Lord Hutton et moi avons été très proches à une époque.
Je n’étais en effet qu’à quelques mètres de lui quand il m’a condamné à huit ans de prison pour meurtre, appartenance à l’IRA et kidnapping, sur la foi du témoignage d’un informateur que je n’ai jamais pu voir. Les nationalistes à Belfast le considéraient comme l’ange gardien des soldats et des policiers. Tous ceux qui ont été surpris par les conclusions de la Commission Hutton ne savent manifestement pas comment fonctionne l’establishment et ne l’ont pas vu à l’œuvre en Irlande du Nord. Lord Hutton a commencé à se faire connaître en 1973 en tançant en plein tribunal un médecin légiste qui affirmait que les Paras n’avaient pas de justification pour tirer sur la foule lors du Bloody Sunday. Trente ans plus tard, Hutton prend part à une autre mascarade judiciaire pour blanchir le gouvernement après la mort d’un ancien inspecteur en désarmement. En 1978, il était chargé de défendre le gouvernement britannique devant la Cour de justice de Strasbourg contre le gouvernement irlandais qui affirmait que le Royaume-Uni torturait les détenus irlandais en 1971. Il fit régulièrement acquitter des militaires en privilégiant toujours leurs témoignages sur ceux des civils. En 1984, il condamna dix hommes à une peine cumulée de 1001 années d’incarcération sur la foi du témoignage d’un informateur payé. Il fut également impliqué dans le procès de Brian Nelson, procès qui aurait dû mettre à jour les liens entre les autorités britanniques et les escadrons de la mort loyalistes, mais Nelson plaida coupable contre un arrangement sur sa peine suite à une intervention de John Major.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« My report on Lord Hutton », par Danny Morrison, The Guardian, 3 février 2004.