Le sénateur démocrate Edward Kennedy relève dans le Washington Post que l’attaque de l’Irak n’était justifiée par aucun des arguments publiquement avancés, mais avait été planifiée à l’avance pour d’autres mobiles. Les conséquences en sont désastreuses pour les États-Unis, aussi bien en termes de vies perdues que de relations internationales détériorées. C’est pourquoi, conclut-il, Bush doit partir.
Gore Vidal, que les critiques qualifient souvent de plus grand écrivain états-unien vivant, va plus loin encore. Il ne se contente pas d’appeler à changer l’hôte de la Maison-Blanche, mais déplore la dérive politique de son pays. Dans The Independent, il constate que la moitié de ses concitoyens, pris de dégoût, n’ira pas voter. Tandis que l’opinion publique intérieure se divise entre impérialistes et anti-impérialistes sous l’œil silencieux des grands médias qui, devenus de purs instruments de propagande, ignorent toute contestation du système. Le moment est venu, assure-t-il de rédiger une nouvelle constitution. Peut-être cela sera-t-il l’objet des élections suivantes.

L’ancien sénateur démocrate Gary Hart donne, dans le Washington Post, un exemple du décalage entre la vérité médiatique et les faits auquel il a assisté. Ainsi, il révèle qu’il a participé à des contacts secrets états-uno-libyens, en 1992, et que Bush père refusa d’y donner suite. Il en conclut que l’évolution actuelle des relations entre les deux pays n’est nullement due à une inflexion libyenne après l’attaque de l’Irak, mais à un changement états-unien.
Un autre exemple de ce décalage est évoqué par l’ambassadeur Tony Kevin, dans The Age. Il s’y indigne des mensonges du Premier ministre John Howard à propos de l’engagement australien en Irak. Il apparaît aujourd’hui que, contrairement aux déclarations officielles, les SAS australiens sont entrés en action en Irak avant le début officiel des hostilités.
Il existe toutes sortes de mensonges en politique, en voici un qui ressort de l’intoxication classique : Nir Boms et Erick Stakelbeck, proches de l’ancien patron de la CIA James Woolsey, s’indignent dans le Jerusalem Post du traitement infligé par la France au dissident syrien Nizar Nayouf. Celui-ci, qui a obtenu le statut de réfugié politique, se serait vu interdire de revenir en France s’il allait participer à un colloque aux États-Unis. Pour les deux auteurs, cette affaire soulève la question des liens inavouables entre Paris et Damas. Il se trouve que Nizar Nayouf joue aujourd’hui pour les services de propagande d’Israël et des États-Unis le rôle qui fut dévolu l’année dernière aux « transfuges » irakiens. Nayouf prétend savoir, de source anonyme, que les fantomatiques armes de destruction massive irakiennes sont cachées en Syrie. Ses imputations servent de fondement aux déclarations belliqueuses de Condoleezza Rice sur fond de déploiement des forces US.
Il existe aussi des mensonges que l’on croit de courtoisie et qui ne font qu’ajouter à la confusion. Le Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, publie une tribune libre dans dix quotidiens de pays qui viennent d’adhérer à l’Union européenne. Il s’applique à rassurer ses lecteurs en affirmant que la France ne remet pas en cause l’élargissement, mais l’accompagne d’un approfondissement. La formule vise à faire admettre le projet de Constitution, y compris sa règle de vote, ce qui revient à écarter la règle établie par le Traité de Nice, pourtant rédigé sous présidence française. En outre, cette même formule permet d’annoncer la multiplication de traités entre États « pionniers », ce qui implique concrètement que les prochaines avancées seront intergouvernementales et non pas communautaires. Enfin, Jean-Pierre Raffarin plaide pour une adaptation du Pacte de stabilité, c’est-à-dire concrètement pour démanteler les règles communautaires contraignantes actuelles. Bref, l’on fera paradoxalement avancer l’Union en s’en écartant. Au-delà de l’exercice de style qui consiste à tenir un discours inverse à sa pratique, la question est de savoir pourquoi l’exécutif français persiste dans une rhétorique européenne qu’il vide de sens ? Pourquoi il n’explique pas sincèrement qu’il remet en cause l’évolution institutionnelle des dix dernières années ?
Et puis il y a les mensonges par auto-conviction. Le théologien Ian Bradley défend dans le Guardian le système religieux particulier du Royaume-Uni. Tout en admettant son caractère anachronique, il lui trouve un charme et une adaptabilité qui font défaut aux modèles états-unien et français.

La députée sud-africaine Raenette Taljaard dénonce dans l’International Herald Tribune la prolifération des armées privées dans le monde et leur implication en Irak. Elle rappelle que son pays s’est dotée d’une loi prohibant le mercenariat, mais ne peut interdire à des sociétés de mercenaires sud-africains d’opérer en Irak sous contrat de la Coalition. Soulignons qu’à l’initiative de l’ONG Survie, une loi comparable a été adoptée par le Parlement français.
Enfin, le colonel Bob Stewart se fait le porte-parole de ses collègues dans le Scotsman. Les forces britanniques en Irak sont sous-équipées et soumises à des feux « amis » de leurs homologues états-uniens. La responsabilité de cette situation, et des pertes qui en découlent, incombe au ministre de la Défense et au Premier ministre, écrit-il.