin de faire reculer la mortalité maternelle en
Afghanistan, qui est la plus élevée au monde, le Ministère met actuellement sur pied
dans chaque province, avec l’aide de l’UNICEF, de l’OMS et du FNUAP, un centre
de soins obstétriques d’urgence.

C. Reconstruction des routes

52. La reconstruction de l’infrastructure routière afghane devrait aider à relier les
provinces à la capitale, faciliter le commerce intérieur et extérieur, contribuer à
améliorer les relations avec les pays voisins et permettre à la population d’accéder
plus largement aux services sociaux. Afin de hâter la réalisation de ces objectifs
économiques, politiques et sociaux, la reconstruction de la route reliant Kandahar à
Kaboul, partie essentielle du réseau routier du pays, a été accélérée. Selon les
prévisions actuelles, si les conditions de sécurité le permettent, la phase I des
travaux (nivellement, colmatage des nids de poule, scellement des revêtements) sera
achevée d’ici à la fin de 2003. En juillet 2003, les États-Unis et le Japon ont
commencé à réparer six tronçons de route d’une longueur totale de 439 kilomètres.
Les États-Unis ont augmenté leur contribution à ce projet, qui est passée de
80 millions à 180 millions de dollars et sera versée tout au long de la durée des
travaux. Le Japon a versé une contribution de 25 millions de dollars et fourni
64 pièces de matériel lourd d’une valeur de 6,3 millions de dollars. La
reconstruction de la passe de Salang, qui relie le nord et le sud du pays, a commencé
en mai sous la supervision du Ministère des travaux publics.

V. Appui à la Mission

A. Appui administratif et opérationnel

53. Afin de mieux regrouper son personnel et celui des organismes des Nations
Unies opérant en Afghanistan, la MANUA a pris à bail un terrain de 18 hectares
dans la zone industrielle de Kaboul pour y installer le Centre opérationnel des
Nations Unies en Afghanistan (voir A/57/762-S/2003/333, par. 57). Elle y a remis en
état ou construit des bâtiments dans lesquels elle a transféré ses services chargés de
l’administration, de la sécurité et de la formation et installé un dispensaire médical,
un entrepôt et une cafétéria. Le transfert de ses services administratifs a été effectué
avant la date limite prévue du 31 mars 2003. De même, la Mission construit un
bâtiment destiné à abriter le programme Nouveau départ pour l’Afghanistan et qui
devrait être achevé en juillet 2003, et installe dans un complexe d’entrepôts voisin la
partie de son personnel qui est chargée des opérations électorales.

54. La Mission continue à convertir les postes d’agent recruté sur le plan
international en postes d’agent recruté sur le plan national afin de réduire au
maximum les effectifs du personnel international et d’étoffer ceux du personnel
national et, pour accélérer le processus, organise des cours d’anglais et dispense des
formations à l’établissement de rapports, à la communication interne et aux tâches
administratives. Des cours d’informatique sont prévus à partir de juillet 2003 à
l’intention du personnel de la Mission recruté sur le plan national.

55. Un nouveau fonds d’affectation spéciale pour la promotion du développement
économique et social de l’Afghanistan est en cours de création. On pourra y verser
des fonds pour financer des projets ne relevant pas des options de financement
actuelles.

B. Structure générale de la Mission d’assistance
des Nations Unies en Afghanistan

56. La MANUA révise actuellement ses mécanismes de gestion dans le cadre des
activités qu’elle mène pour harmoniser les travaux de ses composantes avec ceux de
l’équipe de pays des Nations Unies. Au cours de la première phase d’ajustement,
elle a placé sous l’autorité d’un seul chef de bureau le groupe du pilier affaires
politiques et le groupe du pilier secours, relèvement et reconstruction qui sont
chargés de la coordination sur le terrain, ce qui lui permet d’améliorer la conception
de ses politiques et de mieux en coordonner l’application. Le regroupement des
deux groupes en question dans le nouveau Groupe d’appui à la coordination sur le
terrain, qui relève du Bureau du Représentant spécial, lui permet aussi de
fonctionner plus efficacement et d’améliorer ses communications entre son siège et
le terrain et, par là même, de résoudre plus rapidement les questions revêtant une
importance cruciale et d’unifier son mode d’opération.

