On rappellera que seule la jurisprudence encadre le port de signes religieux à l’école. En effet, le Conseil d’État, notamment dans un arrêt association Un Sysiphe du 10 juillet 1995, a considéré que les circulaires du ministère de l’éducation nationale se contentaient de rappeler le droit existant et avaient donc une simple valeur interprétative. Par conséquent, les limites juridiques posées au port de signes religieux à l’école reposent simplement sur une base jurisprudentielle : elles sont dépourvues de fondement législatif.

Ce système semble peu compatible avec les prescriptions de la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales qui impose - on l’a vu - que les restrictions à l’exercice d’une liberté fondamentale aient une base légale. De plus, selon la Cour européenne des droits de l’homme, cette base légale doit être claire et prévisible.

Lors de son audition par la mission, M. Michele De Salvia48, jurisconsulte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme a précisé : « Pour que cette ingérence soit autorisée par la convention, il faut qu’elle ait une base légale. Je plaiderais donc plutôt en faveur de cette base, si le système devait s’inscrire, bien évidemment, dans le cadre de l’interdiction. (...) La base légale, selon la jurisprudence, n’est pas seulement la loi mais toute disposition ayant une valeur législative. (...) La jurisprudence pose cependant d’autres conditions. Il faut que la loi soit accessible et prévisible, c’est-à-dire que le comportement soit prévisible et qu’elle ait une certaine qualité. ».

La Cour européenne des droits de l’homme admet, dans sa jurisprudence, des bases, ayant valeur égale à la loi, c’est-à-dire parfois des normes réglementaires ou jurisprudentielles. Cependant, les normes juridiques encadrant actuellement le port de signes religieux en France ne semblent ni « accessibles », ni « prévisibles » et surtout, s’agissant de l’exercice d’une liberté publique, la loi est nécessaire en droit français.

Fragile sur le plan des principes et délicat dans sa mise en œuvre, le système juridique actuel montre aussi ses limites sur le plan du droit international. L’intervention du législateur apparaît donc justifiée.


Source : Assemblée nationale française