La trop longue négligence de Washington envers les pays les plus pauvres de l’hémisphère a entraîné une détérioration de la situation en Haïti. Aujourd’hui, la rébellion armée contre Jean-Bertrand Aristide devient une crise politique hors de tout contrôle qui divise les politiciens états-uniens. Le département d’État craint un nouveau débarquement d’immigrés qui embarrasserait George W. Bush et son frère gouverneur de Floride quand les tenants de la ligne dure soutiennent implicitement l’opposition à Aristide.
La crise haïtienne met au défi la capacité de Washington à mener une politique constructive quand elle n’aime pas le dirigeant élu démocratiquement et qu’elle ne devrait pas aimer son opposition. Il s’agit du même problème que les États-Unis ont connu au Venezuela en 2002. Les États-Unis souhaitaient tellement la chute de Hugo Chavez, qu’ils ont pu laisser croire qu’ils soutenaient le coup d’État, et ce d’autant plus que en ne faisant pression que sur les élus, et non sur les médias et le monde des affaires et des organisations civiques, ces dernières ont échappé au contrôle des États-Unis alors mêmes qu’elles étaient financées par la National Endowment for Democracy.
En Haïti également, des objectifs non démocratiques sont poursuivis au nom de la lutte pour la démocratie et l’aide états-unienne est accordée à des ONG qui sont liées à l’opposition à Aristide. Les États-Unis ont mené en Haïti une politique erratique et aujourd’hui l’administration Bush refuse d’aider économiquement le pays car la Maison-Blanche se méfie des théologiens de la libération. Il faut pourtant qu’Aristide termine son mandat avec le soutien de la communauté internationale.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« United States Can’t Let Haiti Slip Into Abyss », par Michael Marx McCarthy, Los Angeles Times, 15 février 2004.