Samedi, la veille de sa mort, je discutais avec Sami Abdul Rahman. Nous étions ami depuis l’échec du soulèvement kurde de 1991 et il était l’un des négociateurs de la constitution irakienne. Il est mort dans l’attentat suicide de dimanche qui a touché les bureaux des deux principaux partis kurdes, en faisant 60 morts.
Heureusement, les Kurdes sont, parmi les Irakiens, peut-être le groupe le plus à même de faire face à cette tragédie car leurs douze années d’autonomie leur ont donné l’expérience de la continuité du pouvoir. Immédiatement la pression publique a redoublé pour mettre fin à la division du territoire kurde, partagé entre le Parti démocratique du Kurdistan et l’Union Patriotique. En fait, les deux partis se sont mis d’accord sur l’organisation d’un gouvernement uni.
Jusqu’à dimanche, les territoires kurdes avaient été épargnés par le terrorisme, mais en avril les Kurdes ont dû accepter à contre cœur de céder aux demandes de Bagdad et de démanteler la frontière qu’ils avaient installée pour séparer leur territoire du reste du pays. Ils avaient pourtant expliqué que cette barrière les protégeait du terrorisme. L’attentat ne va pas faciliter les liens avec Bagdad où L. Paul Bremer demande aux Kurdes d’abandonner les pouvoirs qu’ils possèdent encore sur leur territoire afin de rassurer les Turcs.
Pour les Kurdes ce n’est pourtant pas une affaire de souveraineté, mais de sécurité. En conservant les taxes et le contrôle des produits pétroliers et en refusant de démanteler leur système de sécurité, ils empêchent tout nouveau pouvoir à Bagdad de les réprimer comme ils l’ont subi pendant 80 ans.

Source
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.

« A Hole in the Heart of Kurdistan », par Peter W. Galbraith, New York Times, 3 février 2004.