57. Le départ prochain du Représentant spécial adjoint, Nigel Fisher, a entraîné
une deuxième phase de révision des mécanismes de gestion, destinée à permettre à
la Mission de mieux intégrer ses activités d’assistance humanitaire, de relèvement et
de reconstruction et ses activités politiques et autres et de mieux les coordonner
avec celles des organismes des Nations Unies.

58. Dans sa résolution 1471 (2003), le Conseil de sécurité a approuvé
l’augmentation des effectifs du Groupe des conseillers militaires de la Mission, qui
ont été portés de cinq à huit personnes. Les mécanismes de gestion révisés ne
prévoient pas la participation directe des conseillers militaires au processus de
désarmement, de démobilisation et de réinsertion mais la situation ayant évolué
depuis, l’on souhaite que les chargés de liaison militaire soient plus directement
associés à ce processus, à la réforme du secteur de la sécurité et au règlement des
conflits locaux. Je propose donc d’ajouter quatre nouveaux chargés de liaison
militaire au Groupe des conseillers militaires, dont les effectifs passeraient ainsi de
8 à 12 personnes et qui serait composé d’un conseiller militaire et de 11 chargés de
liaison militaire. La Mission pourrait ainsi déployer en permanence un conseiller
militaire dans chacun de ses huit bureaux régionaux et faire participer les conseillers
militaires au suivi du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion dans
tout le pays pour rétablir la confiance. De telles mesures seraient particulièrement
bienvenues au moment où le processus de désarmement, démobilisation et
réinsertion atteint un pic d’activité.

VI. Observations

59. En dépit d’obstacles considérables, l’application de l’Accord de Bonn se
poursuit dans son ensemble. Des consultations préalables à l’élaboration de la
nouvelle constitution se tiennent actuellement dans la perspective de la Loya Jirga
prévue en octobre 2003, et les préparatifs de l’enregistrement des personnes
habilitées à participer à l’élection nationale qui doit être organisée d’ici à octobre
2003 ont commencé. Le Gouvernement continue à étendre son autorité au-delà de
Kaboul, quoique de manière encore insuffisante, et il a pleinement compris la
nécessité de continuer à réformer les principales institutions, notamment celles
chargées de l’application des lois et de l’administration de la justice, dont
l’importance est capitale pour le rétablissement de l’état de droit. La réforme de
l’administration civile et l’adoption de mesures provisoires devant permettre de
verser leur traitement aux fonctionnaires l’aideront à développer ses moyens
d’action, accroître son efficacité et améliorer son fonctionnement interne.

60. L’Administration transitoire est consciente que pour étendre davantage encore
son autorité, elle doit faire comprendre très clairement qu’elle ne tolèrera pas
l’insubordination et la corruption dans ses rangs et qu’elle tiendra ses représentants
comptables de leurs actes. Il semble déjà, d’après certains signes, que les
engagements pris par les gouverneurs et les commandants qui ont été convoqués à
Kaboul par le Président ne se traduiront pas nécessairement par des mesures
tangibles. L’attitude persistante de défi qu’affichent certains des principaux
gouverneurs et dirigeants locaux est troublante. Je demande donc instamment aux
États Membres d’aider l’Administration transitoire à renforcer son autorité et je les
encourage à traiter directement avec le Gouvernement central.

61. Au moment où l’Afghanistan tente de relancer son économie et d’assurer son
autonomie financière, la communauté internationale doit continuer à se mobiliser
pour que la tâche de reconstruction et de réforme politique qui incombe à
l’Administration transitoire puisse se poursuivre. La communauté des donateurs
s’est engagée à appuyer le Gouvernement. Les États membres se doivent désormais
de remplir leurs engagements financiers et autres.

62. Cependant, sans la sécurité, le fruit des efforts du Gouvernement afghan et des
importants investissements de la communauté internationale risque d’être
compromis. Au cours des mois à venir, le pays va entrer dans une phase critique de
la réconciliation nationale et de la normalisation politique. La légitimité de la Loya
Jirga constituante et de l’élection nationale dépendra du climat dans lequel elles se
dérouleront, qui devra être exempt de pressions politiques et d’actes d’intimidation.
L’organisation de l’élection nationale est particulièrement difficile dans la situation
d’insécurité actuelle et risque d’être perturbée par ceux qui cherchent soit à en
manipuler les résultats, soit à faire capoter l’élection elle-même.

63. L’Accord de Bonn prévoit la tenue d’élections générales libres et honnêtes
dans le pays au cours de l’été 2004. La réalisation de cet objectif suppose le
déroulement d’un processus électoral qui permette aux Afghans satisfaisant aux
critères voulus de participer au scrutin. Elle suppose également que soient remplies
de nombreuses conditions techniques, logistiques et juridiques préalables,
notamment, l’adoption d’une loi électorale et la mise en place d’un réseau de
bureaux de vote qui permette à la population de participer véritablement à l’élection.
Les donateurs devront donc verser des fonds aussitôt que possible pour que l’on
puisse préparer et déployer le personnel et le matériel électoraux suffisamment
longtemps à l’avance. Cependant, s’il est nécessaire d’organiser l’élection et de
commencer à la préparer techniquement, cela ne suffit pas, car si l’environnement
approprié en matière de sécurité n’est pas mis en place, la population de certaines
régions du pays se trouvera inévitablement privée de l’exercice de ses droits. De
même, si l’environnement politique approprié n’est pas mis en place, l’élection ne
sera pas libre et pourrait aisément être détournée de son but pour servir les intérêts
de quelques factions au lieu de servir ceux du pays tout entier. L’ONU, les pays
donateurs et le Gouvernement devront prendre les mesures financières, juridiques,
politiques et de sécurité nécessaires pour que l’élection soit crédible et puisse
constituer un incontestable pas en avant dans l’établissement de la paix.

64. En Afghanistan, où les conséquences de la guerre civile sont encore visibles et
où des factions tentent d’imposer leur loi à la faveur de l’effondrement des Taliban,
la création d’un environnement respectueux des normes de liberté et de justice
énoncées à Bonn, indispensable au déroulement du Processus de Bonn s’annonce
particulièrement difficile. Il faut cependant relever ce défi, avant de passer aux
autres étapes du Processus de Bonn, notamment à l’élection de 2004. À l’heure
actuelle, cet environnement n’existant pas réellement, on s’emploie à définir
clairement les conditions que le Gouvernement afghan, les institutions afghanes et la
communauté internationale doivent remplir selon un calendrier précis pour organiser
une élection crédible - et qui doivent être comprises et acceptées par tous. Ces
conditions, qui constituent un plan général d’organisation de l’élection de 2004, sont
les suivantes : réforme des institutions nationales chargées d’assurer la sécurité,
mise en route du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, et
d’ici à l’été 2004, achèvement du programme dans les principales agglomérations,
création et mise en place des cadres juridiques et institutionnels nécessaires au
déroulement des élections et notamment adoption de la nouvelle constitution,
réforme des médias (radio et télévision) et des lois régissant le fonctionnement de la
presse, et formation et déploiement d’un nombre suffisant de membres des forces de
sécurité professionnelles pour garantir la sécurité du personnel électoral et la
participation politique des Afghans. Mon Représentant spécial s’attache
actuellement en collaboration avec nos partenaires nationaux et internationaux sur le
terrain, à affiner ces conditions et à coordonner les efforts nécessaires pour leur
réalisation.

65. Parmi ces priorités, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des
groupes armés sont considérés invariablement par les Afghans comme la principale
condition à l’instauration d’une paix durable. Le désarmement de ces groupes est
fonction de la réforme du Ministère de la défense, auquel a été confiée l’exécution
du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion. La crédibilité
de ce ministère en tant qu’institution chargée d’assurer la sécurité dans tout le pays,
quels que soient l’environnement régional et ethnique et les affiliations politiques,
est un préalable à une large acceptation du programme de désarmement, de
démobilisation et de réinsertion et à une réelle coopération aux fins de la réalisation
de ses objectifs. Le fait que de nombreux Afghans considèrent toujours que
certaines grandes institutions nationales ne sont pas représentatives de l’ensemble
de la population afghane constitue cependant un grave obstacle, non seulement au
bon déroulement du processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion,
mais aussi à la réalisation des autres objectifs du Processus de Bonn. S’il est
particulièrement indiqué de commencer par réformer le Ministère de la défense, il
faudra donc, à terme, réformer toutes les institutions publiques de manière à leur
donner un caractère national. C’est pourquoi je demande instamment au
Gouvernement afghan de prendre sans plus tarder toutes les mesures nécessaires
pour poursuivre les réformes qu’il a entreprises et j’encourage les États Membres à
l’aider en ce sens.

66. Dans leur très grande majorité, les membres des forces armées afghanes voient
d’un bon oeil la possibilité d’échanger leur fusil contre une formation et une
réinsertion sociale, mais il y a dans le pays des personnes que la guerre a enrichies.
Faire de l’économie de guerre afghane une économie de paix suppose que le
Gouvernement prenne des mesures d’incitation - et de répression - à l’égard de
ceux qui tirent profit de la violence et de l’instabilité. À cet égard, la culture, la
production et le trafic de stupéfiants illégaux sont particulièrement inquiétants, car
ils menacent la paix dans le pays et ont aussi des conséquences régionales et
mondiales. Le fait que les agriculteurs afghans dépendent de la culture du pavot
pour survivre complique la recherche d’une solution. Le Gouvernement étant de
plus en plus à même de faire prévaloir le droit, il pourra mieux réprimer les
manquements à la loi, mais pas avant un temps assez long. En attendant, il faudra
aider les agriculteurs à trouver d’autres moyens de subsistance car presque rien ne
les incitera à cesser de cultiver le pavot s’ils ne disposent pas de solutions de
rechange viables et si les lois ne sont pas appliquées avec suffisamment de rigueur.

67. La présence à Kaboul de la Force internationale d’assistance à la sécurité
contribue largement à y assurer la sécurité, à y faire reculer la criminalité et à
redonner confiance aux Kaboulis. La participation de l’OTAN permettrait peut-être
de débattre à nouveau de la question de l’élargissement du mandat de la Force
internationale à l’extérieur de Kaboul mais dans l’état actuel des choses, il faut
continuer à étudier les moyens d’obtenir en dehors de la capitale, avec les
ressources disponibles, des résultats analogues à ceux dont elle bénéficie. On ne
peut que se féliciter de l’intérêt que les États Membres manifestent pour les équipes
provinciales de reconstruction, mais il faut souligner que dans l’environnement
actuel, ces équipes n’apportent pas de réponse au problème de l’insécurité car elles
ne constituent que l’un des éléments de son règlement à long terme. En définitive, la
sécurité doit être assurée par les institutions afghanes compétentes, mais former
suffisamment de membres des forces de sécurité professionnelles, notamment de la
police et de l’armée nationales, prendra plusieurs années. Dans l’intervalle, il
faudra, pour contenir la menace que constitue l’instabilité permanente dans le pays,
que la communauté internationale se mobilise. Échouer à assurer une sécurité
suffisante pour donner suite au Processus de Bonn peut avoir des incidences bien
au-delà des frontières de l’Afghanistan.

68. Pour conclure, je saisis cette occasion pour remercier mon Représentant
spécial, Lakhdar Brahimi, et le personnel de la MANUA de leurs efforts inlassables
et de leur dévouement sans faille en faveur de l’Afghanistan.

Source : ONU
Références : A/57/850, S/2003/754